Drame dans la brousse
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À propos de ce livre électronique
Sylvie, aidée d’Oumy, une jeune fille de la tribu, essaie de retrouver François. Elle rencontre Jacques, un Français, qui participait à un safari-photo qui a mal tourné.
Philippe, le mari de Sylvie, arrive dans le pays et part à sa recherche.
De nombreuses aventures vont ponctuer leur vie : les braconniers sur la trace des éléphants, le face-à-face avec un lion, le vaudou aux effluves maléfiques…
Parviendront-ils à échapper à cette brousse si belle, mais si dangereuse ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Pascale Delacourt-Stelmasinski, membre de l’Académie Arts-Sciences-Lettres (Médaille d’Argent 2018 – Grand Prix des Lettres 2018), professeure de Communication et de Bureautique à la retraite, est passionnée par l’écriture.
Chacun de ses romans traite un sujet différent. Après la vie d’une jeune paysanne axonaise, "Marie dans la tourmente de l’Histoire", elle suit la trace d’un esclave marron sur l’Île de La Réunion, «Anchaing le Papangue». Son troisième livre nous emmène au Moyen-Âge, "Le Templier de la Montagne couronnée". Enfin, le quatrième "L’Enfant du Gévaudan", thriller, fait frémir. "La Mazurka de l’Espoir" raconte l’histoire de deux familles polonaises entre la Pologne et la France.
En savoir plus sur Pascale Delacourt Stelmasinski
Anchaing le Papangue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa mazurka de l’espoir Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL’enfant du Gévaudan Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Templier de la montagne couronnée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMarie: Dans la tourmente de l'Histoire Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Aperçu du livre
Drame dans la brousse - Pascale Delacourt-Stelmasinski
PROLOGUE
P
eut-on passer sa vie à taper sur son prochain et rester quelqu’un de bien ? Ou alors chacun est-il si foncièrement mauvais que c’est en tapant dessus que l’on devient une meilleure personne ?
Et de dix ! Voilà, c’est fait. Le gars ne s’est pas relevé. Après ce qu’il a pris, ç’aurait été étonnant. Léo a tout mis, tout envoyé pour que ça ne s’éternise pas. Plus ça durait, plus ça devenait risqué, étant donné le bonhomme en face. Il en a plein la tête, éclaté, mais bon, il n’est pas à plaindre comparé à celui qui bave au sol. Les gens dans la salle sont fous, ça hurle de tous côtés, ça se marre, ça pleure. Mais ça hurle, surtout. Ça pue la sueur, la testostérone mal utilisée. L’arbitre est allé voir comment va l’autre et revient vers Léo. Il dit que ça ira et lui demande si, lui, ça va. Bien sûr que ça va, putain. C’est étrange ce sentiment, Léo est rassuré pour le gars qu’il vient de démolir et en même temps, il espère qu’il va rester encore sonné au sol un petit moment, qu’il puisse un peu se tenir là, sur le ring, sans avoir à jouer les grands seigneurs qui font des mamours aux mecs qu’ils viennent de battre. Non, là tout de suite, c’est à lui qu’il revient de se voir lancer quelques fleurs, on jouera aux sportifs après, bonhomme. L’annonceur chope son micro et lance d’une voix tonitruante :
« MESDAMES ET MESSIEURS, VOTRE VAINQUEUR DE CE SOIR ET TOUJOURS INVAINCU : EIFFEL PELEAAAAAS !!! » .
Il laisse traîner les A tout en éloignant le micro de sa bouche. Léo a l’impression que son pseudonyme s’envole sous le toit de la salle, poursuivi par les acclamations du public. Il y a bien quelques huées, quelques parieurs déçus sans doute, mais peu importe, c’est une minorité. Une minorité de crétins. Il faut être con pour ne pas parier sur lui ! Il écarte les bras, balance la tête en arrière, petit tour du ring, à pas lents. C’est là que sa vie s’écrit. C’est dans ces moments-là que l’on sait pourquoi on est ici-bas. Eiffel Peleas est un héros, le héros du peuple !
