Guerres & Histoires

LES AVENTURES DE TURQUIN AU CONGO

G&H : Qui vous envoie au Congo… en quelle qualité ?

Charles Turquin : En qualité de journaliste, mon métier depuis l’âge de 19 ans. L’expéditeur est Raymond Naegels, vénéré patron du Pourquoi pas, où je travaille depuis 1965. Cet hebdo bruxellois, fondé en 1911, est aussi populaire en Belgique que l’aérienne Sabena. « P. P. » se voulait indépendant et semblable au chapeau du duc de Morny : « léger dans la forme, solide quant au fond ». J’accepte la mission avec enthousiasme, pensant à feu mon regretté père qui avait déjà tenté l’aventure africaine mais avait dû rentrer à Anvers du fait d’un méchant paludisme.

À quelle date partezvous et pourquoi ?

En juillet 1967, quand éclate au Congo « la révolte des mercenaires » (voir encadré p. 38). Depuis des mois circule en Belgique une rumeur diffuse : un soi-disant et très mystérieux « plan Kérillis » aurait été machiné à Bruxelles par « les gros intérêts coloniaux » pour renverser le présidentdictateur du Congo, Joseph-Désiré Mobutu. Ce complot met en scène le « bataillon Léopard », appelé aussi 10e Codo (10e commando), de recrutement katangais, formé et commandé par Jean Schramme ; mais aussi un 6e Codo plus hétéroclite, aux ordres d’un Français, Bob Denard. Les deux hommes doivent soulever tout l’est du pays contre Kinshasa. Leur point de ralliement est Kisangani, ex-Stanleyville, Denard arrivant de la province orientale et Schramme du Kivu. Quelques complices doivent éventuellement agir à Kinshasa, la capitale.

Schramme est donc aussi un mercenaire ?

Pas vraiment. C’est un planteur belge, issu de la bonne bourgeoisie brugeoise – encore un francophone des Flandres ! – et installé au Congo. Un véritable « Africain blanc » – vous, Français, diriez « un pied-noir » – qui devient une sorte de pour rester dans ce pays qu’il aime. Officier de réserve de la Force publique, ce planteur pacifique se mue en guerrier redoutable, comme souvent les « civils » qui utilisent leur bon sens plutôt que les procédures admises. C’est un homme loyal, rien à voir avec Denard qui mène un jeu bizarre, sans doute appuyé en sousmain par un quai d’Orsay qui ne s’est jamais consolé d’avoir perdu le match Stanley-Brazza. Bref, Denard ne fait pas sa part du boulot : il devait amener à Kisangani 1 500 hommes dont 500 mercenaires et son 6 Codo. Au final, il arrive avec une vingtaine de mercenaires et 200 Africains ! Puis il se débrouille pour recevoir une blessure légère et se faire évacuer par avion. Si bien que Schramme, incapable de tenir seul Kisangani face aux renforts de l’ANC – l’armée nationale congolaise aux ordres de Mobutu – doit se replier sur la province du Kivu. C’est une incroyable anabase de 800 km, progressant avec un bulldozer, quatre jeeps équipées de mitrailleuses et un long convoi de camions, où il y a surtout des civils, désireux d’atteindre la

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