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Commentaire sur les Actes des Apôtres
Commentaire sur les Actes des Apôtres
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Livre électronique1 327 pages22 heures

Commentaire sur les Actes des Apôtres

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À propos de ce livre électronique

L'aventure de la Réforme présente plus d'un point commun avec les débuts de l'Église chrétienne, après la Pentecôte ; principalement à cause de l'existence de pouvoirs persécuteurs qui ont cherché à étouffer le mouvement divin: le Judaïsme et l'Empire romain aux premiers siècles, la papauté et les monarques à la Renaissance. C'est pourquoi parmi les commentaires de Calvin, celui sur le livre des Actes des Apôtres prend des accents particulièrement vivants. L'auteur rapproche à chaque instant le récit de Luc de ce que les protestants cruellement réprimés expérimentaient alors tous les jours. Ce livre ne contient pas comme les commentaires modernes une exégèse mot par mot de chaque verset ; son nombre énorme de pages étonne encore plus quand on se rappelle qu'il date d'une époque où l'imprimerie était encore primitive et les ouvrages très chers. A sa lecture on comprend que Calvin a dicté librement son exposition du livre des Actes, comme il le faisait en parlant devant des étudiants. Ce commentaire reste largement utile, en soit, pour comprendre l'Écriture, mais il est de plus surtout indispensable pour connaître la pensée de Calvin lui-même. Cette reproduction numérique ThéoTeX a été réalisée à partir de celle de Meyrueis 1854, nous en avons modernisé suffisamment l'orthographe et quelques expressions, pour que sa lecture reste fluide aujourd'hui ; une importante table des sujets a été conservée, avec hyperliens, et un accès par versets a été rajouté. La traduction du livre des Actes a été remplacé par celle de la Bible annotée, sans inconvénients pour le commentaire.
LangueFrançais
Date de sortie21 avr. 2023
ISBN9782322468904
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    Aperçu du livre

    Commentaire sur les Actes des Apôtres - Jean Calvin

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    Mentions Légales

    Ce fichier au format

    EPUB

    , ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322468904

    Auteur

    Jean Calvin

    .

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    ThéoTEX

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    Théo

    TEX

    site internet : theotex.org

    courriel : theotex@gmail.com

    C O M M E N T A I R E

    sur

    les Actes des Apôtres

    1560

    ♦ ♦ ♦

    ThéoTEX

    theotex.org

    theotex@gmail.com

    – 2015 –

    Table des matières

    Un clic sur ramène à cette page.

    Accès par versets

    Accès par Sujets du Commentaire

    Préface

    Argument

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    Chapitre 7

    Chapitre 8

    Chapitre 9

    Chapitre 10

    Chapitre 11

    Chapitre 12

    Chapitre 13

    Chapitre 14

    Chapitre 15

    Chapitre 16

    Chapitre 17

    Chapitre 18

    Chapitre 19

    Chapitre 20

    Chapitre 21

    Chapitre 22

    Chapitre 23

    Chapitre 24

    Chapitre 25

    Chapitre 26

    Chapitre 27

    Chapitre 28

    ◊  Préface

    Au très illustre Prince Monseigneur Nicolas Badziwil, Duc en Olira, Palatin de Vilne, grand Maréchal du grand duché de Lithuanie, et Chancelier, etc., Jean Calvin, salut

    Pour ce que j'ai ôté d'ici les noms des deux Rois auxquels j'avais premièrement dédié ces Commentaires, de peur qu'aucuns à faute d'être bien informés ne viennent à m'en blâmer et reprocher quelque légèreté, il m'est besoin de rendre brièvement la raison pourquoi je l'ai fait. Car comme ainsi sait que la mémoire du père qui est maintenant décédé me sait en grande recommandation, comme il mérite, et que je porte aussi à son fils telle révérence qu'il faut : j'ai toutefois été contraint d'ôter leurs noms en cette seconde édition, à cause de l'importunité d'aucuns, lesquels ayant une haine forcenée contre moi, ont grand-peur que la majesté de ces deux Rois ne rende aucunement mes écrits plus agréables, et pourtant colportent qu'ils n'ont pas pris plaisir que leur nom fut mêlé parmi ce livre où je traite parfois de la doctrine des Sacrements, laquelle ils n'approuvent pas. S'ils disent vrai ou non, je m'en rapporte, à ce qui en est : et aussi il ne m'en chaut pas beaucoup : vu qu'en cela je n'avais cherché ni mon profit, ni quelque faveur particulière pour ma personne. Mais pour ce que ce me serait une chose malséante et honteuse, qu'en lieu que mes écrits trouvent assez de gens qui d'eux-mêmes sont enclins à les lire et y prennent plaisir, je m'amusasse à les présenter obstinément a ceux qui n'en veulent point : j'ai estimé qu'il serait bon maintenant de déclarer que jamais mon intention ne fut telle : mais seulement que j'ai espéré plus d'humanité de ce côté-là qu'on ne m'a montré. Tant y a que personne ne peut avoir occasion de se scandaliser, si quand les gens dédaignent le service et honneur que je leur fais, je reprend mes pièces afin de ne leur être plus en mépris, et les laisse jouir de leurs mignardises qu'ils goûtent tant, et en lesquelles ils se baignent.

    Cependant ce n'est pas sans cause que pour remplir la place de ces deux-là je vous ai choisi et me suis adressé à vous, Prince très excellent. Car premièrement je vous estime très digne duquel le nom apparaisse et sait renommé au bâtiment spirituel du temple de Christ : et puis aussi je ne fais point de doute que vous ne montriez autant de gracieuseté envers mon livre, qu'il vous a plu me déclarer par les lettres que vous m'avez écrites pleines de douceur et humanité. Mais laissant pour maintenant le regard particulier de ma personne, et l'amour que vous me portés, j'insisterai sur l'autre point : je puis à bien bon droit appliquer à votre personne le propos qui s'adressait à celui auquel j'avais premièrement dédié ce livre. Or ce n'est pas mon but de magnifier ici vos vertus excellentes, pour lesquelles vous êtes venu en grand crédit et autorité envers le Roi de Pologne, plutôt je prétend de coucher le propos par manière d'exhortation, de laquelle la somme reviendra là, que comme du commencement vous avez en grande joie de cœur embrassé la pure doctrine de l'Evangile, comme aussi vous avez jusques à présent montré une merveilleuse magnanimité à maintenir le vrai service de Dieu, vous montrez la même constance à poursuivre en cette sainte course jusques à la fin. Il est vrai est que c'a été une grande vertu à vous, quand sachant bien qu'il n'y avait rien de plus mal venu, ni même de plus odieux envers beaucoup de gens, que de faire franchement profession de la pure religion, et s'en montrer zélateur, néanmoins sitôt que la claire lumière de la vérité de l'Evangile de Christ vous a été présentée, vous n'avez point fait de difficulté d'encourir la mauvaise grâce et haine de tous ceux-là, en vous rangeant du parti de celle-ci. Aussi ce n'est pas une chose qui mérite petite louange, de ce que vous n'avez cessé de vous employer et faire tout devoir, pour entretenir et même accroître et avancer ces premiers commencements de l'Eglise de Pologne. Combien que telle diligence n'étant guère agréable communément, vous valut beaucoup de haine de la part de plusieurs grands du royaume. Mais pour ce qu'il vous reste encore des difficultés qui ne sont pas moindres, il est besoin que de plus en plus vous preniez bon courage pour les surmonter, jusqu'à ce que vous soyez parvenu au but de votre course. Et ce tant plus attentivement vous convient-il faire, d'autant qu'il se trouve plusieurs Princes, lesquels combien qu'ils voient l'état de l'Eglise être vilainement corrompu et renversé, n'osent toutefois essayer aucun remède pour y pourvoir : pour ce que quand il est question de mettre les corruptions hors de leur possession ancienne de laquelle elles ont joui paisiblement, ils craignent que la nouveauté et le changement ne mette en danger et eux et leur pays : et cette appréhension les retarde et empêche de faire leur devoir. Les autres estiment que c'est folie de mettre la main aux maladies, lesquelles (comme ils disent) sont incurables. D'autres aussi par une malignité je ne sais quelle, refusent et ont en horreur toute réformation. Mais ce serait une chose superflue de m'amuser à vous faire un long récit des empêchements que vous avez tout à l'entour de vous, vu que vous-mêmes les connaissez fort bien. Toutefois, quelques assauts que Satan vous présente, et quelques combats qu'il vous livre, si ne faut-il que jamais vous vous lassiez de cette sainte condition de guerroyer, laquelle vous avez promis de suivre sous l'enseigne de Christ. Et combien que de vous-mêmes vous vous y employez fort volontairement, j'espère toutefois que vous ne prendrez point mal à gré, et ce ne vous sera chose inutile, que l'heureuse course de votre prompte affection soit aidée et avancée par cette exhortation que Dieu vous présente comme par ma main. Autant de fois qu'il semble en ce monde que les choses aillent en confusion et pêle-mêle, il est impossible de trouver meilleur appui ni plus certain, pour établir et affermir les consciences, que quand en nous proposant devant les yeux le règne de Christ, tel qu'on le peut voir maintenant en ce monde, nous considérons de quelle sorte et nature il a été dès le commencement, et quel a été l'état et la condition de celui-ci.

