Combiner la pénétration de la bombe avec la portée de la torpille dans un engin volant télécommandé… Les spécialistes de l’armement naval en rêvent dès la naissance de l’aviation et étudient de tels engins dès la Première Guerre mondiale. Il faut cependant attendre 1943 pour que les technologies de propulsion et de guidage arrivent à une maturité suffisante pour donner naissance au premier missile air-surface radiocommandé, le Henschel Hs 293. Ce missile rudimentaire coule une quinzaine de navires avant que les Alliés n’apprennent à en brouiller le guidage. Puis l’arme disparaît des radars, faute d’affrontements navals pendant la guerre froide. Elle continue cependant de progresser dans les laboratoires – surtout chez les Soviétiques, qui voient dans le missile antinavire un moyen bon marché de contester l’écrasante suprématie navale américaine.
Mortel comme le Styx
Le 21 octobre 1967, le destroyer , fleuron de la marine israélienne, est coulé au large de Port-Saïd par trois missiles P-15 tirés par deux vedettes Komar égyptiennes, au déplacement 28 fois inférieur. Cette brutale inversion du rapport de force provoque un électrochoc dans les états-majors: si l’engin était parfaitement connu des services de renseignement occidentaux qui l’ont rebaptisé Styx, l’OTAN n’a rien entrepris pour s’en protéger, ni pour se procurer un équivalent. Seule la marine suédoise a cherché dès 1959 à s’en inspirer. Elle a demandé pour cela à la société française Nord-Aviation de transformer son CT 20, un engin-cible à réaction, en missile antinavire Rb 08, opérationnel en 1967. Cette première expérience paraît modeste, mais elle est fondatrice car elle révèle aux ingénieurs français le double défaut commun au Styx et au Rb 08. D’abord, le guidage radio utilisé pendant la croisière du missile est vulnérable au brouillage. Ensuite, l’attaque du missile en piqué, guidée par un autodirecteur électromagnétique actif (un mini-radar), est