Si l’on inclut les opérations navales, Allemands et Soviétiques se sont battus quasiment sans interruption sur, au-dessus et au large de la Crimée, du 22 juin 1941 à juin 1944. La position de contrôle de la presqu’île, de la Roumanie au Caucase, l’attention particulière portée par la Turquie – neutre – à son ancienne possession, les obsessions nazies sur le passé et l’avenir du Gotenland expliquent le véritable acharnement des deux camps à prendre, garder ou reprendre la Crimée.
Le plan de l’opération Barbarossa ne mentionnait pourtant pas la péninsule, et Hitler n’y prêtait guère attention jusqu’à ce que les Soviétiques s’en servent comme base à partir du 9juillet 1941 pour lancer 8 raids aériens contre les installations pétrolières de Ploesti. Les puits roumains étant vitaux pour le Reich, le Führer décide le 23juillet 1941 de conquérir la presqu’île. Ce n’est donc pas la fonction navale, c’està-dire le port de Sébastopol, mais la fonction aérienne de la Crimée – 5 grands aérodromes et les meilleures conditions de vol de toute l’URSS – qui va déchaîner les foudres de la Wehrmacht. La conquête est dévolue à la 11e armée confiée le 15 septembre au général von Manstein, ainsi qu’à des unités de la 3e armée roumaine.
Manstein à la manœuvre
Le plan de Manstein est simple: son LIVe corps traversera le bas Dniepr à Beryslav puis foncera sur les 130 km de steppe qui séparent ce point de Perekop pour occuper la porte d’entrée traditionnelle de la Crimée. Le Dniepr est passé de vive force le 17 septembre. Le 24, les 2 divisions et demie du LIVe corps abordent l’isthme de Perekop, défendu par la 51e armée de Fiodor Kouznetsov. Ce chef est médiocre, mais la noix est plus dure que prévu à craquer. Manstein a en effet dû céder les 2 autres corps de son armée et la brigade (bientôt division) SS-Leibstandarte Adolf Hitler (SS-LAH) à une autre opération sur la mer d’Azov. En six jours de combats continus, le LIVe corps n’avance donc que de 20 km. Il emporte certes les lignes de défense barrant l’isthme puis le mur des Tatars et fait 10 000 prisonniers, mais il perd 3 000 hommes, soit 20 % de ses effectifs combattants. Manstein ordonne une pause, le temps de rameuter ses autres corps et les Roumains.
Le 28 septembre, le vice-amiral Oktyabrsky, chef de la Flotte de la mer Noire et des forces en Crimée, explique à Staline que la chute de la Crimée entraînera celle d’Odessa. Défendre le grand port ukrainien assiégé depuis le 8 août ne sert à rien: il faut évacuer –, portant le total à 160 000 hommes, plus 25 navires armés de 250 canons et 20000 t de munitions. Oktyabrsky renforce ainsi sa seconde armée, dite armée côtière, confiée à Ivan Petrov. Parallèlement, il rafistole les défenses terrestres de Sébastopol, négligées avant guerre, personne n’imaginant une avance ennemie aussi loin à l’est.