    Or quand on parle du règne de Christ, nous avons deux choses principalement à regarder, à savoir la doctrine de l'Evangile, par laquelle Christ assemble son Eglise, et par laquelle aussi il la gouverne l'ayant assemblée. En après, la compagnie des fidèles, lesquels étant conjoints ensemble par la directe foi de l'Evangile, sont vraiment estimés le peuple de Christ. De tous les deux S. Luc dans les actes des apôtres nous dépeint expressément un portrait naïf : ce qu'il vaut mieux que chacun connaisse en lisant tout le livre, que de s'en arrêter à mon dire, ou d'autre quelconque. Car bien qu'il sait certain que dès le premier commencement du monde le Fils de Dieu a toujours régné, toutefois depuis qu'étant manifesté en chair il a fait publier son Evangile, lors il a commencé à dresser son siège royal beaucoup plus magnifique que jamais, dont encore aujourd'hui il se montre haut élevé à qui le considère. Si là nous dressons nos yeux, ils seront repus non point d'une peinture vaine (ce que Virgile dit de son Eneas) mais d'une bonne et ferme connaissance des choses lesquelles il nous faut chercher la vie. Et pour retourner à mon premier propos, on trouvera ici une très bonne retraite pour assurer les consciences, et où elles pourront consister paisibles entre ces orages et tempêtes bruyantes, desquelles le monde est aujourd'hui agité. Bref, cette seule méditation fera que ce qui a été anciennement dit par Ennius, et bien à la vérité, de la plus grande part des hommes (comme on le connaît par trop d'expériences) ne nous adviendra jamais : à savoir que prudence et sagesse sont affichées extérieurement, mais disparaissent, chaque fois que l'on procède par violence. Car si l'accord des flûtes a eu si grande efficace envers les Lacédémoniens, lors même que la bataille était embrasée, qu'il adoucissait la fureur et hardiesse excessive qui était naturelle à ce peuple belliqueux, et modérait l'impétuosité laquelle en tels affaires se montre excessive, même dans les esprits qui autrement sont d'un naturel doux et débonnaire : combien mieux et avec plus grande efficace fera cela par l'harmonie et mélodie céleste du saint Esprit, le règne de Christ, lequel non seulement apprivoise les bêtes farouches et cruelles, mais aussi de loups, lions, et ours en fait des agneaux, lequel convertit les lances en des faux et change les épées et harnais en instruments de labourage ? Comme ainsi sait donc, ô Prince très excellent, que je vous présente une modération telle que requiert la nécessité des temps, j'ai bonne espérance que de votre grâce et débonnaireté vous ne prendrez point mal à gré mon service en cet endroit, comme de fait vous sentirez que c'est un moyen pour nous conformer bien utile et propre, que d'avoir les yeux dressés à ce commencement de l'Eglise, tel que S. Luc ici le décrit : auquel d'un côté reluit et la vertu admirable de Dieu, sous l'ignominie de la croix, et une constance incroyable des serviteurs de Dieu, pressés d'un merveilleux fardeau de grandes incommodités et fâcheries : et d'autre côté se montre le fruit de toutes les deux, en l'avancement de l'Evangile plus grand que jamais on n'eut su croire ni penser.

    Mais laissant pour maintenant les autres points, lesquels il vaut mieux qu'on comprenne par la lecture même de l'histoire de S. Luc, je toucherai seulement ce qui concerne spécialement les Princes terriens, et les grands gouverneurs des royaumes et pays : à savoir, que vu que lors que la toute puissance du monde était contraire, et que tous ceux qui gouvernaient employaient toutes leurs forces à éteindre l'Evangile, de pauvres gens en petit nombre, étant de basse condition et méprisés, n'ayant armes, ni autres semblables moyens humains, s'appuyant sur la seule force de la vérité de Dieu, et la vertu de l'éprit, ont travaillé si courageusement à épandre d'un côté et d'autre la semence de la foi de Christ, et ne se sont épargnés pour travail ou danger quelconque : et nonobstant tous les combats qui se sont présentés ont persisté fermes, jusqu'à ce que finalement ils demeurassent victorieux. Les Princes et gouverneurs Chrétiens qui ont prééminence entre les peuples, puisque Dieu leur a mis le glaive en la main, pour maintenir et défendre le règne de son Fils, n'ont point d'excuse, s'ils ne se montrent pour le moins aussi courageux et constant à s'acquitter d'une commission tant honorable. Au reste, quant à la fidélité et dextérité d'interpréter que j'ai eu en ce livre, ce n'est pas à moi d'en parler. Tant y a que j'espère que ce mien labeur sera utile en commun à toute l'Eglise. Mais quant à vous, Prince très excellent, il m'est besoin de recommencer encore derechef à vous prier, et même requérir et supplier instamment, que vous veilliez en votre particulier à vous ranger et adonner du tout à la domination de Christ, comme vous avez déjà de longtemps commencé bienheureusement : et puis qu'à l'endroit de tant de nobles personnages, lesquels et la grandeur de race et l'excellence des vertus rend honorables, vous soyez non seulement une bonne aide, mais aussi vaillant porte-enseigne à avancer le règne de Christ. C'est un singulier privilège d'honneur que Dieu a fait au royaume de Pologne, de ce que la plus grande part de la noblesse, quittant les superstitions d'impiété, qui sont autant de corruptions et pollutions du service de Dieu, s'est trouvée d'un bon accord à désirer la droite forme de vraie religion, et un ordre d'Eglise dressé comme il faut. Et on sait bien qu'en telle affaire votre crédit et autorité leur a été un grand support et avancement : mais et vous et eux avez encore tant de combats préparés, qu'il n'est pas question de cesser le travail, et vous reposer comme soldats qui ont leur congé. Car premièrement, encore qu'il ne vienne point d'ennemi d'ailleurs pour vous fâcher, vous aurez assez d'affaire à remédier aux maux et empêchements qui s'élèveront entre vous.

