« », claironne l’USAAF en 1946. Pour elle, la conquête d’Iwo Jima a économisé 24 000 vies, soit le nombre d’aviateurs posés sur l’île à bord d’un B-29 endommagé (2 251 atterrissages). Souvent cité pour justifier la décision des grands, le chiffre n’a jamais été remis en cause… jusqu’à la thèse de Robert S. Burrell (, 2006). Pour cet ancien Marine et chercheur à la , le calcul de l’USAAF n’est qu’une escroquerie. Le chiffre, écrit-il, postule que les appareils endommagés se seraient écrasés en mer en l’absence de piste de secours, ce qui est exagéré. En outre, pour parvenir au total de 2 251 avions posés, les rapporteurs de l’USAAF amalgament les atterrissages, quelles que soient les causes. Or, nombre de pilotes confrontés à une surconsommation liée à des vents contraire ont de se poser pour refaire un plein sans y être obligés, alors que la majorité de leurs collègues, plus téméraires, sont rentrés aux Mariannes. En outre, Iwo Jima a servi de base d’entraînement. Deux ont ainsi accumulé 520 atterrissages, ce qui représente déjà 23 % du total… Et ce chiffre ne prend en compte que l’activité de deux BG alors que 21 ont défilé sur le terrain ! Il faudrait également défalquer les escales obligatoires liées aux missions de bombardement à très longue distance sur la Corée. Pour finir, l’assurance-vie offerte par Iwo Jima a incité le commandement à réduire au maximum la charge en carburant pour les vols au-dessus du Japon afin d‘embarquer davantage de bombes – des pilotes ont donc été contraints à faire escale au retour par peur de la panne sèche. Même si les archives ne permettent pas un tri exhaustif, ce qui a permis à l’Air Force de contester les conclusions de Burrell, ce dernier en déduit qu’Iwo Jima n’a sauvé qu’environ 1 000 navigants, 2 000 au maximum – plus 223 réellement repêchés en mer par des avions (SAR). En résumé, l’île a offert une sécurité qui a conduit les généraux de l’Air Force à prendre plus de risques et les pilotes à en prendre moins. Elle n’était en rien indispensable à la campagne de bombardement, tout juste aurait-il fallu en son absence réduire le chargement de projectiles.
