Captive: Les Autres
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À propos de ce livre électronique
C'est une quête d'identité et de liberté pour ces mutants qui fascinent autant qu'ils dérangent.
URSS - Hiver 1962
Les sujets numéros Un et Deux ne sont plus seuls.
Pourront-ils leur faire confiance ?
Julie Jean-Baptiste
Julie Jean-Baptiste est une auteure de thriller psychologique SF qui est née et à grandi aux Antilles. Elle a commencé la saga Captive à l'âge de 13 ans. Autant dire que la première version n'a rien à voir avec celle d'aujourd'hui. Après avoir fait une reconversion, elle est passé du monde du négoce à celui du digital en devenant designer d'expérience utilisateur, sa deuxième passion. Outre la lecture, Julie aime prendre le thé (minimum 5 tasses par jour), regarder des vidéos sur le rangement et l'architecture d'intérieur et flaner dans les parcs. Elle adore aussi recevoir des retours des lectrices et lecteurs, alors n'hésitez pas à la contacter sur Instagram (où elle passe d'ailleurs un peu trop de temps).
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Aperçu du livre
Captive - Julie Jean-Baptiste
1.
Les sujets Numéros Trois et Quatre se souviendraient toute leur vie de leur naissance.
Tout d’abord, le liquide ambré de leur couveuse disparut rapidement sous leurs yeux paniqués. Leurs corps tombèrent sous l’effet de la gravité, sur un sol encore tiède.
Quatre se rappellerait toujours du cri qu’elle avait poussé à cause de la brûlure causée par ses premiers verres d’oxygène. Elle se remémorerait aussi les premiers visages qu’elle avait vus. Celui d’un homme à petites lunettes rondes, qui lui sourit étrangement, les mains derrière le dos.
Trois se souviendrait de la sensation de noyade qui l’avait submergé avant que le tube ne se vide entièrement et de sa peur. Lui fut confronté au bec de Youri qui l’épiait, tournant autour de son bocal, guettant ses réactions.
Il n’y avait pas beaucoup de lumière de l’autre côté de leur tunnel. Comme si la traversée n’était pas tout à fait terminée. Pourtant cela suffit à les éblouir.
Ils étaient nus et trempés, néanmoins ils ne s’en préoccupaient pas. Ils cherchaient juste à comprendre ce qu’il se passait. Autour d’eux, leur comité d’accueil se préparait à grande pompe. Deux hommes attendaient un signal, des couvertures dans les mains.
De cette naissance, ce qui les frappa le plus furent leurs premiers regards à travers la couveuse. Ce tube géant qui s’étirait du sol au plafond. Trois et Quatre avaient marqué un temps d’arrêt, leurs doigts posés contre la vitre humide. Ils s’étaient reconnus. Le premier réflexe de Trois fut de taper du poing contre la vitre pour la briser et la rejoindre. Quatre fit de même.
Un assistant en blouse blanche tourna lentement la manivelle de la porte avant de l’entrouvrir avec précaution. Enfin, ils purent sortir. Malheureusement, pas pour se rejoindre. On les enveloppa, chacun dans un coin. Leurs corps encore trop frêles n’opposèrent aucune résistance.
La lumière d’un flash les éblouit. L’homme à petites lunettes s’interposa :
— Vous ferez des photos plus tard. Nous allons leur faire passer différents tests pour vérifier leur viabilité. Puis surtout, nous allons les habiller. Ensuite, vous pourrez prendre les portraits officiels.
Trois tendit la main vers Quatre qui voulut l’attraper. On l’en empêcha. L’homme à la couverture l’emmena vers une pièce où la lumière des néons l’obligea à fermer les yeux un moment. Quelqu’un l’essuya sans ménagement avec une serviette rêche. On sécha ses cheveux, dont les boucles châtains dorées humides s’étiraient le long de son dos, à l’aide d’un appareil bruyant.
« Un sèche-cheveux », se dit-elle. Elle émergeait doucement de la brume dans laquelle il lui semblait avoir passé une éternité.
