LES COMITADJIS, DU NATIONALISME AU TERRORISME
Marseille, 9 octobre 1934, vers 16 heures. Sur la Canebière, une Delage noire ouverte s’engage à petite vitesse devant une foule curieuse à peine contenue par un service d’ordre clairsemé. À son bord, le roi Alexandre Ier de Yougoslavie, en visite officielle en France. Il est accompagné de Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères, et du général Alphonse Georges. Un homme surgit soudain de la foule et décharge son pistolet sur le véhicule. Le roi et Barthou sont blessés à mort, Georges plus légèrement. L’assassin, qui leur survit quelques heures, se nomme Vlado Tchernozemski. Il est l’un de ces mystérieux « comitadjis » bulgares, que deux ans plus tôt le journaliste Albert Londres avait fait découvrir au public français (voir bibliographie p. 57).
Révoltes chez le sultan
Les racines de l’ORIM, l’organisation à laquelle appartient Vlado Tchernozemski, sont ancrées dans le XIX siècle. La « question d’Orient » est alors au cœur des préoccupations des puissances européennes, et avec elle le devenir des Balkans. L’Empire ottoman, « homme malade » de l’Europe selon le mot du tsar Nicolas I , a le plus grand mal à se réformer face à la modernisation accélérée qui s’opère dans la société européenne. Par ailleurs, l’essor des idées nationalistes provoque des révoltes parmi les minorités qu’il domine dans les Balkans. Les puissances européennes s’interposent. En 1856, le traité de paix de Paris, qui met fin à la guerre de Crimée, semble amorcer les premiers changements : le sultan s’engage à améliorer la vie de ses sujets chrétiens. La promesse , une « Grande Bulgarie » inscrite dans les frontières ethniques et historiques des États bulgares médiévaux, intégrant les régions de Dobroudja, de Macédoine et de Thrace jusqu’à la mer Noire. Jugé trop favorable aux Bulgares par les autres puissances, le traité est immédiatement réexaminé lors d’un congrès tenu à Berlin au début de l’été. Cette fois, aucun représentant bulgare n’est convié. Le traité de San Stefano est révisé, les territoires de l’Empire ottoman peuplés de Bulgares sont charcutés. Une partie devient la principauté de Bulgarie, souveraine mais vassale de la Turquie ; elle comprend une partie de la Dobroudja, l’autre partie étant donnée à la Roumanie indépendante. Une fraction de la Thrace devient la province de Roumélie orientale, autonome mais sous l’autorité directe du sultan. Quant à la Macédoine, où les Bulgares sont nombreux, elle demeure province ottomane, contre la promesse jamais tenue de lui conférer un statut égal à celui de la Roumélie orientale.
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits