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Nécrotribulations martiennes
Nécrotribulations martiennes
Nécrotribulations martiennes
Livre électronique148 pages1 heure

Nécrotribulations martiennes

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À propos de ce livre électronique

215… Le Père-Lachaise est sur le point d’être rasé. Un archéologue de la planète Mars, Phénix Chabotopoulos, est envoyé sur Terre, par le Centre de Recherches Spatio-Nécropolitaines, pour récupérer les derniers QR codes funéraires, encore actifs, du cimetière. Les tombes ont été placées sous la surveillance de nécrorobots. Accompagné de son cobot Asimov 66, le Martien se lance dans une aventure qui se double d’une quête de ses origines et fait de lui un fugitif. La rencontre d’Extasia, rebelle nécropolitaine, le précipite sur la route de l’Atlantide.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Autrice d’une thèse sur Edgar Poe, Marie Jardez s’intéresse de longue date à la littérature de l’imaginaire, avec une prédilection pour les domaines du fantastique, de l’étrange et de la science-fiction. Ses errances nécropolitaines, les rencontres qu’elles ont occasionnées, l’ont fait bifurquer sur le chemin de l’écriture fictionnelle. Poe et Kafka sont les deux piliers de la littérature qui nourrit son imaginaire.
LangueFrançais
ÉditeurTourments
Date de sortie10 mars 2025
ISBN9782372243520
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    Aperçu du livre

    Nécrotribulations martiennes - Marie Jardez

    À E.Z.

    Mes remerciements à Anne et à André Chabot,

    gardiens de La Mémoire nécropolitaine.

    I

    Le 21 mars 2057, la mairie de Paris avait inauguré le premier arrondissement entièrement végétalisé de la capitale. Il avait fallu moins de dix ans pour mener à bien ce projet de grande envergure qui touchait essentiellement le cœur emblématique de la ville, autrement dit, les deux îles, Saint-Louis et la Cité. Puis, à des fins éco-touristiques, on l’avait étendu en bordure des deux rives. Plusieurs essais, couronnés de succès, au cours de la précédente décennie, avaient transformé les principaux monuments qui faisaient la fierté de Paris, en d’impressionnants îlots de verdure que le monde entier venait saluer.

    Pendant quelque temps ce fut l’euphorie. L’idée gagnait du terrain. Et, à la grande joie des touristes et des Parisiens, de nombreux secteurs de la ville prirent l’aspect de petits paradis verts, où il faisait bon vivre. On se disputait à prix d’or la location de paillotes sur les quais de la Seine, que l’on alimentait régulièrement, en période sèche, d’eau de mer dessalée, transportée par pipelines, depuis le Havre et Dunkerque. Paris-plage avait un air de lagon idyllique avec ses palmiers et ses cocotiers nonchalants, lesquels avaient pris racine dans un sol de sable blanc par-dessus l’ancien bitume.

    La plupart des espaces verts avaient fait peau neuve, vu que certaines espèces d’arbres avaient muté, d’autres dépéri. Au départ, le Ministère de l’Environnement avait investi un gros budget pour préserver les platanes et les marronniers des grands axes et des quais de Seine mais comme de nombreuses variétés de palmacées se plaisaient aux nouvelles tendances du climat francilien, lequel, après une phase méditerranéenne, relativement stable, d’une quinzaine d’années, était devenu franchement tropical, elles avaient remplacé peu à peu de vieilles espèces, que quasiment personne ne regrettait.

    Dans les années deux mille soixante, parmi les zones de la capitale que la nouvelle politique environnementale privilégiait, le Père-Lachaise occupait une place de choix. Sa situation élevée et sa superficie de quarante-quatre hectares étaient certes des atouts majeurs. De plus, c’était un des rares secteurs de Paris à avoir résisté aux investissements sauvages de promoteurs peu scrupuleux, la plupart originaires de Chine et d’Arabie Saoudite. Nombre de leurs projets ambitieux s’étaient heurtés à l’opposition de La Mémoire nécropolitaine, une association parisienne de renom international, très impliquée dans la défense et la conservation du patrimoine mondial funéraire. Elle était surtout célèbre pour ses opérations coup-de-poing visant la sauvegarde des cimetières. Aussi, grâce aux Nécropolitains, le saccage du Père-Lachaise n’avait pas eu lieu. Il faut dire que ceux-ci jouissaient alors d’un grand crédit auprès des Ministères de la Culture et de l’Environnement, lesquels avaient cru les honorer en les nommant uniques dépositaires des Cendres du Grand Napoléon. C’était mal les connaître…

    L’association parisienne avait toléré néanmoins quelques aménagements dans l’enceinte du Père-Lachaise et donné son agrément pour l’élévation d’une tour dans la quatre-vingt-septième division, à côté de l’ancien Columbarium, destinée à accueillir les urnes des défunts que le vieux bâtiment ne suffisait plus à renfermer. L’édifice avait été construit avec des matériaux écologiques innovants, parmi lesquels le béton transparent et le bois renforcé venaient en tête. Un isolant de dernière génération, ultra performant, la préservait de toute atteinte climatique. Or, avec le temps, les crémations, soumises à des quotas drastiques, s’espacèrent. Des directives européennes tendaient à enrayer cette antique pratique hostile à l’environnement, si fait que parmi les solutions d’avenir, jugées aussi efficaces qu’équitables, après avoir expérimenté le compostage des corps, un procédé certes responsable mais beaucoup trop lent, on opta pour l’aquamation. La France était fière de compter parmi les dix premiers états de la planète à avoir légalisé cette pratique qui dérangeait les traditions. La méthode en elle-même n’avait rien de particulièrement novateur, elle consistait à plonger les cadavres dans des solutions alcalines, portées à haute température, le temps de leur dissolution. Il était possible de récupérer, au bout de quelques heures, les ossements d’un squelette parfaitement nettoyé, réduit en poudre ainsi que des prothèses en titane, le plus souvent recyclées dans l’aéronautique et dans la robotique, dont le commerce, qui avait lieu parfois au détriment des familles, faisait éclater des scandales. Bref, après la terre et le feu, c’était au tour de l’eau de s’occuper des morts.

