Guerres & Histoires

DIVISION SAUVAGE: LES ZÉLÉS CAVALIERS CAUCASIENS DE L’ARMÉE RUSSE

Son nom a fait rêver Hugo Pratt, qui l’a abusivement placée sous les ordres du redoutable ataman Semenov dans Corto Maltese en Sibérie. En 2018, le dictateur tchétchène Ramzan Kadyrov a proposé à Moscou de recréer des unités recrutées sur le modèle de cette division mythique chez les musulmans du Nord-Caucase, et le nationalisme russe en a fait une icône de sa propagande. La réalité qui se cache sous l’appellation est pourtant bien plus prosaïque. Si la Division sauvage a gardé une réputation comparable à celle du fameux régiment Préobrajensky ou des chevaliers-gardes, elle s’est moins distinguée par ses aventures échevelées ou par sa supposée férocité que par sa fiabilité militaire et politique – qualité plutôt rare dans la grande tourmente russe des années 1914-1920.

Une tradition russe

La Division sauvage, ou plutôt la Division indigène de cavalerie caucasienne, est née en août 1914. Bien que non soumis à la conscription, de nombreux volontaires musulmans du Nord-Caucase s’organisent alors pour former des groupes de cavalerie irrégulière, que le comte Illarion Vorontsov-Dachkov (1837-1916), ancien ministre d’Alexandre III de 1881 à 1897 et gouverneur du Caucase depuis 1905, propose à Nicolas II de réunir au sein d’une grande unité.

L’idée de Vorontsov-Dachkov n’est pas nouvelle: ces troupes sont une tradition dans l’armée du tsar, même si elles s’appuient moins sur une quelconque ferveur patriotique que sur un échange de bons procédés. L’étatmajor veut d’abord disposer rapidement de plusieurs milliers d’hommes, certes peu disciplinés, mais redoutables cavaliers, spécialistes aguerris de la « petite guerre», indispensables pour les missions de reconnaissance et de poursuite et aptes au service en montagne. Pour Saint-Pétersbourg, il s’agit également de contrôler, voire de fidéliser les Caucasiens les plus turbulents. Car les volontaires ne se présentent pas nécessairement par amour pour la Sainte Russie. En fait, les montagnards siècle. Une fois vaincus, beaucoup ont émigré dans l’Empire ottoman. Mais ceux qui ont accepté la tutelle et se sont engagés dès la guerre russo-turque de 1876 y ont trouvé quelques avantages: titres, décorations, gratifications, privilèges et surtout revenus. Pour ces petits paysans pauvres, l’armée russe garantit une promotion sociale et économique, un sort bien plus enviable que celui de leurs compatriotes passés chez les sultans de Constantinople.

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