    Déjà vous avez expérimenté combien de ruses Satan a en main pour dresser des embûches, afin de rompre et gâter le saint accord qui doit être entre les frères, et auquel consiste la prospérité de l'état de l'Eglise. Mais cela montre qu'il advient entre vous comme il a accoutumé d'en prendre quasi partout : c'est que les choses étant troublées, beaucoup d'étourdis s'ingèrent : lesquels voyant petit nombre de gens, et ceux-ci faibles, être poursuivis et tourmentés par la grande multitude, et que ceux-là ont grand-peine à défendre la vérité laquelle est comme étouffée de grosses nuées de calomnies, se fourrent, dedans plus aisément, y venant comme par-dessous terre. Et c'est une astuce par laquelle ce fin ouvrier et père de toute tromperie et malice, machine de ruiner l'Eglise, non seulement en rompant et déchirant par pièces l'unité de la foi, mais aussi en chargeant d'un faux blâme le nom de Christ : pour ce qu'il semble que les assemblées des fidèles, parmi lesquelles ces méchants garnements se mêlent, sont comme des retraites de toutes ordures. A ce propos, cependant que cet Esprit étourdi de Stancarus épand ses rêveries et erreurs entre vous, étant poussé à cela de son ambition de laquelle il brûle, de là est sortie une contention qui menace aucunement l'Eglise de dissipation : et avez été exposés aux blâmes et calomnies de beaucoup de gens, pour ce qu'on a pensé que sa secte s'étendait bien avant, et qu'il eût beaucoup de disciples. Et puis voilà d'autre côté un certain médecin, George Brandata, encore pire que Stancarus, selon qu'il est imbu d'une erreur beaucoup plus détestable, et nourrit en son cœur plus de venin caché. Ce qui fait que d'autant plus est à reprendre la facilité de ceux, envers lesquels l'impiété de Servet a si soudain trouvé tant de faveur. Car combien que je tiens pour certain qu'ils ne tiennent rien des sacrilèges et erreurs malheureux de la doctrine de Servet, si devaient-ils bien être plus avisés que ce renard-là ne s'insinuât en leur familiarité. Or pour ce que jamais le monde ne sera net de telles pestes, et jamais Satan ne cessera de mettre en bataille telles gens qui sont de ses meilleurs suppôts pour troubler les commencements de l'Evangile, il vous faut persévérer à tenir bon au contraire. Et pour obvier à plus grands maux, il vous faut mettre et établir une vraie et droite forme de bon gouvernement, qui est la sûre garde d'une sainte paix. Car comme il est certain que la pureté de doctrine est l'âme de l'Eglise, ainsi on peut à bon droit comparer la discipline aux nerfs, desquels le corps étant tout ensemble lié et joint, se maintient en sa fermeté. De l'autre part aussi, la malice et obstination d'une autre sorte d'ennemis vous doit croître le cœur, et aiguiser votre bonne affection : j'entend les trompettes de l'Antéchrist Romain, lesquels pour déguiser les matières et décevoir les simples entonnent à pleine bouche sans cesse, et font retentir à haute voix le nom d'Eglise. Quant à l'Eglise, nous ne débattons point contre eux que tous les enfants de Dieu ne doivent avoir en révérence l'autorité de celle-ci : le désaccord est en ce qu'eux, sous un faux semblant de lui faire honneur, couvrent leur tyrannie exorbitante du nom d'Eglise qui est seulement en ombre : mais quant à nous, sans dissimulation et avec affection de cœur nous avons tellement en révérence l'Eglise, que ce nous est une extrême méchanceté quand on profane le nom sacré de celle-ci. Sans faire mention des autres fidèles Ministres de la pure et sainte doctrine, de ma part j'ai débattu cette question déjà par ci-devant tout au long en plusieurs passages, combien c'est une chose ridicule, quand on parle de l'Eglise (de laquelle le Fils de Dieu est le chef, et à laquelle lui-même qui est la source de vie éternelle inspire vie, et fournit toujours vigueur par son Saint Esprit) de produire un corps sans chef, et une charogne morte. Les flatteurs que le Pape a en louange crient qu'ils ont l'Eglise de leur côté.

    Pour bien connaître si ce de quoi ils se vantent est vrai ou non, il n'y a point de meilleur moyen qu'en regardant le chef. Or on voit qu'ils l'ont coupé et retranché par une violence pleine de sacrilège. Car comment est-ce que Christ demeurera encore chef, quand on l'a dépouillé de toute sa vertu, démis de sa domination, et renié sa dignité ? Le Père céleste l'a constitué chef de l'Eglise à cette condition, que par la doctrine de son Evangile il gouverne tous hommes depuis le plus grand jusques au plus petit : qu'il soit seul Sacrificateur, pour nous rendre assiduellement le Père favorable, comme il a apaisé une fois l'ire du Père par le sacrifice de sa mort : que sa mort soit une purgation perpétuelle de nos péchés, son sang notre seule purification, son obéissance notre satisfaction entière : qu'il sait seul intercesseur, en faveur duquel nos prières soient exaucées : qu'il soit notre protecteur et défenseur fidèle, pour nous maintenir sous sa sauvegarde : qu'en domptant et mortifiant les vices de notre chair, il nous réforme en justice et sainteté : et que lui seul commence et rend parfaite en nous la vie bienheureuse. De tout cela si les Papistes lui ont laissé quelque chose de reste, nous accordons qu'ils aient l'Eglise de leur côté. Mais si ainsi est que le Pape opprimant les consciences d'une tyrannie plus que cruelle et barbare, a ôté l'empire à Jésus-Christ : s'il a introduit une forme de gouvernement du tout contraire à la doctrine de l'Evangile : s'il a forgé une sacrificature nouvelle et étrange, c'est à savoir qu'un homme mortel s'ingère de se présenter médiateur entre Dieu et les hommes : s'il a controuvé des sacrifices qui se font tous les jours, pour les mettre en la place de la mort de Jésus-Christ : s'il a inventé mille satisfactions pour la rançon des péchés : s'il a tiré du bourbier d'enfer des purifications composés à sa façon, pour faire tarir le sang du Fils de Dieu : s'il a substitué en la place de celui-ci un nombre infini d'avocats : s'il a déchiré en mille pièces la justice, laquelle il fallait prendre en lui seul : s'il a dressé le franc-arbitre des hommes au lieu du saint Esprit : devons-nous maintenant douter, que le vrai Jésus-Christ soit banni bien loin de la Papauté ? Quand j'ai dit que les Papistes produisent une charogne morte au lieu du corps vif du Seigneur Jésus, c'est pour ce qu'ayant éteint la doctrine de l'Evangile, qui est la vraie âme de l'Eglise, et qui seule la vivifie, ils magnifient toutefois et louent hautement je ne sais quelle Eglise qui est seulement en ombre et par fantaisie. Nous montrons ouvertement combien la pureté de la doctrine est gâtée et corrompue chez eux, ou pour mieux dire, de quelles horribles et monstrueuses erreurs elle est souillée. Quant à eux, non seulement ils mettent en avant une ombre d'Eglise pour couvrir toutes leurs corruptions, mais aussi ils crient et se plaignent tant et plus, que nous faisons une grande injure et bien vilaine à l'Eglise, de ce que nous disons qu'elle peut errer. Mais avant toutes choses il fallait examiner la doctrine, afin que par celle-ci on puisse connaître l'Eglise. Ces prud'hommes et équitables estimateurs, prenant le titre d'Eglise pour se déguiser, veulent qu'il serve de préjudice pour empêcher tout examen de doctrine. Et ne font point cela pour tromper. Car de quels enchantements pourraient-ils user pour tromper même des bigleux au milieu d'une si grande lumière ? Mais pour ce qu'ils mettent en compte entre les parties de leur tyrannie cette licence de mentir, il leur semble qu'ils ne dominent point bien à leur appétit, s'ils ne se moquent des pauvres âmes, voire avec outrage.

