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Le Diable aux Corot: Deux châteaux - Trois Corot - Cent collabos
Le Diable aux Corot: Deux châteaux - Trois Corot - Cent collabos
Le Diable aux Corot: Deux châteaux - Trois Corot - Cent collabos
Livre électronique280 pages3 heures

Le Diable aux Corot: Deux châteaux - Trois Corot - Cent collabos

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À propos de ce livre électronique

1981 : Henri de Montalieu, antiquaire de renom et ancien résistant est enlevé. Sa filleule Claire, signale sa disparition à François son grandpère, compagnon de guerre d’Henri qui lui révèle leur découverte en 1945 : Otto von Weber, cousin d’Henri, était un SS impliqué dans les massacres en Dordogne en mars 1944. Les investigations les mènent au château de Rastignac, copie de la Maison Blanche, pillé par les nazis où des oeuvres d’art d’une valeur inestimable mises à l’abri au début de la guerre, ont disparu.
1944, Otto, incendie le château puis cache les oeuvres dans un lieu connu de lui seul. Capturé par l’OSS, il travaille alors pour eux et échappe à la justice.
À travers une série de flashbacks, le roman dévoile les liens complexes entre les protagonistes, résistants, collaborateurs, cousins, amis et opportunistes des deux camps. Un secret enfoui autour du pillage par les nazis des chefs-d’oeuvre de Rastignac et des trahisons personnelles reviennent hanter tous les survivants.
Porté par des personnages riches et nuancés, le récit explore les thèmes universels de l’amitié, l’amour, la soif de justice et la cupidité sans limites. Avec des rebondissements inattendus et une toile de fond historique minutieusement détaillée, "Le Diable aux Corot" est une fresque palpitante qui tiendra le lecteur en haleine, jusqu’à son dénouement inattendu.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ingénieur de formation, Patrick Vanhée a travaillé pendant près de quarante ans dans l’industrie, électronique, puis sidérurgique et terminé sa carrière comme directeur européen d’une catégorie d’achats de la division ArcelorMittal Europe. En parallèle, il a exercé pendant huit ans, les fonctions de juge consulaire à la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz.
LangueFrançais
ÉditeurLes Passagères
Date de sortie22 mai 2025
ISBN9791094135983
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    Aperçu du livre

    Le Diable aux Corot - Patrick Vanhée

    Page de titre

    Patrick Vanhée

    Le Diable

    aux Corot

    Deux châteaux

    Trois Corot

    Cent collabos

    Du même auteur

    Du même auteur

    L’option, L’Harmattan, 2023

    Dédicace

    À celle qui m’accompagne depuis si longtemps.

    Arbre généalogique simplifié

    Prologue

    Paris, boulevard Saint-Germain, le 15 mai 1956.

    Laure Haubert rédactrice en chef d’un célèbre magazine féminin, attendait son invitée, confortablement installée à la brasserie Lipp. Elle connaissait à peu près tout le monde dans ce lieu fréquenté par le Tout-Paris qui compte et en arrivant, elle dut s’arrêter plusieurs fois, dire quelques mots puis s’asseoir dans un endroit situé à l’écart des grandes allées de passage, ce qui les mettrait à l’abri des inconvenants. Âgée de cinquante ans, tout comme celle qu’elle attendait, elle était dans le milieu de la presse depuis plus de vingt ans et avait connu toutes ses évolutions, notamment après la guerre où la société de consommation, celle que l’on n’appelait pas encore des trente glorieuses, battait son plein. Elle était toutefois restée fidèle à la littérature, son amour de jeunesse et même si sa position dans le comité de rédaction, lui laissait peu de temps pour faire un papier, elle continuait d’interviewer les auteurs qui laisseraient un nom. C’était selon elle, le cas de la mystérieuse Hélène de Saint-Ail, dont tout le monde parlait et dont on ne savait finalement que très peu de choses. Lorsque cette dernière entra dans l’établissement, les têtes se retournèrent et quelques-uns chuchotèrent à son passage, soit pour admirer son élégance, soit parce que sa notoriété avait dépassé le cadre du petit milieu de Saint Germain des Prés. Nonchalamment et sûre de son effet, elle circula entre les tables, donna quelques signes de reconnaissance et se laissa guider par le maître d’hôtel. Laure l’accueillit tout sourire et lui fit choisir un siège. Elle s’assit de manière à ne pas être face aux clients et après avoir allumé l’une et l’autre une cigarette, ce que peu de femmes se permettaient de faire en public, elles entamèrent la conversation. Professeur de philosophie dans un lycée de la rive gauche, Hélène menait de front plusieurs vies depuis qu’elle avait publié son premier essai sur la condition féminine dans les années trente. Le sujet étant encore tabou à l’époque pour un grand nombre de personnes, y compris dans les milieux dits progressistes, elle avait décidé d’écrire sous un pseudonyme. Après un arrêt pendant la guerre, sa production littéraire était maintenant soutenue et elle passait plus de temps dans les cercles initiés que dans la préparation de ses cours, qu’elle faisait depuis si longtemps.

