Profession nutritionniste
Par Marie Marquis
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À propos de ce livre électronique
Quel rôle jouent les diététistes-nutritionnistes dans cet univers scientifique ? Quel est le parcours à suivre pour accéder à leur statut professionnel ?
Profession nutritionniste propose une synthèse de quelques moments historiques qui ont été traversés et des luttes qui ont été menées afin d’arriver au statut professionnel de nutritionniste que nous connaissons aujourd’hui au Québec. Il explore les valeurs communes à la profession et le système réglementaire qui balise les rôles, les obligations et les responsabilités entourant cette profession. Il pose également un regard contemporain sur la profession en mettant de l’avant les différents secteurs d’activités et en révélant le quotidien professionnel de 12 nutritionnistes. La complexité de la nutrition y est exposée par de courts textes abordant des sujets courants en nutrition.
Adressé à celles et ceux qui désirent découvrir la profession de nutritionniste, que ce soit avant leur formation ou durant celle-ci, cet ouvrage fait un survol des conditions nécessaires pour intégrer le baccalauréat en nutrition et propose des pistes de réflexion visant à confirmer leurs intérêts. Il s’adresse aussi aux nutritionnistes qui les encadrent durant leur parcours universitaire et à celles et ceux qui collaborent avec les nutritionnistes.
Marie Marquis
Marie Marquis, FDt. P., Ph. D., est professeure honoraire du Département de nutrition de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et Fellow de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec. La vulgarisation en nutrition, la pratique professionnelle et l’étude des comportements alimentaires sont toujours au centre de ses intérêts. En 2022, elle a reçu l’Ordre de l’excellence en éducation du Gouvernement du Québec.
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Aperçu du livre
Profession nutritionniste - Marie Marquis
Introduction
Manger est un acte quotidien et les nutritionnistes, à titre de professionnels et de professionnelles de la santé, entourent cet acte de plusieurs façons. Ce livre s’adresse à ceux et celles qui désirent découvrir cette profession, que ce soit avant leur formation ou en cours de formation, ou pour saisir les occasions de collaborer avec ses membres, sur le plan professionnel ou personnel. Il s’adresse également aux nutritionnistes qui encadrent les étudiants et étudiantes dans leur parcours universitaire. La lecture de cet ouvrage suscitera des échanges sur une variété de sujets, incluant les valeurs, la déontologie et l’encadrement réglementaire de la profession.
Aborder la profession de nutritionniste dans le cadre d’un manuscrit est un projet ambitieux. Nous ne pouvons accomplir ce mandat sans commencer par aborder quelques éléments historiques spécifiques au Québec et au Canada, qui témoigneront du chemin parcouru par les nutritionnistes et des luttes menées par des militantes pour en arriver au statut professionnel d’aujourd’hui.
Pour une vision bien contemporaine de la profession, ce livre exposera les différents secteurs d’activité dans lesquels exercent les nutritionnistes, venant ainsi élargir le positionnement le plus commun, soit celui de la nutrition clinique.
Afin de rendre plus concret l’exercice de la profession, 12 nutritionnistes de différents domaines d’activité ont accepté de partager leur quotidien en rédigeant de courts textes illustrant des éléments de leur vie professionnelle actuelle et, quelquefois, leur cheminement. Ces témoignages révèlent leur passion et leur détermination à exercer leur profession dans des contextes très variés et à différents stades de leur vie professionnelle. Le contexte d’emploi au Québec conclura ce chapitre.
Quels que soient les secteurs d’activité, ce qui unit les nutritionnistes, c’est le partage de valeurs communes telles que la rigueur, l’intégrité, la responsabilité sociale, etc. Ces valeurs sont décrites avec plusieurs références aux exigences déontologiques qui encadrent la profession.
Les nutritionnistes du Québec sont membres d’un ordre professionnel et, à ce titre, évoluent dans une profession réglementée. Ainsi, le système réglementaire qui balise les rôles, les obligations et les responsabilités des nutritionnistes sera présenté dans cet ouvrage. Notons par ailleurs que des révisions au Code de déontologie des diététistes pourraient mener à des ajouts ou à des modifications aux informations présentées dans ce manuscrit, lesquelles sont en date du mois d’avril 2024.
