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Factum: L'abnégation
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Livre électronique186 pages2 heuresFactum

Factum: L'abnégation

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À propos de ce livre électronique

Un roman policier ? Plutôt l’abnégation d’une âme pourtant profondément meurtrie. 

Un homicide ou la dérive d’un être effaré perdu en monde hostile ?

Émile a déjà tout perdu. Il vient tout juste de retrouver la liberté. Bien qu’elle lui soit si précieuse, la voilà déjà compromise ; il est à nouveau un témoin important dans l’enquête sur la mort de Marguerite Deblois, que rien ne prédestinait à une mort violente.

Sandrine Tremblay, enquêtrice à la SQ, cherche à y voir clair, alors que son ex-confrère, Robert Fréchette, maintenant à la retraite, vit des moments troubles. Les deux sont toujours aussi proches malgré les conjonctures et des intérêts potentiellement divergents.

Émile Ducharme n’avait pas un profil d’assassin. Pourtant, il a déjà tué. A-t-il récidivé ? Sandrine Tremblay et son nouveau collègue mènent l’enquête et tenteront d’élucider les circonstances de la mort tragique d’une femme fort appréciée dans sa communauté.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions de l’Apothéose
Date de sortie17 sept. 2025
ISBN9782898781506
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    Aperçu du livre

    Factum - Claude Lemay

    FACTUM

    L’ABNÉGATION

    Claude Lemay

    Conception de la page couverture : © Les Éditions de l’Apothéose

    Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.

    Distributeur : Distribulivre  

    www.distribulivre.com  

    Tél. : 1-450-887-2182

    Télécopieur : 1-450-915-2224

    © Les Éditions de l’Apothéose

    Lanoraie (Québec)  J0K 1E0

    Canada

    apotheose@bell.net

    www.leseditionsdelapotheose.com

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2025

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2025

    ISBN EPUB : 978-2-89878-150-6

    Imprimé au Canada

    Ce livre aurait pu être un roman policier.

    C’est plutôt l’histoire d’une âme

    profondément meurtrie et de son abnégation.

    CHAPITRE 1

    MONDE HOSTILE

    Je me sens perdu. Perdu en pleine ville. Une ville que je connais, mais que je ne reconnais pas tout à fait. Je suis là dans ce parc. J’aime sa proximité à la rivière. J’ai toujours été fasciné par le tumulte de l’eau. La fluidité de ce brouhaha m’apaise. J’aime regarder l’eau couler. À la dérive, elle nage sur elle-même inlassablement. Je me questionne sur son origine et rêve à ses destinations. J’aime ces lieux. Ils sont pour moi une finalité en soi. Je ne sais pas avoir d’autres attentes, du moins dans le présent. Tantôt sera un autre présent. Le seul, alors que le précédent ne sera plus.

    À cette heure-ci, le parc s’anime. J’aime moins. Il y a deux affluents qui se croisent. Ceux qui comme moi y ont passé la nuit. Puis ceux qui arrivent, comme s’il n’y avait pas eu quelqu’un d’autre tout juste avant. La mouvance se fait comme une marée. Je migre aussi, guidé par l’heure et la faim.

    Le soleil culmine. J’ai déjà chaud, alors que je quitte le couvert des arbres pour fouler le ciment. Je me guide par instinct en suivant les effluves. L’odeur de friture flotte comme un gros nuage sous la brume qui se dissipe. De son ardeur, le soleil est bien déterminé à imposer la première canicule de l’été. Pourtant, je sens l’orage, mais celle-ci m’est intérieure. C’est toujours si tumultueux en moi. Il y fait toujours rage, comme au plus profond d’un volcan. Ça m’habite. C’est latent. C’est dans ma tête.

    Là, c’est mon estomac qui m’anime. J’ai faim. Ça m’obnubile. C’est ma quête actuelle, comme celle des mouettes que je rejoins dans cette mer asphaltée zébrée de lignes jaunes. J’imite les volatiles en regardant les bacs bruns, pas encore gorgés. Je ne suis que mon appétit que j’essaie de contenir en latence. Je bave de voir ceux qui s’empiffrent dans leurs autos. J’aperçois une petite famille dans une minifourgonnette un peu plus loin. Je m’approche, me voulant discret. Je suis manifestement gêné. Je ne sais le dissimuler. Je sais que de mendier est critiquable pour certains. Comme s’il y avait ceux qui vivent pleinement et les autres en marge qui ne devraient pas aspirer à mieux.

    D’instinct, je devine que ce sont les familles qui en laissent le plus derrière eux. Les enfants ont toujours trop faim ; leur panse répondant rarement à leur convoitise. Ça m’est salutaire. Je devrais disposer de quoi me sustenter. Il me faut patienter pour ne pas les effaroucher. Ne pas déranger ; on apprend à s’y astreindre. Sinon, comme la vermine, on me chassera. Nul n’est fier de susciter l’indignation. La honte est amère. Je n’aspire pas à être de ce monde, mais ma marginalité ne me pèse pas moins lourd.

