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Que voulez-vous dire par « vivre » ?
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Livre électronique480 pages5 heures

Que voulez-vous dire par « vivre » ?

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À propos de ce livre électronique

La vie nous absorbe au point d’occulter l’essentiel : la construction de l’être. Trop souvent, nous nous laissons porter par une réalité ordinaire, maquillée par le divertissement, tandis qu’en nous subsiste une quête inassouvie. Ce récit explore la nécessité d’unir vie et essence à travers une foi existentielle, invitant à une réflexion profonde sur notre véritable accomplissement.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Salvator Batty croit aux révélations que les mots peinent à exprimer, trop empreints de pudeur ou d’ardeur. Pour lui, c’est dans le silence que naît la vérité de l’être et c’est sur le papier qu’elle se dévoile avec justesse et profondeur.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie13 mai 2025
ISBN9791042264734
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    Aperçu du livre

    Que voulez-vous dire par « vivre » ? - Salvator Batty

    Prologue

    Des files de voitures immobilisées à l’entrée des villes ; des files de caddies immobilisées avant de passer en caisse ; des millions de regards hypnotisés par un écran ; des millions d’électeurs déposant leur vote dans l’urne ; des milliers de voyageurs qui s’ignorent, serrés dans une rame de transport ; où ? À Djakarta, Mexico, Montréal, Vladivostok, Lagos… Culture mondiale. Regards hypnotisés d’entités humaines noyées dans un sirop d’anonymat.

    À partir de là, l’adaptation politique, économique, religieuse, artistique ou de mœurs quotidiennes d’une région n’est qu’une variante d’un même mal guidé par le hasard. Les drames ou les embellies, ici ou là, représentent les accidents d’une même histoire. Aujourd’hui la paix, demain la guerre ; aujourd’hui la croissance, demain la pénurie, aujourd’hui l’exultation, demain la colère !

    L’histoire. Le livre des siècles !¹ Vieux regard. Où est le Nouveau Monde ? Dans la technologie qui renouvelle les objets, les outils, les procédés ? Dans l’art qui réemballe les sentiments et les émotions ? Dans la science qui interprète en permanence quelques formes de la réalité ? Dans une nouvelle idéologie qui fait croire à des solutions miracles ? Les Égyptiens, les Indiens d’Amérique centrale, étaient technologiquement avancés à leur époque. De magnifiques œuvres musicales, picturales, romanesques ont marqué des générations. De grands courants de pensée ont fait se lever des foules avant qu’elles retombent dans la désillusion ou l’horreur. Tout cela a passé, s’est décomposé dans les sédiments de la culture. Quel regard, de nos jours, pourrait accompagner l’aspiration des peuples à un nouveau monde ; un monde qui soit le leur. « Le leur » ? C’est-à-dire qui parte d’eux, de nous, de chacun.

    Ceux qui évitent de réfléchir rétorquent : « Il ne faut pas désespérer ! Partout des individualités ont commencé à reconstruire une vie nouvelle ; elles se sont échappées du conformisme mondial ; si l’on y prête bien attention, au fond de nombreuses poitrines, l’aspiration à un monde de bonheur universel guide les pas d’une humanité renouvelée. L’humanisme améliorera le monde. Il faut y croire » !

    J’hésite, je m’arrête. Il est toujours délicat de relativiser l’espoir. Qui serais-je, pour vouloir bousculer le frêle moteur qui emmène la conscience vers plus d’empathie, plus de justice, plus de vérité ? Après tout, je ne suis qu’un apprenti du vrai, un homme en chemin. Ce grand manque que je ressens, comment le partager, le faire connaître alors que je sais sa nature inacceptable pour beaucoup d’humains qui ont abdiqué leur H majuscule ? D’un côté, je comprends qu’on imagine un monde potable à la mesure de ses espoirs. D’un autre côté, il me faut me retenir pour ne pas crier que la réalité est beaucoup plus complexe, que de puissants leviers maintiennent l’humanité dans un état de médiocrité et de dépendance qui entretiennent ses dommages, ses cataclysmes, ses morts et que toutes les bonnes volontés isolées, voire concurrentes, seront impuissantes à éviter un déclin irrémédiable…

