Fès est une drogue: Recueil de nouvelles
Par Naima Lahbil
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À propos de ce livre électronique
Il ne sait plus quand avaient démarré les rumeurs sur le mauvais œil de la ruine, il arrivait malheur à tous ceux qui l’approchaient de trop près. On parlait des héritiers de la ruine, dispersés dans la ville, errant, hébétés, inconscients de la valeur de leur patrimoine.
Dans une langue épicée, gourmande, enluminée, Naima Lahbil Tagemouati nous conduit à travers la médina de Fès, dont elle connaît si bien les méandres et les secrets enfouis.
EXTRAIT
Si tu récoltes beaucoup de signatures, on pourra traiter ta demande, lui avait dit la secrétaire de la mairie. C’est quoi beaucoup ? Elle avait haussé les épaules en s’adressant au suivant dans la file et en lui tendant le formulaire. Le jour même, Youssef est allé au cybercafé pour le taper et l’imprimer. Il l’a rangé dans une chemise rose, presque neuve. Youssef habite derb* Lakouas, dans une maison de taille moyenne qu’il partage avec ses parents et un autre couple de colocataires, actuellement en pèlerinage à la Mecque. Il est né là. Il a grandi devant cette ruine, au bout de son derb.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Naima Lahbil Tagemouati vit à Fès, au Maroc. Elle a publié plusieurs essais, dont Dialogue en médina (éd. Le Fennec, Casablanca, 2001), destiné au grand public. Son premier roman, La liste, s’inspirait de son expérience de socio-économiste, qui l’a conduite dans les bidonvilles. Publié en 2014 au Maroc (éd. Le Fennec) puis en 2015 en France (éd. Naïve livres), il a été distingué par le prix littéraire Sofitel Tour Blanche.
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Aperçu du livre
Fès est une drogue - Naima Lahbil
Fès est une drogue
Naima Lahbil Tagemouati
La ruine
Si tu récoltes beaucoup de signatures, on pourra traiter ta demande, lui avait dit la secrétaire de la mairie. C’est quoi beaucoup ? Elle avait haussé les épaules en s’adressant au suivant dans la file et en lui tendant le formulaire. Le jour même, Youssef est allé au cybercafé pour le taper et l’imprimer. Il l’a rangé dans une chemise rose, presque neuve. Youssef habite derb Lakouas, dans une maison de taille moyenne qu’il partage avec ses parents et un autre couple de colocataires, actuellement en pèlerinage à la Mecque. Il est né là. Il a grandi devant cette ruine, au bout de son derb.
Youssef sort de chez lui tôt, avant que les boutiques n’ouvrent. C’est le moment qu’il préfère, maintenant. Marcher dans les ruelles désertes, sans tentation. Avant, c’était le retour du travail qu’il aimait le plus, quand Talâa était bondée. Il saluait, à gauche, à droite. C’était un régal de remonter vers Sellaline. Il achetait du fromage/j’ban, son préféré, bien salé, goûtait les olives – mise en bouche avant d’arriver chez lui –, ouvrait les fèves, raclait la peau avec l’ongle. Quand elle est épaisse, surtout ne me les ramène pas, même si elles sont bien vertes, bien appétissantes. Les fèves, je les connais, lui disait sa mère en riant. C’est comme nous, les femmes, des doubles faces : brillantes, attirantes, mais au final c’est des dures à cuire. Tu les mets dans ta casserole avec des gousses d’ail bien odorantes, de l’huile d’olive parfumée, du persil frais… que des bonnes choses, et rien n’y fait, elles restent fermées à toutes ces richesses dont Dieu nous gratifie.
C’était avant, au petit déjeuner, dans le coin cuisine. Dès sa première paye, son père avait cessé de mettre la main à la poche. C’est ton tour, mon fils. Youssef était devenu le complice de sa mère, fière de lui. Le matin, penchés sur la théière cabossée, dodue, emmitouflée dans un bonnet en laine rehaussé d’un pompon bleu et rose, ils complotaient à mi-voix, pour ne pas réveiller le père ni déranger les voisins, et composaient le menu du midi. Le soir, c’est pas pareil, on bricole, disait-elle en clignant de son œil valide. Tu vas pas tout dépenser. La bouffe, c’est une mer sans fond. Épargne pour te marier.
Me marier. C’est fait. C’est Kawtar, Kati pour les siens. Depuis Kawtar, il est interdit de courses. Tu-ne-sais-pas a-t-elle décrété. Dans ma famille, c’est les femmes qui s’en occupent. Youssef, surpris de parler tout seul, s’assure qu’il n’y a personne dans la rue. Il se plaque contre le mur pour laisser passer un âne chargé de bottes de navet aux pousses brillantes. Il palpe – dépité – l’unique billet de 50 dirhams dans sa poche et sent une bouffée de rage monter et lui brûler la poitrine. Il se frotte vigoureusement les cheveux et presse le pas vers le café R’cif. Là-bas au moins, il pourra s’asseoir, boire un vrai café, faire les mots croisés, et peut-être – s’il n’y a pas trop de clients –, parler avec Fouad, son ami.
Fouad met en place les chaises et les tables sur le trottoir. Il salue Youssef, lui tend le journal. « J’arrive ! » Le bruit du percolateur à café sature l’espace. Quelques hommes, des habitués, assis à l’intérieur, attendent l’ouverture des boutiques environnantes. Il est trop tôt et il fait encore trop froid pour s’attabler à la terrasse.
Fouad le rejoint avec une théière, des olives noires et des morceaux de harcha enveloppés dans du papier qu’il dépose sur la table, près du journal. Il sort de sa poche des branches d’absinthe/chiba qu’il plonge dans deux verres remplis de thé. Youssef se réchauffe les mains au contact de la théière et se sert un grand morceau du gâteau. Les yeux fermés, il savoure le bruit de la semoule qui craque joyeusement sous les dents. Il pousse le tout avec une longue gorgée de thé. Est-ce cela le bonheur ? Ce goût sucré de la harcha mêlé au salé et à l’amertume des olives noires bien que maigrichonnes, au goût épicé du thé à l’absinthe/chiba. Est-ce cela, vivre ? Une somme de moments de plaisir ? Youssef rouvre les yeux, vaguement honteux de cette jouissance devant le regard amusé de Fouad. Je n’ai pratiquement pas dîné. À la maison, il y avait un plat de lentilles au khl’ii. Il a fait si froid hier soir. C’est moi qui lui ai suggéré le menu. Des lentilles