« Je suis le sujet Numéro Quatre ». Elle tourna instinctivement la tête vers la droite et croisa le regard de Trois, qui lui aussi avait les cheveux longs. Il se disait la même chose. De concert, ils fixèrent celui qui portait de petites lunettes. Il discutait avec l’homme au bec d’oiseau. « La voix de l’homme à lunettes est celle du docteur Zaystrev », réfléchit mentalement Quatre.
— Appelez Edna. Demandez-lui de leur couper les cheveux. Et qu’elle amène aussi leurs tenues, ordonna l’homme au bec d’oiseau.
Une personne en blouse disparut. Celui au bec d’oiseau s’approcha, toutes dents dehors. Il s’empressa de les faire marcher et testa leurs réflexes ainsi que leur vue. Tous les deux se trouvaient encore dans leur plus simple appareil, sans que cela ne les dérange. Quatre avait des seins d’adolescente en puberté et ses tétons pointaient à cause du froid. Pour leurs spectateurs, cette nudité n’avait aucune importance. Ils étaient des sujets.
Il les autorisa à s’asseoir et leur dit :
— Bonjour. Je suis votre responsable : YOU-RI, énonça-til en détachant les syllabes. Toi, tu es le sujet mâle Numéro Trois et toi, le sujet femelle Numéro Quatre.
Ils acquiescèrent tous les deux, un sourcil levé. Ils le savaient déjà.
— Maintenant, présentez-vous à moi, demanda-t-il en les y invitant d’un geste de la main.
Trois se racla la gorge et dit :
— Je suis le sujet Numéro Trois.
Sa voix grave résonna pour la première fois à ses oreilles. Il plissa les yeux, gêné par le volume de son organe.
— Je suis le sujet Numéro Quatre, dit-elle à son tour.
— Parfait. Quelle est votre fonction ?
— Nous sommes des espions, dirent-ils ensemble.
Youri jubilait. Ils étaient là. Magnifiques. Vivants. Capables de s’exprimer et de marcher en seulement dix mois de couveuse. Certes, leur naissance avait eu lieu un peu plus tôt que prévu, mais cela n’avait plus d’importance. À première vue, le protocole mis en place pour leur éducation avait fonctionné. Il avait hâte de tester leurs différentes aptitudes pour s’en assurer.
Edna arriva, deux uniformes dans les mains, accompagnée d’un assistant qui portait le nécessaire pour les coiffer. Avant de les approcher, elle attendit l’approbation de Youri.
— Sujets, Edna va vous manipuler afin de vous rendre présentables.
Ils acquiescèrent d’un mouvement de tête. Elle leur tendit tout d’abord des sous-vêtements, qu’ils mirent avec maladresse. Ils avaient encore du mal à tenir sur leurs jambes. Elle leur offrit ensuite un chemisier à chacun, puis un pantalon pour Trois et une jupe pour Quatre. Ils peinèrent à fermer les boutons de leur chemise. Leurs doigts tremblaient et ils les contrôlaient difficilement. Edna et un autre assistant leur donnèrent un coup de main. Puis la couturière s’approcha de la tête de Numéro Trois afin de lui couper les cheveux. Il resta docile. Elle décida de lui dégager l’arrière du crâne et de lui laisser un peu de longueurs sur le haut. À Quatre, elle fit un chignon.
— Ils sont fin prêts. Allons les présenter, s’exclama Youri qui ne quittait plus son sourire de satisfaction.
2.
Le haut fonctionnaire Josiah Melnyk descendit de la camionnette de Bernard, après plusieurs heures de trajet désagréable. Les routes de la forêt et le véhicule n’avaient rien à voir avec le confort de sa Volga et des rues pavées de Moscou. Pourtant, face à la dépendance, la fatigue et le désagrément du voyage laissèrent place à l’excitation et à la curiosité.
Cela faisait maintenant quatre ans que le docteur Zaystrev avait repris les rênes du projet. Il avait prétexté avoir besoin de temps pour discipliner les sujets Numéro Un et Deux. Une fois maîtrisés, il pourrait passer au développement du vaccin. Mais à la surprise générale, il avait annoncé vouloir produire de nouveaux sujets afin de faciliter les recherches. Les sujets Numéro Un et Deux, trop incompatibles avec l’espèce humaine, ne lui avaient pas permis d’atteindre son objectif. Il avait argumenté en expliquant qu’en produisant de nouveaux sujets, non seulement il pourrait créer des êtres suffisamment proches de l’Homme pour exploiter leurs données, mais aussi offrir au gouvernement des bras armés surpuissants. La perspective de posséder des agents surhumains avait séduit les membres du comité et son directeur. Grâce au budget généreux qu’on lui avait alloué, il s’était entouré des meilleurs et avait réussi cette prouesse.
