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La saga Final Fantasy VII Remake
La saga Final Fantasy VII Remake
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Livre électronique538 pages7 heures

La saga Final Fantasy VII Remake

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À propos de ce livre électronique

Final Fantasy VII est un jeu culte qui a fait découvrir le genre du J-RPG à toute une génération. Vingt-trois années plus tard, son remake doit relever un défi tout aussi grand : raviver les souvenirs de cette même génération. Etrangement, Final Fantasy VII Remake ne refait pas, il ne recrée pas - non - il réinvente. C'est ainsi qu'il tire sa singularité, en ne rendant pas son modèle obsolète, mais en s'inscrivant dans sa continuité. Remake ne se contente pas d'assouvir un fantasme, il imagine une nouvelle réalité, en perpétuant un message toujours aussi pertinent sur les enjeux climatiques et sociétaux, en conservant un pied dans le passé tout en regardant vers le futur. Le livre" La Saga Final Fantasy VII Remake" propose ainsi un voyage dans Midgar, cette ville-monde qui ne dort jamais, en revivant les événements de ce premier épisode de la nouvelle trilogie accordée à Final Fantasy VII. Une manière d'en appréhender son fonctionnement et d'en révéler tous ses mystères...
LangueFrançais
Date de sortie31 déc. 2023
ISBN9782377844470
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    Aperçu du livre

    La saga Final Fantasy VII Remake - Pierre Lovati

    Image7Image8Image9

    Seven seconds

    till the end

    末日前七秒

    Aux confins du monde,

    7 secondes avant

    l’apocalypse.


    Interlude 0  FIRMAMENT (Flash forward)


    / Où sommes-nous ?

    / Séphiroth : Aux confins du monde.

    Le 12 juillet 2022, le nouveau télescope de la NASA, James-Webb, diffuse des images de la nébuleuse de la Carène, un nuage de gaz situé à 7 600 années-lumière de notre planète. C’est un lieu où commence la vie : une pouponnière d’étoiles. Cette photographie est une trace d’un lointain passé datant de 13 milliards d’années. En 2014, son aîné, Hubble, saisit la mort d’un astre au sein de la nébuleuse du Papillon (nommée ainsi pour sa forme singulière ressemblant aux deux ailes de l’insecte). Ce sont des images spectaculaires issues de perspectives profondes qui portent en elles des réalités qui nous sont étrangères, comme venues d’univers parallèles. De pareilles fresques chromatiques ornent le ciel de l’affrontement décisif de Final Fantasy VII Remake. Au firmament, Cloud retrouve Séphiroth sur un espace lunaire, semblable à la chambre mentale opaque et monochrome où, naguère, le joueur déclenchait l’emblématique attaque Omnislash. Dans une posture familière, tous deux se défient. Le joueur n’a pas de touches à enfoncer, pas d’interactions, il reste passif. Les protagonistes croisent le fer un court instant jusqu’à ce que leurs lames s’entrechoquent côte à côte. Il n’y a pas de victoire ou de défaite, mais dans l’intensité des regards, du visage verdâtre de Cloud et du front carmin de Séphiroth, l’on croit percevoir une éruption solaire, comme l’aurore boréale rougeoyante observée au-dessus de la Terre en 2015 depuis l’ISS par l’astronaute américain Scott Kelly. En cet instant, nous ne savons pas pourquoi Séphiroth tient à s’arrêter longuement pour disserter face à la Voie lactée ; peut-être pour semer les graines du doute dans notre esprit. Sûrement que le moment est différent de 1997, ne porte pas le même enjeu. Entre la vie et la mort, ce ciel astral est l’écho d’un destin vieux de vingt-trois années ; une marque persistante et macabre que l’on distingue depuis la réalité du jeu.

    Séphiroth : Notre planète fera un jour partie de tout cela. Mais moi, je veux subsister.

    Et je ne te laisserai pas disparaître.

    Séphiroth s’échappe comme par magie, ne laissant derrière lui qu’une plume noire vacillante. Abandonné, Cloud observe à nouveau en silence ce panorama fait de fragments de matière. Devant lui, une nuée d’étoiles forme une aile d’ange unique, comme l’était celle de son adversaire lors de son attaque Supernova. Nous sommes ici à l’extrême limite d’un jeu qui vient de renaître, déjà à la frontière d’un prochain, alors témoin du passage du temps. Cloud est désarmé, il n’aura plus à combattre ici. Sa Buster Sword est plantée dans la terre au premier plan de la scène, une manière de clore la séquence. On contemple une reproduction de l’écran-titre de début de partie, le joueur est pris au piège dans une boucle, celle de revenir infiniment à Final Fantasy VII.

    Shûichi Katô¹ : La représentation typique du « temps » dans la culture japonaise est une forme de présentisme² […] Il n’est pas nécessaire d’indiquer les relations avec les événements du passé ou du futur pour en appréhender la signification³.

