Le sourire de Marie: chez Thérèse de Lisieux
Par Sibylle Franque
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Sœur Sibylle est religieuse depuis 32 ans. Elle a accompagné, en divers diocèses, enfants et adolescents, étudiants et jeunes professionnels, entrepreneurs et artistes, personnes âgées et familles en deuil, à travers catéchèse, aumônerie, camps d'été, enseignements, prédication et entretiens spirituels. Elle a été 12 ans en pastorale de la santé (auprès de personnes âgées ou souffrantes), 4 ans en aumônerie d'hôpital. Elle a écrit une thèse sur "La joie du Christ" (Parole et Silence) et est tutrice en théologie dogmatique à l’Université catholique de Lyon.
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Aperçu du livre
Le sourire de Marie - Sibylle Franque
Page de titre
Sœur Sibylle Franque
Le Sourire
de Marie
chez Thérèse de Lisieux
Préface
Dans Histoire d’une âme, Sainte Thérèse dégage trois périodes principales dans sa courte vie :
– Celle de sa naissance jusqu’au décès de sa mère, elle a quatre ans et demi.
– Celle qui court jusqu’à sa guérison de Noël 1886, elle a treize ans.
– La dernière, jusqu’à son entrée dans la vie (le 30 septembre 1897), elle a vingt-quatre ans.
De ces trois périodes, Sainte Thérèse explique elle-même que la deuxième fut la plus douloureuse. Le décès de sa maman fut certainement la cause première de cette souffrance, ravivée par l’entrée de sa sœur Pauline au Carmel.
Dans cette période difficile Thérèse reçut à deux reprises la grâce d’une guérison :
– À la Pentecôte 1883, elle a dix ans : le sourire de la Vierge.
– Le 25 décembre 1886, elle a treize ans : la grâce de Noël, celle-là même qui la fait entrer dans la troisième étape de sa vie, sa course de géant.
Ces deux guérisons ne sont pas la conséquence heureuse d’un traitement médical, Thérèse y reconnaît une intervention divine. La prudence s’impose face à une telle affirmation. Dieu peut-il intervenir ainsi directement ? Ne sommes-nous pas dans l’illusion d’une ferveur enfantine excessive ? Si nous devons rendre grâce pour tous les progrès de la médecine réalisés ces derniers siècles, ceux-ci n’empêchent pas le Seigneur d’agir pour guérir notre cœur et notre esprit. C’est l’expérience heureuse que Thérèse nous rapporte. Nul doute que la première guérison, qui sera confirmée quatre ans plus tard lors d’un passage à Notre-Dame des Victoires, est le signe de la liberté de Dieu qui agit ici par la médiation de sa sainte Mère.
Dans son ouvrage sœur Sibylle nous invite à approfondir le sens de la première guérison de Thérèse. Nous vivons cette réflexion en compagnie de Saint Jean-Paul II, souvent cité, et de Saint Thomas d’Aquin. Nous sommes en bonne compagnie ! Nous avons aussi la joie de méditer de belles citations de Sainte Thérèse elle-même.
La réflexion de sœur Sibylle nous permet à la fois de mieux connaître Thérèse, mais aussi de grandir dans une juste compréhension de la place de la Vierge Marie dans notre vie chrétienne.
Oui, Thérèse a été guérie par le sourire de Marie. Sa guérison est d’abord le fruit d’une ferveur familiale qui met en valeur l’importance de la piété populaire, si chère au pape François. Prier le chapelet, faire célébrer des messes au sanctuaire Notre-Dame des Victoires, vénérer une statue… voilà ce qui fut accompli et qui permit à ce sourire de produire tout son effet. Sainte Thérèse accueillera dans la foi cette guérison.
La grâce reçue par sainte Thérèse, proclamée Docteur de l’Église par saint Jean-Paul II, constitue aussi une belle catéchèse sur la Vierge Marie, Notre-Dame du Sourire. La vie de sainte Thérèse ne peut se comprendre que dans sa profonde et juste dévotion mariale. C’est par exemple à Marie qu’elle confiera la rédaction d’Histoire d’une âme.
Nous-mêmes, comment ne pas laisser à Marie la juste place qui lui revient ? Chacun, à l’invitation du concile Vatican II, est invité à approfondir sa dévotion mariale : « La vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial, et à poursuivre l’imitation de ses vertus¹. »
Nous recevons cette méditation sur le sourire de Marie alors que nous vivons l’année jubilaire 2025, toute tournée vers l’espérance. Cette année est aussi celle du centenaire de la canonisation de Thérèse. Le pape François dans la bulle d’induction L’espérance ne déçoit pas nous propose cette belle réflexion : « L’espérance trouve dans la Mère de Dieu son plus grand témoin. En elle, nous voyons que l’espérance n’est pas un optimisme vain, mais un don de la grâce dans le réalisme de la vie². »
Le 19 septembre 1846 dans un petit village de l’Isère, la Salette, 37 ans avant son sourire à Thérèse, la Vierge Marie apparaissait à deux jeunes enfants, là elle pleurait !