    Chaque fois que, emporté par mon élan ou ne pouvant maîtriser l’espérance qui m’habite, ma parole s’y est risquée, je me suis retrouvé face à des regards inexpressifs ou révoltés ; c’était comme si j’avais voulu traîner de force les esprits dans des limbes inhospitaliers et inconnus. Alors, je redescends et je comprends qu’il faut être fou pour vouloir convaincre que c’est de la recréation de soi en humain sublime, à partir de ses imperfections, que se concrétisera le grand rêve de l’humanité d’une chaude et universelle fraternité.

    Affirmant cela, je note tout de suite au moins deux failles dans ce plaidoyer : d’abord vous vous retiendrez peut-être d’éclater de rire en vous disant que mon propos est quand même gonflé de la part d’un humain lambda, que je ferais mieux de montrer des marques probantes de ce changement ; ensuite je constate que le langage n’est pas du tout adapté à une parole qui devrait exprimer beaucoup mieux l’inénarrable : la contradiction, le paradoxe humain.

    D’un côté, notre enrégimentement, notre noyade dans la masse fait de chacun, même les notoires, les notables, un être relatif. De l’autre, cette poussée, en moi, en vous sans doute aussi – on parle rarement de ces choses-là –, issue du fond de soi, et qui porte notre absolu. Oui absolu, parce que cette énergie souterraine constitue le moteur de toute la vie.

    Relatif ? Absolu ? Un décalage dingue ? Nous serions des éparpillés : le fond de soi d’un côté, notre part sociale de l’autre ; et parfois plus que deux, trois, dix ! Plus fort que Picasso qui a éclaté l’humain en formes géométriques. L’être en soi est devenu un labyrinthe parce que nous renonçons à nous connaître, individuellement et collectivement. Les héritages reçus des ascendants, les couches d’histoire, d’expériences, d’actions se sont déposées sur notre palpitante intimité et l’ont étouffé sous ces sédiments.

    Mais j’en sors, je m’en extrais comme un corps s’extirpe péniblement du marais gluant dans lequel il s’était engouffré en cherchant son chemin. Ne cherchons-nous pas tous notre chemin ? Je vous propose quelques images de cette migration dans mon continent intérieur. Elles seront peut-être déroutantes. Elles ne sont que le reflet de mes propres recherches.

    Ciel

    Mystères

    Je suis né. Quelque part, à un moment donné. Je passe sur les détails de cet événement prodigieux, car depuis très longtemps et sans doute pour très longtemps encore, nous, êtres humains, avons, aurons, quelque chose à faire avec ce don de la vie, quels que soit son contexte, son époque, son emplacement, etc. Cette condition ne suffirait-elle pas à faire de nous une famille indissoluble ?

    On aura beau vanter telle « civilisation » ou décrier telle culture, magnifier telle exception, rien n’y fait. Sur le plan de l’existence, nous sommes tous égaux : chacun est tenu de faire de son mieux avec ce qu’il a. Cela aussi pourrait transcender toutes nos différences.

    Ce devoir d’être se décline, à mon avis, par un côté biface de l’existence, intriqué, indissoluble : l’un est collectif et l’autre intime. Dans chaque humain, cette vie, indivisible, insécable, que nous partageons entre plus de huit milliards, est vécue de manière très intime, comme si elle n’appartenait qu’à soi. Je nous vois un peu comme d’innombrables flammèches d’un incommensurable incendie de vie, chacune revendiquant l’autonomie, chacune défendant sa spécificité. Dans quel feu une flamme ressemble-t-elle à une autre ? Cette situation nous dépasse et nous consume : tout humain voit la vie à travers lui. Ainsi, plusieurs personnes, témoins du même fait, le relatent par autant de versions différentes.

