Les Romains, grands spécialistes des emprunts culturels, n’ont pas inventé la célébration des victoires militaires (voir encadré), mais ils ont été les premiers à la ritualiser véritablement à travers un grand défilé appelé triumphus – le triomphe. Sous la République, le rôle donné à ce cortège permet bien sûr au peuple d’acclamer les soldats vainqueurs, mais aussi de récompenser leur chef et, plus largement, de glorifier la cité. Avec le temps, cette cérémonie publique qui se déroule dans les rues mêmes de Rome recoupe des enjeux militaires, religieux et surtout politiques. Tout cela est mis en scène selon un protocole millimétré que l’on a longtemps cru immuable, répété de siècle en siècle. Son caractère spectaculaire, pleinement assumé dans son organisation même, en a fait un sujet d’expression privilégié pour les cinéastes voulant faire revivre la Rome antique dans les péplums (Cléopâtre, Mankiewicz, 1963), mais aussi dans les séries (Rome, 2005-2007). Si le triomphe est devenu un des traits caractéristiques de la civilisation romaine dans la culture populaire, il a aussi marqué la conception de la victoire en Occident à travers les siècles, en tant qu’ancêtre des grandes parades militaires.
Un déroulement scénarisé
Parce que la période a été riche en conquêtes, on recense pas moins de 254 cérémonies triomphales sous la République (509-27 av. J.-C.), dont 173 triomphes dits « classiques» documentés, auxquels s’ajoutent, aujourd’hui disparue et dont on ignore s’il s’agissait d’un monument permanent ou de circonstance). La procession traversait les lieux les plus symboliques de la ville, comme le Forum, et s’achevait sur la colline du Capitole, devant le temple de Jupiter.