    Image10

    Nébuleuse NGC 6302

    Crédits : NASA, ESA et l’équipe Hubble SM4 ERO – 2009

    Cette conclusion de Final Fantasy VII Remake en a laissé plus d’un circonspect quant à sa signification. Sûrement car une partie du message passe par la compréhension des codes culturels du pays. Au Japon, on considère que trois types de temps coexistent : le temps linéaire dans sa plus pure expression, comme si depuis le Big Bang une ligne droite avançait vers l’infini ; ensuite le temps cyclique, celui des saisons, qui tourne autour de l’être et qui revient indéfiniment (printemps, été, automne, hiver) ; et enfin le temps de la vie, celui qui comporte un début et une fin, notre présence sur Terre, notre expérience de la mortalité. Dans cet espace final, ni le temps linéaire ni le temps cyclique ne semblent perceptibles, nous habitons un présent en suspension. Ce qui vient marquer une singularité de cette représentation du temps japonais, c’est cette omniprésence du « maintenant ». L’instant présent japonais est à comprendre comme un espace élastique, qui englobe l’immédiat ainsi que le proche passé et le proche futur. Ce lieu de retrouvailles qui semble hors cadre sert à exprimer une sorte « d’hyper maintenant », qui vient sortir Cloud et Séphiroth du jeu pendant un bref délai, comme brisant le quatrième mur⁴. Dans cet espace de pause qui ne répond plus aux logiques du temps linéaire, on perd également les repères du cycle des saisons, qui est pourtant le socle esthétique du Japon, dont les haïkus⁵ sont les plus vifs représentants. Menacés par le réchauffement climatique et l’effondrement qu’il implique, les Japonais redoutent de perdre l’aspect visuel et cyclique des saisons qui impactent le monde autour d’eux. Ce rapport à la fatalité du retour, du temps qui vient, du temps qui s’enfuit, de ce sentiment de Mujô 無常 – « d’impermanence » –, de l’éphémère et de l’éternel retour. Là où Final Fantasy VII Remake se ferme, c’est perdu dans un espace qui ne peut rendre compte de la temporalité. Sommes-nous dans le futur ou dans le passé ? Peut-être au milieu de tout cela. En tout cas, c’est une scène qui vient révéler la nature du jeu que nous venons de terminer, et de ses suites à venir. Qui, par les répliques de Séphiroth, tend la main vers l’inconnu⁶. Un intervalle qui esquisse une bascule pour l’aventure.

    Séphiroth : Fais attention. Le chemin à venir n’existe pas encore.

    L’instant suspendu de ce corridor tient à sceller cette relation au temps, du choix que nous avons fait de vouloir jouer à un remake de Final Fantasy VII. Par ce pacte de fin de jeu, des mots susurrés comme un poème, nous comprenons l’essence même de la fondation de ce projet de réécriture. Qu’importe de savoir si nous nous situons après les événements du jeu de 1997 ou si nous sommes dans une autre chronologie, ce dernier lieu vise à nous faire contempler l’articulation du désir, dans un endroit éloigné de l’aventure que vient de vivre le joueur, peut-être aussi pour canoniser dans les étoiles ce nouvel épisode. Au firmament, Séphiroth et Cloud révèlent au joueur leurs rangs de saints.

    C’est ici que tout finit et que commence ce livre. Nous allons oublier un moment cet espace-temps, et nous y reviendrons en toute fin de lecture, aux confins des chapitres, au gré d’une saison passée dans Final Fantasy VII Remake. Il est temps de présenter les lieux, de positionner ses acteurs et de vivre leur aventure. Comme si on ordonnait ces pages à la manière des syntaxes des phrases japonaises : en commençant par les locuteurs et les lieux, avant d’indiquer l’action ou le temps, pour que seulement à son terme, l’on puisse mettre un sens sur ces mots ; en définir un paysage complet.

    Séphiroth : Plus que sept secondes avant l’apocalypse.

    L’avenir ne dépend que de toi,

    Cloud.

    Image11

    Les « Falaises cosmiques » de la nébuleuse de la Carène par JWST.

    Crédits : NASA/ESA/CSA/STScI. – juillet 2022

    Pierre Lovati

    Auteur et vidéaste sur le jeu vidéo

    depuis 2016, passionné du Japon,

    il écrit régulièrement des articles

    pour la revue Immersion, et

    enseigne l’analyse de jeux aux futurs

    développeurs de l’HEAJ (Namur).

    La Saga Final Fantasy VII Remake

    est son premier livre.


    1  Shûichi Katô (1919-2008) était un historien des idées, encyclopédiste et médecin japonais. Il était une grande figure du monde intellectuel japonais, possédant une connaissance approfondie de la culture japonaise mais aussi de la culture occidentale.