– À la Salette, Marie pleure sur le péché du monde,
– À Lisieux, Marie sourit à une jeune fille qui deviendra la plus grande sainte des temps modernes.
Voilà une belle illustration de la présence maternelle de Marie qui nous accompagne dans notre pèlerinage de foi.
À la fin de sa vie, Sainte Thérèse écrit en parlant de Marie : « Elle est plus Mère que reine. »³ Confions-nous à elle, son sourire peut nous relever.
+ Jacques HABERT
1.
Concile œcuménique Vatican II
, constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, chap. 8, § 67.
2.
François
, bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025 Spes non confundit, 9.05.2024, § ٢٧.
3.
Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face
, Derniers entretiens, 21 août 1897.
Sigles & abréviations
AAS : Acta Apostolicae Sedis
ad : Réponse aux objections (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
art. : Article (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
CEC : Catéchisme de l’Église catholique (2003)
CJ : « Carnet jaune » de Mère Agnès (suivi de la date et de l’ordre des paroles citées)
DE : Derniers Entretiens (voir le CJ)
DS : Denzinger-Schönmetzer, Enchidirium symbolorum
DV : Concile Vatican II, Dei Verbum
GS : Concile Vatican II, Gaudium et spes
Ia IIae : Prima Secundae (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
IIa IIae : Secunda secundae (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
IIIa : Tertia (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
LG : Concile Vatican II, Lumen gentium
LT : Lettre de Thérèse (avec son no)
Ms A, B, C : Manuscrits autobiographiques A, B, C
NEC : Nouvelle édition du Centenaire
OCL : Office central de Lisieux
PA : Procès apostolique
PN : Poésie de Thérèse (avec son no)
PO : Procès informatif ordinaire
Pri : Prière de Thérèse (avec son no)
q. : Question (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
resp. : Corpus de la question (Thomas d’Aquin, Somme théologique)
ro : Recto
RP : Récréation pieuse (avec son no)
SC : Concile Vatican II, Sacrosanctum concilium
vo : Verso
VT : Revue Vie thérésienne
Introduction
Le Pape François parle du « sourire de Dieu »⁴ et nous encourage à ce « sourire de la joie, de celle qui vient de l’intérieur, […] avec le cœur »⁵. Qu’y a-t-il de plus éloigné du sourire que la théologie, apparemment ? Non que les théologiens soient grincheux, mais on a le sentiment que l’attirail analytique ne peut que rater tant de subtilité et rester impuissant à en faire un véritable « objet » théologique. L’Écriture, « âme de la théologie »⁶, parle peu du sourire⁷ même si la rareté des occurrences⁸ ne signifie pas qu’elles soient pauvres de signification ni que le sourire soit secondaire. Isaac, dont le nom hébreu קחצי (Iṣḥāq, Ἰσαάκ, Gn 17, 19) signifie « il rit » voire « Dieu sourit » ⁹, préfigure le mystère de Jésus¹⁰, Agneau du sacrifice¹¹ manifestant la miséricorde du Père. Cette miséricorde, prodiguée « en rayonnant de joie (en hilarótēti, ἐν ἱλαρότητι) » (Rm 12, 8), est comme le sourire de Dieu qui se réjouit de ses œuvres (Ps 103, 31). C’est ce sourire que l’Ange annonce à la vierge, Marie, en Lc 1, 28 : « Réjouis-toi ! (Khaĩre, Χαῖρε). » Sourire qu’elle prodigue à son tour, et que « les plus riches du peuple quêteront » (Ps 44, 13¹²), en « vrai reflet de la tendresse de Dieu »¹³.
