Pour réussir une offensive, le bon sens militaire recommande traditionnellement une supériorité de trois contre un. Quand le 23 juin 1941 s’engage la bataille de Doubno, le ratio des forces blindées atteint même 3,8 contre 1 – mais à l’avantage des défenseurs soviétiques! Et pourtant, les panzers sortent victorieux de ce choc incroyablement risqué : mais avec un allié imprévu dans leur camp, Joseph Staline.
À l’origine de ce déséquilibre, une dispute sur l’objectif principal de l’opération Barbarossa, qui doit terrasser l’URSS. Franz Halder, chef de l’OKH, l’état-major de l’armée de terre, veut foncer au centre, pour arracher à Moscou le cœur politique du bolchevisme. Obnubilé par les nécessités économiques, Hitler, lui, préfère les ailes : celle du nord vers les pays baltes et le grand centre industriel de Leningrad, celle du sud vers l’Ukraine et ses richesses agricoles et minières. Les deux s’accordent au final sur un compromis : la Wehrmacht courra les trois lièvres à la fois.
À cause du fractionnement des forces, le groupe d’armées (Heeresgruppe, ou Hgr. en abrégé) Sud voit son ordre de bataille réduit d’emblée. Quand son voisin du Hgr. Centre dispose de deux armées blindées (Panzergruppen, ou Pzgr.) et bien que sa responsabilité couvre la zone allant des marais du Pripet jusqu’à Odessa (plus de la moitié du front, 700 km à vol d’oiseau), le maréchal von Rundstedt ne reçoit que le seul Pzgr. 1 (von Kleist). Qui plus est, ses 9e, 11e, 13e, 14e et 16e Panzerdivisionen (PzD, voir encadré p. 30) figurent parmi les moins puissantes de la Wehrmacht en nombre de chars. Leurs effectifs sont complets, cependant, et elles comptent 50 % de modèles récents. Avec les 6e et 17e armées qui appuient le Pzgr.1, le Hgr. Sud aligne environ 700000 hommes et 1267 chars, Sturmgeschütz et Panzerjäger.
À cause des purges qui ont décimé l’Armée rouge, nombre de chefs sont incompétents ou inexpérimentés.
Rundstedt est chargé d’atteindre le Dniepr dans la région de Kiev tout en encerclant les forces soviétiques à l’ouest du fleuve. Le Pzgr. 1, appuyé par les 6 et 17 armées, va donc devoir percer entre les 5 et 6 armées soviétiques puis foncer tout droit jusqu’à Kiev avant de virer au sudest pour piéger ce qui reste de l’Armée rouge en Ukraine. Vaste programme, dont la Wehrmacht, mal renseignée, ne soupçonne pas la difficulté. Certes, le Front du Sud-Ouest du général Kirponos qui fait face au Hgr. Sud aligne lui aussi trois armées, les 5, 6 et 26 – en laissant de côté les forces stationnées devant la Hongrie et la et 8 CM, ).