    Pour n'en chercher point l'exemple plus loin, nous avons vu de notre temps les vénérables Pères de Trente, et puis de Bologne, lesquels combien qu'ils fussent partisans et discordants entre eux comme ennemis, ne laissaient pas toutefois en tous les deux lieux d'écumer à gros bouillons leurs Canons pleins de vent. Et de fait, si on veut acquiescer à leurs principes, et suivre les belles maximes qu'ils proposent, il n'y a point de doute qu'ils ont beau de quoi triompher des deux côtés. Là sont assis je ne sais combien d'Évêques et Abbés, par aventure cent bêtes cornues en tout. Quand on aurait choisi la fleur et l'élite de toute famille pour la mettre là et en faire parade, ce ne serait toutefois autre chose, qu'une méchante conspiration contre Dieu. Mais maintenant puisque le Pape a amassé les raclures et ordures de son troupeau infâme et puant, pour les faire venir tout en un bourbier, de là incontinent apparaîtra et lèvera la tête l'Eglise représentative. Et encore n'ont-ils point de honte d'appeler Concile général, sacré et légitime, ce qui ne mérite pas même d'être nommé un masque de Concile, quand ce serait même à petit semblant (comme disent les enfants) et pour jouer une farce. Mais quant à nous, à qui la promesse est donnée, que l'Antéchrist, lequel est assis au Temple de Dieu, doit être détruit par le souffle de la bouche du Seigneur, ne cessons de réfuter cette impudence effrontée de paillarde, par la très sacrée Parole, contre laquelle ils s'élèvent si arrogamment : afin que tous connaissent manifestement et clairement quelle différence il y a entre l'épouse chaste de Jésus-Christ, et l'infâme paillarde de Bélial : entre le sanctuaire de Dieu, et le bordel de Satan : entre le domicile spirituel des fidèles, et une étable à pourceaux : bref, entre la vraie Eglise, et la cour Romaine. De cela il n'y a ni Euclides, ni Archimèdes qui puisse amener une démonstration plus certaine ou plus évidente, qu'on la trouvera en faisant comparaison entre l'Eglise telle que S. Luc la décrit, et la synagogue Papale. Et je ne suis point si rigoureux que je veuille examiner à la règle des Apôtres, qui est angélique et céleste, cette horrible confusion de la Papauté, qui est toute contraire à tout ordre de nature et toute raison d'humanité. Moyennant qu'ils montrent par devers eux quelque chose qui en approche, je ne les empêche pas de triompher, s'ils veulent. Mais vu que toutes choses y sont contraires, encore que la plus grande part du monde ferme les yeux pour n'y voir goutte, tant y a pour le moins que nous pouvons dire que tout le ciel nous applaudit : et ayant cela nous pouvons non seulement hardiment mépriser leur orgueil insensé, mais aussi le diffamer librement. Cependant nous sommes soutenus de cette consolation qui n'est pas petite : que combien que les Papistes nous opposent fièrement le titre d'Eglise, ce nonobstant nous savons bien que nous n'avons la guerre que contre des gens qui sont ennemis formels de Christ. Or sur tout il est à désirer que le Roi qui déjà de longtemps selon sa prudence a aperçu les ruses et tromperies de la cour Romaine, finalement sans plus s'amuser à ces vaines Bulles du Pape (par lesquelles il fait fête d'un Concile au pauvre monde : mais c'est de bien loin) et les jetant au vent, entreprenne franchement et à bon escient une bonne et entière réformation de l'Eglise. Cependant toutefois il n'y a retard qui doive vous arrêter que chacun de vous ne s'efforce selon sa puissance à avancer et étendre les choses qui sont si bien commencées. Qui sera l'endroit, Monseigneur et Prince magnifique, où je vous dirai Adieu. Le Seigneur vous veuille toujours gouverner par son Saint Esprit, accroître par tous moyens votre état et honneur, et bénir jusques à la fin vos saintes entreprises.

    A Genève, le premier août 1560.

    ◊  

    Argument

    Afin que tous les fidèles viennent à lire cette histoire plus attentivement et soigneusement, il sera bon de montrer en bref le profit qu'on en pourra recueillir. Les auteurs profanes voulant bien louer l'histoire, ont accoutumé de dire qu'elle est maîtresse de la vie. Or si tel titre peut convenir à un récit de quelques choses advenues, où il sera simplement remontré ce qu'il faudra fuir ou imiter par les exemples proposés : que dirons-nous des saintes histoires, lesquelles non seulement forment et adressent la vie de l'homme par dehors, afin que par vertu elle acquière louange, mais aussi (ce qui est bien plus à apprécier) nous montrent que Dieu dès le temps jadis a eu soin de son Eglise, et qu'il a été toujours bon garent et protecteur de ceux qui ont eu recours à lui et s'y sont fiés, qu'il a été propice et bénin aux pauvres pécheurs : et enseignant la foi, nous élèvent jusqu'au ciel ? Je laisse à dire qu'elles magnifient et célèbrent en général la providence de Dieu sur tout l'univers : qu'elles nous apprennent à connaître le vrai service de Dieu d'entre les fausses inventions des hommes : qu'elles ne manquent jamais à bien discerner entre vice et vertu. Mais encore me veux-je déporter pour le présent de traiter les louanges qui appartiennent en commun à toutes les saintes histoires : je toucherai seulement ce que ce livre a de propre.

    Saint Luc donc nous propose ici de grandes choses et fort utiles. Premièrement, quand il raconte que le saint Esprit a été envoyé sur les apôtres, non seulement il montre que Christ a été véritable en sa promesse, mais aussi nous enseigne qu'il a les siens en grande recommandation, et qu'il sera à jamais gouverneur et protecteur de son Eglise. Car c'a été à cette fin qu'alors le saint Esprit est descendu. Et de là nous sommes enseignés que malgré la distance des lieux Christ ne laisse point d'être toujours avec les siens, et de leur assister ainsi qu'il a promis. Puis après ici nous est décrit le commencement du règne de Christ, et par manière de dire, le renouvellement du monde. Car combien que le Fils de Dieu avant que partir de ce monde eût déjà par sa prédication assemblé quelque Eglise : toutefois on n'a point vu l'état de l'Eglise Chrétienne bien dressé, jusques à ce que les apôtres étant d'en-haut armés de nouvelle vertu, ont annoncé ce grand Pasteur Jésus-Christ être mort et ressuscité, afin que ceux qui auparavant étaient vagabonds et errants, fussent sous sa conduite tous ensemble recueillis en une bergerie. Il nous est donc ici expliqué quels ont été les commencements de l'Eglise depuis que Christ est monté au ciel, et par quels moyens elle a été augmentée et avancée. Or en cela est connue tant la puissance admirable de Christ, comme la vertu et efficace de son Evangile. Car quand avec la seule voix de l'Evangile Christ a si aisément conquis tout le monde, et l'a rangé à son obéissance par des gens de basse qualité et sans autorité : combien que Satan de tous côtés fit ses efforts à l'encontre : il a en cela montre une singulière preuve de sa puissance Divine. Nous apercevons aussi la vertu incroyable de l'Evangile, en ce que non seulement il est venu en avant en dépit de tout le monde, mais aussi a avec grande magnificence mis bas et assujetti à Christ tout ce qui semblait être invincible. Ainsi la simple parole qui est sortie de la bouche de ces pauvres gens, qui étaient en petit nombre et de nulle estime, a plus fait que si Dieu avait devant tout le monde tonné et foudroyé d'en-haut. D'autre part aussi le saint Esprit nous avertit que jamais le règne de Christ ne vient à se dresser, que Satan ne s'élève furieusement à rencontre, et employé toutes ses forces pour l'abattre ou ébranler. Et non seulement nous sommes enseignés que Satan bataille contre Christ en ennemi mortel, mais que presque tout le monde enflammé d'une semblable rage n'épargne rien pour empêcher que le règne demeure à Christ. Qui plus est, il nous faut tenir pour certain que les méchants quand ils crient et tempêtent ainsi contre l'Evangile, combattent sous l'enseigne de Satan, et qu'ils sont par lui poussés en une telle lutte. Voilà la cause et source de tant de fâcheuses émotions, de malheureuses conspirations, de méchantes pratiques et complots des malins pour empêcher le cours de l'Evangile, que saint Luc explique en plusieurs endroits. Bref, comme les apôtres ont par expérience connu que l'Evangile est feu et glaive, ainsi faut-il que leur pratique nous serve aujourd'hui de leçon, afin que nous sachions que jamais il ne sera qu'on ne voie l'Evangile assailli de grands et dangereux dangers, tant par la malice obstinée de Satan, que par la rébellion naturelle des hommes : ce qui sera cause de merveilleux changements et troubles horribles.