    – Hélène, me permettez-vous de vous appeler ainsi, j’aimerais discuter avec vous de vos débuts d’auteur, que nos lecteurs connaissent mal.

    – Il n’y a rien de bien extraordinaire, vous savez. Je suis née dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne où la condition de la femme était fixée dès sa naissance, aussi bien au sein de la cellule familiale que dans la société. J’aurais pu vivre dans cet environnement, mais passionnée de littérature et de philosophie, j’ai compris au fil de mes lectures, de mes études, puis de mes recherches qu’il pouvait y avoir un autre avenir pour nous et très tôt j’ai embrassé cette cause.

    – Il n’empêche que vous vous êtes mariée très jeune. À vingt-quatre ans, vous veniez à peine de terminer vos études et finalement vous avez reproduit le schéma habituel.

    – Vous savez bien Laure, permettez-moi de même de vous appeler ainsi, qu’à l’époque il n’y avait pas beaucoup de possibilités si l’on voulait s’extraire de son cocon familial et puis lorsque j’ai rencontré mon futur mari, je venais de rompre dans la douleur une relation que je qualifierais aujourd’hui de toxique. Maurice lui, était doux, attentionné, pratiquait l’humour et même parfois la dérision, chose que peu de personnes savent faire avec brio. L’amour a fait le reste.

    Peu convaincue par ce dernier argument, Laure continua de dérouler le plan de ses questions.

    – Votre premier essai publié en 1935 : Du rôle de la femme dans la société moderne, a tout de suite fait grand bruit, tout d’abord dans le monde universitaire qui était très masculin et donc peu familier de ces sujets, mais aussi dans les milieux littéraires. Vos débuts étaient très prometteurs et paradoxalement, à part deux petits ouvrages d’analyse philosophique, qui n’ont pas dépassé le stade des gens concernés, vous n’avez rien publié jusqu’en 1949, date à laquelle votre retour fut très remarqué avec votre premier roman : une femme dans la tourmente.

    – En effet, je préfère produire peu, mais uniquement ce qui me paraît abouti. Je dois dire qu’à cette période, la vie était difficile, surtout quand vous aviez deux enfants et un mari qui était très pris, ce qui m’a naturellement ralentie dans mon œuvre.

    – Ce qui est tout à fait compréhensible. Et justement, venons-en à la partie centrale de mon interview. Nous ne savons quasiment rien de votre vie pendant l’occupation. Pouvez-vous nous donner quelques détails qui pourraient intéresser nos lecteurs ?

    À ce moment, Hélène se crispa et se mit sur la défensive.

    – Rien de très particulier ni de bien palpitant. Nous avons toutes et tous traversé cette période dans la peur. Peur de manquer, peur pour notre vie, peur pour celle de nos êtres chers, peur de l’arbitraire et j’ai donc, comme la quasi-totalité de nos concitoyens plutôt survécu que vécu.

    – Parlez-moi si vous le voulez bien de votre mari qui travaillait je crois, au ministère de la production industrielle.

    Voyant qu’elle ne pourrait y échapper, elle répondit de manière évasive

    – Je n’aime pas parler de ma famille proche, mais je peux malgré tout vous dire qu’il n’y avait là encore rien de bien extraordinaire. Il a continué une carrière commencée au début des années trente dans la fonction publique et nous avons passé la guerre comme tout le monde, ne sachant pas de quoi serait fait le lendemain et attendant quatre ans durant, la Libération qui nous a permis de revivre normalement.

    D’un ton persifleur, Laure décocha une flèche qu’Hélène sut détourner, tant elle était évidente.

