À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Cesare Pavese (1908-1950) est un écrivain, poète et traducteur italien. Passionné par la littérature américaine, il traduit Melville, Faulkner et Joyce, et fait connaître ces auteurs en Italie. Arrêté pour activités anti-fascistes, il est exilé en Calabre, où il amorce son Journal "Le Métier de vivre".
Après la guerre, membre du Parti communiste, il travaille aux éditions Einaudi et publie ses œuvres majeures : "Le bel été", "Dialogues avec Leuco" et "La lune et les feux". Marqué par la solitude, il se suicide à Turin en 1950, laissant un poème posthume, "La mort viendra et elle aura tes yeux".
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Avis sur Travailler fatigue
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Aperçu du livre
Travailler fatigue - Cesare Pavese
CESARE PAVESE
Travailler fatigue
ANCÊTRES
LES MERS DU SUD
à Monti
Un soir nous marchons le long d’une colline,
en silence. Dans l’ombre du crépuscule qui s’achève,
mon cousin est un géant habillé tout de blanc,
qui marche d’un pas calme, le visage bronzé,
taciturne. Le silence c’est là notre force.
Un de nos ancêtres a dû être bien seul
- un grand homme entouré d’imbéciles ou un malheureux fou -
pour enseigner aux siens un silence si grand.
Ce soir mon cousin a parlé. Il m’a demandé
de monter avec lui : du sommet on distingue,
au loin, quand la nuit est sereine, le reflet
du phare de Turin. « Toi qui habites à Turin... »
m’a-t-il dit, « tu as raison. Il faut vivre sa vie
loin de chez soi: profiter, jouir de tout
et puis, quand on revient comme moi à quarante ans,
plus rien n’est pareil. On n’oublie pas les Langhe. »
Il m’a dit tout cela et il ne sait pas l’italien,
mais il parle lentement le dialecte qui, comme les pierres
de cette même colline, est tellement rugueux
que vingt ans de langages et d’océans divers
ne l’ont pas entamé. Et il gravit la côte
avec ce regard recueilli qu’enfant j’ai souvent vu
dans les yeux des paysans un peu las.
Pendant vingt ans il s’est baladé par le monde.
Il partit quand j’étais un enfant que les femmes portaient
et on dit qu’il était mort. Puis j’entendis parfois
les femmes en parler sur un ton de légende ;
mais les hommes, plus graves, l’oublièrent.
Un hiver, pour mon père déjà mort arriva une carte
nous souhaitant une bonne vendange, avec un grand timbre verdâtre
qui montrait des bateaux dans un port. La surprise fut grande
mais l’enfant qui avait grandi expliqua avidement
que le mot provenait d’une île appelée Tasmanie
qu’entoure une mer plus bleue, aux féroces requins,
dans le Pacifique, au sud de l’Australie. Il ajouta que le cousin
pêchait certainement des perles. Puis il ôta le timbre.
Tous donnèrent leur avis, mais tous, ils conclurent
que s’il n’était pas mort, il mourrait.
Puis tous ils oublièrent et bien du temps passa.
Oh ! Depuis que j ‘ai joué aux pirates malais,
que de temps est passé. Et depuis celte fois
où je suis descendu me baigner dans des eaux périlleuses
et où j’ai poursuivi un camarade de jeux sur un arbre,
brisant ses belles branches, où j’ai cassé la gueule
d’un rival, où j’ai été roué de coups,
que de vie est passée. D’autres jours, d’autres jeux,
d’autres séismes du sang devant des rivaux
plus fuyants : les pensées et les rêves.
La ville m’a appris des terreurs infinies :
une foule, une rue, m’ont donné le frisson,
parfois une pensée, épiée sur un visage.
J’ai encore dans les yeux la lumière railleuse
des milliers de réverbères sur la cohue des pas.
Mon cousin est rentré, gigantesque, à la fin de la guerre,
un des rares survivants. Et il avait de l’argent.
Les parents murmuraient à voix basse : « Dans un an
tout au plus, il aura tout claqué et il repartira.
C’est comme ça que les têtes brûlées meurent toujours. »
Mon cousin a un air énergique. Il acheta un rez-de-chaussée
au village et y fit prospérer un garage en ciment
et devant, flamboyante, une pompe à essence,
et bien en évidence, sur le pont, au tournant, un grand panneau-réclame.