    Pour qui a gardé ou retrouvé sa faculté d’émerveillement, cet état est vraiment mystérieux et pousse à la réflexion, à la méditation ou à l’imagination. Sur les raisons, les origines de cette étonnante disposition, personne n’est vraiment fixé. Des théories, croyances, opinions circulent, mais d’une part, elles ne rassurent personne au fond – leur survivance le montre – et d’autre part, elles ont tendance à diviser l’humanité, ce qui épaissit le mystère.

    Comme tout le monde, j’ai mon idée là-dessus. Elle fait l’objet de ce livre, mais avant de l’évoquer, je veux insister sur notre part universelle : quels que soient l’époque ou le lieu de notre naissance, vivre est un fleuve ou un torrent qui nous emporte au-delà de nous-mêmes et nous dépose dans le delta de nos derniers instants, avant de gagner la haute mer de l’indistinction biologique. Difficile et périlleux est d’apprendre à manœuvrer l’embarcation.

    J’ai l’air d’enfoncer une porte ouverte, mais sans doute pas dans sa conclusion : la conséquence de cette dérive est que le maître du monde est le hasard. Hasard que tente de réguler depuis des milliers d’années les institutions et la pensée, mais il est trop fort et semble narguer ces jouets culturels. C’est déjà lui qui ouvrirait le bal : nous sortons d’un ventre que nous n’avons apparemment pas choisi, dans un lieu et à une époque qui ne nous doivent rien. Il existe des théories, convictions ou croyances qui voient les choses autrement, mais le mode de vie de ceux qui les professent, aussi banal que celui des autres, ne constitue pas un signe de véracité.

    Le hasard, je le vois juste comme l’ignorance des causes et des raisons de ce qui arrive à l’insu de ceux qui les subissent. Causes, dont la profondeur dépasse la plupart du temps ceux qui les créent. Ainsi peut-être que, même ignorée, toute vie qui sort d’un ventre pourrait procéder d’une raison supérieure ? Ce qui ne contredirait pas notre arrivée hasardeuse, car nous ne disposons pas des clés pour en faire une cause sublime et nous gaspillons cette chance inouïe de beauté que représente toute naissance. Nous sommes créateurs et victimes du hasard. J’ai l’espoir que nous le réduirons de plus en plus et j’espère que ce livre y contribuera.

    Que nous croyions au karma, à la prédestination, à d’autres théories limitatives ou à rien sur ce sujet, il y a un fait brut : nous arrivons sur terre totalement démunis, dépendants de l’extérieur pendant au moins vingt ans et, véritable éponge, nous enregistrerons dès ce début, certains des faits les plus marquants de notre existence qui détermineront les directions de nos trajectoires. Ce que nous faisons et pensons de ce déterminisme contribuera à l’écriture de l’histoire du monde. C’est pas un beau mystère, ça ?

    Particularité

    Je suis arrivé dans le contexte troublé d’une famille pas du tout apaisée. Quelle chance ! Je n’aime pas trop ce mot qu’on emploie à tort et à travers. Mais là, il me paraît approprié.

    Je ne manie pas le paradoxe pour pimenter un peu mon propos. Il me semble que l’existence, telle que nous l’avons choisie, est faite de paradoxes. Naître dans des conditions favorables me paraît un handicap. J’observe, en effet, que, sauf exception ou intervention extérieure, la quiétude de son enfance pousse l’adulte à considérer son environnement personnel, s’il n’est pas trop agité, comme agréable et il ne verra pas pourquoi fournir des efforts pour le changer, même si aux quatre coins de la terre plusieurs formes de malheur persécutent des populations entières. Si son environnement est troublé, il disposera mal des ressources pour le changer, son bonheur ayant émoussé son acuité et sa capacité à l’effort. Seules l’expérience de la souffrance et les vicissitudes de la vie poussent la conscience dans ses retranchements.