    2  Qui ne considère que le moment présent.

    3  Shûichi Katô, Le Temps et l’espace dans la culture japonaise, CNRS éditions, Paris, 2009, p. 241.

    4  Au théâtre, le quatrième mur est une délimitation imaginaire qui sépare les acteurs des spectateurs, qui fait que ces derniers sont censés voir une histoire réelle et que les acteurs sont censés jouer sans tenir compte qu’ils sont ou seront regardés (cette définition peut s’appliquer au roman, au jeu vidéo comme au cinéma).

    5  Un haïku est un poème d’origine japonaise extrêmement bref, célébrant l’évanescence des choses et les sensations qu’elles suscitent. Un haïku évoque généralement une saison et comporte souvent une césure.

    6  Des propres dires de Kazushige Nojima (concepteur de l’histoire et scénariste), ces dialogues furent écrits dès la première mouture du scénario, sans savoir où ils allaient êtres placés.

    Image12Image13Image14

    Midgar, Mako city

    魔晄都市 米德加

    Ouverture

    / Kazuyuki Ikumori (réalisateur des cinématiques sur Remake) : Midgar… Depuis ma contribution au développement du jeu original, j’ai retouché les sections de la ville et me suis chargé de son évolution dans les titres sortis ensuite, mais sans jamais imaginer que je la fréquenterais aussi longtemps. Quand je songe à tous les personnages qui y ont grandi, je me dis que Midgar est bel et bien le point de départ de Final Fantasy VII¹.

    Le livre que vous tenez entre les mains s’articule autour d’un voyage urbain. Celui que réalise le joueur lorsqu’il parcourt Final Fantasy VII Remake. Aussi, nous avons construit cet ouvrage comme une géographie, en suivant le périmètre de jeu qu’imposent les murs de la mégalopole. Chacun des chapitres est une localisation de l’histoire que vous découvrirez au rythme de l’aventure. De secteur en secteur, des taudis jusqu’à la tour Shinra, vous saurez tout de cette ville-dédale nommée Midgar. Tellement que l’on peut aller jusqu’à la personnifier. Disons-le tout de suite : Midgar est le personnage principal de ce jeu. Titan cyberpunk² qui nous observe tout au long de notre parcours. Celle-ci incarne une utopie d’hier, dont la présence est devenue un danger pour la nature. Un lieu contradictoire, hostile à la vie mais abritant de nombreuses âmes. C’est le cadre d’une rencontre, entre les héros et leur destin commun ; entre le jeu et nous. Un territoire duquel nous nous échapperons en fin de partie, qui à la manière d’un tremplin propulsera avec force et détermination les événements à un autre épisode, dans une saga en devenir.

    Survoler au grand jour

    Vingt-trois années séparent la sortie initiale de Final Fantasy VII de celle de son remake. Un fantasme s’est construit autour de ce dernier, de la plastique qu’il allait revêtir. Aussi, cette nouvelle réalité choisit de se jouer de nous au moment d’apparaître. La cinématique introductive de Remake travaille sur ce sentiment d’attente et prend son temps pour se dévoiler dans son entier. Une sorte de strip-tease architectural, où le tissu urbain se met à nu morceau par morceau, avant de se contempler de la tête aux pieds. Le spectateur qui lance une nouvelle partie survole d’abord des terres arides où la vie n’existe plus. Une brume habite ces montagnes où seul un rapace ose encore s’aventurer. Avec ce regard perçant qui le caractérise, l’oiseau nous sert de guide vers notre proie : Midgar. S’opère alors une rencontre symbolique entre les ailes déployées de l’animal et les ailes métalliques de la plaque supérieure. Un contraste entre la légèreté de la plume et le poids de la structure urbaine, qui se cache derrière ses vapeurs opaques, laisse deviner des grues et d’autres installations de chantier situées aux extrémités de la ville. L’oiseau nous largue dans le plein de la mégalopole, comme le ferait un remorqueur sortant un paquebot du port. Conviés derrière l’écran de fumée, nous mettons un visage sur un nom. C’est une structure escarpée, comme le suggère son étymologie nordique, une « enceinte du milieu³ » aux bâtisses verticales. À première vue, il est difficile d’avoir une représentation claire de ce maillage d’immeubles, de dégager une perspective. Tout est bouché par des enchevêtrements. Dans les lumières vaporeuses du jour, les routes et les ponts se greffent aux surfaces vitrées des constructions. Un lierre grimpant des tuyaux aux formes organiques envahit les constructions pour acheminer au plus haut l’énergie dont raffole cette cité. Le gris sature l’espace. Tout est d’acier et de béton. Les surfaces sont si polies que des images s’y produisent par réflexion, créant de la confusion : entre le tubulaire du métro aérien, du tuyau d’écoulement, du building-tourelle ou des cheminées évacuant d’autres métaux lourds. L’œil est noyé. Impossible de voir le sol, les constructions sont denses et tournées les unes sur les autres, permettant d’imaginer une concentration de population inouïe. La caméra qui nous guide opère un mouvement de descente jusqu’à une croûte goudronnée où vivent les habitants. Retourner ainsi à une échelle humaine permet de connaître leur quotidien dans ces fumées industrielles où la présence de végétal semble impossible. Les passants circulent dans les rues et s’affairent à participer à cette introduction. Comme si les ouvriers terminaient symboliquement la construction du monde. Des cartons sont déballés, des tuyaux acheminés mécaniquement, chaque pièce prend sa place. Des enfants à bicyclette prennent le relais de l’oiseau pour nous guider jusqu’à une aire de jeux de quartier. Une façon de positionner le joueur à l’orée d’une deuxième introduction. Celle qu’il connaît déjà, à laquelle il s’attend : la promesse de contempler la ville de Midgar par un plan zénithal et nocturne.