Il installa un gars pour encaisser l’argent
et lui, se balada dans les Langhe en fumant.
Entre-temps, il s’était marié au village. Il choisit une fille
blonde et mince comme les étrangères
qu’il avait dû sans doute rencontrer par le monde.
Mais il continua à sortir toujours seul. Habillé tout de blanc,
les mains derrière le dos, le visage bronzé,
il explorait les foires le matin et d'un air sournois
marchandait les chevaux. Plus tard il m’expliqua,
quand son plan échoua, qu’il avait projeté
de faire disparaître toutes les bêtes de la vallée,
et d’obliger les gens à lui acheter des moteurs.
« Mais la plus grosse bête, disait-il, c’était moi,
qui ai eu cette idée. J’aurais dû m’en douter
qu’ici gens et bœufs sont une même race. »
Nous marchons depuis bientôt une heure. Le sommet est tout près ;
Autour de nous, toujours plus fort, le vent siffle et murmure.
Mon cousin s’arrête tout à coup et se tourne « Cette année,
je mettrai sur l’affiche : - Santo Stefano
a toujours triomphé dans les fêtes
de la vallée du Belbo - que ceux de Canelli
se le tiennent pour dit. » Puis, il reprend sa marche.
Un parfum de terre et de vent nous enveloppe dans le noir,
au loin, quelques lumières : des fermes, des autos
que l’on entend à peine ; et je pense à la force
qui m’a rendu cet homme, l’arrachant à la mer
et aux terres lointaines, au silence qui dure.
Mon cousin ne parle pas des voyages qu’il a faits.
Il dit, tout juste, qu’il a été dans tel ou tel endroit et pense à ses moteurs.
Seul un rêve
lui est resté dans le sang : une fois, comme chauffeur,
il a croisé sur un bateau hollandais, le Cétacé ,
et il a vu les lourds harpons voler sous le soleil,
les baleines s’enfuir au milieu d’une écume de sang,
il a vu la poursuite, les queues se dresser, la lutte en baleinière.
Quelquefois, il m’en parle.
Mais lorsque je lui dis qu’il est de ces heureux à avoir vu l’aurore
sur les plus belles îles de la terre,
au souvenir il sourit et répond que le soleil
se levait sur un jour qui pour eux était vieux.
ANCÊTRES
Stupéfié par le monde, il m’arriva un âge
où mes poings frappaient l’air et où je pleurais seul.
Écouter les discours des hommes et des femmes
sans savoir quoi répondre, ce n’est pas réjouissant.
Mais cet âge a passé lui aussi : je ne suis plus tout seul,
si je ne sais répondre, je m’en passe très bien.
J’ai trouvé des compagnons en me trouvant moi-même.
J’ai découvert qu’avant de naître, j’avais toujours vécu
dans des hommes solides, maîtres d’eux,
dont aucun ne savait que répondre et qui tous restaient calmes.
Deux beaux-frères ont ouvert un commerce - le premier
coup de chance en famille - l’étranger était sérieux,
calculant sans arrêt, mesquin et sans pitié : une femme.
Quant au nôtre, au magasin, il lisait des romans
- au village c’était quelque chose - et les clients qui entraient
s’entendaient déclarer par quelques rares mots
qu’il n’y avait pas de sucre et pas plus de sulfate,
que tout était fini. Et c’est lui qui plus tard
a donné un coup de main au beau-frère en faillite.
Quand je pense à ces gens, je me sens bien plus fort
que si devant la glace je roule les épaules
et forme sur mes lèvres un sourire solennel.
J’eus, dans la nuit des temps, un grand-père
qui, s’étant fait rouler par un de ses fermiers,
se mit alors lui-même à bêcher les vignobles - en été -
pour avoir un travail bien fait. C’est ainsi
que toujours j’ai vécu et toujours j’ai gardé
un visage intrépide et j’ai payé comptant.
Et dans notre famille, les femmes ne comptent pas.
C’est-à-dire que chez nous elles restent à la maison
et nous mettent au monde et ne disent pas un mot
et ne comptent pour rien et nous les oublions.
Chaque femme répand dans notre sang quelque chose de nouveau
mais elle s’anéantit entièrement dans cette œuvre
et nous seuls subsistons, ainsi
