Créatures du Chaos - Le prophète de Chichèn Itzá
Par Bryan Perro
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À propos de ce livre électronique
Tel un gourou de secte, le personnage principal nous entraîne avec lui dans une dévotion aveugle dont personne ne sortira indemne.
Le prophète de Chichén Itzá de Perro est un hymne à la mauvaise foi, à la duperie et à l’escroquerie
dont les êtres humains peuvent être capables lorsqu’ils s’y consacrent avec dévotion.
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Avis sur Créatures du Chaos - Le prophète de Chichèn Itzá
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Aperçu du livre
Créatures du Chaos - Le prophète de Chichèn Itzá - Bryan Perro
Parle-nous de la mort .
—
J’ai entendu la mélodie distinctive de l’arrivée du métro, puis je me suis avancé d’un pas vers les rails. Dans quelques secondes, j’allais me lancer dans la vitre du chauffeur afin de finir mes jours en hachis de viande pour cannibales. J’avais pensé à la pendaison, mais j’étais trop pauvre pour m’acheter une corde solide de bonne qualité. J’ai aussi songé à un saut de l’ange depuis le grand pont traversant le fleuve, mais je n’avais pas envie de marcher jusque-là. Faire dix kilomètres à pied pour en finir avec la vie ne m’intéressait pas beaucoup. Je voulais mourir vite, ne pas décéder en sueur, et non plus être exténué par un trajet sinueux dans une ville pleine d’automobilistes. À cet effet, j’aurais pu me lancer devant un camion, mais encore là, l’issue était incertaine. Vouloir mourir est une chose. Finir handicapé, c’en était une autre. Ce n’était pas le premier choix de mon palmarès des risques mortuaires acceptables. Il y avait bien le poison, mais encore là, il me fallait trouver le bon. Boire du détergent à lessive allait sans doute me tuer, mais la souffrance serait terrible. J’ai bien pensé mourir comme une vedette de cinéma déprimée sur un confortable sofa, cependant je n’avais pas d’ordonnance pour des cachets de morphine. Malheureusement, je n’avais pas non plus de drogue dure afin de m’injecter une bonne dose d’héroïne pour un aller simple dans les nuages. Vous l’avez compris, j’étais un pauvre type. Comme paumé, il ne se faisait pas mieux que moi. Aux Olympiques des gens pitoyables, j’aurais assurément gagné la médaille d’or.
Bref, pour le rapport qualité prix, le métro m’était apparu comme l’option la moins chère et la plus efficace pour disparaître sans douleur. Pour le prix d’un simple ticket, j’avais le privilège d’un voyage sans retour. Bien sûr, j’allais gêner pendant un moment le va-et-vient des wagons, mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ! On ne fait pas des hommes écrasés sans casser des couilles !
Comme l’athlète du désespoir que j’étais, je me suis échauffé quelques minutes afin de bien bondir sur les rails au bon moment. Une fois mes prières terminées, mes étirements exécutés et mes muscles bien assouplis, je me suis avancé vers le vide. Tête première ou pieds devant ? me suis-je dit sans trop savoir. Alors que j’étais absorbé par ces dernières pensées, j’ai manqué l’arrivée du métro. Comme un idiot, je suis demeuré immobile sur le quai, je l’ai longuement regardé défiler devant moi, puis se vider de ses passagers qui m’ignoraient royalement. En haussant les épaules, je me suis dit : « Pourquoi me presser ? » Dans cinq minutes, j’allais avoir une autre chance. J’avais tout mon temps, j’avais la mort devant moi ! Enfin, si on peut dire ça pour un gars qui s’apprête à mourir.
À l’inverse de mon existence de plouc, j’avais une façon de me rattraper dans la mort. J’avais peut-être perdu ma femme, mes deux filles, mon boulot, mes amis et ma dignité, mais mon suicide, ça, je pouvais bien le réussir ! Pour un joueur compulsif comme moi qui adorait bluffer au poker, tenter le sort aux courses, essayer de gagner dans les machines à sous ou gager sur des combats de boxe, je ne pouvais maintenant plus espérer pouvoir tirer le bon numéro. Pas de miracle à l’horizon ! J’avais tout essayé afin de me sortir du pétrin. Mais le sort en était jeté, je n’avais plus de jetons à jouer. Il m’était impossible aujourd’hui de bluffer avec la réalité ! J’étais battu.
