Un crémant peut-il rivaliser avec un champagne? Telle est la question inlassablement posée par les médias chaque année quelques semaines avant les fêtes. Car dans l'imaginaire collectif, l'effervescence d'un crémant reste indissociable de celle du champagne, un peu comme le rosé colle à la peau de la Provence. Pourtant, les crémants se distinguent de plus en plus du roi des effervescents en cultivant leur identité propre.
Avant tout, il semble utile de rappeler quelques notions essentielles au sujet du crémant. Il est, bien entendu, produit en dehors de la Champagne. Huit régions françaises revendiquent une appellation d'origine Crémant: l'Alsace. Bordeaux, la Bourgogne, Die, le Jura, la Vallée de la Loire, Limoux et, depuis 2015, la Savoie. Toutes respectent un cahier des charges qui leur est propre: cépages, vendanges à la main, seconde fermentation en bouteille, neuf mois de vieillissement sur lattes minimum… La superficie totale consacrée au crémant dans l'Hexagone représente 11000 hectares pour une production de 96,6 millions de bouteilles par an, contre 320 000 000 en Champagne.
AMBASSADRICES ET SPÉCIALES
Pour cette dégustation, nous avons initié un “tour de France” afin de comprendre les nuances des crémants région par région. Un voyage passionnant. Nous avons demandé aux producteurs d nous fournir deux de leurs crémants. Leur cuvée ambassadrice d'une part, c'est-à-dire le crémant le plus produit et bien souvent le moins cher de leur gamme, et d'autre part une cuvée spéciale (signalée dans notre dossier par une étoile) illustrant un savoir-faire particulier, une autre vision du crémant. Cette dernière peut être issue d'une sélection parcellaire, d'un assemblage de cépages spécifique, d'une vinification sans soufre, d'élevages dans des contenants différents de la cuve inox (fût, foudre, amphore…) ou peut avoir bénéficié d'un vieillissement prolongé sur lattes.
Ce sont les crémants de cette catégorie spéciale qui nous ont le plus enthousiasmés. Leur parfum subtil, leur sagesse, leur finesse de bulle, la patine de leur texture, leur vinosité les placent sans aucun doute dans l'univers des grands effervescents. Quelques exemples de ces vins magnifiques? En Alsace, le Clos Liebenberg 2013 de Valentin Zusslin, le brut nature 2012 de Barmès-Buecher ou encore le brut nature de Vincent Fleith; en Bourgogne, la cuvée Prestige de Narcès 2019 de Bruno Dangin; danslejura, BBF de Bénédicte et Stéphane Tissot; à Limoux, Joséphine des Hautes Terres.
ALSACE ET JURA, TERRES DE BULLES
Il est temps d'entamer notre périple hexagonal. Nous débutons par l'bAlsace, la plus importante région productrice de crémant. En témoignent les 195 échantillons reçus. Ici, lesgrosfaiseurs de bulles souvent neutres et fluettes côtoient les grands noms pour qui le crémant est une cuvée identitaire à l'instar de leurs grands blancs. Ils se nomment, entre autres, BarmèsBuecher, Zusslin, Bott-Geyl, Albert Mann…
Nous poursuivons avec la Bourgogne où les pinots noirs peuvent révéler beaucoup de finesse et une ampleur pleine d'ambition. Des artisans historiques comme Louis Picamelot et Bruno Dangin rivalisent sans difficulté avec les grands effervescents.
Vient ensuite le Jura, une petite région où l'on déniche pourtant une myriade de belles bulles typées par le chardonnay, le savagnin et parfois le pinot noir. Le caractère oxydatif automnal est ici cultivé à merveille, notamment par la Fruitière Vinicole deVoiteur.
Plus au sud, nous abordons le Languedoc avec le vignoble de Limoux, un formidable terrain de jeu pour les effervescents qui disposent de cépages captivants, comme Je mauzac, le chenin, le chardonnay et le pinot noir, et de terroirs en vallée ou en altitude,