John B. Quinn a le sommeil profond. Devant le Cheval Blanc, le luxueux hôtel parisien où séjourne l’avocat californien, des activistes animalistes manifestent en hurlant dans des mégaphones. Mais le triple vitrage du palace semble convenir à cet homme de 72 ans qui profite de l’après-midi pour faire la sieste. Malheur : voilà que le téléphone fixe de sa chambre se met à sonner. La réceptionniste le presse : « Votre rendez-vous vous attend dans le hall. » Quinn avait oublié notre interview. Il enfile un jean, un pull, des chaussures de course. Le coup de peigne attendra.
C’est ainsi que nous découvrons celui qu’une étude réalisée par le cabinet BTI Consulting désigne comme « l’avocat le plus redouté au monde » : un homme aux yeux revolver, cheveux en bataille, habillé comme un estivant à Arcachon, l’air alerte malgré le jetlag. John B. Quinn n’est pourtant pas venu profiter de Paris. Il dort peu, enchaîne les déjeuners d’affaires, travaille des dossiers avec ses associés français, rencontre des clients. Rien d’effrayant, au premier abord. Sauf pour les initiés : l’étude a établi que Quinn Emanuel, son cabinet, est celui que les entreprises craignent le plus de retrouver en face d’elles en cas de procès. « Ce que viennent chercher nos clients, ce n’est pas des avocats timides », ironise l’intéressé.
Redouté, John B. Quinn. Richissime, assurément. Mais pas célèbre. Le grand public ne connaît pas ce ponte du droit américain. Il n’a pas la présence médiatique d’un grand pénaliste. Le cabinet qu’il a cofondé en 1986, Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan, LLP, est devenu une multinationale du droit spécialisée dans une discipline aussi prestigieuse que discrète : le contentieux des affaires, nom que l’on donne auxa valu à son fondateur quelques surnoms dans la presse. Le par exemple, l’érige en « Titan du droit ». Quinn lève les yeux au ciel : « Sans commentaire. »