L’armée romaine passe pour terriblement brutale. Pourquoi?
Cette réputation est fondée sur une série de textes, notamment un passage célèbre où Polybe évoque la conduite des légionnaires lors de la prise de Carthagène par Scipion l’Africain, en 209 av. J.-C. (voir encadré). Polybe précise que c’est un comportement tactique destiné à terrifier l’adversaire. Paradoxalement, le récit sert aussi à mettre en valeur l’attitude de Scipion qui fait non seulement arrêter le massacre après la capitulation, mais ordonne de prendre soin des prisonniers, en particulier des femmes.
Ce texte est-il exceptionnel?
C’est en tout cas l’un des plus repris sur un thème encore à approfondir. La plupart du temps, les textes anciens racontent les manœuvres et décrivent les grandes masses de soldats, mais la violence y apparaît rarement en détail, ou alors déshumanisée, dépersonnalisée, limitée à ses résultats comptables. César, témoin des faits et dont le style est parfois plus vivant, a pu faire des digressions sur un ou deux combattants où il évoque le sang et les blessures. Les autres auteurs offrent plutôt une lecture aseptisée, ou une vision épique copiée sur le modèle grec, où l’on décrit les corps blessés et éviscérés, les membres coupés sur des schémas narratifs qui s’apparentent aux clichés littéraires. Si l’on étudie cependant les textes avec rigueur, il reste une foule de petits indices sur lesquels on peut se fonder.