Josiah lissa ses cheveux courts et blonds avant d’ajuster sa chapka. La neige étouffait le paysage et il faisait un froid mordant. L’air glacé et pur de la nature lui piqua les narines. Au moins, il n’aurait plus à supporter l’odeur de gasoil et parfois d’égouts de la ville pendant quelques jours. Derrière lui, le photographe le suivait, son matériel dans les bras.
Le docteur Zaystrev l’accueillit sur le perron de la dépendance en lui serrant la main et l’invita à entrer au chaud. Josiah n’avait pas confiance en cet homme, un vrai savant fou. Tout son être lui inspirait la méfiance. De ces petites lunettes rondes qui tombaient sur son nez à ses lèvres fines qui disparaissaient souvent dans un sourire suffisant. Mais il avait été le seul à se porter volontaire pour reprendre la direction du projet et ses idées étaient novatrices.
Le travail de Daniil intéressait grandement le comité et le gouvernement. Cependant, personne ne s’était senti capable de prendre sa suite et surtout de contrôler les sujets. La réputation de ces derniers les précédait. Indestructibles, sanguinaires et parfois presque mystiques. Personne ne voulait se risquer à les approcher. Comment réagir face à des êtres qui ne craignent pas la mort ? Jonathan avait été le seul scientifique suffisamment inconscient pour accepter.
Un autre camp minoritaire au comité souhaitait les exterminer, ce à quoi Josiah s’était toujours opposé. Dans cette période de guerre froide, ces armes « humaines » étaient inestimables. Il avait réussi à persuader le directeur que cela leur donnerait une nouvelle longueur d’avance sur les Américains, en plus du programme spatial. Sans compter le vaccin que Jonathan devait développer.
Josiah et le photographe entrèrent dans le bureau du docteur, étonnamment décoré comme n’importe quel cabinet de haut fonctionnaire de la ville. Même l’odeur du parfum de qualité venant d’Europe en faisait partie. Lors de sa dernière visite, quand le professeur Daniil gérait encore cet endroit, il ne savait pas s’il avait mis les pieds dans le bureau d’un directeur de recherche ou d’un étudiant fauché.
— Quand vont-ils naître ? demanda derechef Josiah en s’asseyant.
— Tout devrait être prêt d’ici une petite heure.
— En avez-vous d’autres en cours ?
— Les sujets numéro cinq et six sont déjà en cours de développement. Leur naissance est prévue dans environ six mois.
— Très bien. Tâchez de nous faire parvenir les rapports. Quant au vaccin, où en êtes-vous ?
— Les sujets sont très différents de nous. Ils partagent autant de gènes de plantes et d’animaux que de gènes humains. Ce sont des monstres. C’est pour cela que nous essayons de créer des sujets plus proches de nous, mais tout aussi performants.
— Donc vous n’avez rien.
Jonathan se décrispa les épaules et s’affaissa dans son fauteuil. Ses lèvres affichèrent un autre genre de sourire : celui de l’embarras. Face à lui, Josiah croisa les bras.
— Je dois admettre que les premiers tests ne sont malheureusement pas concluants. Nous espérons avoir plus de chance avec les prochains sujets. Nous voudrions synthétiser leurs particularités. Quant aux missions, je pense que les sujets trois et quatre seront prêts à les endosser d’ici un an, voire peut-être moins.
— Vous souhaitez envoyer des bébés travailler ? s’esclaffa Josiah en rentrant son menton.
— Ne les sous-estimez pas.
— J’aimerais jeter un œil aux sujets Numéro Un et Deux. Ceux que vous vous vantez si bien de savoir contrôler.
— Bien entendu. Ils nous attendent dans leurs quartiers. Je vais appeler mon assistant pour m’assurer qu’ils sont prêts.