L’interprétation de la Sainte Écriture demeurerait incomplète si on ne se mettait pas à l’écoute de qui a véritablement vécu la Parole de Dieu, c’est-à-dire les saints. […] L’interprétation la plus profonde de l’Écriture vient proprement de ceux qui se sont laissé modeler par la Parole de Dieu, à travers l’écoute, la lecture et la méditation assidue. […] Chaque saint représente comme un rayon de lumière qui jaillit de la Parole de Dieu.¹⁴
Il fallait nous mettre à l’école de la Tradition, y chercher un théologien parlant explicitement du sourire de Marie. Il en est heureusement un, ou plus exactement une, que l’Église aujourd’hui regarde comme une théologienne majeure et qu’elle recommande comme docteur de l’Église : Thérèse de l’Enfant-Jésus, nourrie et fascinée par l’Écriture¹⁵. Chez elle l’expérience du sourire est centrale et son thème récurrent : on trouve dans ses écrits 133 occurrences¹⁶ du terme « sourire », dont 124 écrites de sa main¹⁷, notamment celles concernant ce sourire de la Vierge Marie qui a tant marqué son enfance. En effet, à l’âge de dix ans Thérèse fut atteinte d’une maladie très grave, physiologique et psychique, dont elle faillit mourir. Et, comme elle le relatera avec précision à la fin de sa vie, c’est le sourire de Marie qui la guérit, gravant à jamais cet événement dans son cœur et sa mémoire. C’est le contenu de cette expérience que nous étudierons ici, nous proposant de montrer que cet événement a marqué toute sa vie et toute sa doctrine¹⁸.
Quelques articles ont été écrits bien avant la proclamation¹⁹ du doctorat de Thérèse, sur ce sourire de Marie. Ils soulignent toute l’importance de cette expérience spirituelle pour Thérèse, mais ils tiennent plus de l’hagiographie que de la théologie. Ils relèvent avec pertinence l’importance de ce sourire et sa portée dans la vie de Thérèse, mais sur le mode de la prédication. Il faut mentionner d’abord l’article de Louis de Sainte-Thérèse, « La vie mariale de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus »²⁰, thème repris à la fin de son dernier ouvrage, Thérèse dans ma vie²¹. Ensuite, l’opuscule de Stéphane-Joseph Piat reprenant l’histoire de cette Vierge du sourire : La Vierge du sourire et Ste²² Thérèse de l’Enfant-Jésus. Enfin, parmi les ouvrages écrits sur Thérèse par Pierre Descouvemont²³, celui intitulé Le Sourire de Jésus²⁴. La thématique du sourire n’est donc pas nouvelle quand on veut connaître Thérèse, mais il semble qu’elle n’a pas été traitée comme telle théologiquement, et moins encore en théologie mariale ; en tout cas, elle ne l’a pas été depuis l’édition conforme aux manuscrits des œuvres de Thérèse. Si bon nombre d’auteurs font allusion à ce sourire de Marie à Thérèse, peu en soulignent le retentissement durable et profond, plus important que celui d’une simple guérison.²⁵
On voudrait en savoir plus et l’on s’interroge : qu’est-ce que ce sourire de Marie a fait découvrir à Thérèse du Mystère de la grâce ? Peut-on dire qu’il fut pour elle un événement fondateur ? Quel enseignement théologique Thérèse nous donne-t-elle à travers cette description, non seulement dans ce qu’elle écrit, mais dans ce qu’elle vit, puisqu’il s’agit pleinement chez elle, de cette « théologie vécue des Saints »²⁶ ?
Pour dégager l’enseignement de Thérèse, qui « n’a pas un corps de doctrine proprement dit »²⁷ et n’est pas présenté de façon systématique, il faut à la fois nous mettre à son école jusque dans sa manière de nous le présenter – son mode d’exposition dont nous suivrons l’ordre – et aller de ses écrits à ce qu’elle veut dire spirituellement et théologiquement, c’est-à-dire expliciter son propos grâce à l’Évangile et à la Tradition. « Docteur, elle enseigne, car bien que ses écrits n’aient pas eu la même nature que ceux des théologiens, ils sont pour chacun d’entre nous une aide puissante pour l’intelligence de la foi et de la vie chrétienne. »²⁸ Entrer dans cette « théologie sapientielle… qui montre la voie maîtresse de toute recherche théologique et doctrinale : l’amour […] »²⁹, demande de suivre ce que Thérèse elle-même expose, d’y déceler son enseignement théologique qui se trouve en filigrane dans la narration qu’elle fait d’événements de sa vie. « L’apport spécifique que nous offre Thérèse comme sainte et comme docteur de l’Église n’est pas analytique [… mais] plutôt synthétique, car son génie est de nous conduire au centre, à l’essentiel, au plus indispensable, […] par ses paroles et par son parcours personnel »³⁰, par « l’ensemble de sa vie, tout son cheminement de sanctification »³¹.
Si nous voulons parcourir ce qu’elle écrit de cette expérience du sourire, il nous faut d’abord aller à son témoignage d’une expérience majeure :
Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n’avais vu rien de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme ce fut le « ravissant sourire » de la Ste Vierge. Alors toutes mes peines s’évanouirent, deux grosses larmes jaillirent de mes paupières et coulèrent silencieusement sur mes joues, mais c’était des larmes d’une joie sans mélange… Ah ! pensai-je, la Sainte Vierge m’a souri, que je suis heureuse…³²
Cet évènement a lieu à Lisieux en mai 1883 – Thérèse Martin a dix ans – bien avant qu’elle devienne « sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face ». Elle le décrit survenant au plus fort d’une expérience de déréliction et le présente comme étant le fruit d’un recours ecclésial à la Vierge Marie.