    – En tant que haut fonctionnaire, résident à Paris pendant la période de la collaboration, on doit voir, savoir beaucoup de choses qui sont mises sous le boisseau aujourd’hui et qui intéresseraient nombre de personnes.

    – Je ne sais pas où vous voulez en venir, mais vous qui étiez à ce moment-là dans le milieu de la presse parisienne, en savez probablement autant que lui, si ce n’est plus et je pourrais donc vous retourner la question.

    N’ayant pas vu venir ce cinglant coup de revers et n’étant pas habituée à ce qu’on lui parle de manière aussi crue, elle préféra changer de sujet et interrogea la romancière sur ses projets et notamment sur le prix Femina de l’année pour lequel elle était annoncée comme une des favorites.

    – J’imagine que vous êtes fébrile. Pronostiquée comme favorite d’un des plus grands prix littéraires français, cela doit donner quelques fois le tournis.

    – Si je vous disais le contraire, vous ne me croiriez pas et pourtant c’est la vérité. Je n’écris pas pour les autres, mais d’abord pour moi-même. Maintenant, je ne vais pas faire la fine bouche et si je suis lauréate, je l’accepterais bien évidemment avec plaisir.

    La journaliste se dit que sous ses airs de femme qui ne cherche pas les honneurs, c’était tout l’opposé qui ressortait de son personnage. Le temps passant, pour clore l’entretien, elle lui proposa de parler de ses travaux en cours.

    – Avant de nous séparer, car j’imagine que vous devez probablement reprendre les cours, parlez-moi si vous le voulez bien de vos prochains romans.

    – Je travaille actuellement sur une grande suite qui débutera sous le Second Empire et qui traitera de la fracturation d’une famille lorraine après l’annexion de 1871. Mais permettez-moi de ne pas vous en dire plus, car le projet est encore au stade embryonnaire et je ne suis même pas sûre pour le moment de le mener à son terme.

    – Et d’où vous est venue cette idée, drôle d’idée faillit-elle dire ?

    – C’est l’histoire de ma famille, que j’essaye de reconstituer. Elle illustre très bien à ce que j’en sais, l’antagonisme entre nos deux pays qui a abouti aux boucheries du xxe siècle.

    – Eh bien ! je vous remercie pour cette discussion franche et très agréable et je reprendrai contact avec vous lorsque mon article sera prêt.

    Elles se séparèrent un peu avant quatorze heures et lorsqu’elle se retrouva seule sur le boulevard, Laure Haubert se dit que cette femme devait avoir une part d’ombre dans sa vie, ce qui excita sa convoitise. En rentrant au journal, elle se rendit chez la documentaliste et lui demanda de chercher tout ce qu’elle pouvait trouver sur Hélène de Saint-Ail, sa vie, son œuvre et surtout ses relations.

    L’enlèvement

    1

    Paris, rue de Tournon, le 28 octobre 1981.

    Henri retourna le panneau sur la face indiquant fermé, ne prit pas soin de verrouiller la porte de son magasin d’antiquités et se dirigea vers l’arrière-salle où se trouvait son cabinet d’expertise. Il avait repris après la guerre, l’affaire fondée au début du siècle par sa grand-mère Mathilde, progressivement délaissé l’art nouveau qui en faisait la réputation, pour se consacrer à la période des lumières qui le passionnait depuis plus de quarante ans. Diplômé en 1938 de l’école des Chartes, il avait entrepris à la Sorbonne une thèse en histoire de la peinture française du xviiie siècle. C’est par hasard, en visitant lors de ses études le palais de justice de la ville de Metz, qu’il avait découvert le travail de son architecte, Charles Henri Clérisseau. Devenu par la suite passionné, il était maintenant une référence incontestée de son œuvre, tombée dans l’oubli pour le commun des mortels, mais toujours appréciée sur le marché de l’art.