    Poupées russes

    Remake s’ouvre ainsi en poupées russes, par paliers. En plein jour, dans une crudité de l’éclairage que l’on ne lui connaissait pas. Étonnamment, c’est aussi pour ne plus jamais apparaître ainsi. De toute l’aventure, le joueur n’aura la possibilité de revoir les hauteurs de ce monde sous une lumière diurne, sans l’artificiel des néons de la nuit. Le décor se pare bel et bien d’un éclairage propre au jeu, comme un spectacle sous les projecteurs, pour que puisse se vivre la grande première. C’est ainsi, dans le reflet de l’œil d’un enfant jouant au parc, que le joueur bascule vers l’ouverture de 1997. On traverse ici un autre voile, une mise en abyme de notre condition de joueur qui désire accéder à l’expérience. On perçoit dans le reflet l’un des gigantesques réacteurs qui séparent le cœur de la ville du périurbain. Ses vapeurs deviennent incandescentes, donnant à voir une volute plus radioactive. Le ciel s’assombrit, se remplit d’étoiles, et la scène n’a plus rien de figuratif. Des violons s’accordent en jouant la note de musique la, comme le font les orchestres au début d’un concert. Notre souffle se retient : nous sommes de retour dans Final Fantasy VII. Il y a un emboîtement particulier dans ce moment qui convoque une image fondatrice du J-RPG⁴. Cet espace d’avant-jeu a divulgué les coulisses d’un nouveau titre. Finalement, un vestibule créé pour le spectateur comme une anacrouse en musique, une phrase musicale qui ne commence pas sur une mesure complète. Une sorte de mesure zéro qui permet l’accroche de l’écoute, qui lance le morceau sur le temps. Sous le soleil, nous appartenons à un espace d’accordage, le temps que tout le monde rejoigne son siège.

    Preuve supplémentaire de ce caractère d’entre-deux, le 14 février 2020, quelques semaines avant la sortie du jeu, cette même introduction fut diffusée en guise de bande-annonce. Une façon de sortir cet avant-jeu du cadre ludique, de précéder l’expérience du jeu lui-même. Un élément publicitaire qui prépare le joueur, comme une purification par l’eau, à plonger dans l’aventure. Devait-elle vraiment être publiée ? On peut remettre en cause cette décision par la présence d’une publication Twitter ce même jour, par son directeur général, Tetsuya Nomura, qui avoua ne pas souhaiter que les joueurs puissent la regarder tant que le jeu n’était pas encore entre leurs mains. La tentation était sûrement trop forte pour les équipes marketing de Square Enix. Cette fuite organisée vient créer un nouvel objet mémoriel, qui permettra de figurer un souvenir de cette réunion. Goichirô Inoue (superviseur des prévisualisations des cinématiques de Remake) dit avoir visionné des centaines de fois cette introduction, ayant travaillé sur de nombreuses versions⁵, passant en revue les moindres détails. Laissant la séquence de côté plusieurs semaines, pour qu’à chaque reprise, il l’aborde d’un œil neuf. C’est un cycle qui se perpétue, puisque cette même ascension avait demandé énormément de travail aux développeurs d’antan découvrant la création 3D et les capacités de stockage du support CD. Ce travail acharné sur le rythme et les cadrages se ressent à tous les niveaux, jusque dans la construction de la musique, qui s’amuse à varier les approches organiques et numériques, tantôt pour souligner la vie par des chœurs humains et instruments à cordes, tantôt mécanique par la présence de synthétiseurs (utilisant des arpégiateurs pour démultiplier le nombre de notes jouées), créant un aspect roulant, circulant, collant parfaitement à la nature préparatoire du moment.