Jonathan décrocha son téléphone à cadran noir :
— Paul, Un et Deux sont-ils disposés à nous voir ? Très bien, nous arrivons dans deux minutes.
— J’espère qu’avec tous vos tours de passe-passe, ils sont encore un peu eux-mêmes.
— S’ils étaient eux-mêmes, ils ne nous apporteraient rien. J’en ai fait quelque chose de mieux.
Le docteur invita le fonctionnaire à le suivre à l’étage. Josiah s’étonna de l’état de la dépendance. Les murs avaient été repeints, des tableaux et des tapisseries embellissaient l’établissement, le rendant presque moins sinistre. Il dut reconnaître la nécessité de cette rénovation. Dan ne s’encombrait pas de ce genre de détails. La dernière fois qu’il était venu, l’homme avait renvoyé la bonne par souci d’économies et l’endroit manquait cruellement d’hygiène. À croire qu’il souhaitait que la dépendance s’accorde au manoir en ruine.
La chambre des sujets était semblable à celle de son souvenir. Une chambre simple à l’ambiance champêtre. La seule petite excentricité tenait dans une couverture brodée qui trônait sur le rebord du lit de Numéro Un.
S’il n’avait pas su ce qu’ils étaient réellement, il ne l’aurait pas cru. Numéro Un, qui portait un uniforme militaire de cérémonie noir, se leva lorsqu’il entra, suivi de Deux, son ombre. Josiah se délecta du charme de Numéro Un, resté intact malgré toutes ces années passées. De part et d’autre, des assistants le saluèrent, les bras derrière le dos. Il leur serra la main et vint se poster devant le sujet femelle.
— Numéro Un, je suis enchanté de vous revoir. Vous souvenez-vous de moi ? Je suis le camarade Melnyk.
— Comment ne pas me souvenir de vous, Monsieur ?
Loin d’être effrayé, Josiah sourit. La dernière fois qu’il les avait croisés, c’était pour les faire prisonniers. Un malaise se fit sentir chez les assistants et le docteur qui ne connaissaient pas leurs antécédents.
— Mademoiselle Numéro Un, je vous prie de vous montrer un peu plus polie, ordonna le docteur Zaystrev.
Elle releva le menton et tendit la main pour le saluer. Cette chose rancunière ne ressemblait plus à une petite fille, mais bien à une jeune fille. Le sérum récupéré sur Petrov avant son arrestation avait donc fonctionné. Elle ne portait aucun artifice. Pourtant, comme il l’avait déjà remarqué : elle était magnifique. Ses yeux bleu-gris tranchaient avec sa couleur de peau, ce qui ne manquait pas de l’enchanter à chaque fois. Il aurait presque pu se laisser séduire par cette créature. Presque. Si elle n’était pas ce qu’elle était.
Deux, fidèle à lui-même, garda les mains dans ses poches. Son visage affichait une mine blasée. Josiah lui présenta sa main. Il ne répondit pas tout de suite, comme il s’y était attendu, pas avant que Numéro Un lui fit signe de l’accepter.
— Numéro Deux, comment vous portez-vous ? Je vois que vous avez bien grandi. Vos nouvelles missions vous plaisentelles ?
— Je vais bien. Merci.
Un silence s’installa. Josiah attendit la suite. Il se tourna vers Jonathan, puis vers Un et Deux. Finalement, ce docteur ne les maîtrisait pas tant que ça.
— Nous sommes ravis de travailler de nouveau pour le gouvernement, ajouta Un avec sarcasme.
Soudain, un homme en blouse blanche fit irruption dans la pièce, le souffle court, interrompant leurs retrouvailles.
— Messieurs, excusez-moi de vous déranger. C’est l’heure. Il faut faire vite.
Les assistants, Josiah et Jonathan dévalèrent les escaliers jusqu’à la salle de gestation au sous-sol. Le fonctionnaire s’immobilisa, bouche bée.
Quatre cuves contenant un liquide ambré se dressaient face à lui. Ils abritaient des corps humains qui flottaient dans leur couveuse. Un masque et des tuyaux reliaient leur tête au sommet de l’habitacle. Dans la pièce régnait une chaleur humide accentuée par la lumière ocre. Monopolisant toute l’attention, deux des créatures s’agitaient dans leur bocal. Plus le niveau du liquide baissait, plus les sujets s’animaient. Les bulles d’air et les remous brouillaient leur visage.