    Bon, je vois l’enfant qui amène les déchets à la poubelle. Une belle petite blonde tout enthousiaste de le faire et de se dégourdir les jambes. Elle gambade jusqu’au bac. Je veux m’approcher, mais j’attends qu’elle retourne au véhicule avant de fouiller dans la poubelle. J’aurai de quoi manger. J’aurais dû attendre qu’ils soient partis avant de récupérer leurs restes.

    « Maudit charognard ! T’as pas honte de fouiller dans les poubelles ? »

    Je me retourne pour voir la mère de famille qui a baissé sa vitre pour me crier après en faisant marche arrière. Son dégoût m’indiffère. Ce n’est pas la première fois qu’on m’insulte. Les gens ont tant de hargne à déverser.

    La famille s’éloigne en me lançant des regards de dépit. Pas une once de pitié ; que du dégoût à mon égard. Les cris et les insultes de la femme ont ameuté les occupants des véhicules autour. Je leur suis abject. C’est en bande que les hyènes hurlent. Les autres ont aussi baissé leurs vitres et me crient après. Ils vocifèrent comme si j’étais en train de commettre un crime. Non seulement ils m’invectivent, voilà qu’ils me lancent leurs détritus. Je reçois des restes de bouffe et un verre de café en pleine face.

    « Maudit sale, crisse ton camp ! Va quêter ailleurs ! »

    Je suis là à recevoir leurs insultes. Je ne réagis pas. La haine se subit. On me hait. C’est ainsi. Ce n’est pas que ça m’affecte tant que ça. Cet état d’être est le mien. Là, je n’ai que faim. Je ramasse les restes les plus substantiels. Ça aussi attise leur hargne. Il y a un gars, pas tellement plus vieux que moi, qui débarque de son char pour venir me bousculer.

    « Décrisse le sale ! »

    Il me pousse. Je trébuche et tombe. Il me sacre un coup de pied alors que j’essaie de me relever. Je réussis à m’écarter. Je ramasse ce que j’ai échappé. Le gars me gueule encore après. Il profite de ma vulnérabilité. J’essaie de ne rien échapper en m’éloignant avec mon butin. Je marche jusqu’au stationnement du centre commercial voisin. Il fait un soleil de plomb ; pas d’endroit d’ombre où me réfugier. Je m’assois sur un bloc de ciment pour manger ce que j’ai pu réchapper. J’apaise la faim qui me tenaille. J’avais juste besoin de manger. Pourquoi le monde m’est-il si hostile ?

    Je n’ai plus faim, mais un malaise persiste en moi ; celui du mal aimé. Il y a toujours ce trouble qui m’habite. Je ne suis jamais tout à fait à ma place. Ce monde, je voudrais le fuir, mais j’en suis prisonnier. J’aimerais tant rester en moi.

    _____

    Mon subconscient essaie de m’inventer un peu de réconfort. Je revois cette pièce emmurée de livres chez cette femme si gentille. Cette femme qui m’avait offert une dose de sa bonté. Si peu le font d’emblée à mon égard. Elle m’a amené chez elle. J’ai alors été si impressionné par sa bibliothèque. Cette pièce m’était apparue si réconfortante avec sa table de casse-tête. Un endroit de rêve pour moi. Je ressasse tout ça. Sans en prendre pleinement conscience, plutôt par instinct, je me dirige vers chez cette femme.

    J’avais aimé les abords de cette maison avec ses arbres matures et ses zones d’ombre. Mes pas me guident vers ces lieux beaux et paisibles, vers cette gentille dame. Je reconnais la rue. Dès que je m’y engage, je me sens serein. Tout s’apaise en moi. Ce doux répit intérieur me fait du bien. C’est comme si je me sentais moins oppressé en ces lieux et que cet univers m’est moins imperméable. Je ne m’y sens pas exclu. C’est tellement rare que ça m’arrive.

    Je m’approche. Je prends le temps de humer l’odeur des arbres en fleurs. Je reconnais les lieux et ça me réconforte. J’aperçois la gentille dame qui s’affaire dans l’arrière-cour. Elle est penchée sur ses plates-bandes. Moi, je n’ai qu’un but ; me retrouver dans la bibliothèque. Je m’infiltre dans la maison. Je suis fébrile. Je me dirige directement dans ma pièce de prédilection. Je cherche des yeux la grosse médaille qui m’avait fasciné. Je la vois et j’ai le réflexe de la mettre dans ma poche. Puis une vague d’euphorie me submerge alors que je revois la petite table au centre de la pièce. Un casse-tête à peine entamé y trône. Je jubile. Je fais abstraction de tout le reste. Je m’applique déjà à compléter le puzzle. Plus rien d’autre n’existe. J’oublie tout le reste. Ce néant me manquait. J’en suis excité. J’ai déjà complété le contour. J’exulte. Je me sens si bien. Je suis obnubilé par les pièces que j’emboite l’une à l’autre.

