«Expansive, pessimiste et indubitablement extatique »: ainsi Glenn Gould décritil la Sonate pour piano d’Alban Berg, en laquelle il disait voir le meilleur Opus 1 de l’histoire de la musique.
Le choix d’adjectifs aussi affectifs peut surprendre pour caractériser l’une des pièces les plus abstraites du répertoire de la sonate et qui se veut avant tout « chef-d’oeuvre » au sens artisanal: un exercice de fin d’études, composé vers 1909 sous l’égide du maître Arnold Schönberg, au moment de quitter son enseignement. Exercice précédé de cinq autres essais avortés, et donc, avant tout, formel: il s’agit de bâtir une forme sonate.
Construire ou déconstruire?
Tiraillé entre un passé récent et son pressentiment d’un lointain avenir – pour paraphraser Boulez –, le jeune homme de vingt-quatre ans va déconstruire, en un seul mouvement, cette structure emblématique des et siècles, consacrée par Beethoven, théorisée (en 1845) par Adolf Marx et déjà fort mise à mal (en 1852-1853) par Liszt dans sa . Ingrédient numéro 1: une extrême économie de moyens thématiques, tout le matériau découlant d’une première phrase laconique. Numéro 2: un mineur (hommage à Liszt?) mais qui ne cesse d’en explorer les marges: accords nés de quartes superposées, gammes par tons debussystes, chromatismes à tout va, et même un archaïsant mode de dans la coda.