C’est mérité, ce n’est pas volé, pas une seule seconde. Rien de plus gratifiant. Léo sait que tout ce qu’il fait là n’est dû à aucun concours de circonstances, aucun coup de piston, aucun coup de bol, aucune opportunité saisie au hasard, tout s’est joué à grands coups de poing dans la gueule ! Et ce soir ce n’était pas n’importe qui en face : Pierrick, dit l’Arme Blanche, excusez du peu. Un vieux de la vieille, expérimenté, solide, qui doit son surnom au fait qu’après des dizaines de combats et malgré les années, il paraît de plus en plus affûté. C’était un vrai match, un vrai combat, et malgré tout il n’a pas douté, ou si peu. Bien entendu, au 4ème round il a commencé à en avoir marre. Il en avait marre de taper en ayant l’impression que ses coups ne portaient pas. Il avait bien eu l’idée de tenter d’emmener Pierrick au sol, d’essayer quelques clefs, mais franchement non, il voulait le finir à coups de poing. Et pour lui en mettre plein la gueule il a accepté d’en prendre pas mal, histoire qu’il s’approche de plus en plus, le Pierrick, l’Arme Blanche, et qu’une fois assez près il puisse lui briser le nez à coup de boule. Là il savait que c’était bon : un crochet dans l’arcade – qui a éclaté sous le choc – puis un coup de coude sur la même arcade. Pierrick est tombé comme une merde, le nez pété et la face en sang. Un dernier coup de poing au sol, un dernier coup d’œil, et là OK, il savait qu’il n’en avait pas chié pour rien. Parce que ses coups faisaient mal, au vétéran, et sous son masque Léo sentait chaque tuméfaction de son visage. Mais là c’était bon. Comptée jusqu’à dix, l’Arme Blanche. Propre et net !
Léo retourne dans son coin, Marko l’y attend. Sur le visage, une sorte d’expression immuable qui ne permet pas de dire s’il est satisfait ou s’il s’en fout. Une tronche de mec à la fois bourru et amusé. Ça fait drôle, surtout dans des moments comme ça. Impossible qu’il prenne tout ça à la légère néanmoins. Ce sport c’est toute sa vie, c’est tout ce qui fait qu’il est qui il est. Seulement, impossible aussi de le voir s’enthousiasmer comme le premier fan venu. Il connaît trop bien la compétition pour ça, et il est bien trop cool pour sauter et hurler comme un con dans son survet’, même un soir de victoire. Il tend à Léo une bouteille d’eau puis le coach et son poulain se dirigent vers leur vestiaire. Une fois seuls, enfin, Marko desserre les mâchoires :
- Satisfait ?
- C’est une victoire.
- Oui, c’est une victoire. Mais t’en es content ?
- Mais merde, bien entendu ! C’était l’Arme Blanche ! Et hop, KO !
« Et hop, KO ! » répète Marko avec un demi-sourire. Et Léo sait très bien ce que cet air presque débonnaire signifie : son entraîneur est agacé. Et en réalité il est même plutôt énervé. Marko avait combattu pendant quelque chose comme vingt ans. Il avait toujours été placide, même jeune, mais il paraît que sur le ring c’était un monolithe qui, une fois déchaîné, était impressionnant de sauvagerie. Tous ceux que Léo avait entendus parler des combats de Marko avaient l’air de dire que son style était très étrange, car cette sauvagerie avait toujours l’air maîtrisée. Il avait de toute évidence été un combattant d’une violence inouïe, mais aux coups très réfléchis. Ce style très âpre, sans chichis mais dévastateur, lui avait valu le surnom du « Menhir ». C’était le jeu dans ce genre de compétition : les combattants les plus en vue gagnent des pseudonymes, c’est plus spectaculaire. Ça vend mieux. Et, même lorsqu’il est question de combats clandestins, il est important de donner au public du pimpant pour qu’il ait envie de payer son entrée, et aux parieurs une raison excitante de jouer !