    Je n’entends pas la porte qui s’ouvre ni la femme qui s’approche. Je ne la vois pas sursauter en m’apercevant. Stupéfaite de voir quelqu’un chez elle, elle pousse un cri d’effroi. Elle se retient néanmoins de paniquer. Elle se ressaisit. Elle affiche une contenance retrouvée alors qu’elle m’interpelle avec plus d’assurance. Je l’ignore. Il ne m’importe que de poser une pièce de casse-tête ; puis une autre et une autre…

    « Aïe ! J’te parle ! Qu’est-ce que tu fais là ? »

    Je ne me laisse pas décontenancer. Je reste concentré sur le casse-tête. Je pose morceau après morceau. Je n’aurai de cesse qu’après le dernier. Je fais fi de tout le reste. Je n’entends ni ne vois la femme qui s’insurge de mon intrusion. Je n’ai point conscience de sa présence. Elle m’est invisible. Je fais abstraction de tout.

    Mon indifférence exaspère la femme. Je reste muet à ses interpellations. Je ne lève les yeux que pour regarder l’heure. C’est un toc chez moi. Faire un casse-tête, c’est une course contre la montre. C’est mon obsession. Si l’on tente de m’interrompre, j’en suis contrarié. La femme s’approche et pose la main sur mon épaule. Je la repousse. Elle revient à la charge et me secoue. J’en suis exaspéré. Elle me dérange. J’achève. J’ai presque fini. La femme insiste. Elle veut me chasser.

    Je sors de mes gonds. Je bondis. La chaise revole derrière moi. La femme fige. Elle reste sidérée. Elle ne bouge plus. Sa présence m’horripile. Je la pousse. Je la repousse encore ; un peu plus fort cette fois-ci. Elle perd pied et tente de se retenir à la table. Elle fait tout tomber. Le casse-tête s’éparpille au sol.

    Je laisse échapper un cri rauque qui sidère la femme. Je vois la peur passer dans ses yeux. Je ne suis plus en contrôle. Je la pousse encore ; violemment cette fois-ci. Elle tombe à la renverse et s’affale de tout son long. Sa tête frappe un montant de la bibliothèque. J’entends un bruit mat et lourd quand son crâne heurte le bois. J’en fais fi, comme du sang qui gicle sur les livres.

    Je m’agenouille. Avec frénésie, je recommence le casse-tête. Compulsivement, je regarde ma montre. Je remarque qu’elle est brisée. Elle tient l’heure, mais la vitre est éclatée. Je n’en fais pas de cas. Tant que la trotteuse marche et que je peux me minuter, c’est correct. Je dois tout recommencer. Je m’entends siler alors que mon corps se balance. Ça en devient presque des convulsions tant le casse-tête m’obsède. Quiconque m’observerait serait stupéfait de mon rythme effréné. Les pièces s’emboitent à une si folle cadence. Il ne me faut que dix minutes pour le finir. Ce n’est qu’alors que je recommence à respirer plus normalement. Même mon rythme cardiaque décélère. J’émerge de moi-même alors que je prends enfin conscience de ce qui vient de se passer. La réalité me rattrape. Je suis en plein désarroi. Je vois la femme, inconsciente et baignant dans son sang ; dans une mare de sang. C’est horrible. Je m’affole. Je panique. Je recommence à hyperventiler. Je n’ai pas encore repris le contrôle de mes membres. Ils tremblent. Je suis parcouru de frissons. Je regarde encore la femme. Mon regard ne se détache plus d’elle. Elle ne bouge pas. Elle ne bougera plus jamais.

    Je ne voulais pas lui faire mal. J’aimais cette femme. Elle a été gentille avec moi. Je suis triste ; profondément triste. J’ai envie de pleurer. Je sanglote déjà à chaudes larmes alors que je quitte précipitamment la pièce. Je veux me fuir. Je sors en courant de la maison. Je ne m’arrêterai, à bout de souffle, que beaucoup plus loin. Le cœur veut me sortir de la poitrine, mais il est trop gros pour s’échapper. C’est un fatalisme chez moi. Je reste toujours prisonnier de moi-même. Je me sens mal. Je me dégoûte. Je me hais à la hauteur de la haine qu’on me prodigue depuis toujours.

    CHAPITRE 2

    L’APRÈS

    (Émile)

    L’aurore est encore à quelques heures. Alors que je devrais toujours dormir, je suis sorti m’assoir dans les marches de l’escalier arrière. Je suis bien à entendre la pluie crépiter sur la tôle de cet antre caverneux. J’aime cet entre-deux ; escalier fermé, jadis adjacent à une « shed ». Ces vieux hangars urbains qualifiés de nics à feu ont pour la plupart été démolis depuis. Tant de vieilleries y étaient entassées, puis oubliées et abandonnées au fil du temps et des résidents. Des ramassis, jamais portés aux ordures en bord de rue.

    J’aime m’assoir dans cet espace, témoin de tant d’époques. J’y hume l’odeur du vieux bois sec et craquant de ce rudimentaire escalier.

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