Longtemps, j’ai eu du mal à dessiner les contours de ce que l’on nomme « héritage culinaire familial ». Mais, très tôt déjà, j’ai compris qu’il était lié à des sentiments contradictoires, une sorte de savant mélange de lourdeur et de félicité, de nostalgie et de souvenirs heureux. Il convenait donc à l’enfant que j’étais de faire preuve d’un discernement pointu : quand un plat suscitait la joie chez mes parents, je tâchais de garder en mémoire les aliments qui le composaient afin de le réclamer de nouveau. Quant à ceux accompagnés d’un silence grave, ils me faisaient redoubler d’entrain à table. Peut-être est-ce l’adulte d’aujourd’hui qui fabule cette organisation mentale au cordeau. Après tout, peut-être que cela n’est rien d’autre qu’une prise de conscience, des années plus tard.
Les plats constitutifs de mon enfance sont pour beaucoup associés à l’un des pays les plus vastes s’étendant de l’autre côté de la Méditerranée : l’Algérie. D’un père berbère de Kabylie et d’une mère