« Le Menhir » ! Léo s’était déjà gentiment foutu de la gueule de Marko à propos de ce surnom. Qu’est-ce qu’il trouvait ça naze et vieux jeu. Mais bon, c’était probablement cool à l’époque, faut croire. Marko, sans l’avoir mal pris, avait fait la moue et avait pris un air qui, en un demi-regard, avait invité Léo à fermer sa gueule et à laisser tranquille le passé et ses modes. On ne rigole pas avec les souvenirs des autres. D’autant qu’à l’époque de Marko il n’était pas encore question de combattre dans de vraies salles.
« Tu sais, avait-il raconté à Léo, aujourd’hui plus vous gagnez de matchs, plus vous montez les échelons, plus vous avez l’occasion de vous battre dans de belles salles historiques. Le milieu a un pouvoir qu’il n’avait pas à l’époque, on n’avait pas encore pris d’assaut ces lieux pour nous les approprier. Aujourd’hui tu combats à la salle Carpentier ou à l’Elysée- Montmartre, demain peut-être au Bataclan ou au Trianon, mais tu te souviens de tes débuts ? Dans des caves, des parkings souterrains ou au mieux sur des terrains de tennis abandonnés ? Et bah moi, ça aura été le top de ma carrière, ça. Même au plus haut j’ai pas eu droit à une vraie salle. »
Du coup Léo ne s’était plus jamais moqué du surnom de Marko, et il le respectait énormément. Il le connaissait très bien et c’est pour cela qu’il savait bien que si Léo était content de sa victoire, Marko Le Menhir, lui, allait très calmement lui expliquer pourquoi il avait chié dans la colle.
« En face de toi t’as Pierrick qui est un cube de fonte. T’es pas con, tu sens bien que quand tu frappes normalement ça le chamboule pas. Tu dois le finir autrement, tu le DOIS. Tu es plus grand que lui, tu as plus d’allonge, tu dois lui éclater les genoux à grands coups de pied, tu dois le tenir à distance avec tes poings. Et certainement pas le laisser venir, s’approcher, le laisser te bourrer la gueule comme ça. C’est du HündoFight bordel, pas un jeu vidéo. Alors oui, OK, le coup de boule… ». Léo décroche un peu, il sait très bien que Marko a raison mais là, honnêtement, impossible de se faire une séance de débriefing maintenant. Il n’écoute plus. Mine de rien il a morflé lui aussi. Il a besoin d’air, il va retirer son masque. Marko cesse de parler et fait signe à Léo d’attendre, le temps d’aller regarder dans le couloir à l’extérieur de leur vestiaire. Il referme la porte, la verrouille.
« C’est bon, OK, tu peux le retirer. »
Léo retire son masque, moite de sueur et de sang macéré. Il a la tronche rougeâtre, les yeux gonflés, une pommette ouverte. Il prend de grandes inspirations. Putain ça fait du bien. Marko le regarde, mi-amusé, mi- concentré sur la meilleure façon dont il va soigner les plaies, puis lui sort :
- Tu peux te foutre de mon surnom mais franchement, la dégaine de catcheur mexicain que tu te payes avec ton pseudo et ton masque rouge et noir de luchador !
- Ouais, mais moi, j’ai pas le choix…
1
T
out en gardant un œil sur la route, Léo tente de voir à quoi ressemble son visage dans le rétroviseur. À chaque fois, il est soufflé par le résultat qu’arrive à obtenir Marko quand il s’agit de lui réparer la gueule. Les baumes cicatrisants d’aujourd’hui font presque flipper par leur efficacité : ses yeux ont dégonflé, sa pommette est refermée, et globalement son visage ne ressemble plus à une grosse enflure. Ça n’empêche pas les douleurs aux côtes ou dans le cou, mais il est tout à fait clean et présentable. C’est à se demander comment ils faisaient sans ces pommades magiques, avant. D’ailleurs Léo n’a toujours pas bien saisi où Marko les trouve mais peu importe, grâce à ça il peut reprendre une vie normale sans présenter au monde des stigmates pour le moins compliqués à justifier, surtout à répétition.
