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Le professeur Kob marche en crabe: Roman
Le professeur Kob marche en crabe: Roman
Le professeur Kob marche en crabe: Roman
Livre électronique149 pages2 heures

Le professeur Kob marche en crabe: Roman

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À propos de ce livre électronique

Antonin, jeune autiste de 23 ans, est enfin autonome. Sa mère lui a trouvé un emploi chez un courtier d’assurances, il touche un salaire, loue un appartement, en réalité il est toujours en proie à des crises de panique, toujours perdu, toujours seul.

Le professeur Kob est un héros imaginaire, le personnage d’une bande dessinée qu’il a écrite et illustrée chez un petit éditeur. Le succès inattendu de son premier album l’amène à recevoir un Prix littéraire au Maroc.

Pour la première fois il prend l’avion, rencontre de jeunes lecteurs, pour la première fois aussi il noue une relation amoureuse. Cette idylle avec une jeune musulmane ajoutée aux difficiles relations avec sa mère le fera sombrer dans le chaos.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gérard Pourret a écrit les scénarios d’une vingtaine d’albums pour la jeunesse, en particulier il est l’auteur de la collection Graines d’ados bien connue chez les préadolescents. Il vit à Toulon où il écrit et peint dans son atelier près du port.
Le professeur Kob marche en crabe est son premier roman.
LangueFrançais
Date de sortie18 déc. 2020
ISBN9782889492213
Le professeur Kob marche en crabe: Roman

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    Aperçu du livre

    Le professeur Kob marche en crabe - Gerard Pourret

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    Gérard Pourret

    Le professeur Kob marche en crabe

    La tête est une espèce d’usine qui marche pas très bien comme on veut… Pensez ! 2000 milliards de neurones absolument en plein mystère…

    L F Céline

    Pour Aline.

    Mon passage dans la vie.

    Épisode 1

    En ce moment, je me trouve dans mon appartement, les murs du salon sont blancs avec des posters de La Guerre des étoiles, ils ne bougent pas si je ne fais rien de mal mais si je regarde trop de films sur ma tablette ils s’abattent sur moi comme des fantômes. Va te coucher, Antonin ! dit le fantôme de mon père. D’accord. Je fais semblant d’aller dormir et j’emporte ma tablette dans mon lit.

    Et donc, je suis tranquille pour regarder les épisodes de La Guerre des étoiles jusqu’à tard dans la nuit. Je sais que je dois me lever de bonne heure demain matin pour aller travailler, je le sais, mais je ne peux pas m’empêcher de regarder des films. Il y a un épisode que je regarde souvent, c’est celui où la princesse Leia est enchaînée en bikini aux pieds du gros Jabba le Hutt. Je fais pause, mes yeux s’agrandissent et mon sexe devient dur. Voilà que cette limace de Jabba tire sur la chaîne pour faire entrer son dard surpuissant dans le ventre de Leia. Je me demande comment une femme si menue peut supporter la grosse bite de ce monstre. Les limaces (tout comme les escargots) ont des dards, je l’ai lu dans une revue scientifique, le mâle perfore la femelle à n’importe quel endroit du corps : le ventre, le dos… ils peuvent faire l’amour enroulés l’un sur l’autre une dizaine d’heures de suite. Ils bavent énormément. C’est bon. Inutile d’enlever la main de mon pyjama comme le faisait ma mère quand j’étais tout petit : « Arrête de te toucher, Antonin ! » Je ne veux plus qu’on me parle de cette façon, j’ai bientôt vingt-trois ans, je sais que quelque chose ne va pas dans ma tête, mais je ne veux pas qu’on dise que je regarde des films uniquement pour le cul. C’est faux ! Je ris, je pleure, je prends du plaisir en regardant des films. Je ne me plains pas.

    ÉPISODE 2

    Le chemin pour aller travailler en sortant de chez moi, c’est dehors dans la rue, mais pas dans le métro. En surface, je repère les immeubles, les carrefours, les feux rouges, les oiseaux. J’aime beaucoup les oiseaux, il y en a quelques-uns qui nichent dans les arbres tout au long de l’avenue. Ils se ressemblent tous, moi je les reconnais à leur façon de piailler, ils sont comme de petits cailloux blancs sur la route du boulot. Ils disent : Vas-y, Antonin ! Tu es dans la bonne direction, vas-y ! Continue !

