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Rêveries Cévenoles
Rêveries Cévenoles
Rêveries Cévenoles
Livre électronique168 pages2 heures

Rêveries Cévenoles

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À propos de ce livre électronique

« Habiter aux pieds de mes collines dorées me permet de les admirer, de les sentir, de respirer, à la nuit tombée, l’air frais envahir mes poumons. Je rêve. » C’est parti pour 7 rêves à travers les Cévennes, d’Alés au Causse Méjean en passant par Sainte-Croix-Vallée-Française, Saint-Jean-du-Gard et bien d’autres lieux magiques, chacun reconnaîtra les siens. À travers le temps aussi, l’histoire cévenole est si riche ! Un rêve que mon inconscient n’a pas osé faire va devenir réalité. Il est pourtant le produit de mes songes ; vous m’avez façonné à mon insu, chères Cévennes.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Diplômé de Sciences-Po Paris et d’un DESS en gestion de l’entreprise, Didier AMOUROUX a occupé des postes de direction en entreprise, tout en dirigeant bénévolement des associations d’intérêt général. Après un livre historique chez PRIVAT en 2004, il a publié 2 recueils de nouvelles et 10 romans : 3 d’entre eux ont été primés dans 3 départements différents : Var (« Contes solaires » en 2014), Hérault (« Les étrangers du Val de Londres », 2022) et Aude (« Recherches en Val de Londres », 2024). Ses deux derniers romans de terroir sortent en 2024 : « Rêveries Cévenoles » et « Au Pic Saint Loup, avec ou malgré vous ? ». Son site Internet personnel, www.didieramouroux.fr, vous donnera plus de détails.
LangueFrançais
Éditeur5 sens éditions
Date de sortie6 janv. 2025
ISBN9782889497348
Rêveries Cévenoles

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    Aperçu du livre

    Rêveries Cévenoles - Didier Amouroux

    Couverture pour Rêveries Cévenoles réalisée par Didier Amouroux

    Didier AMOUROUX

    Rêveries Cévenoles

    PROLOGUE

    Saint-Hippolyte-du-Fort

    C’est à cause de mon travail que je n’habite pas au cœur des Cévennes. Les banques ont leurs clients dans les plaines, dans les villes. Je n’aime pas les villes. Recruté par un établissement régional il y a un mois, j’ai évité de justesse de commencer ma carrière dans l’une de ces villes surpeuplées. Me voici à Saint-Hippolyte-du-Fort, dans le piémont cévenol.

    Cette affectation m’offre deux avantages. Je ne sais pas les hiérarchiser.

    Le fait que j’habite assez loin de ma famille alésienne pour ne pas la voir tous les jours, pas même toutes les semaines, sans la perdre de vue pour autant me vient en premier à l’esprit. J’avais besoin de souffler, la distance m’aide à me trouver. Ce n’est pas une rupture. Un rebond, je dirais.

    La localisation m’apparaît cruciale, à bien y réfléchir. Habiter au pied de mes collines dorées me permet de les admirer, de les sentir, de respirer, à la nuit tombée, l’air frais envahir mes poumons. Il profite à mon jardin que je visite chaque matin. Madame Isaac Pereyre me salue. Ma copine n’est pas jalouse, Madame Pereyre est une rose, une des plus parfumées de ma collection. Sa couleur d’un rose saturé me ravit, les grosses fleurs se penchent comme pour manifester leur respect au maître de maison. À moins que ce ne soit pour rivaliser avec ses voisines. Lolita Limpicka, d’une couleur plus claire, occupe la partie supérieure de la pergola, elle grimpe vigoureusement et laisse éclater ses pétales en un massif odorant. En face, Madame Alfred Carrière la bat à plate couture, elle colonise un filaire qu’elle inonde de ses fleurs au blanc satiné. Plus à l’ombre, Bobbie James fait le snob, en bon anglais. Il envahit le châtaignier, mais ne fleurit qu’une fois l’an en une cascade de fleurs blanches qui dégringolent de l’arbre, tel un flot éphémère, mais dense.

    La maison que je loue se trouve rue de la Dame, le nom a influencé mon choix, forcément. Elle est facile à trouver à partir de la route en lacets qui conduit à Durfort. Le repère est le viaduc, sur la droite. La rue de la Dame est étroite. Pourtant, elle n’est pas à sens unique. Les voisins se connaissent tous, ils se garent et taillent une bavette, vitres baissées. Je préfère me rendre à l’agence bancaire à pieds, elle a pignon sur rue en plein centre. La marche me fait lentement passer d’un monde à l’autre, de la campagne au bourg, par paliers successifs. J’emprunte le « chemin des voleurs » dont l’intitulé aussi m’évade, je longe le capricieux Vidourle, j’aperçois l’Argentesse et là je sais, nom ou pas, que j’approche de la banque.

