1 L’ARRIÈRE-PLAN
La Grande Révolte de la Judée contre Rome prend racine dans le ressentiment nourri par une occupation brutale, prédatrice et peu respectueuse du particularisme religieux de la société juive. Ce n’est pas la première fois que la région, partagée aujourd’hui entre Israël et les territoires palestiniens, est occupée. En 332 av. J.-C., Alexandre le Grand l’a prise aux Perses. Mais, en 167, les Maccabées l’ont débarrassée de la tutelle d’Antiochos IV Épiphane, le souverain séleucide qui menaçait la religion juive, inaugurant un siècle d’indépendance qui prend fin quand les légions de Pompée font irruption à Jérusalem en 63. Le protectorat imposé par les Romains sur la Judée n’est, au départ, guère plus agressif que le régime gréco-macédonien. Le royaume n’est pas transformé en province, les libertés religieuses sont garanties et la dynastie hasmonéenne aux affaires depuis 140 conserve des prérogatives conséquentes. En 47, en récompense de ses bons et loyaux services lors de la guerre civile qui porte César au pouvoir, Hyrcan II obtient même des privilèges inespérés pour son peuple, officiellement qualifié d’« allié et ami des Romains ».
Ce n’est qu’à la fin du long règne d’Hérode le Grand (37-6 av. J.-C.) que les relations entre les deux puissances se dégradent. Les troubles dynastiques qui secouent le royaume de Judée incitent Auguste, fondateur du régime impérial, à affermir sa domination directe sur ce territoire, qui est annexé à la province romaine de Syrie en l’an 6 et immédiatement placé sous la juridiction d’un préfet issu de la classe dirigeante romaine. La fin de l’autonomie administrative est mal vécue par la frange indépendantiste de la population judéenne, qui exprime son mécontentement lors du recensement organisé la même année par les occupants pour définir l’assiette de l’impôt. Un « brigand », Judas le Galiléen, prend alors la tête de ce qui dégénère en révolte fiscale. Si l’agitation n’ébranle pas l’ordre romain, elle voit naître la secte des zélotes, intrinsèquement hostile à Rome, et dont l’action subversive finira par faire basculer l’opinion en faveur de la rupture avec l’empereur.
Les zélotes ne font toutefois pas l’unanimité. La société judéenne est en effet traversée par des divisions profondes. Durant la période hérodienne, un fossé s’est creusé. D’un côté, l’aristocratie juive profite de la domination romaine, contrôle le Sanhédrin (assemblée-tribunal de la société juive) et monopolise les offices religieux. De l’autre, le petit peuple des villes et des campagnes, qui n’apprécie guère l’hellénisation des couches supérieures, subit de plein fouet les conséquences de la provincialisation. Ces frustrations populaires, face auxquelles l’État juif fait la sourde oreille, investissent le champ de la religion et se traduisent par des attentes messianiques, qui se doublent d’un discours de révolution sociale chez certains courants intellectuels