    Un portrait d’époque

    Après tant de changements apportés à l’élaboration de l’introduction de Remake, il est désormais temps de reconnaître Final Fantasy VII. Si le bruit sourd de l’espace de 1997 ne résonne plus, l’agitation des particules est bien présente. Tout cela cesse lorsque la lumière se dépose enfin sur le corps d’Aerith qui, elle aussi, reprend son rôle. Plutôt que de la découvrir de face, elle nous est présentée en contrebas. Immobile, elle prend vie face à nous en ouvrant les yeux. Aerith symbolise tant l’ouverture que la fermeture, elle qui nimbait de sa présence le jeu d’hier. Sur les premières notes du thème d’ouverture se relance alors méthodiquement l’introduction originelle. Aerith porte un panier de fleurs et quitte une petite ruelle pour rejoindre une avenue où les passants grouillent. Bousculée, elle se relève pour fixer l’écran, comme pour laisser s’enfuir la caméra, et nous avec. Au son des cuivres, on s’échappe, abandonnant la jeune femme seule au milieu du corps du jeu. La caméra prend à nouveau l’envergure d’un oiseau, cette fois-ci immatériel, libre. Nous frôlons la tour centrale qui se dresse devant le spectateur. Midgar est dans son entier, circulaire, sous le feu des projecteurs dans la grandiloquence de la musique. À des centaines de mètres du sol, le logotype du jeu s’affiche, nous y sommes : Final Fantasy VII Remake.

    Hironobu Sakaguchi (producteur et vice-président, Square Japan à l’époque de Final Fantasy VII) : Nous avions engagé un infographiste du nom de Motonori Sakakibara pour travailler sur les cinématiques du jeu. Je lui ai donné une vague indication concernant la séquence d’ouverture, une phrase ou deux sur la caméra qui devait s’éloigner de Midgar pour montrer l’ampleur de la ville et lancer le récit. Rien qu’avec ça, il s’est mis au travail et le résultat m’impressionne encore aujourd’hui. Quand j’ai vu ça, avec la musique de notre compositeur Nobuo Uemastu, j’ai eu le sentiment que les planètes étaient en train de s’aligner. Je ne pourrai jamais oublier cet instant magique⁶.

    Dans une grande tradition des jeux Square Enix, cette séquence est une cinématique en images de synthèse précalculées⁷. Elle n’est pas émulée en temps réel. La modernité du regard sur la ville passe par une représentation qui s’assoit sur un savoir-faire propre à la société. L’ascension d’Aerith jusqu’au logo du titre continue d’être un défi technologique, à tel point que la PlayStation 4 ne pourrait calculer en direct ce nouveau plan-séquence ascensionnel et photoréaliste. Ce qui était hier un défi technologique⁸ demeure aujourd’hui une prouesse. Le décollage permet une vue méticuleuse des détails, on distingue clairement l’organisation architecturale du quartier que nous quittons. Une densité que ne possédait pas la cinématique de 1997. On peut même s’amuser à observer toutes sortes de changements dans cette organisation, notamment sur la nature des lieux. Par exemple, on ne retrouve plus l’iconique Goblin’s bar ou le café français Les Marronniers⁹. Cette marche inaugurale d’Aerith dans la ruelle du Secteur 8 est un élément de communication fort pour les joueurs. Aussi, en reconstituer les premiers pas focalise le regard sur les moindres détails jusqu’à l’obsession.

    Identité cachée

    Cette entrée en matière ne se fait pas sans une dernière surprise. Durant toute la séquence d’introduction de Remake, sans qu’il puisse être discerné, est suggérée la présence de l’antagoniste du jeu. Par la reprise des paroles du thème célèbre de Nobuo Uematsu : One-Winged Angel. Séphiroth semble flotter dans les airs à la manière de l’aigle qui survole les alentours de la ville. On entend les deux premiers vers (en latin) de la strophe :

    Estuans interius

    Brûlant intérieurement

    Ira vehementi

    Avec une haine violente

    Ces paroles accompagnaient la forme divine de Séphiroth, dans ce qui reste l’un des combats de RPG les plus célèbres de l’histoire du jeu vidéo. Cette chanson a dépassé le cadre vidéoludique pour être une mélodie traversant les époques et évoquant plus largement la franchise Final Fantasy. Aussi, peut-on faire deux hypothèses sur l’emploi de ces vers. Soit ces deux phrases évoquent la présence fantomatique de Séphiroth dans les rues de Midgar, imaginant même que l’oiseau sombre puisse être une représentation symbolique de l’arrivée du personnage ; cela embrasserait une représentation de lui que l’on retrouve souvent dans les jeux de la franchise sortis post-Final Fantasy VII : figurer sa présence par l’apparition d’une plume noire éphémère. Soit, dans une deuxième hypothèse, ces deux phrases vont avec la personnification de Midgar. Les propos de la chanson décrivent un être qui « brûle intérieurement avec haine et violence ». Cela peut illustrer le caractère destructeur de cette ville fumante, qui fait tabula rasa autour d’elle en puisant l’énergie vitale qui l’entoure. Peut-être qu’il y a même un peu des deux, une rencontre entre ces deux sources de souffrance, qui s’assemblent, l’un étant suggéré par les mots, l’autre divulgué au grand jour.

    Nous venons succinctement de faire connaissance des lieux. Ainsi positionnés devant l’entrée du jeu, il ne nous reste plus qu’à posséder l’avatar qui nous permettra l’incarnation de cette aventure : Cloud. Mais avant cela, au milieu des airs, nous devons retracer une dernière trajectoire. Celle qui a permis la renaissance de cette histoire, de comprendre comment nous en sommes arrivés là.