    Je ne magnifie pas cette situation, je la décris. Je la vois dériver de ce côté biface de la vie : les personnes qui considèrent leur existence comme favorisée trouvent en général que le monde va bien tandis que celles qui l’estiment pourri sont insatisfaites de leur sort. Cette conclusion est le fruit de rencontres de milliers ou dizaines de milliers de personnes. Mais comme tout humain, je perçois le monde par mon filtre ; je dois donc rester conscient que mes généralités comportent une faille. D’abord, quand on ne s’y retrouve pas, elles paraissent abusives. Mais aussi, nos vies semblent osciller constamment entre généralités et particularités.

    Toute affirmation appelle sa contradiction, je le répète. On voit aussi beaucoup de souffrants ne pas faire plus pour le monde que des heureux, car la souffrance peut renfermer sur soi et des heureux peuvent prendre conscience de la misère d’autrui et s’engager à la réduite ou la combattre.

    Ces phénomènes complexes seront développés tout au long de cet ouvrage. Cependant, il se pourrait bien que ce petit passage et d’autres soient théoriques, déconnectés de la réalité. Je l’accepte volontiers, prenant de plus en plus conscience que le mode de narration pour lequel j’ai opté oriente toujours un peu son contenu. Il peut aussi paraître péremptoire à qui ne le partage pas. Ces considérations relèvent de la limite du langage. C’est un problème culturel. Mais pas que : Toute expression situe l’humilité, l’universalité, l’acuité de celui qui s’exprime. Je fais avec ce dont je dispose pour réaliser une tâche fondamentale : écrire pour réfléchir, chercher, connaître, partager. Ces lignes représentent mon apport d’une avancée dans l’inconnu, dans l’innomé. Je ne revendique rien d’autre qu’être à la recherche du vrai, contraint à écrire après avoir essayé, sans succès, de partager oralement ce qui pour moi est l’essentiel.

    Comprendre

    Arrivant dans une situation familiale embrouillée, j’ai très tôt été poussé à essayer de comprendre ce qui se passait autour de moi et en moi. Là aussi, les détails du contexte me paraissent superflus, ayant été porté à m’interroger sur la réalité de ce que j’avais vécu ou croyais avoir vécu. Des circonstances particulières peuvent pousser des enfants à prétendre avoir subi des traitements qu’ils ont inventés.

    Une affaire judiciaire très grave s’est produite à Outreau dans le Pas-de-Calais, entre 1997 et 2004. Elle a montré que des enfants pouvaient porter de graves accusations mensongères. Mentir aux autres, se mentir…

    Je ne mets pas en cause systématiquement la parole enfantine dans des situations horribles notamment d’incestes ou d’abus. J’ai trouvé à travers moi, que la frontière entre réalité et imagination est parfois ténue. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas entendre les enfants et pas uniquement d’ailleurs quand ils vont mal. Enfant, je me suis senti extrêmement déstabilisé. Vers mes dix ans, une de mes professeures m’a décrit comme « une conscience inquiète ». Je suis donc entré naturellement dans le fouillis de la nature humaine comme dans une forêt sombre, cherchant à travers mes réactions et ce que j’observais du monde quelques explications qui offrent un peu de stabilité. Cela n’a pas été le choix formel et affirmé d’un scientifique, mais une réaction de survie dont la nécessité s’imposait. Pendant longtemps, je n’ai pas su faire autre chose que m’interroger et imaginer.

    La recherche de sens est de toute façon un apanage humain et certains y consacrent des carrières. Ça n’a pas été mon trajet, car dans ma jeunesse, ma polarité émotionnelle était si développée que j’étais incapable de faire des études. Est-ce cette impossibilité qui a fait de moi un éternel chercheur ? Mon héritage génétique et quelques coïncidences m’ont engagé dans la voie intellectuelle. Cette orientation a sans doute représenté pour moi une justification de la critique du monde, moins dangereuse à mes yeux que celle de mon environnement familial. Quand on se sent humainement étranger à tout, il est difficile de vivre cette position autrement que comme un exil, ce qui, chez moi, a exacerbé mon ressentiment. Je me suis ainsi très tôt considéré comme un être différent, à part. Je n’avais pas le courage de lutter contre les dommages collatéraux de cette construction à savoir le couple survalorisation/sous-valorisation de soi, béquille utile quand on ne sait pas marcher sans boîter. La grande plaie de ce travers est le dualisme, « moi et les autres » qui ne fait qu’épaissir l’exil.