    Mais d'autre part, saint Luc nous raconte que ce nonobstant, les apôtres avec grande magnanimité et constance ont exécuté la charge qu'ils savaient leur être donnée de Dieu. Il nous montre aussi comme ils ont vertueusement passé une infinité de fâcheries, ennuis et vilains tours, comme ils ont porté patiemment et soutenu les flots de persécutions cruelles : en somme, comme ils ont été tout faits à endurer injures et toute pauvreté et misère. Or ces exemples sont pour nous conduire et accoutumer à patience. Car puis que le Fils de Dieu a une fois prononcé que son Evangile sera toujours accompagné de la croix, c'est folie à nous de nous faire à croire que l'Eglise doive fleurir en ce monde, et avoir un état paisible et tranquille. Apprêtons-nous donc à endurer de même. Mais nous avons en même temps une consolation qui n'est pas petite : c'est que tout ainsi que Dieu a jadis miraculeusement gardé son Eglise au milieu de tant d'afflictions, esclandres et oppositions, aussi nous maintiendra-il et aidera encore aujourd'hui. Et de fait, vu que tout ce livre nous montre comment l'Eglise étant toujours environnée de mille morts, est préservée et soutenue par la seule main de Dieu : il n'y a point de doute que Dieu n'ait voulu ici nous mettre devant les yeux la providence singulière qu'il déploie pour le salut de celle-ci. D'avantage, nous y avons le récit de quelques sermons qu'ont fait les apôtres, lesquels parlent de la miséricorde de Dieu, de la grâce de Christ, de l'espérance de l'immortalité bienheureuse, de l'invocation de Dieu, de pénitence, de la crainte de Dieu, et autres principaux points de la doctrine céleste : et en traitent si proprement qu'il ne faut point chercher ailleurs un vrai sommaire de la piété et religion Chrétienne. Si c'est chose et honnête, et utile, de savoir quel a été le commencement de l'Eglise Chrétienne, comment les apôtres sont entrés à prêcher l'Evangile, quel profit et avancement ils ont fait, et cependant quels combats il leur a fallu soutenir, comme ils ont joyeusement et vertueusement poursuivi leur train entre tant d'empêchements, comment sous l'ignominie de la croix ils ont magnifiquement triomphé de toute la bravade et orgueil du monde, comment Dieu leur a assisté par de merveilleux moyens : nous devons bien avoir en singulière recommandation ce livre-ci : sans lequel la connaissance de ces choses tant grandes serait ou du tout ensevelie et perdue, ou fort embrouillée et obscure, ou douteuse et incertaine. Car nous voyons que Satan a en cet endroit employé toute sa finesse, pour faire qu'on ne trouvât rien des faits des apôtres sinon corrompu et barbouillé de mensonges, afin de rendre suspect tout ce qu'on dirait d'eux, et d'effacer par ce moyen de la mémoire des fidèles toute la souvenance de ce temps-là. Car il a suscité en partie de sots rêveurs, en partie de rusés moqueurs, lesquels sous des noms empruntés ont mis en avant des tables mal bâties, desquelles l'absurdité a ôté toute autorité même aux vraies histoires. Pour exemple : nous voyons je ne sais quels petits livres intitulés du nom de Linus, parlant de saint Paul, et saint Pierre, où il y a des niaiseries tant lourdes, qu'il semble qu'on ait voulu de propos délibéré apprêter à rire aux personnes profanes, et dépiter les gens de bien : et la belle dispute qu'on a forgée de saint Pierre avec Simon le Magicien, qui est tant ridicule qu'elle déshonore grandement la Chrétienté. Autant en faut-il dire de tout ce mélange qui est intitulé, Les Revues et Conciles de Clément : et est allégué parmi les ravauderies de Gratian. Car combien qu'il n'y ait là que des fariboles où il n'y a nulle apparence, toutefois pour ce qu'elles sont fardées du nom des anciens, les simples en sont abusés, et les malins n'ont point de honte de les mettre en avant tout assurément, comme si c'étaient arrêts apportés du ciel. Satan a abusé de cette licence de mentir, afin que nous n'eussions aucune certitude des choses advenues depuis que Christ est monté au ciel. Et de fait, si ce livre de saint Luc n'était demeuré pour nous servir de registre, il semblerait que Christ montant au ciel n'eût laissé en ce monde aucun fruit de sa mort et résurrection. Car toute la mémoire en serait perdue aussi bien que la présence de son corps. Nous ne saurions point qu'il a tellement été reçu en la gloire céleste, que cependant il a souveraine domination par tout le monde. Nous ne saurions point que la doctrine de l'Evangile a été publiée par le ministère des apôtres, afin que de main en main elle parvint jusques à nous, quelque temps qu'il y ait entre-deux. Nous ne saurions point qu'ils ont reçu le saint Esprit pour ne rien enseigner qui ne fût de Dieu, afin que notre foi fut fondée sur la ferme et certaine vérité. Et pour finir, nous ne saurions point que cette prophétie d'Ésaie eût été accomplie, en laquelle il avait prédit que la Loi sortirait de Sion, et la parole de Dieu de Jérusalem. Or puis que ce livre, lequel sans doute est procédé du saint Esprit, nous rend certain témoignage de toutes ces choses, non sans cause j'ai dit ci-devant, et maintien encore que nous le devons tenir pour un trésor singulier.

    ◊  Chapitre 1

    1.1  Dans mon premier livre, ô Théophile, j'ai raconté toutes les choses que Jésus a commencé de faire et d'enseigner,

    Saint Luc pour se donner entrée à déduire les choses qui sont advenues après l'Ascension de Christ, recueille en somme ce qu'il avait traité au premier livre, afin de faire une continuation du premier au second. Or pour une brève description de l'histoire Evangélique, il met que c'est un récit des choses que Christ a faites et enseignées tandis qu'il a conversé en terre. Quant à ce qu'on l'expose communément que la sainteté de vie a précédé en Christ, et que puis après il a enseigné : ce n'est point à propos de l'intention de S. Luc. Il est bien vrai que les mœurs d'un bon et saint docteur doivent être tellement réglées, que la vie doit parler premièrement que la langue : autrement, il ne différerait en rien d'un bateleur ou joueur de farces. Mais S. Luc a plutôt regardé à ce qu'il avait dit vers la fin de son histoire Evangélique (Luc.24.19) : à savoir que Christ avait été homme Prophète, puissant en œuvre et en parole : c'est-à-dire, excellent aussi bien en faits qu'en paroles. Combien qu'il y a un peu de différence entre ce passage et l'autre. Car la puissance des œuvres qui est là louée, appartient aux miracles : mais ce faire, duquel il est ici parlé, s'étend plus loin, selon mon jugement : à savoir qu'il comprend tous ses faits excellents, qui appartenaient spécialement à son ministère, lesquels sa mort et résurrection tiennent le premier lieu. Car l'office du Messie ne consistait pas seulement en doctrine et à enseigner : mais il fallait qu'il fut réconciliateur entre Dieu et les hommes, rédempteur du peuple, restaurateur du Royaume, et auteur de la félicité éternelle. Toutes ces choses, dis-je, comme elles étaient promises du Messie, aussi on les attendait de lui.