    Il alluma son poste de radio, chercha FIP et monta un peu le son, car il attendait avec impatience comme tous ses confrères, le résultat des discussions à l’Assemblée Nationale concernant l’éligibilité des œuvres d’art à l’impôt sur les grandes fortunes. Il s’installa à sa table de travail et ouvrit le portefeuille de documents attribués à Clérisseau qu’un de ses correspondants réguliers lui avait fait parvenir deux jours auparavant pour expertise. On y trouvait pêle-mêle, des dessins au fusain, des eaux-fortes, des lettres réputées autographes, des factures et une petite peinture qui représentait une version idéalisée de l’antiquité comme il était d’usage à l’époque. Une première observation rapide lui montra que les gravures n’avaient rien de très original et présentaient donc peu d’intérêt. Déçu, il commença la lecture des documents manuscrits. Il s’agissait d’un ensemble de cinq lettres qu’il classa dans l’ordre chronologique et dont la première était datée de 1784. Elles étaient toutes a priori adressées au même destinataire et composaient ainsi un groupe homogène. Connaissant bien l’écriture du peintre, il acquit la certitude qu’il en était l’auteur. Cet échange concernait un projet d’architecture qui serait réalisé dans un pays étranger. Il ne mit pas longtemps pour comprendre que le pays mentionné était les États-Unis, que le correspondant était Thomas Jefferson, alors ambassadeur auprès du roi de France et qu’il s’agissait probablement de la construction du Capitole de l’État de Virginie. Il se leva pour consulter un ouvrage de sa bibliothèque, dans lequel il trouva les éléments qui validaient son hypothèse : les deux hommes étaient considérés comme les auteurs des plans du bâtiment. Hormis une valeur commerciale sur le marché des amateurs, elles ne présentaient pas un grand intérêt historique.

    La dernière lettre datée du mois de novembre 1785 attira toutefois plus particulièrement son attention, car il s’agissait d’un deuxième projet, encore très confidentiel et qui semblait être plus important que le premier. Rien dans le texte ne permettait de conclure et il resta dans l’expectative. N’ayant pas les réponses de Jefferson, Henri se dit qu’il devait impérativement rencontrer son correspondant pour savoir d’où provenaient ces documents, mais surtout déterminer s’il était possible d’obtenir les lettres qui manquaient. La perspective de travailler sur quelque chose d’inédit l’excita et il reprit ses archives afin de découvrir de quel projet il pouvait s’agir. Après une demi-heure de recherches, il arriva à la conclusion que cette lettre ne pouvait qu’évoquer ce qui était considéré depuis longtemps comme une légende, la construction de la Maison-Blanche à Washington. Il tenait entre ses mains un document original, qu’il se devait bien sûr encore d’expertiser, mais qui allait relancer s’il était authentique les spéculations les plus hardies chez les historiens. Son cœur battait à une vitesse folle et il dut s’asseoir tant il était dans un état second.

    – Je pensais que cela n’arrive jamais se dit-il et pourtant je suis très probablement face à un texte d’une grande valeur historique. C’est absolument fabuleux.

    Nerveusement, il chercha son répertoire téléphonique faisant tomber au passage une pile de papiers qu’il avait mis beaucoup de temps à trier, prit le combiné et composa le numéro de son correspondant. Au bout de quinze sonneries dans le vide, il dut se résoudre à raccrocher. Déçu, il se dit qu’il se rendrait en fin de journée chez lui et qu’il pourrait toujours, le cas échéant laisser un mot à la concierge de l’immeuble. Il rangea avec précaution les lettres dans son secrétaire, bourra sa pipe qui traînait sur le bureau et se leva pour rassembler ses affaires. Dur de l’oreille depuis un bombardement allié lors de l’hiver 1944-1945 qui l’avait rendu sourd pendant plus de trois jours, il n’entendit pas le léger tintement de la sonnette de la porte d’entrée, ni même le pas des trois hommes qui faisaient irruption.