Josiah retint son souffle. Il redoutait de voir des bêtes, même s’il savait que ce ne devrait pas être le cas. Lorsqu’il ne resta plus d’eau, les sujets Trois et Quatre ouvrirent grand les yeux. Alarmés, ils frappèrent la vitre. Des assistants accoururent pour les sortir et les envelopper dans des couvertures.
Josiah fut surpris par leur taille. Ils avaient déjà atteint la maturité d’un adolescent. Il serait aisé de les faire passer pour de jeunes adultes. Des assistants les emmenèrent dans une autre pièce. Le torse de Jonathan se bomba de fierté.
— Monsieur, nous allons immédiatement procéder à des tests pour nous assurer qu’ils ont en bonne santé. Puis nous les habillerons et vous pourrez prendre des photos, fanfaronna-t-il.
— Ils sont déjà quasiment adultes ? balbutia Josiah, choqué, qui ne l’avait pas écouté.
— Oui, comme je vous l’avais promis, répondit Jonathan en affichant un large sourire, heureux de son effet de surprise. Nous avons trouvé la solution. D’ici six mois à un an, ils seront prêts.
— Cela signifie que vous pouvez en fabriquer beaucoup et rapidement ?
— Le processus reste compliqué et surtout très coûteux. Mais la rentabilité est indéniable.
— Et les deux qui sont encore dans leur cuve ?
— Nous avons encore des doutes à leur sujet. Un incident s’est produit la semaine dernière.
— Cela a-t-il porté atteinte à l’intégrité des sujets ?
— Je vous en informerai quand j’en saurai plus.
Le fonctionnaire était sceptique. Quel pouvoir pourrait acquérir ce docteur si d’autres êtres plus perfectionnés que les sujets Numéro Un et Deux venaient à voir le jour ? Surtout s’ils ne répondaient qu’à lui.
— Je veux parler aux sujets Trois et Quatre.
— Ils seront prêts dans environ deux heures.
— Dans ce cas, nous allons prendre des photos de Numéro Un et Deux dans leur chambre.
Josiah s’éloignait déjà avec le photographe.
— Attendez, l’arrêta Jonathan. Paul va vous accompagner. Avec le nouveau système de sécurité, vous ne pourrez pas quitter cet endroit.
Il fit signe à son bras droit, qui les escorta jusqu’à la chambre des sujets. Une fois de retour à l’étage, le photographe prit quelques clichés. Puis, captant un signal de son supérieur, le Sibérien d’une quarantaine d’années se lança dans une discussion passionnée sur la vie en ville avec Paul. Au même moment, Numéro Un disparut de la chambre avec un assistant.
Josiah se rapprocha de Deux, l’air de rien, et lui demanda :
— Comment se porte Un ? Le docteur m’a prévenu que sa croissance rapide l’a rendue instable.
— Il tente de la contenir. À sa manière. Mais elle va bien. Elle accomplit vos missions. Et elle a grandi. Comme elle le souhaitait.
Deux sortit une cigarette de sa poche, de celles qu’il avait dérobées à Jonathan. Josiah le suivit jusqu’à la fenêtre qui donnait sur les ouvertures condamnées par des planches de bois du manoir. On pouvait aussi voir la camionnette dans laquelle le fonctionnaire était arrivé et qui se teintait déjà de blanc.
— Pourquoi revenir alors que vous souhaitiez nous tuer ? l’interrogea Deux.
— Le comité n’aurait jamais fait une telle chose. C’était une menace pour faire plier le professeur. Vous êtes inestimable.
— Votre ruse a presque marché.
Josiah se rappela amèrement la manière dont le professeur Daniil avait réussi à leur échapper par deux fois. La première fois, il avait fui avec l’enfant dans cet endroit oublié de tous. Le comité avait mis des années à les retrouver. Jusqu’à ce que le professeur, trop gourmand, crée Deux. Le sujet mâle était né à Moscou où il avait grandi durant les premières années de sa vie. Un gamin censé avoir un an mais qui en paraissait six n’était pas passé inaperçu. Après de longues années de filature, les agents du comité lui avaient remis la main dessus.