Léo n’aime pas trop traverser Intra-Muros en voiture dans sa propre voiture. Il n’a pas tellement la caisse d’un mec qui vit Intra-Muros, elle se remarque rapidement : c’est une grosse cylindrée, à mi-chemin entre la bagnole de sport et la bagnole de papa. Non pas qu’il craigne quoi que ce soit, il sait se défendre, et il sait par où passer, mais Intra-Muros est devenu hors du temps pour lui. Il n’y vient que pour combattre ou pour le boulot, et dans cette bagnole il a l’impression d’être dans un vaisseau spatial sur une planète lointaine.
Après chaque combat, à chaque trajet entre Intra-Muros et chez lui, il se dit la même chose : c’est quand même incroyable ce que Paris est devenu quand on entend parler les plus anciens. Souvent revient l’idée de la ville riche, huppée, branchouille, un entre-soi coupé du reste du pays par le périph… Bah putain ! Inimaginable désormais. Si Paris et le reste du pays étaient alors deux mondes différents, il y a peu de chance que les gens de l’époque aient pu imaginer ce qu’il en est aujourd’hui. Remarque, il s’agit toujours de deux mondes différents. Quand on écoute les plus vieux, c’est dur de croire que le monde a été autrefois aussi différent de ce que l’on connaît aujourd’hui. Pourtant les bâtiments sont magnifiques, c’est vrai, et il y a plus de monuments que dans n’importe quelle autre ville où il est allé. Mais lui il appartient à un autre monde désormais, et franchement c’est difficile de dire si aujourd’hui il serait capable de vivre ici à nouveau. Sans doute pas. On peut s’habituer à beaucoup de choses, mais c’est plus compliqué de reprendre de vieilles habitudes oubliées. Et avec le temps, avec l’âge, il y a des choses auxquelles on ne veut plus renoncer. De toute manière, impossible d’exercer son boulot en habitant Intra-Muros, et il aurait même été peu probable qu’il l’obtienne tout court, ce taf. La vie ici ne colle pas aux fonctions qu’il occupe dans sa boîte. Rien ici ne colle avec ce que l’on attend de l’homme qu’il est devenu. Il a déjà dans son taf suffisamment de collègues et d’interlocuteurs à qui il préfère dire qu’il vient d’Extra-Muros, comme eux, histoire de ne pas se faire regarder comme une bête curieuse, ou se voir harcelé de questions sur « comment ça se passe de l’autre côté ». Ah ça, il en côtoie des têtes de nœuds, mais c’est à ce prix qu’il peut se gaver à faire ce qui rapporte et vivre là où il veut vivre.