    Au bout d’un temps qu’il ne sut estimer, son esprit revint à lui. Il était assis sur une chaise, les mains liées dans le dos et un morceau de rouleau adhésif collé sur sa bouche l’empêchait de parler. Sa tête lui faisait très mal et il voyait les trois hommes déambuler dans la boutique, ouvrant tous les tiroirs, les armoires en prenant soin de ne rien faire tomber et de ne pas déranger l’ordre ambiant. Ils n’échangèrent pas un mot. Henri comprit qu’il n’avait pas affaire à des amateurs, mais plutôt à des hommes parfaitement organisés qui ne laissaient rien au hasard. Une fois redevenu conscient, il fit défiler toutes les raisons qui pouvaient expliquer ce qu’il se passait. Force fut de constater qu’il n’y avait rien de flagrant ou d’évident. Il ne gardait jamais de liquide dans sa boutique, n’était pas considéré comme un des plus grands antiquaires de la place de Paris, ne possédait pas d’œuvre exceptionnelle. Si encore il s’était agi de petits malfrats de quartier, il aurait pu comprendre, mais il ne voyait pas ce qui pouvait motiver ce genre d’individus. Il se dit que lorsque l’on a tout essayé, il faut penser à l’inimaginable. Et là, cela devint évident. Qu’y avait-il de nouveau dans sa vie qui aurait pu les intéresser : les courriers de Clérisseau. Malgré tout, à y bien réfléchir certes la dernière présentait un intérêt historique, mais de là à opérer une fouille systématique de sa boutique... Il fut rapidement fixé quand l’un des trois ouvrit le tiroir dans lequel il avait rangé les lettres et qu’il ne les regarda qu’à peine. Ils n’étaient pas là pour cela non plus. C’était à n’y rien comprendre.

    Ils passèrent les lieux au peigne fin pendant plus de vingt minutes et après avoir admis qu’ils ne trouveraient pas ce qu’ils cherchaient, l’un d’eux sortit du magasin et alla récupérer une voiture qui était garée à deux pas, pendant que les deux autres lui libéraient les poignets et les chevilles. Ils le prirent brusquement par les épaules, lui enfilèrent son manteau qui était accroché dans le couloir et sans lui retirer l’adhésif qu’il avait sur la bouche l’entraînèrent sans ménagement vers l’extérieur. Où l’emmenaient-ils ? Pourquoi l’enlever alors qu’il vivait une vie paisible et que le seul événement notoire qui lui était arrivé ces dernières années, était sa promotion au grade de chevalier de l’Ordre National du Mérite pour ses contributions à l’histoire de l’art ? En sortant, il entendit la journaliste de FIP qui indiquait que selon toute probabilité, sur proposition de Laurent Fabius, les œuvres d’art seraient exclues de l’ISF afin disait-on de préserver l’attractivité du marché français. Cette nouvelle qui aurait dû attirer son attention ne lui fit aucun effet.

    *

    En sortant du lycée Henri IV, Claire qui cubait sa khâgne se dit, après un cours de philosophie totalement hermétique qui l’avait laissée complètement perdue, qu’elle devait impérativement aller voir Henri son parrain, car elle avait besoin de comprendre ce qui ferait la différence l’année prochaine aux concours. En juin dernier, elle pensait intégrer au moins l’École des Chartes voire le Graal de l’ENS¹ et après des mois d’un labeur acharné, de phases d’espoir puis d’abattement, elle n’avait eu aucune admissibilité. Son ego en avait pris un sérieux coup qu’elle rumina tout l’été et maintenant elle se disait qu’elle accepterait tout ce qui se présenterait, pourvu qu’elle puisse éviter la fac, ce qui l’aurait ramenée au niveau de toutes ses copines de terminale. La rue de Tournon n’était qu’à quelques minutes de marche du lycée et après avoir contourné le Panthéon, elle s’engagea dans la rue Soufflot. Elle aimait ce quartier qui tranchait totalement avec Neuilly, sa banlieue natale terne et fade, fut-elle de la meilleure bourgeoisie comme se plaisait à le dire sa mère. Elle avait tout juste vingt ans et pensait que sa vie n’avait réellement commencé que lorsqu’elle avait pu échapper à l’attraction du cocon familial en venant étudier à Paris. C’était en partie grâce à Henri qui avait convaincu ses parents que le temps perdu dans les transports en commun serait plus profitable si elle pouvait avoir une chambre en ville. Après avoir usé de tout leur réseau d’influence, ils finirent par obtenir une place à l’internat. Claire avait maintenant sa thurne comme disaient toutes ses congénères. Les premiers jours avaient été un peu déroutants, car il fallait s’habituer aux règles du lycée qui étaient encore strictes et notamment parce que le retour devait se faire au plus tard à vingt-deux heures. Elle qui croyait pouvoir mener une vie classique d’étudiante à Paris, commença par déchanter, puis fit comme toutes les autres, organisa ses fins d’après-midi pour la détente et le début de soirée pour le bachotage. Elle connaissait maintenant très bien le secteur et fréquentait les bars dans lesquels se retrouvaient tous les étudiants, qu’ils soient des universités, des écoles ou bien des classes prépas. Elle

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