Lors de sa deuxième tentative, le professeur avait réussi à semer le doute au sein du comité. Daniil leur avait expliqué que les deux sujets présentaient des anomalies. Deux risquait de mourir aussi vite qu’il avait grandi et Un était en pleine dégénérescence. Le professeur avait en réalité fabriqué les preuves et tout le monde y avait cru. Après tout, personne ne comprenait comment il avait réalisé cette prouesse. Le rideau était tombé lors de son départ à la retraite, quand il avait engagé un certain Petrov. Cela ne rimait à rien d’embaucher un entrepreneur pour s’occuper de cadavres.
— Nous attendons beaucoup du vaccin. Il pourrait sauver beaucoup de vies, tenta d’expliquer Josiah.
— Ce n’est pas ce qui arrivera. Nous le savons tous les deux. Vous injecterez ce vaccin à vos soldats ou le vendrez au plus offrant. Ce n’est pas avec l’armée que Jonathan est en train de vous construire que vous me prouverez le contraire.
— Seuls deux individus sont nés aujourd’hui et il semblerait que les prochains soient défectueux.
Deux leva un sourcil et rétorqua :
— Dans ce cas, pourquoi ferait-il rénover l’aile Est du manoir ?
Josiah resta perplexe et jeta un œil vers Paul qui discutait toujours avec le photographe. Combien de créatures ce docteur pouvait-il fabriquer avec les moyens qui lui étaient alloués ? Il ne délivrait jamais les détails financiers de ses inventions. Deux aspira une bouffée de cigarette qu’il recracha dans le visage du fonctionnaire, soucieux.
— Que pensez-vous de ce docteur Zaystrev ?
— L’avis d’un monstre vous intéresse ?
— Je ne vous considère pas comme tel. Vous êtes meilleur que nous.
Deux sourit. Josiah avait suffisamment côtoyé le professeur Daniil pour l’entendre prononcer cette phrase.
— Pour moi, cet homme est juste un incapable qui ignore comment soigner Numéro Un.
Dans ses rapports, Jonathan leur avait assuré que Numéro Un était stable. Bien qu’elle puisse avoir des épisodes d’hystérie de temps à autre, cela ne l’empêchait pas de travailler. Deux faisait certainement référence à cela. Josiah haussa les épaules et lui dit :
— Elle semble aller bien et les résultats des missions sont à la hauteur de nos attentes.
Deux écrasa sa cigarette contre le rebord de la fenêtre et fronça les sourcils. Cette réponse le mettait hors de lui. Tout ce qui comptait pour le parti, c’était que les sujets fassent leurs sales besognes à leur place. Une belle droite dans la figure de ce fonctionnaire aurait pu soulager sa colère, mais Youri les interrompit avant qu’il puisse le faire. Numéro Un l’accompagnait, affichant ce regard hagard qu’il détestait. Ce regard signifiait qu’il l’avait encore perdue pour quelque temps au moins. Josiah fut invité à rejoindre le bureau de Jonathan pour voir les nouveaux sujets.
Les nouveau-nés étaient maintenant habillés et coiffés. Ils revêtaient tous les deux une chemise blanche avec une veste à col droit. Le mâle portait un pantalon noir et la femelle une jupe droite. Ils semblaient beaucoup moins impressionnés par leur environnement que lors de leur naissance, quelques heures plus tôt. Un air poupin se dégageait de leur visage. Numéro Trois, le mâle, se tenait droit, un peu en avant comme pour protéger Numéro Quatre. Le photographe s’accroupit et prit leur cliché sans prévenir. Ils furent tous les deux surpris et clignèrent des yeux, aveuglés par le flash.
— Vous aurez tout le temps de prendre des photos officielles plus tard, l’interrompit le docteur. Messieurs, laissez-moi vous présenter le sujet mâle numéro trois et le sujet femelle numéro quatre. Sujets, poursuivez.
Jonathan invita Numéro Trois à s’exprimer d’un geste de la main. Dans le bureau, encerclé par le photographe, Youri et Jonathan, il se leva brusquement. Quatre, méfiante, fit de même en attrapant les doigts de son partenaire.