    Dans la critique du monde et des autres, je pratiquais une version de la culture « scientifique » qui positionne le regard face à une situation, un état, un fait, à l’extérieur pour les diviser afin d’en apercevoir les composants, qu’on divise encore et ainsi de suite. Notre édifice mental repose en grande partie sur ce système de pensée. Nous devenons ainsi extérieurs à tout.

    J’ai fini par prendre conscience que ce mécanisme nous expulse de la vie et fait de nous des isolés perpétuels, des malheureux ayant constamment froid. Pour éviter de le sentir, nous entretenons de manière tenace une fabrication frénétique de rêves chauds et d’illusions fiévreuses dont les médias sont le fournisseur avisé. Mais savoir n’est pas vivre. Diriger son quotidien en osmose avec sa conscience profonde demande une grande volonté d’être. Pour passer d’une vie d’opposition, de division, de critique, à une vie de complémentarité, d’union, de « familiarisation », une dynamique d’efforts est indispensable. Dans un univers marqué par l’individualiste, cette entreprise est très aléatoire. Cet ouvrage en est un balbutiement.

    Ce livre est la dernière vague d’une marée de vie par laquelle je solde mon passé ; je me libère d’un héritage, une sorte d’auto-atavisme. Sur quoi vais-je déboucher ? Je n’en sais rien, mais j’y vais avec confiance.

    Je ne suis pas arrivé là tout seul. Après des années marquées par une pensée très critique, très politique et très céérabrale, c’est la foi qui a ouvert des perspectives nouvelles. Mais cette foi-là demande une vraie révolution intérieure et il m’a fallu une trentaine d’années pour desserrer l’étau qui emprisonnait mon esprit de ses mâchoires de préjugés, de peurs, d’émotions parasites, entravant le nécessaire travail d’épuration et de réalisation de soi, dans la perspective d’un bonheur universel.

    Le chemin qui reste à parcourir est infini, mais je voulais préciser cela avant que vous n’entriez plus avant dans mon continent.

    Tout est parti d’un événement inouï.

    Ciel !

    Dans la nuit du 14 au 15 janvier 1974, un homme est réveillé par des luminescences présentes partout dans sa chambre. Une voix l’appelle : « Michel ». Intrigué et inquiet, il se lève, à moitié vêtu. Quelques heures plus tôt, il s’est jeté sur son lit, épuisé, portant juste un tricot de corps. Dans la maison en construction que sa femme et lui retapent depuis une quinzaine de jours, il n’y a de chauffage et de lumière que dans quelques pièces. Il fait une température glaciale. À tâtons, il se dirige vers un endroit où une luminosité dessine le tour d’une porte. Un clou lui entre dans le pied ; il se met à boiter. Il pousse la porte. Là, il est accueilli par un personnage étrange qui lui fait signe d’avancer.

    Terrifié, il obéit, tire sur son haut pour cacher sa nudité et tombe à genoux. L’apparition est très impressionnante, rayonnante de puissance et d’une lumière étrange qui nimbe sa silhouette. Elle semble tout droit sortie d’un récit des mille et une nuits avec une tunique qui moule son corps comme si elle était mouillée, bédouin antique, grand de stature, large d’épaules, vivant, très vivant. Elle ordonne : « Écris ! » Michel saisit un sac de plâtre et un crayon de chantier qui se trouvent à proximité, la lumière s’enfle alors que la Voix prononce les premiers mots :

    Redresse-toi, homme Michel, debout ; cesse tes pleurs et ton tremblement ; que cesse ta honte, Je t’ai mis nu pour te revêtir d’un manteau neuf !² Ainsi débute une communication exceptionnelle, venue du fond de l’univers, transmise par un messager céleste, qui va se reproduire à quarante reprises jusqu’en avril. Au début, Michel a un doute sur l’identité de l’Apparition. Il pense à Abraham. Mais quand il aperçoit les marques aux poignets et à la cheville, il comprend que celui qui lui parle n’est autre que le Christ. L’homme Jésus ressuscité.

