MATINÉE MAUSSADE À MANHATTAN. Je suis attablée avec Anne Hathaway dans un restaurant à la blancheur si aveuglante qu’on se croirait dans une représentation cinématographique de l’au-delà. La star, elle, se montre aussi chaleureuse que prévenante. Je suis arrivée avec un peu d’avance pour la trouver déjà installée, en pull blanc et jean clair, à la table qu’elle a jugée la plus adaptée aux besoins de l’enregistrement. Nous commandons : houmous de pois chiches verts, betteraves et courge honeynut. Si la carte est strictement végétarienne, elle-même ne l’est pas. Plus tard, pince-sans-rire, elle lâchera : « Je pense que tout le monde sera d’accord pour dire que j’ai une personnalité de végane. »
Anne a vécu plus de la moitié de sa vie sous les projecteurs, elle connaît mieux que personne le mal que peuvent faire les opinions tapageuses qui s’expriment sur Internet. Ces cinq dernières années, elle a connu une refonte existentielle totale – régime sec, maternité, quarantaine – et a appris à se montrer plus clémente avec elle-même. « C’est la première fois que je me connais vraiment, expliquera-t-elle plus tard. Je ne vis plus à travers ce que les autres pensent de moi. Je sais comment je fonctionne, je me sens connectée à mes émotions. » Et aussi : « Je ris beaucoup plus facilement aujourd’hui. »
Elle a les idées claires, et ça se voit. Sur les tapis rouges, ses silhouettes audacieuses aux couleurs kaléidoscopiques lui ont valu l’approbation de la génération Z. Donatella Versace voit désormais dans la star un peu lisse d’autrefois une femme « dangereuse, mais sexy » – le compliment ultime pour un Scorpion – et a fait d’elle l’égérie de sa collection « Icons ». Toutes deux ont débarqué ensemble au Met Gala en 2023, où Anne a ébloui dans une robe en tweed maintenue par des perles et des épingles à nourrice, coiffée comme une super modèle des années 1990. En mai, on la découvrira sur Amazon Prime dans l’adaptation du sulfureux roman de Robinne Lee, L’Idée d’être avec toi : elle y jouera une quadra divorcée qui trouve l’amour dans les bras d’une pop star de 24 ans, ersatz de Harry Styles incarné par Nicholas Galitzine. À 41 ans, elle s’enorgueillit de jouer une femme qui va s’épanouir sexuellement à un moment de la vie où l’on explique à la plupart d’entre elles qu’elles vont devenir invisibles.
Le restaurant dans lequel nous nous trouvons n’est pas seulement végan ; il est aussi « à haute vibration énergétique », les aliments y sont très proches de leur état naturel. Le taux vibratoire d’Anne Hathaway, lui, est en berne dès que le magnéto tourne. « L’idée que le moindre de vos propos puisse être sorti de son contexte pour vous définir est un peu flippante. » Elle me l’assure : elle n’est pas aussi sérieuse qu’elle en a l’air en interview. Au début de notre échange, je la sens pourtant sur ses gardes. Présente et concernée, elle marque toutefois de petites pauses pour scanner mentalement les réponses possibles, afin d’écarter celles qui seraient susceptibles de mettre le feu aux poudres sur Internet. « Il faut éviter de provoquer une réaction, tout en