— Bonjour messieurs…
Il se racla la gorge, toujours aussi étonné que les autres par sa voix grave d’homme.
— Comme le disait le docteur, je suis Numéro Trois, agent spécial au service de votre supérieur. Si j’ai bien compris.
Il se tourna vers Quatre pour l’inviter à parler.
— Il a tout dit, confirma-t-elle d’une voix claire et sèche.
Josiah ouvrit grand les yeux et la bouche, tout comme le photographe. Jonathan acquiesça fièrement.
— Avez-vous des questions à leur poser ?
— Eh bien… Vous sentez-vous prêts à travailler pour votre patrie ?
Les sujets restèrent muets. Ils savaient seulement que leur patrie était l’URSS.
— À ce propos, je souhaiterais qu’ils intègrent l’école militaire dédiée à la formation des agents spéciaux. Séparément. Il est important qu’ils soient isolés l’un de l’autre et qu’ils ignorent où se trouve l’autre. Nous allons les garder avec nous pendant un mois, le temps de vérifier plusieurs choses. Ensuite, ils seront aptes à partir. Je vous fais confiance pour leur inculquer de solides bases.
— Je m’en occuperai à mon retour.
— Vous m’en voyez ravi, camarade.
Trois et Quatre se regardèrent. Le mot « séparément » résonnait à leurs oreilles. Ils n’en avaient pas envie. Mais ils savaient qu’ils n’auraient pas le choix.
Josiah repartit satisfait, bien que prudent. Ces choses étaient fantastiques. Si à l’issue des entraînements ils étaient prêts, cela serait d’autant plus incroyable. Cependant, la question du contrôle de ces armes vivantes le taraudait.
3.
Deux se réveilla en sursaut, au beau milieu de la nuit. Numéro Un n’était plus dans son lit. Inquiet qu’elle tentât à nouveau quelque chose, il s’empara de son couteau caché dans le tiroir de la table basse. Des éclats de rire l’interrompirent dans son élan. Le bruit venait de dehors. Au loin, à travers la fenêtre, il aperçut une silhouette qui faisait de grands gestes. C’était elle. En train de courir en chemise de nuit et de se noyer dans la neige. Il rangea son couteau dans le pantalon de son pyjama, attrapa un manteau à l’entrée pour couvrir son torse nu et descendit les escaliers de la dépendance à la hâte.
— Numéro Un ! cria-t-il, mais elle s’éloignait déjà dans la forêt.
Un croissant de lune éclairait tout juste le ciel. Au-dessus de leur tête, des étoiles brillaient de mille feux, sans les lumières de la vie humaine pour leur faire concurrence. Ses narines dégageaient de la fumée. À l’extérieur, la température avoisinait les -20 °C.
Tout à coup, Un se stoppa net et se laissa tomber dans la neige en traçant des demi-cercles avec ses bras, hilare.
— Numéro Un, qu’est-ce que tu fais ?
Elle ne répondit pas. Elle gloussait toujours. Il la souleva par la taille.
— Arrête, se plaignit-elle. Pourquoi tu fais ça ?
— Tu vas mourir de froid.
— Le froid ne peut pas me tuer.
Ce n’était pas sa voix. Elle était plus aigüe qu’à l’accoutumée.
— Tu peux mourir de froid, affirma-t-il sèchement. J’ignore qui tu es, mais sache que c’est possible. Je ne te laisserai pas la tuer pour un caprice.
— Je veux seulement les tuer, elles, dit-elle en pointant sa tête.
Pensant qu’elle délirait encore, il la ramena au manoir. Elle se débattit en hurlant à l’aide. Il la hissa sur ses épaules et la porta en écharpe.
— Deux, lâche-moi ! Je sais marcher. Je sais marcher, je suis grande ! Je n’ai pas besoin de toi.
Une fois dans le hall, il la déposa délicatement sur le sol. Elle s’effondra en cherchant à se redresser. Le froid avait dû engourdir ses membres.
— Tu ne te lèves pas ? Je pensais que tu pouvais marcher toute seule.
Elle se renfrogna et frotta ses jambes tout en remuant frénétiquement ses orteils nus pour se réchauffer.
— Je me serais débrouillée.