Au-delà de la description que Thérèse en fait, il nous faudra mettre en lumière l’événement de grâce que constitue cette rencontre, expérience salutaire qui fait appel à la sotériologie comme à l’ecclésiologie, expérience d’alliance et de rencontre qui appelle une théologie mariale. Qu’est-ce que ce sourire de Marie a touché et transformé chez Thérèse ? Que nous dit-il du mystère de Dieu, de l’homme, de la grâce ? Quelle découverte Thérèse y a-t-elle faite du mystère de Marie ?
En nous référant aux reprises explicites³³ de cet événement de 1883, nous tâcherons d’indiquer combien cet événement est fondateur chez Thérèse et de déceler jusqu’où ce sourire de Marie caractérise la doctrine de ce Docteur de l’Église, voire sa propre vie.
4.
François
, message pour la XXIIe journée mondiale du malade2014, 6.12.2013.
5.
François
, homélie, 4.10.2013, Assise.
6.
Concile Vatican II
, Dei Verbum no 24 : « Que l’étude de la Sainte Écriture soit donc pour la sacrée théologie comme son âme ».
7. Voir la Concordance de la Bible de Jérusalem, Maredsous, Cerf/Brepols, 1982 ; Concordance de la Traduction œcuménique de la Bible, Paris, Cerf/Société biblique française, 1993. Georges
Passelecq
et Ferdinand
Poswick,
in Table pastorale de la Bible, Paris, Lethielleux, 1994, ne relèvent que sept occurrences du sourire (verbe et nom) pour la traduction française. Si cependant on étend la recherche au terme « rire », on peut en trouver une quarantaine : voir Xavier
Léon-Dufour
(dir.), Vocabulaire de théologie biblique, Cerf, Paris, 1971, p. 1131.
8. Si l’Écriture évoque peu le sourire en tant que tel, à y regarder de plus près, grâce aux racines hébraïques et au vocabulaire grec, elle nous en offre une palette assez variée, dès le Livre de la Genèse.
9. Louis M
onloubou
et François-Michel
Du Buit
, Dictionnaire biblique universel, Paris, Desclée, 1984, p. 342. On peut le traduire aussi au futur.
10. « Le rire d’Abraham en Gn 17, 17 jaillit à l’annonce du fils de la promesse, Isaac (Gn 17, 19). Sa femme Sara passe du rire intérieur, rire d’incrédulité (Gn 18, 12-15) au rire heureux : Dieu m’a donné de quoi rire Gélōtá, Γέλωτά, de geláō, γελάω, être dans la joie), tous ceux qui l’apprendront me souriront (3, συγχαρεῖταί, de khaírō, χαίρω, se réjouir) » (Gn 21, 6). Or Isaac est pour Paul figure du Christ et figure de la descendance d’Abraham (Rm 4, 16-25). Pour l’auteur de l’Épître aux Hébreux, Isaac préfigure le Christ mort et ressuscité (He 11, 19). Jésus lui-même rappelle cette joie liée à Isaac : « Abraham, votre père, exulta à la pensée qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu et fut dans la joie » (Jn 8, 56).
11. Voir le sacrifice d’Isaac, Gn 22, 1-18. Voir aussi
François
, Lumen fidei, no 8 à 15.
12. Traduction liturgique, voir AELF, La Bible. Traduction officielle liturgique, Paris, Mame, 2013.
13. B
enoît
XVI, homélie, Lourdes, 15.09.2008.
14. B
enoît
XVI, exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, 11.11.2010, no 48.
15. Voir Ms C 35 vo : « Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir. »
16. Voir Les mots de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face. Concordance générale, Cerf, Paris, 1996.
17. Les œuvres de Thérèse incluent le « Carnet jaune » qui sont ses derniers Entretiens spirituels consignés par sa sœur carmélite et dénommés ainsi. Il s’agit donc de ses propres paroles, mais qui n’ont pas été écrites de sa main. Voir l’édition critique de
Thérèse de Lisieux
, Œuvres complètes, Paris, Cerf/DDB, 2009, p. 979 sq. et 1449 sq.
18. Pour un aperçu des diverses interprétations psychologiques de la vie de Thérèse et de sa proclamation comme docteur de l’Église, cf. Maurice B
ellet
, Thérèse et l’illusion, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, notamment p. 13-20. L’auteur écrit ensuite, p. 21, invitant le lecteur à écouter ce qu’en dit