Pourtant, rien n’y fait, quelque chose au fond de lui aime la traverser, cette ville. Surtout la nuit. De nuit, elle n’a certainement pas d’équivalent et pour lui ça tient en une teinte : l’orangé de la lumière, les tons ocre que les lampadaires donnent aux murs en pierre de taille. Et tant pis s’il n’y a jamais eu d’étoiles ici. Ici, il a toujours fallu être imaginatif pour s’inventer un ciel. Quand il était gamin il habitait vers Belleville. Il garde le souvenir d’une enfance en plein air. C’est marrant quand on lit aujourd’hui que les gens, à une certaine époque, moquaient ou déploraient l’impossibilité pour les enfants d’Intra-Muros de jouer en extérieur. Lui il n’a connu que ça, notamment grâce à la rareté des bagnoles. C’est presque extravagant de se rappeler son enfance et son adolescence ici avec autant de netteté, avec autant de nostalgie, sans pour autant avoir envie de réinvestir ces lieux autrement que pour ses escapades pugilistes. Sans doute a-t-il perdu ce qui, à l’époque, faisait qu’il aimait justement vivre Intra-Muros : une forme d’insouciance et un plaisir de la découverte qui ont été patinés par les années, ces années qui ne lui permettent plus aujourd’hui de s’émerveiller comme avant sur n’importe quelle nouveauté, comme si elle débarquait dans sa vie pour la changer. Il avait une sacrée bande de potes en ce temps- là, venus des quatre coins de la ville. C’est fou comme certains détails étaient perçus comme énormes avec les yeux de l’époque, et ont encore grossi dans sa mémoire à force de se les remémorer. Il se souvient parfaitement de la première clope sur laquelle il a tiré, avec son copain Dom, dans un recoin du Père-Lachaise. Il a encore le goût exact en bouche, rien que d’y repenser il a la tête qui tourne. Et pourtant il en a fumé combien par la suite ? Des milliers ? Au réveil, au coucher, en bouffant, dans son bain… Mais celle-ci, au final, c’est bien possible que ça ait été la meilleure. Comme sa première bière, sur les bords de Seine, lors d’un pique-nique avec la bande. Il avait mis plus d’une demi-heure à la terminer. Il prenait de toutes petites gorgées pour ne pas se donner la nausée. À part sa petite sœur Adèle, c’était lui le plus jeune du groupe, il voyait les autres s’envoyer de grandes lampées de Kro, c’était impressionnant. Pourtant ils n’avaient que quatre ou cinq ans de plus que lui, mais à cet âge-là c’est énorme ! Il avait fini sa canette, fier de lui de ne pas avoir gerbé à la moitié. Ça l’avait grisé juste ce qu’il fallait, et il regardait les beaux bâtiments autour de lui avec un voile réjouissant devant les yeux. Il n’avait jamais été dans cet état-là et se sentait galvanisé par cette sensation nouvelle, cette chaleur. Là, avec ses plus proches amis, rentrer dans « la vraie vie », devenir « grand » avec eux. Aujourd’hui, alors qu’il est capable de s’envoyer une pinte de Guinness en deux gorgées, que des hectolitres de bières belges triplement fermentées sont passés dans son gosier, il se souvient avec émotion de cette toute première canette de Kro tiède.
Il met la radio. C’est du jazz qui est diffusé. Aucune idée de ce qu’est ce morceau, ni de qui le joue, mais ça fait sourire Léo : Intra-Muros en bagnole la nuit, du jazz, c’est bon, on est bien en parfait cliché ! Et en même temps ça le détend. Finalement, le quotidien lui offre assez peu d’occasions de se sentir à l’aise dans un cliché de ciné ou de bouquin. Là il est bien. Le morceau qui passe lui plaît, mais peu de chances que ça le marque au-delà de cette virée en caisse. C’est un peu comme la bière ou la clope : lors de l’adolescence, à chaque morceau qu’il découvrait il avait le sentiment que sa vie venait de basculer. Les potes écoutaient tout un tas de trucs, et quand un artiste le marquait c’était parce qu’il avait le sentiment qu’il l’avait toujours attendu. Des tas d’univers qui lui avaient été jusqu’à présent cachés, avec autant de portes qu’il lui restait désormais à ouvrir. À l’époque de son adolescence, son pote Max était un jeune adulte et habitait dans un minuscule studio, sur le secteur de Saint-Germain-des-Prés. Il vivait entouré de disques, ça occupait la plus grande partie de l’appartement, et il lui proposait de passer des nuits entières à découvrir tel ou tel groupe, sur tel ou tel support. Quasiment que des trucs old school, presque rien de récent. Et désormais, quand il entend un de ces vieux morceaux rock, Léo éprouve la satisfaction intacte ressentie à l’époque, mêlée à l’amertume du fait que ce soit par définition révolu.