    1  Final Fantasy VII Remake – Material Ultimania, Mana Books, 2021.

    2  Le cyberpunk (association des mots cybernétique et punk) est un genre de la science-fiction très apparenté à la dystopie, qui met souvent en scène un futur proche, avec une société technologiquement avancée souvent désenchantée.

    3  Évocation du nom emprunté à la mythologie nordique : Midgard (avec la lettre d), forme anglicisée du vieux norrois Miðgarðr, qui est le nom de la cité des mortels.

    4  Le J-RPG est un genre de jeu vidéo de rôle produit au Japon (J), où le gameplay est basé sur un choix de commandes proposées au joueur qui déterminent les actions qu’il lui est possible d’effectuer.

    5  Une version incluant le quotidien d’un employé de la Shinra fut notamment envisagée.

    6  Matt Leone, Les Mémoires de Final Fantasy VII. Confessions des créateurs, Third Éditions, 2019.

    7  La 3D précalculée se base sur un moteur de rendu souvent photoréaliste qui s’occupe de générer l’image 3D et de la capturer sous forme de vidéo. Ce calcul demande énormément de données et de ressources. Certaines images 3D sont tellement complexes à produire qu’elles s’obtiennent après plusieurs minutes de calcul.

    8  La construction de ce plan zénithal avait monopolisé les équipes des semaines durant pour rendre la séquence la plus impactante possible.

    9  Pourtant, ces mêmes lieux ont déjà été recréés dans d’autres tentatives de figurer l’introduction de Final Fantasy VII. Que cela soit dans la démo technique produite pour la PlayStation 3 (2005) ou dans la fin secrète de Crisis Core (2007).

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    Le corridor du temps

    Un jeu en 365 jours

    Final Fantasy VII est un exploit. Sans refaire sa genèse en détail (d’autres ouvrages le font avec talent¹), nous pouvons néanmoins dégager quelques axes de réflexion qui permettent d’esquisser la trajectoire qui mène à Remake. Tout d’abord, car c’est un jeu sulfureux, conçu entre deux générations de console, dont la réelle production s’est établie au cours d’une année à peine, dans des conditions de travail que l’on ne souhaiterait plus tolérables pour l’industrie du jeu vidéo. Une image d’Épinal de la production japonaise : un projet qui occupe ses salariés jour et nuit, qui abandonnent une certaine raison du quotidien. En témoignent des fictions autobiographiques comme celle de Jirô Taniguchi, Un zoo en hiver (2008), qui décrit le train de vie métropolitain d’un jeune travailleur dans l’industrie du manga à l’orée des années 1970. Dans ces conditions, le héros s’applique à sa tâche jusque très tard pour respecter des deadlines serrées, imposées par l’éditeur, sort boire un verre après minuit dans une ville qui ne dort jamais, s’éloigne de sa campagne natale et de son horizontalité. Cette façon de concevoir Tokyo et ses habitants est une composante de cette représentation city pop² du Japon. Les autres milieux artistiques ne sont pas épargnés, on retrouve des récits similaires chez les intervallistes dans la production d’anime, mais également chez les programmeurs de jeu vidéo³. Cette représentation du travail, souvent méritocratique, tient encore une place importante dans l’industrie. Une époque où l’on cherchait ses marques, expérimentait la forme des jeux sans data sourcing⁴, avec une plus grande flexibilité dans les choix exécutés ; où la direction d’une histoire pouvait être chamboulée jusqu’au dernier moment⁵, voire lors d’une pause cigarette⁶. L’absence de dialogues enregistrés permettait notamment cette réactivité face aux idées. Par exemple, une personnalité comme Kazushige Nojima n’était pas seulement scénariste, il planifiait également les événements du jeu, codait directement les répliques et les mouvements des personnages lors des scènes de dialogue passives (ce qui, dans la production d’un jeu contemporain, ne pourrait exister qu’au sein d’un petit studio). Les années 1990 sont derrière nous, avec elles une certaine insularité de la production japonaise, qui concevait des œuvres en ne s’occupant que superficiellement de l’Occident. Une considération qui changera définitivement pour le développement de Final Fantasy VIII, où de nombreuses décisions seront menées dès le départ pour faciliter la commercialisation du jeu, notamment son travail de localisation. L’organisation du travail en structure pyramidale a également quelque chose de suranné. Pour le caricaturer brièvement, les studios japonais se caractérisent par des relations hiérarchiques compartimentées : entre d’un côté les artistes pensant le jeu et de l’autre les game designers⁷ exécutant les idées. Les changements apportés pour la conception de Final Fantasy VII sont plus que des sauts technologiques, mais bien des actes de non-retour. S’engouffrer dans la 3D demandait de s’équiper de nouveaux outils informatiques coûteux, de changer les pipelines⁸, d’embaucher des spécialistes et de former ses équipes aux standards à venir. Un défi de taille qui a comme égérie le support CD, symbole de cette nouvelle ère d’imagerie numérique, qui permet de stocker plus de données, particulièrement des cinématiques époustouflantes qui deviendront la marque de fabrique du studio. L’histoire se structure en partie au gré des disques, créant des effets dramatiques comme des cliffhangers⁹ dans la narration. Premier point constaté ici, Final Fantasy VII Remake est un jeu qui s’inspire d’une étincelle, un aîné forgé dans un temps assez court, dans une cadence de travail déraisonnable et dans une période de transition technologique. Il avait toutes les raisons de ne pas devenir ce jeu culte ovationné, qui pourtant a marqué les esprits, a transformé à jamais la façon dont l’on conçoit les J-RPG. Aussi, est-il compliqué de le reproduire. Il s’agit de redonner vie à des images, histoires et systèmes de jeu qui ont été conçus dans une certaine virulence et précipitation, qui n’a rien du temps long du développement d’un jeu contemporain aux prétentions photoréalistes.

