“Steak” végétal: la fausse bonne idée?
Monument du cinéma,Soleil vert a obtenu en 1974 le Grand Prix du festival d’Avoriaz. Nous sommes en 2022, dans une New York invivable, polluée, mise à mal par le réchauffement climatique et les émeutes de la faim. L’agriculture traditionnelle est quasi morte, les plus jeunes n’ont jamais goûté d’aliments naturels, les quelques reliques étant réservées aux riches. La masse est nourrie de tablettes synthétiques, prétendument fabriquées à partir de soja ou, pour les plus recherchées, de plancton. Charlton Heston y campe un détective qui découvre que ce produit mystérieux est en réalité extrait des cadavres de personnes âgées que l’on euthanasie.
Le rapport avec le «steak» végétal? Que ce concept achève de faire disparaître siècle, outre-Atlantique, avec la prolifération des aliments transformés en usine: la viande, les poissons, les légumes deviennent des cubes, des mousses… Concernant les animaux, on s’éloigne peu à peu de leur aspect initial: la tête du poisson ou de la volaille disparaît progressivement des étals. «Cachez cette nature que je ne saurais voir!» devient un leitmotiv pour le consommateur anglo-saxon, une culture validée à partir des années 1990 en Europe, en Espagne notamment, par des chefs dits moléculaires, Ferran Adrià, les frères Roca (l’un d’entre eux présida le conseil des chefs du fabricant d’arômes chimiques Givaudan). Au nom du ludique, de l’inventif, il est désormais normal de ne plus savoir ce que l’on ingère. La gastronomie tourne le dos aux plats qui semblaient tout juste sortis de la ferme, des bois ou de la mer, au profit de la cuisine-éprouvette, désincarnée. Résonne la phrase du gastronome Jörg Zipprick, sortant du célèbre El Bulli catalan, sacré «meilleur restaurant du monde» par un jury sponsorisé par Nestlé: «Un jour, nous mangerons des croquettes, comme les chiens.»