D’un seul coup Léo s’arrache tout seul à ses pensées en pouffant, il ricane de lui-même. Ça le prend à tous les coups, cette nostalgie à pas cher. Il se jette à lui-même un nouveau regard dans le rétro et sourit : l’homme accompli qui soupire sur son innocence passée, le puissant adulte qui ne rêve que de retrouver la spontanéité de l’enfance. Mouais… C’est beau mais c’est bon pour faire des films, ça. Pendant ce temps-là y’a la vraie vie, et la vraie vie c’est tous les jours qu’il faut la mener, sans temps mort accordé pour psalmodier des incantations nébuleuses à la con en l’honneur d’une bière tiède.
Sa vie, telle qu’il la souhaite désormais, c’est Extra-Muros qu’elle peut se mener, et certainement pas « dedans ».
« Dedans ». Léo se rend compte que, lorsqu’il se laisse aller à ses songes nostalgiques, il parle encore de « Paris », de « ville » et de « quartiers. » C’est fini depuis longtemps ça. Plus personne ne parle de Paris en ces termes. C’est une cité découpée en secteurs.
Il n’a jamais vraiment bien compris comment ça s’était passé. Il n’était pas encore né alors. Ni ses vieux. Il a déjà entendu ses grands-parents évoquer leur enfance. Même Marko parle parfois autour d’un verre, après l’entraînement, de ce que ses propres parents lui avaient raconté en des termes qui semblent ahurissants pour Léo : « Paris la Ville Lumière » et, au-delà, la « banlieue ». Ce qu’ils appelaient banlieue, Léo a du mal à se le figurer. Les légendes parlent de quelque chose de gris, de violent, de dangereux, de triste… Et à les écouter, Paris était la capitale du monde. Rien que ces mots, « Paris » et « banlieue », sonnent bizarrement. Aujourd’hui on était « Intra-Muros » ou « Extra-Muros », et pour tout un tas de raisons il valait mieux être Extra-Muros. Alors leurs histoires de « banlieue »… Ça le fait marrer d’ailleurs : s’il a bien compris, fut une époque, il était de bon ton de préciser qu’on venait de Paris Intra-Muros, et ceux qui habitaient la banlieue préféraient ne pas le préciser et essayaient par snobisme de se faire passer pour des Parisiens, quand bien même vivaient-ils à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville. Aujourd’hui il voit autour de lui des gens se rengorger lorsqu’ils expliquent qu’ils habitent « Extra-Muros » ! Putain ça n’a pas de sens non plus, si on y réfléchit bien. Une fois il est parti en vacances, avec un couple d’amis – enfin plutôt des amis de sa femme – et il a vu ces deux rigolos discuter avec une autre paire de corniauds. Ils venaient de Dieu sait quel bled, et les amis de son épouse de répondre qu’ils habitaient Extra-Muros comme s’ils étaient sortis des couilles de Jupiter, alors que lui savait très bien qu’ils vivaient presque au pied des nouvelles fortifications, à deux pas d’Intra-Muros. C’était un putain de spectacle désolant, ces mêmes connards allaient enchaîner en chiant sur « les gens Intra-Muros » qu’ils n’avaient jamais croisés et sur « la vie là-dedans » dont ils ne connaissaient rien. C’était à pleurer.
En parlant des fortif’, justement, Léo les approche. Pouvoir aller et venir entre Extra et Intra-Muros, ce n’est pas si aisé normalement. La plupart des gens respectables Extra-Muros n’ont pas beaucoup de raisons de venir passer du temps « dedans », et les gens Intra-Muros n’ont pas tellement de possibilités d’en sortir, hors circonstances exceptionnelles. La réalité, c’est que si des gens de l’extérieur veulent pouvoir régulièrement venir s’encanailler Intra-Muros, il faut qu’ils se débrouillent, notamment en arrosant de pots-de-vin la faune louche qui gère les « péages » tout autour de la cité : les Patrouilleurs. Et, de manière générale, aucun moyen de pouvoir aller et venir comme ça sans un laissez-passer officiel délivré par l’État. Laissez-passer qui ne peut se justifier que par une nécessité professionnelle ou… les relations qu’il faut.