    Religion

    En décrivant sommairement cet événement, je donne sans doute l’impression de vouloir parler de religion. C’est l’inverse. Mais pour comprendre ce retournement, il faut s’affranchir de certaines données culturelles : Jésus qui se manifeste en France au bord du bassin d’Arcachon est le contraire de la religion. Celle-ci nous l’a décrit, dans des images de première communion ou des scénarios, en homme blond au regard qui se perd dans le vague avec une apparence de douceur et de la mélancolie. En fait, c’est un sémite, un homme de Palestine, aux cheveux et aux yeux noirs, sévère, dont la majesté et le rayonnement de puissance à elles seules suffisent à jeter dans la crainte.

    Ensuite, c’est la teneur de son message qui sonne comme une dénonciation de la religion à travers les reproches dont il accable son témoin. En effet, Michel est un prélat d’une église orthodoxe. Une institution qui, comme toutes les autres, a détourné le message de l’évangile donné il y a deux mille ans sur les rives du lac de Tibériade pour asseoir leur pouvoir, dominer les faibles, établir une situation d’injustice. Cette récusation de la légitimité religieuse trouvera son point d’orgue la vingt-huitième fois qu’il apparaît, lorsque Jésus parlera des scandalisés, ces femmes et hommes qui ont rejeté Dieu à cause des puissants et des marchands, des princes et des prêtres, mais ont gardé l’espérance qu’une terre d’amour, de justice, de beauté, de prospérité partagée puisse advenir et sont plus proches de lui que beaucoup de croyants.

    Démarche paradoxale ? Elle trouve son explication dans la métaphysique. La pensée rationaliste ne peut plus ouvrir de nouveaux chemins de transcendance. Elle s’avère incapable de renouveler le sens de l’Humain et de l’Humanité. L’irruption du Ciel et son message sont le moyen qu’il a choisi pour relancer la recréation d’une civilisation de bonheur absolu.

    Un paradoxe assumé et sélectif, incompréhensible pour ceux qui ne voient pas que, de toute façon, religieux, nous le sommes tous. Le rationalisme a fait muter la croyance en un dieu quelconque, impulsée par les idées religieuses, en d’autres entités « sacrées » que l’esprit du temps substitue à l’idée de dieu, selon les époques. L’État, le Peuple, la Justice, l’Homme, la Civilisation, le Parti, la Raison, la Richesse, Moi… ont ainsi reçu leurs autels sur lesquels ont été sacrifiés les réfractaires. De nos jours, la religion politique invoque « la Démocratie » dont toute relativisation relève du blasphème. La religion technologique prie « la Science » et ceux qui ne se courbent pas devant cette idole se trouvent exclus de tout débat public. La religion économique se réfère à un panthéon : « Abondance », « Social », « Plaisirs », « Pouvoir d’Achat », etc. Chaque fois que des impératifs dogmatiques ou idéologiques s’imposent à des consciences, dès qu’une pensée devient sacralisée, indiscutable sous peine de sacrilège (par exemple la République, la Croix, la Nature…) se trouve une marque religieuse. Toute pensée préconçue cherchant à définir la vie représente une préemption de la vie.

    En 1977, le même homme va « subir » une autre intervention surnaturelle qui complétera le message et ouvrira la voie à la reconstruction d’une nouvelle Humanité.

