MIRAGE CONTRE SEA HARRIER, COMBAT DE CHIENS SUR LES MALOUINES
Un lévrier affamé rôde autour de la gamelle défendue par un pitbull. Le second n’a aucune chance de rattraper le premier à la course. Mais s’il veut éviter de mourir de faim, le lévrier devra s’exposer. Réussira-t-il à feinter pour piller les croquettes et s’enfuir avant la fatale morsure? Cette petite allégorie animalière résume assez bien le dilemme des Mirage opposés aux Sea Harrier au-dessus des îles Malouines « reconquises » (ou « des Falkland envahies », selon le camp en face) par la junte argentine le 2 avril 1982 (voir G&H no 4, p. 62). Pour attaquer le corps expéditionnaire envoyé par Margaret Thatcher reprendre l’archipel, la Fuerza Aérea Argentina (FAA) a dû prendre tous les risques, à grand péril: 10 Mirage de tous types et 6 pilotes sont tombés sous les coups des Sea Harrier de la Fleet Air Arm (autre FAA, ironie des abréviations…), sans perte pour ces derniers. Sous cet angle, le duel fait plutôt penser à un massacre. Et pourtant… Le score est un trompe-l’oeil. Il ignore en effet une série de paramètres qui font de ce combat une aberration. La victoire toute relative des Sea Harrier procède presque totalement des caractéristiques géographiques et politiques du conflit.
Pour ouvrir la longue liste des anomalies qui ont amené à cette rencontre hors norme, un premier constat: aucun des deux avions n’a été conçu pour le rôle qu’on lui a fait jouer aux Malouines. Chef-d’oeuvre des ingénieurs de Marcel Dassault, le Mirage III, qui vole pour la première fois le 17 novembre 1956, est destiné à grimper haut et à voler vite pour abattre les bombardiers soviétiques, potentiellement nucléaires, avant qu’ils ne parviennent à portée de cible. Les caractéristiques clés (voir tableau p. 104) des 10 Mirage IIIEA (plus 2 biplaces d’entraînement) dont l’Argentine prend possession à Bordeaux en septembre 1972 s’accordent avec la vocation d’intercepteur: c’est un monoréacteur léger, doublement supersonique, qui grimpe vite et haut.
Certes, le Mirage IIIEA, poussé par un gourmand réacteur
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