    Je rêve.

    Normal pour un « Cigalois », me direz-vous – depuis que j’ai appris que les habitants de Saint-Hippolyte-du-Fort portaient le joli nom de « Cigalois », je le dis et le répète.

    Du coup, je ne sais plus très bien si les histoires que je vais vous conter sont vraies. Totalement ou en partie seulement, la fiction recouvrant ce qui reste.

    Le fait déclencheur est un événement qui nous a tous bouleversés début 2015. À partir de là, mon imaginaire a vogué, vogue, voguera au hasard des impressions que je ressens dans mes chères Cévennes, des rencontres que j’y fais en 2016 et dans le passé, car je rêve sans limites, même pas celle de remonter le temps.

    Un petit rien, vraiment ? Sainte-Croix-Vallée-Française

    Le froid tarde à s’installer en ce mois de décembre 2014. Rosiers en fleurs, arbustes bourgeonnants, la douceur persiste. Les habitants de Sainte-Croix-Vallée-Française apprécient. Leur paisible village est d’ordinaire plus frisquet, un début d’hiver clément c’est toujours ça de pris, surtout après les pluies diluviennes du mois d’octobre. Ma cousine Florence peint derrière sa baie vitrée, tout est calme, la nature est belle, les voisins silencieux, pas un bruit. Dans ce village patiné par le temps, les maisons de schistes sont groupées autour du château ; abandonné par les châtelains depuis belle lurette, il abrite l’école et la mairie, tous les habitants en profitent. De là-haut, on admire les lignes ondulantes des serres, ces collines d’un vert cru, et, en se penchant un peu depuis le balcon du premier, la profondeur des valats ¹, vallons mystérieux où grouille toute une faune sauvage.

    Ce jour-là, l’attention de Florence est attirée par un remue-ménage inhabituel sur les bancels. Elle est trop loin pour identifier qui s’agite sur les terrasses aménagées pour la culture des oliviers, de la vigne et des mûriers. Il y a là un petit groupe disparate : les hommes et les enfants se distinguent par leur taille et leurs mouvements, les femmes par la couleur de leurs vêtements qui les couvrent des pieds à la tête. D’autres suivent la draille.

    Bizarre, se dit-elle. Sa peinture va sécher si elle s’attarde plus longtemps, vite, elle retourne à ses pinceaux.

    Elle n’est pas sortie depuis quelques jours, son mari non plus ; dans nos chères Cévennes, chacun reste dans son mas ou sa maison, on parle aux autres quand c’est nécessaire, le moins possible. Elle ignore donc que viennent de s’installer deux familles d’immigrés, bientôt rejointes par des frères, des sœurs et leurs cousins. Ce sont des Kurdes. Ils ont fui leurs pays en guerre quelque part dans le triangle Syrie-Irak-Turquie, les Kurdes sont disséminés, ils n’ont pas réalisé leur rêve d’un État indépendant. Personne ne parle d’eux, ils sont discrets, ces maçons travailleurs. Sur les chantiers de sept heures du matin à vingt heures si le temps le permet, c’est le cas en ce moment, les Operacsi travaillent en famille. Solidaires, unis. Le chef signe les devis et négocie ; les frères et les cousins exécutent les travaux, quasiment sans parler, sont-ils ainsi naturellement ou se conforment-ils au mode de vie cévenol ? Solides, la barbe drue, les sourcils ombrageux, les Operacsi travaillent dur. Ils ne dépendent de personne, aucune aide extérieure, rien, le Kurde est fier. Leurs voisins immédiats se sont méfiés au début, ce nom à coucher dehors, leurs mines patibulaires et des conversations incompréhensibles, dans une langue gutturale, entendues derrière le mur de clôture… Bonjour, bonsoir, chacun chez soi. Petit à petit pourtant, un semblant de confiance s’installe. Ils voient bien que ces Opera-machinchose – quel nom quand même ! -, sont des gens honnêtes et sérieux, pas des tire-au-flanc, pas de ces profiteurs venus pomper leurs allocations un point c’est tout. Ils n’iraient pas jusqu’à en faire les parrains de leurs enfants, mais enfin, respect mutuel.

