Un amour de jeunesse

Face à la plage de sable qui s’étirait derrière la fenêtre du premier étage, Martine se laissa porter par les vagues qui venaient se briser mollement sur la grève, faute de vent. Son regard revint se poser sur les piles de papiers qu’elle avait entrepris de classer dans le bureau de Jeanne. Sa mère lui avait en effet laissé en héritage non seulement la villa familiale située en front de mer à Saint-Aubin-sur-Mer mais également des tonnes de souvenirs que Martine tentait désormais de rassembler. Sur le moment, la tâche lui parut insurmontable.

Après le décès de son époux René, une dizaine d’années auparavant, Jeanne avait décidé de quitter Paris pour venir s’installer dans leur maison de vacances du XIX^e siècle ornée de colombages, qui avait survécu aux bourrasques parfois violentes sur la côte de nacre. Au fil des années, elle y avait entassé une multitude d’objets devant lesquels soupirait sa fille unique. Martine, à la retraite depuis quelques années, s’était donné pour mission de mettre de l’ordre dans la villa.

Des photos sous cadres représentant les membres de la famille lors des congés d’été étaient disséminées un peu partout dans les pièces du rez-de-chaussée et à l’étage. Martine les connaissait bien. Elle revoyait son père, René, qui la portait sur ses épaules en parcourant la plage de Bernièressur-Mer. Sa mère, Jeanne, qui construisait avec elle un château de sable aussitôt détruit par la marée montante. Quelqu’un les avait photographiés tous les trois, en train de déguster une glace, les joues rougies par des coups de soleil. Attendrie par ce rappel d’une jeunesse heureuse, Martine se remit au travail.

Elle dut s’y prendre par étapes. Sa mère n’était pas un exemple du rangement. Elle avait semé dans son bureau, par-ci par-là et selon la fantaisie du moment, des cartons contenant des carnets remplis de croquis de chapeaux. Sous l’un d’entre eux, Martine dénicha un panier en osier d’où débordaient des clichés jaunis