S’il est parfois possible d’arnaquer la vie, on ne négocie pas avec la mort. Il est impossible de gagner contre elle. Mes astuces étaient épuisées, j’étais au bout de ma route de perdant. Toutefois, en tant que médiocre connard, en tant qu’homme pathétique, j’étais un modèle à suivre. Des générations de pitoyables perdants me regarderaient avec fierté ! Plus malchanceux que moi, la chose n’existait pas !
Encore une fois, je venais de rater mon suicide. Perdu dans mes déprimantes pensées, j’ai laissé passer un deuxième, puis un troisième métro.
Pfft !
Chaque fois, les portes s’ouvraient, vomissaient des passagers, en avalaient d’autres, puis les wagons repartaient dans un coup de vent. Personne ne se souciait de moi, personne ne remarquait non plus à quel point je me tenais dangereusement proche des rails. J’étais invisible aux yeux des masses, invisible comme un clochard.
« Je suis un pauvre type dont l’existence n’intéresse personne… » me suis-je fait la remarque.
Une de mes filles me l’avait bien dit après que sa mère lui a raconté que j’avais joué aux courses les économies qu’elle réservait pour payer ses études supérieures : « Tu n’es pas un père, tu es une nuisance pour cette famille. Tu es un humain merdique, une calamité narcissique et je ne veux plus jamais te revoir. Je souhaite que tu meures ! »
Fin de la conversation. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément, avait dit un taré issu d’un siècle lointain. Conséquemment, ma petite avait bien raison. J’allais réaliser son souhait avant Noël !
Je me rappelle avoir respiré un bon coup avant de me dire que le prochain serait le bon. Il était temps pour moi de faire le saut, de partir pour le grand voyage. Pendant que la ritournelle annonçant le prochain train résonnait, j’ai senti une présence derrière moi. Sans doute un passager qui, bientôt, allait avoir une surprise bien traumatisante. Dans un demi-sourire quasi espiègle, j’ai regardé derrière moi celui qui serait aspergé de mon sang, mais il n’y avait personne. Fausse impression ! Comme j’avais été déconcentré, j’ai encore une fois manqué mon saut. Le métro est passé devant moi. Ne dit-on pas : « Un de perdu, dix de retrouvés » ?
« Quelques minutes à tuer… » me suis-je dit en saluant l’ironie de cette pensée. Peut-on vraiment tuer le temps, sinon qu’en se supprimant soi-même ?
C’est à ce moment que j’ai entendu une voix me dire :
— Le hibou, dont les yeux perçants la nuit sont aveugles le jour, ne peut révéler le mystère de la lumière.
Avais-je bien entendu ? Un accent espagnol ?
J’ai regardé derrière moi, toujours personne à moins de cinq mètres.
Bon, mon cerveau déconne… j’entends des voix maintenant. Qui sait ? C’est peut-être Dieu qui s’adresse à moi. Dommage que je ne crois pas en lui ni à Allah, ni à Bouddha, ni à Jéhovah, ni à Raël, ni à personne d’ailleurs !
Le prochain métro approchait, j’entendais son grondement, je voyais sa forme au loin, ses phares dans le tunnel. Je devais maintenant fermer les yeux et sauter dans le vide ! Des anges ? Ça existe, des anges ? Puis, la voix est revenue, calme et sereine. Une tonalité légère, mais aussi profonde et grave à la fois.
— Dans les abysses de vos espoirs et de vos désirs réside votre silencieuse connaissance de l’au-delà ; et comme des graines rêvant sous la neige, votre cœur rêve du printemps.
J’ai retenu mon élan. L’élan du métro m’a soufflé dans la face un vent chaud.
Décidément, j’étais incapable d’accomplir une tâche aussi simple que me jeter devant un métro. Comme bon à rien, on ne faisait pas mieux ! Pour commenter la parabole, oui, mon cœur rêvait bien au printemps, c’était d’ailleurs pour cette raison que je désirais fuir l’hiver de mon existence.
Mais qui pouvait bien me parler ainsi ?
D’un coup, j’ai senti une nouvelle fois, juste derrière moi, une présence. Je me suis retourné et je l’ai vu.
De vieilles chaussures de sport, un jean délavé trop grand, un t-shirt de Mexico sous une veste de cuir marron usé. Par contre, le type avait un sourire enchanteur et des yeux rieurs derrière des lunettes rouges en forme de cœur. Il était mal rasé et il avait la peau foncée et les cheveux en bataille. Des rides bien marquées par l’expérience et des cheveux poivre et sel complétaient le portrait de cet individu simple, mais à première vue, très charismatique. Avec cette couleur de la peau ainsi que cette forme de sa tête, il avait la gueule d’un ancien Maya.