    Par contre, si je m’enfonce sous terre je ne reconnais plus rien. Et pourquoi, Antonin ? Parce que j’ai trop peur de me perdre, voilà pourquoi. Je n’arrive pas à comprendre comment ça fonctionne entre les lignes de métro qui s’en vont à un bout, changent de couleur, disparaissent dans un tunnel puis reviennent au départ. Si par malheur je prends le mauvais bout d’une ligne, je me retrouve embarqué à l’envers. Il me faut du temps pour m’en apercevoir. Je passe sur le quai, de l’autre côté de la voie, et ainsi de suite avec le même billet. Je peux me tromper plusieurs fois dans un sens et dans l’autre. Je suis perdu. Ça ne sert à rien d’en parler de toute façon, des problèmes dans ce genre j’en ai plein.

    Dehors, je marche dans le repère des rues, je suis fier de marcher tous les matins pour aller travailler. Ma mère dit que c’est grâce à elle si j’ai trouvé un boulot, c’est possible, mais c’est quand même moi qui ai passé l’entretien d’embauche avec monsieur Delbur, c’est moi qui ai répondu à ses questions difficiles, c’est moi qui mets de l’argent de côté chaque mois pour me payer des costumes. Voilà ce que j’ai à répondre à ma mère.

    Et donc, je marche jusqu’à ce que je me retrouve au pied d’un bel immeuble avec une plaque en bronze : CABINET DELBUR. COURTAGE EN ASSURANCES. Je monte les escaliers jusqu’au deuxième étage, et là je sonne à la porte de droite. Je suis fier de sonner chaque matin à cette porte. « Bonjour, Antonin », dit la secrétaire à l’accueil. « Bonjour, madame. » Ensuite il y a un couloir avec une machine à café et puis tout au fond un grand espace divisé en bureaux qu’on appelle open space. Ainsi, on peut dire que je travaille dans un espace ouvert, l’espace infini du boulot, un peu comme dans La Guerre des étoiles.

    Je dois m’estimer heureux car je connais des personnes dans mon cas qui n’ont pas de boulot, qui n’en auront peut-être jamais tellement c’est difficile pour tout le monde. Je vous jure que je serre les fesses chaque jour que je m’assieds sur mon fauteuil, face à mon écran d’ordinateur (chaque jour béni soit-il !) Pendant la journée, j’hésite à quitter mon fauteuil pour aller aux toilettes tellement je suis content. Mon seul moment de détente se passe devant la machine à café avec mon collègue Jacques Frelot, mais jamais plus de dix minutes. Quand je dépasse d’une minute le temps de pause, je rajoute une heure de pénalité pour le départ du soir. Et c’est vrai, je n’ai besoin de personne pour me punir si j’ai l’impression de mal faire. Le directeur, monsieur Delbur, est trop gentil pour me reprocher quelque chose. Je ne connais pas les avantages qu’il y a à embaucher des personnes dans mon genre, mais ça m’est bien égal. Je porte un costume, une chemise blanche, une cravate et croyez-moi, ce n’est pas donné à tout le monde. Je choisis toujours une veste de costume XL pour me rembourrer le torse et les épaules, une armure comme celle de Dark Vador. Le vendredi je suis bien embêté car c’est Friday wear, un jour en bras de chemise. Ce jour-là je me sens mal à l’aise, j’ai peur qu’on voie mes os. Alors j’ai trouvé une astuce : lorsque je dois me déplacer dans l’open space, je gonfle le torse le plus longtemps possible sans respirer de façon à faire saillir mes muscles. Je déambule au milieu des collègues, la poitrine en avant, et puis je me rassois quand je n’ai plus de souffle. Mes collègues me regardent bizarrement, ils se demandent quelle sorte de type je suis. Je me mets à leur place : j’ai presque vingt-trois ans, je n’ai pas le permis de conduire, je ne mange pas beaucoup, je me perds dans le métro.