    Les coups de feu sont tirés le 7 janvier 2015. Trois djihadistes massacrent la célèbre équipe de dessinateurs de Charlie Hebdo. Le drame se joue à mille kilomètres de Sainte-Croix-Vallée-Française. N’empêche, tous ici en ressentent la déflagration. On s’indigne, l’islam radical, ces barbus fanatiques, ces fous de Dieu… Bon, à la radio, à la télé on explique que tous les musulmans ne sont pas comme ces assassins, pas d’amalgame s’il vous plaît. Voire. On fait gaffe dans le quartier, les enfants rentrez, il se fait tard, s’entend-on leur dire pour les dissuader d’aller jouer avec les petits Kurdes.

    Le lendemain, tous respectent la minute de silence, on se rassemble, on allume des bougies, tout le monde est Charlie, et n’allez pas croire qu’on assimile les basanés que l’on croise… aux tueurs à la kalachnikov.

    Le fait est pourtant : le fossé se creuse. Les Operacsi ne ressentent plus les mêmes vibrations. Sont-ils aussi bien installés qu’ils le croyaient ? Ils commencent à se poser la question. Une vague suspicion les entoure à présent, c’est physique, c’est lourd. Ils ne se sentent plus à l’aise sur la terre de France. Ils s’enferment chez eux, entre eux. Le regard des autres les angoisse maintenant.

    Pour tout arranger, l’hiver s’installe, dans le décor comme dans les cœurs. C’est le 9 janvier 2015 que cela se produit.

    Florence a fini par sortir de chez elle, quelques courses au village, c’est à deux pas, l’épicière Anne Lise est sa copine. Le trottoir se rétrécit devant la minuscule boutique. Quand elle le voit, elle s’apprête à l’éviter, à descendre sur la route pour continuer sur sa lancée. C’est instinctif, un réflexe. Il ne porte pas de djellaba. Aucune tenue exotique. Pas de couvre-chef oriental. Un Français moyen, si ce n’est son teint foncé, ses sourcils noirs assortis à ses cheveux bouclés. C’est en approchant qu’elle se dit : Vraiment, il est typé.

    Dix mètres.

    Cinq mètres.

    La ressemblance avec le portrait-robot est évidente. Pourtant, elle est plus surprise que véritablement effrayée. Ils arrivent à la hauteur l’un de l’autre. Il s’arrête brusquement. Ses yeux noirs fixés sur elle sans ciller, il lui lance gaiement : « Bonne et heureuse année 2015 ». Yilmaz a dix-huit ans, il est ici depuis peu. Ces cinq mots de français, il est fier de les prononcer, encore plus fier d’être compris, ce n’est pas toujours le cas, à cause de son accent et du choix hasardeux de son vocabulaire, cette langue est si éloignée de la sienne, la grammaire si difficile !

    Son visage s’éclaire. Tout s’éclaire, ses yeux, ses fossettes, son teint, même sa barbe et sa chevelure frisée. Il ouvre grands les bras et serre affectueusement Florence, qui, l’étonnement passé, le lui rend bien. Rien de trouble entre eux, aucune drague, pas d’arnaque. Juste un moment inattendu de fraternité.

    Elle était triste, la voilà gaie. Lui aussi.

    Dès son retour à la maison, Flo raconte sa surprenante rencontre à son mari, plongé dans son journal, comme toujours, il est abonné, le canard quotidien est sa seule lecture, quasiment son seul lien avec le monde. À son front plissé, elle voit bien qu’il se pose des questions.

    – Mais non, qu’est-ce que tu peux être bête parfois !

    – Un musulman, tu m’as bien dit un musulman ? Et un jeune, en plus ?

    – Oui, et alors ?

    C’est qu’il l’énerverait à force ! Elle tourne les talons, le nez pincé, elle s’enferme dans sa cuisine, il va être l’heure du repas de midi, les hommes, tous les mêmes !

    Chez lui, Yilmaz étonne aussi les siens. Pas plutôt la porte entrebâillée, il rit de bonheur en décrivant la scène qu’il vient de vivre.

    Il ne rit pas longtemps. Les mains sur les hanches, le visage fermé, le regard noir, sa mère n’est que soupçons :

    – Une femme blanche ? Sexagénaire ? Et elle te serre dans ses bras ? Elle se prendrait pas pour ta mère, si ? Va plutôt apprendre tes cours, va !

    Yilmaz hausse les épaules, il se claquemure dans sa chambre, étudier, toujours étudier, quelle barbe !

    Deux jours plus tard, c’est un dimanche, le 11 janvier 2015, quatre millions de Florence et Yilmaz, de Pierre et de Déborah manifestent dans les rues des villes et

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