L’accès à la profession de nutritionniste est l’issue d’un parcours universitaire de premier cycle visant le développement des connaissances et des compétences des étudiants et étudiantes. Au Québec, ce parcours universitaire est assez uniforme au sein des trois universités qui offrent le programme de baccalauréat en nutrition. Les conditions d’accès à ce programme seront d’abord exposées, puis le contenu type du baccalauréat sera décrit dans le but d’offrir une vue d’ensemble des thèmes abordés et des méthodes d’apprentissage utilisées. Au-delà des connaissances, ce parcours universitaire contribue également à développer l’identité professionnelle des nutritionnistes en devenir. Pour ceux et celles qui aspirent à la profession et pour les autres qui la considèrent et qui souhaitent valider leur orientation, des pistes de réflexion sont proposées visant à confirmer leurs intérêts et à les préparer à leur admission.
Finalement, l’alimentation et la nutrition font l’objet de discussions quasi quotidiennes dans l’actualité et dans des échanges informels entendus ici et là ; des sujets, dont certains semblent à première vue plutôt triviaux, qui camouflent souvent une très grande complexité. Des collègues ont accepté de vous livrer quelques aspects de cette complexité en rédigeant de courts textes sur des thèmes très contemporains qui sont au cœur de leur pratique professionnelle.
Chapitre 1
Un survol historique de la profession de nutritionniste
La profession de nutritionniste a parcouru bien du chemin, au Québec, et ce chapitre offre un survol historique du développement de la formation universitaire en nutrition et de l’affirmation des professions paramédicales au siècle dernier. Le rôle important des associations professionnelles y est abordé. Quelques éléments phares de l’histoire de la profession au Canada concluent ce chapitre. Notons que le titre « nutritionniste » est ici retenu pour aborder la profession, même si ce dernier n’a été reconnu comme titre réservé, au Québec, qu’en 1994.
1.La formation en nutrition au Québec : des écoles d’enseignement ménager au milieu universitaire
Au Québec, curieusement, le développement de la formation universitaire ayant mené à la profession de nutritionniste diffère selon la langue. Ce qui est commun aux francophones et aux anglophones, c’est que cette formation a pris ses origines dans les sciences domestiques, version moderne de l’enseignement ménager.
Ainsi, c’est d’abord chez les anglophones que l’enseignement ménager a donné lieu à la création d’un programme universitaire menant à des emplois rémunérés en nutrition. En 1907, alors qu’ailleurs au Canada, l’Université de Toronto était déjà une pionnière (1902) avec un programme universitaire de sciences domestiques, à Montréal, c’est le Collège Macdonald de l’Université McGill qui ouvre la voie aux études universitaires en nutrition. On y offre alors un cours (Homemaker’s Course) qui comprend non seulement des notions de cuisine, mais aussi de nutrition. En 1918-1919, l’Université McGill crée le baccalauréat en Household Sciences. Ses diplômées (des jeunes femmes) peuvent alors pratiquer la nutrition dans les hôpitaux, les écoles et les entreprises (Durand, 2015). Deux hôpitaux anglophones de la province sont les premiers à intégrer des diététistes au sein de leur personnel de soins, soit l’Hôpital Royal Victoria et l’Hôpital général de Montréal (Fahmy-Eid et al., 1997a).
Chez les francophones, la formation universitaire en nutrition arrive beaucoup plus tardivement. Ce sont les écoles ménagères du Québec, datant de 1882, qui occupent l’espace. Fondées et dirigées par des religieuses, elles véhiculent des messages en accord avec le clergé et le nationalisme canadien-français, notamment au sujet du rôle des femmes au sein des ménages. Situées dans les petites villes et les villages de la province, on en dénombre 200 à la fin des années 1930 (Durand, 2015). Amélie DesRoches, professeure à l’École ménagère de Neuville, rédige, en 1912, le manuel Hygiène de l’alimentation et propriétés chimiques des aliments, qui est un élément déterminant de cette période historique. Cet ouvrage de 490 pages, qualifié par Durand (2015) de jalon dans l’enseignement de la nutrition au Québec, aborde à la fois la cuisine et la nutrition. Malgré tout, rappelons que l’objectif des écoles ménagères était de former des mères et des épouses, et non des nutritionnistes.