    FINAL FANTASY VII

    Yusuke Naora : J’avais 25 ans à l’époque.

    C’était la première fois que quelqu’un d’aussi jeune était à la tête de la direction artistique d’un titre d’envergure ! Qui plus est, avec si peu de mois pour travailler… Les autres membres de l’équipe venaient à peine de commencer à travailler sur des images de synthèse. On leur demandait de faire tout ça en quelques mois… Je me souviens m’être dit que cette firme était complètement dingue. Mais il y avait beaucoup de gens très talentueux. Toute cette énergie s’était mobilisée dans les bureaux. On n’était que des gamins¹⁰.

    Final Fantasy VII fut également un révélateur pour de jeunes créatifs, qui demeurent pour beaucoup toujours chez Square Enix (ou qui ont fait les belles heures du studio). Yoshinori Kitase avait à peine 30 ans quand il se voit confier par Hironobu Sakaguchi (ancien réalisateur de la série Final Fantasy) la responsabilité de conduire seul la direction d’un premier jeu d’envergure sur PlayStation. Il est, de nos jours, le visage rassurant de la compagnie, celui qui produit la trilogie de jeux permettant de redonner vie à Final Fantasy VII. Même chose pour Tetsuya Nomura qui reprend à l’époque une partie du rôle de Yoshitaka Amano sur la création de personnages. Il est incontestablement, pour le meilleur et pour le pire, l’un des character designers japonais les plus connus au monde et a mené de très nombreux projets, en passant notamment par le rôle de réalisateur. Mais aussi Yusuke Naora qui travaillait sur la direction artistique du jeu, qui a façonné la représentation que l’on connaît de Midgar. Il a employé tout son talent jusqu’au quinzième épisode de la franchise. Ces deux derniers avaient la vingtaine lors de la conception de Final Fantasy VII. Ce jeu est assurément un projet sur l’idée de la passation (ce que sera de facto, vingt-trois ans plus tard, son remake). Le sentiment de tâtonnement technologique, évoqué plus tôt, se retrouve dans cette jeunesse des équipes. De nombreux témoignages postérieurs, cités par exemple dans le guide Ultimania célébrant les dix années de la sortie du jeu, montrent une certaine candeur dans la relation au travail. On y retrouve notamment tous les clichés du dépassement de soi, propre au genre du shônen, donnant aux efforts que l’on pratique pour l’entreprise une valeur héroïque. Tous disent individuellement leur inexpérience face au projet et à quel point il les a transformés. S’ils abordent majoritairement de bons souvenirs de camaraderie, ils reconnaissent néanmoins que ces mémoires se sont maquillées avec le temps. De son côté, Hironobu Sakaguchi parle souvent de ce projet comme étant traversé par une dualité entre la vie et la mort¹¹. En un sens, la naissance de ce jeu redéfinit en profondeur le genre tout entier. Il remettait à plat l’idée que l’on se faisait de la licence, sans quitter son assise structurelle de J-RPG : stratégie, tour par tour, expérience accumulée pour l’obtention de niveaux, zones ouvertes de farming¹², donjons linéaires, etc. Mais il inventait avec lui des normes de représentation que l’on retrouve toujours dans les jeux modernes : caméras circulantes lors des séquences de combat, effets spéciaux pour les magies, animations complexes, cinématiques engageantes pour ponctuer la narration, mélange ingénieux entre 3D en temps réel et précalculée, etc. Final Fantasy VII devient à sa sortie le porte-étendard d’une nouvelle génération de titres, qui semblait enterrer ses idées préconçues. Une prétention d’approcher le médium du cinéma par le travail de mise en scène, sans que les créateurs s’en cachent, que l’on retrouvait jusque dans l’écran de game over, affichant une bobine de cinéma déchirée des photogrammes de la pellicule (de la séquence d’introduction de Midgar enfumée).