Le péage Balard est en vue. Il paraît qu’avant c’était une fourrière souterraine, comme quoi fut une époque il devait en effet y avoir trop de bagnoles « dans Paris », parce que là l’idée de fourrières pour cette cité, ça le fait marrer. Aujourd’hui toutes les fourrières sont à ciel ouvert. C’est dans ces péages qu’habitent les Patrouilleurs. Il est habitué, en approchant, à voir des têtes s’élever d’un coup et apparaître au-dessus des palissades à mesure que le bruit du moteur se fait entendre, comme des têtes de suricates qui se dresseraient d’un seul mouvement pour bien vérifier qu’il s’agit de lui. Il faut dire que sa bagnole fait un son particulier : c’est probablement un des plus récents modèles à circuler dans l’enceinte de la cité. Il ne s’est décidé à la prendre pour venir Intra-Muros qu’à partir du moment où il était assez haut dans le tableau du championnat pour être assuré de combattre dans des salles avec parking surveillé par des gens de confiance, principalement des amis de Marko. Pour ce qui est de ceux qui gèrent et habitent dans les péages-fourrières, ils ont tout un tas d’aspects inquiétants, mais aussi comme point commun de respecter la mécanique. Aucune chance qu’ils s’en prennent à sa caisse.
Les Patrouilleurs forment une communauté tout à fait à part, Intra- Muros. Ce sont eux qui, de près ou de loin, s’occupent de tout ce qui a trait aux véhicules. Lors des évènements où la ville a été désertée par sa bourgeoisie, et où les classes populaires ainsi que les nouveaux habitants en ont pris possession, les fourrières de l’époque ont été récupérées par ces mecs et ces nanas. Ils en ont rapidement fait des points stratégiques, à garder, afin de prévenir d’éventuelles tentatives venues d’Extra-Muros pour récupérer l’enceinte. Peu à peu ils se sont constitués en une sorte de corps de métier. En plus de servir de postes de surveillance, les fourrières sont devenues des péages, presque des postes-frontière en réalité, où il fallait montrer patte blanche si l’on décidait de se hasarder Intra-Muros depuis l’extérieur. Peu à peu ils ont géré ainsi toutes les portes de la cité. Étant donné que très peu de nouveaux modèles de voitures arrivaient de l’extérieur, les Patrouilleurs se sont mis à apprendre la mécanique avec l’aide de quelques mécanos professionnels qui s’étaient retrouvés avec eux dès la prise des fourrières, ou peu après. Ils avaient de fait un nombre dément de véhicules parmi lesquels piocher. Ainsi, chaque Patrouilleur disposait d’une voiture à n’importe quel moment, où il le souhaitait, dans n’importe laquelle des fourrières où il allait : Chevaleret, Charlety, Pouchet, Balard… Ces péages étant devenus leurs habitations, en plus de leurs lieux de travail, les Patrouilleurs se mélangeaient peu aux autres habitants et restaient le plus souvent à la périphérie intérieure de la cité. En revanche, ils circulaient beaucoup entre ces différents quartiers généraux et il était ainsi très commun de les croiser en voiture ou à moto, de nuit comme de jour, sur les boulevards des Maréchaux pour se rendre d’une porte à une autre. Ainsi, à force de les voir en virée tout autour de la ville, aussi bien pour se déplacer que pour assurer une surveillance des nouvelles fortifications qu’ils avaient participé à construire, ils se sont vu attribuer le surnom de « Patrouilleurs ».
Même si, donc, jamais l’un d’entre eux n’aurait osé s’en prendre à la caisse de Léo par respect pour la machine, ils auraient pu, en revanche, s’arranger pour la récupérer de force. Là, il semble qu’aucun bakchich n’aurait pu égaler la valeur de son véhicule à leurs yeux. Mais les Patrouilleurs avaient un chef, et si Léo entrait et sortait de la cité avec cette voiture sans problème, c’est que le leader des Patrouilleurs le lui permettait.