    Recréation

    On l’aura peut-être deviné, c’est le passage sur les scandalisés dans ce nouvel évangile qui m’a bouleversé et a fait voler en éclat le béton de mon athéisme. J’aurais pu commencer ce récit par mon enfance ou par une réflexion sur l’état du monde actuel. J’ai essayé plusieurs introductions. Finalement le plus simple est d’entamer ce livre par ma rencontre avec La Révélation d’Arès, au risque de perdre les lecteurs rationalistes purs et durs. Je leur propose pourtant une gageure. Prenez ces descriptions surnaturelles comme une fiction et laissez-vous emmener jusqu’aux lignes qui décrivent ce que la foi a produit en moi.

    Car une Révélation, quelle qu’elle soit, n’a de sens, de raison d’être que si elle produit des révélations humaines. Se révéler, n’est-ce pas l’essentiel de la vie d’un humain, notre recherche fondamentale, notre difficulté principale, ce qui fait notre vie en société ?

    J’ai vécu cet événement comme une deuxième naissance. De la première, je n’avais choisi ni le moment, ni le lieu, ni la femme dont je quitterais le ventre. De la seconde, j’allais devoir apprendre à tout choisir, à découvrir les mécanismes d’auto-engendrement, le processus de recréation, d’élaboration de soi. Voilà ce qui me passionne. Voilà la matière de cet objet de papier que vous tenez entre les mains : relater un trajet qui part d’un humain lambda, sans grands mérites, charisme, dons extraordinaires qui se transforme en acteur de civilisation. C’est le bon parcours : pour « monter », il faut partir du bas. Si on métaphorise la recréation de sa personnalité par une randonnée en montagne, le point de départ est la vallée. Grasse précise le message de 1974 faisant allusion à notre société, aux idéaux de consommation plutôt que de création. Certains ont pris des montgolfières. Ceux que la lignée, la fortune, l’ambition, le talent ont élevés au-dessus des autres et qui croient ou prétendent faire œuvre de civilisation en brillant pour les autres. Mais ils n’atteignent jamais les sommets, plutôt les nuages vaporeux dont la densité leur fait croire qu’ils sont au ciel. Illusion tragique de l’orgueilleux qui veut agir pour ou sur les autres alors qu’il ignore qui il est.

    Pour qui réfléchit, la nécessité de se recréer devient évidente. J’ai hérité d’un potentiel génétique et probablement d’un ensemble de dispositions transmises par des ascendants, sans qu’a priori on puisse mesurer ou déterminer exactement l’impact de cette transmission, venue des ancêtres les plus proches, mais aussi, d’une certaine manière de ceux qui ont vécu il y a des centaines d’années voire plus. On parle de cerveau reptilien. Récemment, une émission d’Arte prétendait que nos goûts dépendaient de la constitution de la terre, il y a plusieurs milliards d’années. Que toutes ces conceptions soient scientifiques ou non, cela pour moi, ne change pas grand-chose. Car parmi tous les hommes qu’il m’a été donné de croiser, je n’en ai rencontré aucun qui a eu suffisamment de sagesse et de connaissance de soi pour décider de son destin, maîtriser ses instincts et ses émotions, fabriquer son avenir et celui des autres et devenir un homme du temps qui vient comme le demande le message de 1974, comment pourrait-on reconnaître un tel homme ? À son évasion de l’esprit du système, car une vraie liberté ne peut supporter l’enfermement des autres dans la prison mentale des convenances ; à son combat contre le système, mais aussi à son bonheur, sa légèreté, sa pétillance, sa gravité céleste…

    Ce n’est pas tout. Quel que soit l’impact des sciences officielles ou d’autres moins officielles, voire fantaisistes, sur mon psychisme, quelle que soit donc l’idée que je me fais de ma personnalité léguée à ma naissance, le plus important n’est pas là : L’héritage, reçu à ma conception, va s’exercer dans mon histoire, qui, en fonction des circonstances, va modifier, influer, orienter cet héritage, l’annihiler, le censurer ou au contraire le magnifier, le teinter, etc. Mais, et cela me paraît dramatique, personne ne semble en mesure de délivrer un enseignement de sagesse, de connaissance de soi pour éviter les écueils qui peuplent nos vies. Et l’on voit bien que vivre est de plus en plus difficile et douloureux pour de plus en plus d’êtres humains.