    Nous voyons maintenant que la somme de l'Evangile est comprise en ces deux points, à savoir, en la doctrine de Christ, et en ses faits : en tant que non seulement il s'est acquitté envers les hommes de l'ambassade qui lui avait été commise par son Père : mais aussi a accompli de fait, tout ce qu'on pouvait requérir du Messie. Il a commencé son règne, il a apaisé Dieu par son sacrifice, il a effacé les péchés des hommes par son propre sang, il a vaincu le diable et la mort, il nous a remis en vraie liberté, il nous a acquis justice et vie. Et afin que tout ce qu'il a fait et dit, fut bien certain et comme ratifié, il a déclaré par miracles qu'il était le Fils de Dieu. Ainsi ce mot de Faire, s'étend aussi aux miracles : mais il ne le faut pas restreindre à ceux-ci seulement. De ceci nous avons à noter, que ceux qui entendent seulement l'histoire nue, ne savent ce qu'est l'Evangile, s'ils n'ont avec cela connaissance de la doctrine, laquelle leur déclare le fruit des faits de Christ. Car c'est un lien sacré, lequel il n'est loisible de rompre. Par quoi, toutes les fois qu'il est fait mention de la doctrine de Christ, apprenons d'ajouter ses œuvres comme sceaux, par lesquels la vérité de celle-ci a été confirmée, et l'effet manifesté. D'autre part, à ce que la mort et résurrection de Christ nous soit fructueuse, et même que les miracles aient leur utilité, soyons semblablement attentifs à la bouche de celui qui parle. Voilà la vraie règle de Chrétienté.

    De toutes les choses que, etc. Je ne veux rejeter ce qu'aucuns ont exposé, que S. Luc a plutôt dit De toutes les choses, que Toutes les choses : d'autant qu'il se peut bien faire qu'on traite des œuvres et de la doctrine de Christ jusqu'à certains points : mais que de expliquer le tout par ordre, en sorte qu'il y ait une narration pleine et parfaite, ce serait une chose par trop difficile : comme S. Jean exhorte, que le monde ne pourrait tenir les livres qu'on en ferait, Jean.21.25. Il nous faut aussi noter, qu'il dit qu'il a commencé son histoire dès le commencement des œuvres de Christ. Et toutefois, après avoir expliqué la nativité de celui-ci, il saute tout soudain à son an douzième : et après avoir touché en bref, que Christ disputa alors au temple, laissant les dix-huit ans d'après sans en faire mention, il commence à coucher d'un fil continuel l'histoire des actes de Christ. Il apparaît donc qu'ici il entend seulement les faits et dits qui servent à la somme de notre salut. Car depuis que Christ étant vêtu de notre chair s'est manifesté au monde, il a vécu comme en privé en la maison, jusqu'au trentième an de son âge, auquel nouvelle charge lui fut imposée par le Père. Quant à la première partie de sa vie, Dieu a voulu qu'elle demeurât cachée et inconnue, afin que le reste de l'histoire qui nous donne connaissance des choses qui édifient notre foi eût plus de lustre et nous fut en plus grande recommandation. Quant à ce mot : Nous avons parlé par ci-devant, il faut entendre une antithèse entre ce second livre lequel l'Evangéliste commence maintenant, et l'autre précédent, afin que nous sachions qu'ici il se propose un nouveau argument ou sujet.

    1.2  jusqu'au jour où il fut enlevé, après avoir donné des ordres par l'Esprit saint aux apôtres qu'il avait choisis ;

    La fin donc de l'histoire Evangélique, c'est que Christ est monté au ciel. Car comme dit S. Paul, il est monté, afin qu'il accomplît tout, Eph.4.10. Il est vrai que notre foi recueille bien d'autres fruits de cette Ascension : mais il suffira de noter ici, que toutes les parties de notre rédemption ont été lors parfaites et accomplies, quand Christ est monté au Père : et que pourtant S. Luc en déduisant jusqu'à ce point le récit, s'est acquitté de son devoir, en ce qui concerne la doctrine et les faits de Christ. Et il est dit qu'il fut reçu en haut : afin que nous sachions qu'il est vraiment parti de ce monde : et que nous ne consentions point aux rêveries de ceux qui pensent que Christ n'a nullement changé de lieu quand il est monté au ciel.

    Ses ordres par le Saint Esprit… Par ceci S. Luc nous démontre que Christ n'est point tellement parti de ce monde qu'il n'ait plus soin de nous. Car il montre bien par ce qu'il a ordonné un perpétuel gouvernement en son Eglise, qu'il veut pourvoir à notre salut, et l'a en recommandation. Et même il a affirmé qu'il veut présider sur ses fidèles, et être présent avec eux jusqu'à la fin (Matth.28.20) comme à la vérité il est présent avec eux par ses Ministres. S. Luc donc signifie que Christ n'est point parti de ce monde, que premièrement il n'ait pourvu au gouvernement de son Eglise. Dont nous recueillons qu'il est soigneux de notre salut. Aussi S. Paul au passage que je viens d'alléguer, a expressément noté cette prévoyance de Christ, disant qu'il a rempli tout en ordonnant Apôtres, Evangélistes, Pasteurs, etc. Au reste, quant aux mandements que S. Luc dit que Christ a donnés à ses apôtres : j'expose cela touchant de prêcher l'Evangile : comme on a accoutumé de donner certains mandements ou mémoires aux ambassadeurs, afin qu'ils n'attentent rien à la volée, et outre la volonté de celui qui les envoie. Or tout ceci est mis pour la louange de la doctrine que les apôtres ont annoncée. Et afin que la chose soit plus claire, il nous faut observer chacun point l'un après l'autre. Premièrement, il dit qu'ils avaient été élus par Christ : afin que leur vocation nous soit bien certaine et approuvée. Car quand il parle ici de l'élection de Dieu, ce n'est pas pour opposer celle-ci aux mérites des hommes : mais seulement pour noter qu'ils ont été suscités de Dieu, et ne se sont point témérairement ingérés à cet office. Cela est bien vrai, que les apôtres ont été élus par grâce : mais il est question maintenant de l'intention de S. Luc, à quel but il tend. Or je dis qu'il ne tend ailleurs, sinon à ce que la vocation des Apôtres nous soit certaine : afin que nous apprenions à ne regarder pas aux hommes, mais au Fils de Dieu qui est l'auteur et garant de leur vocation, car toujours cette maxime doit être étroitement observée en l'Eglise, que nul ne s'attribue cet honneur. Secondement, il dit qu'ils ont été instruits par les mandements et enseignements de Christ, de ce qu'ils devaient faire. Comme s'il disait qu'ils n'ont point mis en avant de leurs inventions : mais ont enseigné fidèlement ce que le maître céleste leur avait enjoint. Et afin que ce que Christ leur a ordonné et commandé ait plus grande autorité, il ajoute que cela a été fait par la conduite du S. Esprit. Non point que le Fils de Dieu ait eu besoin d'être gouverné d'ailleurs, lequel est la sagesse éternelle : mais pour ce qu'il était homme aussi, il nous ramène expressément à l'autorité de Dieu, afin qu'on ne pense point que l'instruction qu'il a donnée à ses apôtres, procède d'un Esprit et entendement humain. Ainsi donc il signifie qu'en la prédication de l'Evangile il n'y a rien de l'homme : mais que c'est une ordonnance divine de l'Esprit, à laquelle il faut que tout le monde soit assujetti.

    1.3  à qui aussi, après avoir souffert, il se présenta lui-même, vivant, par beaucoup de preuves, se faisant voir à eux pendant quarante jours et parlant de ce qui regarde le royaume de Dieu.