Sa voix avait encore changé. Elle ressemblait davantage à celle dont il avait l’habitude.
— Laisse-moi t’aider.
Il lui tendit son manteau et tenta de l’envelopper de sa chaleur, mais elle le repoussa. Il avait une impression de déjàvu. Il avait vécu la même situation pendant l’une de leurs premières missions ensemble. Lorsqu’elle ne voulait pas de lui dans ce rôle de protecteur.
Diana, l’infirmière, descendit les escaliers en faisant craquer lourdement les marches en bois.
— Deux ? Est-ce que ça va ?
— Je ne sais pas, murmura-t-il sans quitter Un des yeux.
— Je n’ai pas besoin de votre aide ! hurla-t-elle à nouveau lorsque Diana lui mit un châle autour des épaules. Je ne veux plus vous entendre.
Elle posa ses mains sur son crâne tout en se balançant.
— Je vais chercher de quoi la calmer.
— Un, regarde-moi. Reprends-toi. S’il te plaît.
Elle grogna et lui donna une claque qui l’abasourdit. Ses claques ne faisaient mal qu’à son égo.
Dans l’entrée, il faisait toujours noir. Jonathan avait fait venir une grosse horloge de Moscou dont les aiguilles claquaient dans le hall. Le sol était trempé par la neige fondue. Seul un trait de lumière en provenance de l’infirmerie où se trouvait Diana éclairait la silhouette de Numéro Un. Il étirait son ombre sur le lambris, donnant l’impression à Deux d’assister à la naissance d’un monstre. Il voyait son dos, rond, grossir jusqu’à atteindre le plafond. Son ombre couvrait totalement l’horloge dont le pendule se balançait à un rythme régulier. Il était trois heures du matin.
— Que veux-tu que je fasse ? implora Deux à mi-voix.
Le monstre sur le mur écarta les bras comme s’il allait l’attaquer.
— Appelle maman. Demande-lui de venir, ordonna-t-elle.
— Qui ?
— Elle est morte… Elle est morte !
Elle se frappa la tête à plusieurs reprises en rugissant. Soudain, elle s’immobilisa et le fixa :
— Trouve-le.
Deux se leva à nouveau en sursaut. « Encore l’un de ces fichus cauchemars ». À côté de lui, Numéro Un dormait paisiblement. Dehors, l’aube éclairait à peine la forêt et il neigeait. C’était l’heure de l’entraînement. Machinalement, il se changea et alla la réveiller. Doucement. Il craignait de briser cette peinture d’elle. Il lui caressa les cheveux puis le front. Elle s’étira, s’éveilla, puis partit s’habiller à son tour. Elle était redevenue elle-même.
Après le petit-déjeuner, Paul réquisitionna Deux pour une nouvelle mission. Même si la quitter ne lui plaisait pas, il préférait parfois cela plutôt que de la voir s’étioler et supporter ces cauchemars qui l’empêchaient de dormir. Pendant les missions, il était la personne qu’on lui demandait d’être. L’objectif et la manière de l’atteindre étaient tout ce qui comptait. Il revêtit son costume, enfila un chapeau, puis passa lui dire au revoir avant de partir pour Moscou pour les six prochains mois.
***
Une fois Deux parti, Paul retourna s’occuper des sujets Numéro Quatre et Trois. Selon le docteur Zaystrev, éloigner Deux était la meilleure option et cette mission tombait à pic. Il retrouva Youri dans la salle à manger qui observait les sujets s’alimenter.
Selon les théories du professeur Daniil, Numéro Un et Deux avaient un régime idéal. Bien qu’omnivores, ils avaient tout de même un penchant pour la nourriture végétale très certainement dû au mélange de leurs gènes. Ce matin, il était question de savoir ce que Trois et Quatre préféraient manger. Tous les deux se jetèrent sur un morceau de viande de bœuf rosé qu’ils dévorèrent goulument, délaissant le porridge de sarrasin. Ils avaient faim. C’était bon signe selon Youri. Une fois le repas terminé, il s’entretint avec les nouveaux sujets concernant les différentes thématiques qu’ils avaient écoutées pendant leur croissance. L’hypnopédie était la solution trouvée par Jonathan pour concevoir des