    Souvent, les gens disent que je suis dans la lune, c’est vrai mais ce n’est pas une maladie, il y a des milliers de lunes qui gravitent au-dessus de nos têtes, il paraît que la planète Uranus dispose de vingt-sept lunes satellites, on a même calculé que dans un million d’années deux lunes vont se télescoper : Cressida et Desdémone. Chacun possède une lune au-dessus de la tête, l’endroit où il se repose.

    Dans la galaxie Star Wars, il y a une lune où je voudrais aller un jour : Endor. Cette lune forestière est habitée par de petits humanoïdes à fourrure qui ne mesurent pas plus d’un mètre de haut, parlent le Basic (comme tous les voyageurs de l’espace), portent un capuchon en cuir et se dandinent comme des manchots. Les Ewoks ne cherchent pas à savoir s’ils ont été des ours, des chiens ou de vrais hommes dans une vie antérieure, ils regardent simplement vers le ciel où sont les planètes, vers la forêt où poussent les arbres. Personne dans la tribu ne fait la différence entre le passé et le futur, entre le souvenir et le rêve. Leur religion c’est l’arbre. Chaque village plante une graine à la naissance d’un petit Ewok et nourrit l’arbre au fur et à mesure qu’il grandit. L’enfant considère cet arbre comme un arbre-totem, et quand il meurt son esprit rejoint son arbre-totem. Il ne meurt pas en réalité, il est immortel parce qu’il a été mis au monde une bonne fois pour toutes. Il ne viendra jamais à l’idée du Grand Conseil des anciens de rejeter quelqu’un parce qu’il est différent des autres, débile ou mal foutu.

    Si je dois quitter cette terre un jour, j’irai chez les Ewoks.

    ÉPISODE 3

    Tant que je suis au bureau, tout va bien, je m’applique, je me concentre sur les petites choses qu’on a bien voulu me confier. Mon travail consiste à mettre des chiffres dans des tableaux Excel, je dois mettre les bons chiffres dans les bonnes cases. J’y arrive. Il y a des cases pour les assurances de responsabilité civile, les assurances décennales, les assurances incendie, les assurances automobiles, les assurances santé… Quand je clique sur une case, tout se met en ordre et je vois apparaître le montant des primes payées par les clients. Ensuite, monsieur Delbur fait des statistiques, d’un seul coup d’œil il voit quels sont les meilleurs chiffres. Bien sûr, quelqu’un contrôle pour vérifier que mes tableaux sont justes, mais je ne sais pas qui c’est. Monsieur Delbur a dit que je me débrouillais « comme un chef ».

    Nous sommes une petite trentaine à travailler dans l’open space, hommes et femmes, certains collègues se déplacent pour aller chez des clients, ils ramènent des affaires, ils prennent le train, la voiture, l’avion, on ne les voit pas souvent. Au début, j’ai bougé moi aussi, mais je ne veux plus bouger, même pour porter un pli. Ça me fait mal au ventre.

    Un jour, je dois porter une attestation d’assurance chez un client. La secrétaire de monsieur Delbur me donne une grande enveloppe kraft avec le nom du client et l’adresse : Tour CBX – La Défense. Il n’y a pas de rue et ça m’inquiète un peu. Au moment de partir, je demande à mon collègue Jacques Frelot :

    – On va comment à La Défense ?

    – En métro ou en RER, ça dépend.

    – D’accord…

    Je me retrouve seul dans la rue, je marche quelques mètres tranquillement et puis je trouve bizarre que mes collègues restent au bureau pendant que moi je suis dehors. Il y a une question que je me pose : est-ce que je suis payé quand même si je me perds ? Je suppose que j’ai le droit d’acheter un croissant, boire un café, juste quelques pas de côté sur le trottoir, ça oui. Mais si je m’écarte trop, si je tourne en rond dans l’espace infini du boulot, qu’est-ce qui se passe ? Pour l’instant je marche droit avec dans ma main serrée une grande enveloppe marron. Il y a deux stations possibles pour se rendre à La Défense : Esplanade de La Défense par le métro, et La Défense Grande Arche par le RER. Je choisis le métro parce que j’ai trop peur du RER. Il

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