Manteaux en tweed, écharpes sous le nez, devant le Metropolitan Museum of Art, les tenues des passants reflètent la météo glaciale du jour. Au printemps, la physionomie de l’avenue changera du tout au tout: les arbres de Central Park parfumeront l’air, l’asphalte se réchauffera, et un défilé de robes fluides et légères s’offrira aux regards des touristes disséminés sur les marches du musée. Début mai, les invités du Met Gala, l’événement haute couture de l’année à New York, graviront ces mêmes marches sous le crépitement des flashs. Comme le veut la tradition, tout ce beau monde visitera ensuite une exposition thématique autour de vêtements resurgis du passé, leurs étoffes, privées des corps depuis longtemps disparus qui leur ont un jour donné vie, comme figées.
“C’est toujours un casse-tête pour nous: une fois les habits entrés au musée, l’essentiel des expériences sensorielles liées aux vêtements est perdu”, déplore Andrew Bolton, conservateur en chef du Costume Institute, installé devant un thé dans l’une des salles de conférences du Met. Au mur sont punaisées les photos de plus de 50 vêtements. “Le côté positif, c’est que nous en sommes les gardiens, nous veillons sur eux pour toujours, poursuit-il. Mais cela implique des conditions bien précises: on ne peut pas les toucher, les sentir, les porter. Et on ne peut pas les entendre.”
Autant de sensations considérées pourtant, des siècles durant, comme partie intégrante de l’expérience du vêtement, dès sa création. Le son produit par une robe était un argument de vente: le bruissement sensuel des étoffes lorsque celle qui la portait traversait la pièce. Les boutons de tissu étaient autrefois cousus autour de pièces de coton et destinés à recevoir quelques gouttes de parfum.