    Du Columbarium, on accédait directement à la tour. L’ancien bâtiment, remis au goût du jour, avait subi des transformations fonctionnelles, en accord avec les nouvelles normes énergétiques et les lois handicap, ce qui en faisait un endroit très apprécié des visiteurs, il disposait, en outre, d’un bel espace de conférence polyvalent, d’un service de restauration rapide et d’un salon de détente réservé aux familles des défunts. Les niches destinées aux urnes étaient protégées par des vitres et les cases vacantes avaient été subdivisées pour gagner de la place. En effet, vu qu’on n’inhumait pratiquement plus les morts, il avait été nécessaire de limiter le poids des cendres à deux cents grammes par cadavre pour les transvaser dans des boîtes de taille réduite, (le choix du matériau variait en fonction du budget), sur lesquelles un QR code funéraire, authentifié par La Mémoire nécropolitaine, était fixé.

    Le vingtième et dernier étage de la tour avait été aménagé en héliport pour faciliter l’arrivée des morts et des familles. Précisons que les déplacements en véhicules terrestres n’étaient tolérés que le week-end et que les voies aériennes et souterraines étaient privilégiées le reste du temps. Le pavé, en revanche, était envahi par une armada de mono, bi et tricycles en tout genre, de gyroroues sophistiquées et de planches sans roulettes multiplaces. Des chaussures aérodynamiques à propulsion hydraulique, bien plus performantes que des bottes de sept lieues, faisaient fureur, ce qui ne laissait d’autres choix aux traditionnels piétons que de raser les murs.

    La flore de la nécropole avait pris elle aussi un sérieux coup de neuf. Elle comportait de beaux spécimens de palmiers, de fougères et d’autres arborescences tropicales, lesquelles étaient généreusement irriguées par les eaux recyclées du centre d’aquamation voisin, dont on tirait, en outre, un excellent engrais. Toute une variété d’orchidées exubérantes remplaçait, une fois l’an, le traditionnel chrysanthème de Toussaint, devenu trop rare et coûteux. On osait même des becs de perroquet en bouquet et des compositions d’anthurium sur les tombes. Quant au directeur du cimetière, il nourrissait l’espoir de voir bientôt fleurir, dans les allées, des bougainvilliers et de chatoyants flamboyants. Or la modification du paysage végétal avait eu un impact sur quelques sépultures, en particulier, sur celle de Musset qu’un robuste palmier ombrageait, au lieu de l’aulne que la volonté du poète exigeait. Encore une fois, le directeur du cimetière s’était fait remarquer par son esprit d’invention et un jury d’académiciens accueillit avec enthousiasme la proposition qu’il leur avait faite, de remplacer le mot aulne gravé, à l’origine, sur la stèle, par celui de la nouvelle plantation. C’est ainsi que l’on pouvait lire désormais :

    Mes chers amis quand je mourrai,

    Plantez une palme au cimetière…

    Qui plus est, on jugea l’allitération plus belle. L’octosyllabe était sauvé.

    À la grande satisfaction des citadins, Paris, ville du futur, arborait donc le vert, les quartiers végétalisés en étaient les poumons. La capitale servait d’exemple aux autres grandes cités de l’hexagone. Un décret constitutionnel barra d’une victorieuse diagonale verte le drapeau national, ce que depuis 1789, on n’avait jamais osé faire.

    II

    Or, en vingt ans, le rêve vert vira au noir. Les îlots végétalisés étaient devenus quasiment impraticables, seules les espèces animales particulièrement résistantes y avaient trouvé refuge. Le bruit courait que c’étaient des hommes. Notre-Dame, qui depuis le début du vingtième siècle, avait survécu aux guerres, aux tempêtes et au feu, sans parler des pires transactions immobilières, avait fini par disparaître sous un gigantesque manteau de lierre d’une espèce tropicale invasive des plus coriaces. La Tour Eiffel étouffait sous un carcan de lianes tenaces et autres grimpants. Ses escaliers étaient impraticables et les ascenseurs définitivement à l’arrêt. Seuls des alpinistes aguerris en tentaient encore l’ascension à l’occasion de la Fête nationale. L’Arc de Triomphe avait perdu de sa hauteur, sur la place de l’Étoile devenue le siège d’une forêt d’épineux, il se hérissait de monstrueuses cactées bien adaptées à l’évolution du climat.

    La faune aussi avait changé. On regrettait le temps des lapins et des hérissons citadins. En saison humide, des moustiques et des araignées mutantes, dont il valait mieux éviter la morsure, bien qu’on eût mis au point un vaccin, infestaient les quais de Seine, qu’on avait fini par fermer. Les rouges-gorges, les mésanges et les pinsons avaient fui, les plus chanceux avaient migré vers le grand Nord, plus tempéré. Et cela faisait bien longtemps que les hirondelles ne faisaient plus le printemps.

    À la longue, le dérèglement climatique et la pollution avaient attaqué nombre de monuments de la capitale, des façades rongées par la lèpre s’effritaient, des hôtels particuliers menaçaient de rendre l’âme.

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