En entrant dans l’enceinte de la fourrière, bordée de chaque côté par les épais murs des nouvelles fortif’, Léo croise surtout des visages dont les regards admiratifs louchent sur sa voiture, très peu sur lui-même. À chaque fois, ces fourrières devenues des quartiers à part entière le font halluciner : les rues semblent constituées de carcasses de voitures empilées qui forment comme des haies d’honneur sur son passage. Dans le cas présent, comme il s’agit de la fourrière Balard, c’est tout le secteur de Balard qui forme un gigantesque poste de péage : les voitures bien alignées en bas d’immeubles réquisitionnés pour devenir les logements des Patrouilleurs. Idem à Chevaleret, Pouchet ou Charlety, ainsi qu’à de nombreuses portes.
Roulant au pas, et désormais arrivé au cœur de cette ville dans la ville, Léo sait qu’il va tomber sur le chef. Du moins il l’espère, mais jusqu’à présent celui-ci a toujours été présent. Léo suppose que de toute manière le mot est passé depuis le temps, mais il se sent néanmoins toujours rassuré quand c’est le patron qui fait le geste à ses Patrouilleurs de le laisser passer, après un échange de quelques mots, voire parfois de simples regards. Et comme prévu, infailliblement, Hector est bien là ce soir. Et il a toujours la même dégaine. Léo pense qu’il s’inspire de vieux films, quelque chose comme ça, quand certains jeunes étaient tous sapés de la même façon : jean et cuir clouté. En fait il a même vu des films de science-fiction de l’époque et s’était marré en constatant comment ils imaginaient le futur, mais finalement lorsqu’il voit le look d’Hector et de ses Patrouilleurs, il se dit que certains films d’anticipation n’étaient pas tombés loin. Bon, ils étaient assez impressionnants, quand même, et ne manquaient pas d’une certaine allure. Mais Léo ne peut s’empêcher de penser que, si tout ce beau monde a effectivement une touche assez rock’n’roll, il y a un je-ne-sais-quoi d’anachronique tant il a l’impression que les mecs se refilent les mêmes vêtements entre steampunk et rockabilly depuis des décennies.
En roulant doucement, Léo approche d’Hector qui, fidèle à lui-même, arbore toujours le même perfecto clouté porté à même la peau, un bon vieux jean sans âge sur le cul et enfoncé dans des Docs noires montantes jusqu’aux genoux. Non seulement le gars ne change pas le look mais il ne vieillit pas, se dit Léo alors que les phares de sa voiture éclairent le visage du chef local : depuis des années il n’a pas pris un kilo, ni une ride, ni un cheveu blanc. Il a toujours le corps sec, hyper dessiné, sans un gramme de gras. Une tronche même pas méchante, mais abîmée par une cicatrice qui lui balaie le côté droit du visage, du coin de l’œil au menton, et toujours le cheveu presque ras, mais malgré tout systématiquement mouillé de ce qui semble être du gel ou de la gomina. Arrivé à son niveau, Léo baisse la fenêtre de sa portière en voyant qu’Hector se dirige vers lui et semble avoir quelque chose à lui demander :
- Alors ? Victoire ?
- Victoire !
- C’est bon ça. Tu sais, je parie sur toi, moi ! lui dit-il tout bas en faisant un clin d’œil sans décrocher l’esquisse d’un sourire. C’est cool, rentre bien.
D’un geste de la tête, Hector indique à un énorme gars placé devant la bagnole pour faire le chien de garde, un mastard au crâne rasé et moustaches en fer à cheval, bardé de cuir noir, qu’il peut bouger pour laisser passer la caisse. Léo sait que le prénom de ce grand costaud est Duncan, mais il a le plus souvent entendu parler de lui sous le surnom de