    Il a ajouté ceci pour confirmation de la résurrection de Christ, comme c'est un point qu'il est bien nécessaire de connaître, et sans lequel l'Evangile est du tout mis bas, et n'y a plus aucune foi. Et pour dire en peu de paroles, toute la majesté de l'Evangile s'en va en décadence, si nous ne savons que Jésus-Christ vivant parle du ciel, à quoi saint Luc a principalement regardé. Ainsi donc que la vérité de ceci ne fut mise en doute, il dit qu'elle a été approuvée par beaucoup de signes. Lequel mot Erasme, ensuivant le traducteur Latin ancien, a traduit Arguments : et moi Approbations : pour ce qu'entre les signes ceux qui concluent nécessairement, sont nommés de ce même mot par Aristote au premier livre de sa Rhétorique. C'est ce que j'ai dit, que Christ, afin que ses apôtres ne fussent en incertitude touchant sa résurrection, la leur a attesté par plusieurs signes évidents, et qui apportaient une preuve irréfutable. Au reste, il ne raconte point ces signes ou démonstrations, sinon qu'il dit, qu'il fut vu par eux plusieurs fois par quarante jours. S'ils ne l'eussent vu qu'une fois, cela aurait pu engendrer quelque soupçon : mais vu qu'il s'est montré tant de fois, il n'a laissé aucune occasion d'en douter. Par ce même moyen saint Luc a voulu aussi effacer le blâme de la tardiveté, laquelle il a expliqué avoir été présente chez les apôtres, afin qu'elle ne dérogeât à la certitude, et autorité de leur prédication.

    Parlant du royaume de Dieu. S. Luc montre derechef que les apôtres ont été très bien enseignés par le Précepteur unique, avant qu'ils prissent la charge d'enseigner tout le monde. Par quoi, tout ce qu'ils ont mis en avant du Royaume de Dieu, tant de bouche que par écrit, sont ces propos que S. Luc dit leur avoir été tenus par Christ. Au surplus, par ce mot il montre à quel but tend la doctrine de l'Evangile : à savoir, à ce que Dieu règne en nous. Le commencement de ce Royaume, c'est la régénération : la fin et l'accomplissement, c'est l'immortalité bienheureuse : les avancements entre deux sont en l'accroissement et augmentation de la régénération. Mais afin que nous entendions mieux ceci, il faut noter en premier lieu, que nous naissons et vivons comme étrangers du Royaume de Dieu, jusqu'à ce que Dieu nous reforme en nouvelle vie. Et pourtant on peut proprement opposer au Royaume de Dieu, le monde, notre chair, et tout ce qui est en la nature de l'homme. Car l'homme naturel arrête tous ses sens sous les éléments de ce monde : on cherche ici la félicité et le souverain bien. Cependant nous sommes bannis du Royaume de Dieu : et Dieu est (par manière de dire) banni d'avec nous. Mais Christ par la prédication de l'Evangile nous élève à la méditation de la vie bienheureuse. Et pour ce faire, il corrige et réforme en nous les affections terriennes : et même il nous sépare du monde, nous dépouillant des vices de notre chair (Rom.8.13). Or tout ainsi que tous ceux qui vivent selon la chair, sont menacés de la mort éternelle : aussi selon que notre homme intérieur est renouvelé en l'avancement de la vie spirituelle, nous approchons d'autant plus près de la perfection du Royaume de Dieu, qui est la participation de la gloire Divine. Dieu donc veut maintenant régner en nous, afin de nous faire finalement participant de son Royaume bienheureux. Nous recueillons de ceci, que le sommaire des propos de Christ a été de la corruption du genre humain, de la tyrannie de péché auquel nous sommes asservis, de la malédiction et condamnation de la mort éternelle que nous avons tous méritée : de même, du moyen de recouvrer le salut, de la rémission des péchés, du renoncement de la chair, de la justice spirituelle, de l'espérance de la vie céleste, et autres choses semblables. Et aussi quant à nous, si nous voulons être dûment instruits en la religion Chrétienne, il nous faut appliquer toute notre étude à ces choses.

    1.4  Et comme il était assemblé avec eux, il leur commanda de ne point s'éloigner de Jérusalem ; mais d'attendre la promesse du Père, que vous avez entendue de moi,

    Ils avaient bien déjà auparavant fait office d'apôtres : mais ce n'avait été que pour quelque peu de temps. Et même, ce premier mandement d'enseigner que Christ leur avait enjoint lors qu'il vivait en terre, était comme un préparatif de l'office d'apôtre qu'ils devaient par après exercer, et duquel ils n'étaient encore capables, Matth.10.7. Ainsi donc, ils n'avaient point encore de charge ordinaire enjointe devant la résurrection, mais étaient seulement comme hérauts pour réveiller leur nation, afin qu'audience fut donnée à Christ. Après la résurrection ils ont donc été créés apôtres, afin qu'ils publient par tout le monde la doctrine qui leur était commise. Cependant, quant à ce que Christ après les avoir créés, leur ordonne toutefois de s'abstenir de faire leur office, il ne le fait point sans bonne cause. Et même on pourrait amener beaucoup de raisons, pourquoi il a fallu qu'ainsi fut fait. Il n'y avait pas encore longtemps qu'ils avaient vilainement abandonné leur maître : plusieurs marques de leur incrédulité étaient encore fraîches. Vu qu'ils avaient été si parfaitement enseignés, ils avaient bien montré qu'ils étaient par trop lourds et grossiers, d'avoir soudainement mis le tout en oubli. Et ces vices n'étaient pas sans note de paresse, laquelle ne pouvait être autrement bien purgée, qu'en différant de leur communiquer la grâce promise, afin que leur désir fut d'autant plus aiguisé. Mais sur toutes les autres raisons, il nous faut principalement noter cette-ci, que le Seigneur avait limité et ordonné certain temps pour envoyer le S. Esprit, afin que le miracle nous fut plus manifeste. D'avantage, il les a tenus quelque temps sans rien faire, afin qu'il leur montrât mieux combien l'affaire qu'il leur voulait mettre entre mains, était grand et difficile. Aussi par cela la vérité de l'Evangile nous est confirmée, quand nous lisons qu'il a été défendu aux apôtres de se mettre en train de faire l'office de la publier, jusqu'à ce que par succession de temps ils fussent bien préparés. Or commandement leur a été fait de demeurer ensemble : d'autant qu'ils devaient tous recevoir un même Esprit. S'ils eussent été espars, on n'eût pas si bien connu leur unité. Depuis, combien qu'ils aient été dispersés en diverses régions, toutefois, pour ce qu'ils ont apporté ce qu'ils avaient puisé d'une même source, cela a été autant comme si toujours ils eussent tous parlé par une même bouche. De plus, il fallait qu'ils commencent la prédication de l'Evangile en Jérusalem, afin que la Prophétie fût accomplie, La Loi sortira de Zion, et la parole du Seigneur de Jérusalem, (Esa.2.3). Quant au mot Grec, combien qu'on le peut traduire en diverses sortes, je me suis toutefois arrêté à la traduction d'Erasme, pour ce que le mot d'Assembler me semblait plus convenable au sens du passage.