Sans que je lui demande rien, il a appuyé sa main dans mon dos, puis il a commencé à me pousser lentement vers les rails. Celui-ci a ajouté, d’une voix calme et posée, mais chantante à cause de son accent :
— Votre peur de la mort n’est autre que le frémissement du berger, alors qu’il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l’honorer. Le berger n’est-il pas ravi, malgré son tremblement, de porter la marque du roi ? Pourtant, n’est-il pas plus conscient encore de son tremblement ?
J’ai résisté un peu.
— Mais qui es-tu, toi ? Sacre-moi la paix ! Ne me touche pas !
J’ai tenté de faire un pas en arrière, mais il m’en a empêché. Faute de pouvoir prendre appui, je manquais de force pour lutter contre la sienne et reculer. À moins d’un mètre en face de moi, le quai donnait directement sur les rails vers lesquels l’homme me poussait lentement, inexorablement. Le bougre exécutait exactement ce que je désirais faire par moi-même, mais cette fois, je résistais à ce saut devant le métro. J’avais souhaité la mort et maintenant que ce malade à l’accent de l’Amérique du Sud me plaçait directement devant elle, l’idée de me faire écrabouiller me déplaisait.
Soudain, j’ai réalisé que le métro fonçait droit sur moi.
— Lâche-moi ! Va-t’en ! Tu veux qu’on t’accuse de meurtre ? La mélodie, tu entends la mélodie ? Il est presque là ! Mais arrête ! Arrête de me pousser, je ne veux pas mourir ! Tu ne m’entends pas, je ne veux pas mourir !
Le métro est passé à moins de cinq centimètres de ma figure. J’ai senti le métal froid me frôler le nez, j’ai senti mon cœur s’emballer devant autant de force, devant cette puissante machine sans âme. Le doux parfum de caoutchouc chauffé, la fragrance de l’air chaud évacué des moteurs, l’harmonie sonore du son strident des freins, tout me conseillait de reculer, de fuir et de vivre !
Aussitôt le métro arrêté, l’homme a relâché sa pression. J’ai failli tomber dans les pommes. J’avais la tête qui tournait, les jambes en guenille, le souffle court et les yeux inondés de larmes. J’étais passé à deux doigts de la mort.
Reprenant mes esprits, j’ai fait un bond de quelques mètres.
J’étais troublé, en colère, sous le choc, mais également sous une tension nerveuse indescriptible. Avec l’envie de botter le cul de ce type, j’ai fait un pas à gauche, à droite pour le frapper, mais dans cette foule qui entrait et sortait des wagons, je ne l’ai pas retrouvé. Mes yeux cherchaient, ma tête tournait dans tous les sens, mais rien. On aurait dit qu’il s’était envolé. Le métro est reparti. Je suis demeuré quelques instants sur le quai.
Afin d’éviter qu’il ne me surprenne encore une fois, je me suis collé le dos au mur, loin des rails. Haletant, j’ai tourné la tête vers ma droite et je l’ai vu, juste à côté de moi. Songeur, il regardait devant lui sans me voir. On aurait dit qu’il venait d’avoir une soudaine inspiration. Alors que je me préparais à le fuir ou à le buter, il a doucement déposé sa main sur mon bras pour calmer mon trouble. Par ce geste, j’ai compris qu’il ne me voulait pas de mal. Il me touchait avec bienveillance, ses doigts serraient mon bras avec douceur, avec compassion. À son contact, je me suis trouvé apaisé, presque en paix.
— Car qu’est-ce que mourir, si ce n’est être debout, nu, face au vent et fondre dans le soleil ? Et qu’est-ce que cesser de respirer sinon libérer le souffle de ses marées tempétueuses, afin qu’il s’élève et se dilate et recherche Dieu sans entraves ?
— Mais qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
Je l’avais tutoyé, maintenant je le vouvoyais. Il l’a tout de suite remarqué et il s’est mis à sourire. Il attendait que je parle. J’ai brisé le silence.
— Je suis un pauvre connard qui mérite de mourir, lui ai-je envoyé. Personne ne m’aime, je n’aime personne. J’ai raté ma vie de famille, ma vie professionnelle, ma vie intime… Je ne veux plus vivre, je ne veux plus exister. Je suis un cafard dans ce monde, une fourmi insignifiante.
