Dans les jardins de Grenade
Le vieux Luis reposa son verre de vin, après l’avoir avalé d’un trait, et regarda attentivement le jeune homme qui lui faisait face.
– Depuis combien de temps es-tu arrivé à Grenade ? lui demanda-t-il.
– Depuis une semaine, répondit le jeune homme d’un air sombre.
– Et tu n’as toujours pas trouvé de travail ? continua le vieil homme.
– Non, soupira son interlocuteur, en fixant le fond de son verre comme s’il y cherchait des réponses.
Luis Marquez se gratta la tête. Il venait de passer la soirée à boire en compagnie de ce jeune inconnu, rencontré par hasard à l’auberge du Colibri, où le vieil homme avait ses habitudes, et il tentait à présent, en dépit du vin qui commençait à lui tourner la tête, de réfléchir à ce que le jeune homme venait de lui raconter. Arrivé à Grenade depuis une semaine, après avoir traversé le pays à pied depuis Madrid, le pauvre garçon était en quête d’un travail, ses recherches avaient été vaines et sa maigre bourse était à présent presque vide.
– Qu’est-ce que tu sais faire exactement ? lui demanda Luis en relevant la tête.
– Je peux tout faire ! s’exclama le jeune homme avec fougue. Je suis vigoureux, et j’apprends vite. Je pourrai m’adapter à n’importe quel travail !
Le vieil homme ne semblait pas convaincu, mais fut touché par un tel enthousiasme.
– Mais à Madrid, qu’est-ce que tu faisais ?
Le jeune homme rougit légèrement, visiblement troublé par la question mais se reprit aussitôt.
– Un peu tout. J’ai eu de nombreux emplois.
– Je vois.
Luis voulut se resservir un verre de vin, ce qui permettait, selon lui, de se « mettre les idées au clair » mais constata que le pichet était vide. Un signe à Carmen, la serveuse de l’auberge, permit de remédier à ce problème.
– Serais-tu capable de t’occuper d’un jardin? demanda-t-il au jeune homme après avoir vidé son verre à nouveau rempli.
– Bien sûr.
Luis regarda le jeune homme en silence.
– Je ne te l’ai pas encore dit, mais mon neveu, Miguel, travaille comme jardinier au palais de l’Alhambra.
– L’Alhambra ! s’exclama le jeune homme avec admiration.
– Il y est employé depuis cinq ans et y connaît beaucoup de monde. Il vient d’ailleurs d’être nommé responsable des jardins du Partal. Je pourrais peut-être lui parler de toi.
– Vous feriez cela? s’écria le jeune homme dont le visage témoignait qu’il semblait soudain reprendre espoir.
– C’est un travail très important, tempéra le vieil homme. Tu ne le sais peut-être pas mais depuis la mort de la reine Isabelle, le roi Charles délaisse son palais de
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