    Mais qu'ils attendissent la promesse. Il fallait bien que ceux qui peu de temps après devaient assujettir le monde au joug de Christ, fussent premièrement eux-mêmes conduits et accoutumés à obéissance. Et de fait, ils nous ont montré par leur exemple, qu'il ne nous faut reposer ni mettre en travail, sinon selon qu'il plaira à Dieu nous déclarer qu'ainsi il le veut. Car si nous guerroyons toute notre vie sous son enseigne et conduite, pour le moins il doit avoir autant d'autorité envers nous, que quelque chef ou capitaine terrien aura sur ses soudards. Par quoi, tout ainsi que la discipline militaire porte cela, que nul ne se bouge sans le congé de son capitaine, aussi ne nous est-il licite de sortir ou de rien tenter, jusques à ce que le Seigneur nous ait fait signe : et si tôt qu'il sonnera la retraite, il nous faut reposer. Le passage aussi nous exhorte à être faits participants des dons de Dieu par espérance. Mais il nous faut noter la nature de l'espérance telle qu'elle est ici décrite. Car ne pensons pas que l'espérance qu'un chacun se forge à la volée, soit pourtant espérance : mais c'est celle qui est fondée en la promesse de Dieu. Pourtant Christ ne permet pas aux apôtres d'attendre ce que bon leur semblera, mais il ajoute expressément, la promesse du Père. Il se fait aussi témoin de celle-ci : pour ce que nous devons avoir une telle assurance, que quand toutes les puissances d'enfer s'élèveraient à l'encontre, néanmoins ceci nous demeure ferme en nos cœurs, que c'est à Dieu que nous avons cru. Je sais à qui j'ai cru, dit saint Paul, 2Tim.1.12. Or il résume ici en mémoire ce qui est dit Jean.14.16 : Je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Consolateur, qui demeurera avec vous, à savoir l'Esprit de vérité… Je vous ai dit ces choses demeurant avec vous, mais l'Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses… Quand l'Esprit de vérité sera venu, lequel je vous enverrai de par mon Père, il rendra témoignage de moi,… Si je m'en vais, je vous enverrai le Consolateur qui reprendra le monde. Il avait dit aussi longtemps auparavant : Qui croit en moi, fleuves d'eau vive couleront de son ventre, Jean.7.38.

    1.5  car Jean a baptisé d'eau, mais vous, vous serez baptisés d'Esprit saint dans peu de jours.

    Ici Christ parlant à ses apôtres, leur rappelle ceci en mémoire des propos de Jean Baptiste. Car une partie d'entre eux avait entendu de la bouche de Jean Baptiste ce que les Evangélistes expliquent : Il est vrai que je vous baptise d'eau : mais celui qui vient après moi, baptisera du Saint Esprit et de feu. Maintenant Christ prononce qu'ils connaîtront de fait être véritable ce que Jean a dit. Au reste, ceci a grandement servi pour confirmer la sentence précédente. Car c'est un argument pris de l'office de Christ. Jean a été envoyé pour baptiser d'eau : il a fait son office comme il était convenable à un bon serviteur de Dieu. Le baptême de l'Esprit a été commis au Fils. Il reste donc qu'il s'acquitte de son office. Car il ne se peut faire qu'il n'exécute ce que le Père lui a enjoint, et pourquoi il est descendu en terre. Mais ceci semble absurde, que ce qui avait été dit en général de la grâce de régénération, soit soumis à la restriction que le Saint Esprit fût envoyé visiblement. Je réponds que Christ n'a pas baptisé du Saint Esprit lors seulement qu'il l'envoya en espèces de langue de feu. Car il avait déjà fait les apôtres participants de ce baptême de l'Esprit : et tous les jours il baptise les élus en cette sorte. Mais pour ce que ce magnifique envoi du Saint Esprit a été un signe de la grâce cachée que Dieu inspire assiduellement à ses fidèles, et qu'il accorde bien à propos avec le témoignage de Jean Baptiste. Et à la vérité ce fut lors comme le commun baptême de toute l'Eglise. Car outre ce que les Apôtres ont reçu le Saint Esprit, non point particulièrement pour eux, mais pour le profit de tous les fidèles, là a été montrée comme en un miroir la grâce universelle de Christ envers son Eglise, quand il a répandu sur celle-ci les dons de son Saint Esprit comme en pleine abondance. Combien donc que Christ baptise tous les jours les élus de son Père, cela toutefois n'empêche point qu'il n'ait bien à propos allégué ce témoignage mémorable par-dessus les autres, afin que les apôtres entendissent n'avoir reçu de Jean Baptiste que le commencement ; et toutefois non point en vain, vu que la perfection n'était pas loin.

    Or quant à ce que presque tous ont recueilli de ce passage et autres semblables, que le baptême de Jean est différent du baptême de Christ, c'est un argument frivole. Car il n'est point ici question du baptême mais seulement comparaison est faite des deux personnes. Quand Jean Baptiste disait qu'il baptisait d'eau, il ne traitait point quel était son baptême, mais quel il était lui-même, afin qu'il ne s'attribuât ce qui était propre à Christ. Comme aujourd'hui il ne serait pas licite aux ministres de parler autrement d'eux-mêmes, qu'en donnant à Christ la louange de toutes les choses qui sont figurées au baptême : ne se réservant rien de reste que l'administration extérieure. Car quand ces titres sont attribués au baptême, que c'est le purification de régénération, la purgation des péchés (Tite.3.5), que c'est une communauté de mort et de sépulture avec Christ, et un sacrement par lequel nous sommes entés en son corps (Rom.6.4) : ce n'est point pour montrer ce que l'homme fait, qui est seulement ministre du signe extérieur : mais plutôt ce que fait Christ, lequel seul donne efficace aux signes. Il nous faut toujours retenir cette distinction, afin de ne point dépouiller Christ en attribuant trop aux hommes. Toutefois on pourrait demander, pourquoi il nomme ici plutôt Jean Baptiste que quelque autre. Car premièrement il apparaît assez que Jean s'est confessé être ministre de l'eau, et a déclaré Christ auteur du baptême spirituel. C'est certes pour ce qu'il fallait que Jean fut amoindri, et au contraire que Christ vint à croître de plus en plus. Or est-il ainsi que les apôtres portaient encore si grande révérence à Jean, que cela pouvait aucunement obscurcir la gloire de Christ. Pourtant Christ, afin de les retirer et arrêter à sa personne, dit qu'ils n'ont été baptisés de Jean sinon extérieurement, et toutefois par même moyen les confirme, afin qu'ils ne doutent point de la promesse. Car ils avaient Jean Baptiste en grande révérence ; et pourtant ils avaient cette persuasion, que le baptême qu'ils avaient reçu de sa main, n'était pas inutile. Or si on doit attendre de Christ l'efficace et la vérité de lui, les Apôtres doivent certainement espérer, que ce que Jean Baptiste a figuré sera accompli. Ainsi nous aussi devons nous résoudre, que nous n'avons pas été baptisés en vain par la main d'un homme : d'autant que Christ qui a ordonné de faire ainsi, fera son office, c'est-à-dire qu'il nous baptisera du Saint Esprit. Ainsi, la foi tire du signe extérieur une conséquence à l'efficace intérieure : cependant toutefois, elle n'attribue point au signe ou au ministère plus qu'il ne faut : car au signe elle regarde la promesse, qui est de Christ : et le reconnaît seul pour auteur de la grâce. Gardons donc une telle modération, que l'honneur de Christ ne soit diminué en sorte quelconque : et que toutefois nous espérions de notre baptême le fruit qui est ici noté.

    En disant que ce sera avant peu de jours il veut que la brièveté du temps les rende plus joyeux et prompts à bien espérer. Dont s'ensuit que sa mort ne les doit point fâcher, vu qu'elle a apporté un fruit de si grand prix. Au reste, notons aussi que S. Luc a ici usé du nom de baptême improprement, c'est-à-dire, hors de sa signification ordinaire, afin que l'antithèse et opposition entre Christ et Jean fut entière. Par même raison, S. Paul, après avoir mis la Loi des œuvres, afin qu'il y ait antithèse et correspondance de deux côtés, en lieu de dire La foi, dit, La Loi de la foi, Rom.3.26.

    1.6  Eux donc étant réunis, l'interrogèrent, disant : Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétabliras le royaume d'Israël ?

    S. Luc explique que les Apôtres étaient assemblés, quand cette interrogation fut faite ; afin que nous sachions qu'elle n'a point été mue par la

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