Toujours en souriant, il a simplement haussé les épaules, l’air de dire : « Pourtant tout à l’heure, tu as résisté à ta mort. Pour un type qui désire mourir, c’est plutôt raté. » Puis, il m’a invité d’un signe de la main à retourner près des rails et à sauter. J’ai compris que cette fois-ci, il n’interviendrait pas. L’étranger resterait là pour assister à mon départ vers un monde meilleur.
Par orgueil, je me suis levé et j’ai marché vers ma funeste destinée. J’avais pris la décision de me suicider, alors j’allais le faire. Encore une fois, la petite mélodie de l’entrée en station du métro a retenti. Je me suis retourné pour le voir, assis au sol, le dos contre le mur d’un panneau publicitaire vantant le Mexique comme destination de rêve. Il m’a simplement salué de la main.
J’ai voulu sauter, mais comme un con, je suis resté les pieds cloués sur la rame. Encore une fois, j’ai assisté à la danse des passagers, puis tout ce beau monde s’est engouffré dans la sortie en me laissant cinq autres minutes d’attente.
— Je suis un raté incapable de réussir sa propre mort. Je suis un type pathétique et ridicule. Fuck ! Je n’ai aucune force morale, aucune volonté… je suis une merde intégrale…
L’étranger s’est levé, il m’a pris dans ses bras, il m’a serré contre lui. J’ai versé quelques larmes sur son épaule.
À mon oreille, il a murmuré :
— C’est seulement quand vous aurez bu à la rivière du silence que vous chanterez vraiment. Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez votre ascension. Et quand la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.
Nous sommes demeurés ainsi, pendant quelques minutes, l’un dans les bras de l’autre. Dans un silence spirituel, presque une méditation, j’ai ressenti pour la première fois que ma vie était importante pour quelqu’un, que j’existais pour une raison. Même si je n’avais pas encore trouvé le véritable sens de cette existence, j’ai imaginé que j’avais peut-être un but dans la vie, une mission à accomplir quelque part dans ce monde.
Comme la vie qui nous offre sans cesse des occasions, un autre métro s’est présenté. Cette fois, l’inconnu s’est détaché de moi, puis il m’a invité à monter avec lui dans un wagon. Il m’a lancé, en agrémentant son enseignement d’un clin d’œil :
— Vous voudriez connaître les secrets de la mort. Mais comment les trouverez-vous sinon en cherchant au cœur même de la vie ?
Puis nous sommes tous les deux entrés dans le métro avant de partir vers l’inconnu.
C’est ainsi que j’ai rencontré Simon Leprophète. L’homme qui allait changer ma vie.
Parle-nous du manger et du boire .
—
En silence, nous avons traversé sous terre la moitié de ville pour ressortir dans l’un des quartiers populaires les plus pourris de la banlieue. Sans nous échanger un mot, nous avons marché à travers des rues agonisantes aux immeubles défraîchis. J’ai croisé des parcs municipaux en piteux état où les jeux d’enfants ressemblaient à des instruments de torture. Nous avons contourné des poubelles publiques débordantes de détritus, puis fait un parcours entre les amoncellements de déchets déposés çà et là au gré du vent. Nous avons croisé des habitants à la gueule de galériens, des immigrants, probablement sans papier, au regard de condamnés à mort. Des dizaines de bambins sales, laissés sans surveillance, jouant à se rouler dans la poussière polluée, non loin de l’usine de produits chimiques, ont aussi croisé mon regard. Ce qui m’a le plus surpris fut la quantité de béton qu’il y avait partout. Des fondations de béton pour tenir les édifices, des blocs de béton pour entraver les rues ou les ruelles, du mobilier urbain de béton, des parcs bétonnés sans compter les éclats de béton qu’il y avait partout. Même les mauvaises herbes, d’habitude si résilientes, avaient du mal à pousser dans ce décor d’Union soviétique des grands jours. Cette partie de la ville était aussi déprimante qu’un automne sans soleil.
Bref, cet endroit semblait le lieu parfait pour qui avait envie de prendre des vacances au pays de l’apocalypse. Un lieu magique où des riches pouvaient passer en autobus afin de se féliciter leur chance, peut-être aussi afin de s’illusionner et de renforcer cette fausse croyance selon laquelle l’on recevrait ce que l’on mérite dans la vie. Pour ma part, j’étais bien d’accord avec le proverbe ! Pourquoi ? Parce que j’étais moi-même un déchet et que je marchais parmi les déchets. Si un animal ressemble à un putois, qu’il a la fourrure caractéristique du putois, qu’il sent le putois, eh bien, rien ne sert de tergiverser, il s’agit d’un putois ! Il ne faut pas craindre de dire les choses comme elles