    Yoshinori Kitase : Dans le jeu original, nous avions choisi de cacher Séphiroth, de le garder pour plus tard. […] Je me suis inspiré du film Les Dents de la mer (Steven Spielberg, 1975), qui avait choisi une approche similaire pour laisser deviner au spectateur cette présence puissante, sans jamais vraiment montrer le requin jusqu’à assez tard dans le récit. Nous voulions qu’il grandisse dans l’esprit des gens comme ce personnage puissant, majeur. Le fait de seulement y faire référence indirectement a créé cette sensation de peur et d’oppression, faisant de sa première apparition un grand moment¹³.

    Loin de limiter le jeu à ses seules qualités visuelles et narratives, il est indéniable que le succès qu’il va rencontrer tient avant tout à son ambiance singulière et ses choix spectaculaires donnés à la narration (en témoignent les publicités d’époque). Car ce choc esthétique est, notamment pour le spectateur occidental, un bouleversement nouveau. Un bouillon de culture qui contient tous les motifs du Japon d’époque, entre fantasme et désenchantement.

    FINAL FANTASY VII REMAKE

    Héritier de l’ère Shôwa

    Pour comprendre comment se construit l’univers visuel du jeu, il est intéressant d’observer le paysage pop culturel japonais d’époque. Car si on évoque ce passage de témoin que permet le jeu, tant dans sa technologie que dans ses équipes, Final Fantasy VII est aussi la progéniture d’un passage générationnel pour le Japon tout entier. C’est à la fin de l’ère Shôwa¹⁴ (1926-1989) que cesse le miracle économique japonais des années 1960. On retrouve une figuration parodique de l’époque dans le jeu vidéo Yakuza Zero (Ryû ga Gotoku Studio, SEGA, 2015), où la richesse des Japonais s’exprime dans les ennemis, qui font littéralement tomber de l’argent quand on les frappe ! Une belle illustration de l’opulence de ce Japon qui se rêve numéro 1 mondial, devant les États-Unis (avec son fameux made in Japan). L’explosion de la bulle spéculative, qui amènera à caractériser la période suivante de « génération perdue » (1990-2000). Dans cette situation de crise, il n’y a plus la promesse infinie de croissance d’un capitalisme victorieux. Et c’est à ce moment singulier que le genre du cyberpunk connaît son essor et son apogée, à cheval entre ces deux périodes. Les œuvres affiliées racontent d’une certaine manière l’illusion d’avenir radieux ; les finalités d’un tel modèle sociétal dans un quotidien devenu technologique. Ce panorama est métaphoriquement celui des créateurs vivant en métropole. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le paysage urbain japonais s’est transformé, bétonné, a gagné en verticalité, abandonnant le bois traditionnel. Des surfaces lisses et étrangères pour les habitants, qui à la nuit tombée donnent à voir des colosses illuminés. Vie nocturne et sans espoir, comme le cyberpunk l’illustre, c’est aussi le cadre de vie des créatifs de l’époque, enchaînant les heures de travail jusqu’aux premières lueurs du jour. Alors, comment ne pas penser à Akira (Katsuhiro Ôtomo, 1982) quand l’on parcourt Midgar à moto, reconnaître les reliefs de la cité Zalem de Gunnm (Yukito Kishiro, 1990) quand l’on observe la structure des plaques de la métropole, ou enfin voir dans l’anatomie amputée de Jénova, le corps augmenté du major Motoko Kusanagi de Ghost in the Shell (Mamoru Oshii, 1995). L’imagerie cyberpunk est en vogue lors du développement du jeu. Elle sature l’espace culturel, les anime et mangas, jusqu’à la fin des années 1990. Final Fantasy VII s’inscrit dans cet ensemble d’œuvres aux nombreux points communs esthétiques. Des plus évidentes déjà citées, mais aussi comme des plus expérimentales, comme le film de Shin’ya Tsukamoto : Tetsuo (1989). Une œuvre psychédélique montrant la transformation d’un salaryman¹⁵ en être monstrueux, décharné. Contaminé par accident, l’homme perd la raison et devient biomécanique, recouvert de tuyaux, de morceaux de ferraille : une sorte de chimère urbaine. Cette thématique du corps changé, manipulé et objectivé est un thème important de Final Fantasy VII. Un contrôle scientifique, souvent pervers, du vivant, où le corps est ouvert comme un écorché en médecine, dont l’on va transformer les organes par des ajouts mécaniques. Ce regard cru sur l’anatomie habite le genre tout entier. Tsukamoto se réclame d’ailleurs d’Akira¹⁶. À ce propos, le film et la série de mangas du même nom regorgent d’iconographies que l’on retrouve dans Final Fantasy VII, particulièrement sur ce que la ville de Midgar emprunte à Néo Tokyo¹⁷. Que cela soit dans la grande verticalité des décors qui s’inspirent de New York, l’horizontalité des quartiers ouvriers faits de récupération, de bois et de tuyauterie en tout genre, mais également dans l’intérieur des bâtiments de la corporation, qui ressemblent à s’y méprendre à la tour de la Shinra¹⁸. Cette

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