    À quoi est-ce que je vois cette progression ? À l’augmentation des violences privées et publiques ; à l’envahissement de la morosité générale et à la consternation lue sur beaucoup de visages, à la pandémie de solitude qui n’est même plus cachée, ou aux drogues d’évitement de cette solitude, au désespoir qui gagne les cœurs derrière des idéologies qui ont pignon sur rue (écologie, collapsologie, cynisme, fanatismes…)

    La seule exception à cette description est constituée par le témoin de La Révélation d’Arès. Au départ un homme assez satisfait de lui et du système, mais qui a entreprise de bouleverser sa nature, de se changer au point de se forger une personnalité d’échange, un humain avec le moins de barrières entre lui et les autres. Il l’a fait non de sa propre conscience, mais sous l’impulsion du message reçu. Personnellement, je trouve qu’il y a là un signe très fort que tout peut être existentiel, évolutif.

    Culture

    Il a commencé à s’échapper de la culture dont les mâchoires broient toute volonté d’émancipation, tout espoir de libération de la pensée commune selon laquelle seules les vérités officielles (médiatiques, artistiques, scientifiques, politiques, religieuses, etc.) établies par les profils sélectionnés par les institutions, déterminent ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est bon et ce qui est mal, ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ces mâchoires sont l’éducation et à peu près tout ce qui participe à la communication. La création fait peur quand elle ouvre une alternative au piège qu’est l’enfermement dans les vérités officielles, vecteur principal de l’énorme inertie humaine. La quasi-unanimité des êtres humains accepte cette limite. Certains profils y échappent et font évoluer une société. Mais le mécanisme de la culture ne tarde pas, d’abord à neutraliser les envies de changement profond qu’ils ont semées, de les récupérer en prétendant que c’est elle qui les a engendrés ; ensuite de les mettre en avant pour que la masse s’identifie à eux et que personne ne cherche à créer sa propre pensée, son propre bien. Elle chante leurs louanges pour prouver qu’elle est bien la plus belle émanation de l’humanisme. Certains de ces hommes ont pour moi mérité un H majuscule. Mais si Martin Luther King, Zola, Jean Jaurès, Gandhi, vivaient de nos jours, ils subiraient de la même manière, outrages, persécutions et menaces qu’à leur époque. Rien n’a vraiment changé dans les aspects fondamentaux de l’existence depuis le néolithique. Seules les solutions techniques ont évolué.

    Et de Jésus, je ne parle même pas. Il est hors catégorie tant par la portée de son message, que dans le supplice que lui a appliqué une religion pour le faire taire puis dans les récupérations mises en œuvre par les successeurs de cette religion et enfin dans le dépassement de la mort que son engagement a permis. Quant aux esprits forts qui se croient dégagés de la psychologie religieuse et qui dépensent leur énergie à prouver que cet homme n’a jamais existé, leur lumière est trop courte pour s’apercevoir que si tel était le cas, toute notre « civilisation » (calendrier, rythme de vie, suppression de l’esclavage, individualité, conception du bien et mal, droits de l’Homme, etc.) reposerait sur une illusion, donc aussi leur propre discours. Ce serait comme si eux-mêmes n’existaient même pas.

    Et moi, qui produis ces réflexions, je suis comme eux. Personne ne sort indemne de la culture. Cette implacable machinerie fait penser aux émissions de Jean-Christophe Averty des années 1960. Il faisait passer des poupons de celluloïd à la moulinette. Une émotion nationale de scandale mit fin à la série. J’en retiens un message très instructif, le vrai nous est insupportable, même dans une forme édulcorée pour éviter de nous en rendre compte, nous avons un truc imparable : nous, c’est le bien ; le problème c’est les autres.

    Nous confondons allègrement illusion et vérité. La première est une autoroute où les foules aiment bien se retrouver pour se prouver que oui, puisqu’il y a le nombre, on ne s’est pas trompé. La seconde est un petit chemin pas bien

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