S’inscrivant dans un contexte plus urbain, l’École ménagère provinciale (EMP) de Montréal, une école laïque, est fondée en 1906 et représente une institution très importante. En 1912, elle offre un cours de cuisine diététique menant à une spécialisation en diététique hospitalière. Les archives laissées par ses premières enseignantes nous informent que le canton de Fribourg, en Suisse, était leur lieu de formation en enseignement ménager, attirant d’ailleurs des étudiantes de partout en Europe et ayant servi d’inspiration au programme d’enseignement ménager adopté en 1915 par le ministère de l’Agriculture du Québec.
Les documents historiques ne précisent pas si les connaissances acquises à Fribourg étaient enseignées à Montréal, mais il semble que les cours liés à la physiologie de l’alimentation aient été confiés à des médecins. Par ailleurs, il semble aussi que les femmes fréquentant l’EMP étaient davantage intéressées par la cuisine que par la théorie de la nutrition :
Des médecins y donnent des conférences et des cours, tandis que des femmes laïques, des religieuses, des infirmières, des ouvrières et des bourgeoises fréquentent ses classes pour une durée variant d’une seule démonstration à un programme de plusieurs années pour obtenir un brevet d’enseignement ménager (Durand, 2015, p. 89).
Selon Durand :
Cette position mitoyenne dans l’éducation féminine et dans l’expertise nutritionnelle fait de l’EMP une institution centrale de l’enseignement et la diffusion de la nutrition auprès des franco-catholiques, et ce, jusqu’à la fondation de facultés universitaires au début des années 1940 (Durand, 2015, p. 90).
Alors que les diplômées du Collège Macdonald se trouvent un emploi rémunéré, celles des écoles ménagères religieuses se marient et quelques-unes obtiennent un emploi de conférencières au ministère de l’Agriculture (Durand, 2015).
Puis, au fil du temps, une distanciation s’installe progressivement entre la nutrition, l’enseignement ménager et les sciences domestiques. Cette distanciation est en partie liée au développement des connaissances scientifiques, mais aussi aux changements sociaux entourant le rôle de l’État, du clergé et des femmes.
Le tout évolue lentement pour que la diététique s’insère dans l’enseignement universitaire francophone au Québec. À titre d’exemple, une analyse menée par Fahmy-Eid et Charles (1988) sur l’annuaire des cours offerts à l’Université de Montréal de 1951 à 1970 précise que, mis à part les cours de culture générale, les trois principales orientations du programme de baccalauréat sont celle relevant de la nutrition, du domaine médical et de la santé, celle liée à l’administration des services alimentaires, et celle se rapprochant de l’enseignement ménager ou à caractère dit familial.
Ainsi, en 1952, dans une revue populaire (Bosco, 1952), on retrouve une description des cours offerts aux étudiantes de l’Institut de diététique de l’Université de Montréal (il est ici question d’« étudiantes » seulement, puisque c’est ainsi que l’Université décrivait ses cohortes). Après avoir vanté les cours issus de cinq autres facultés qui s’appuient sur les bases scientifiques nécessaires (incluant l’anglais, car les diététistes devaient être bilingues), les cours réguliers de l’Institut sont présentés. Il est alors précisé que les étudiantes recevront des cours de coupe et de confection, d’histoire du costume de la période égyptienne à aujourd’hui, de chimie textile, de science du ménage et du matériel domestique.
Les auteurs Fahmy-Eid et Charles (1988) rapportent un exemple de cours offert en 1955, intitulé Physique appliquée :
Cours offert afin de familiariser l’étudiante avec les différents appareils utilisés au foyer moderne. Description et mode d’emploi des différents appareils sur le marché. Revue des principes de physique à la base de leur fonctionnement. Facteurs qui doivent guider dans l’achat, l’entretien et le nettoyage (Fahmy-Eid et Charles, 1988, p. 29).
Rassurez-vous, les descriptifs de cours aux titres prometteurs ne cachent plus de telles perles. En 1966, le nombre d’heures allouées aux cours d’enseignement ménager décline progressivement, pour disparaître complètement en 1969. Les programmes de diététique de l’Université de Montréal et de l’Université McGill prennent, en 1970, un virage déterminant avec un important contenu scientifique, menant entre autres au développement de programmes de maîtrise (Fahmy-Eid et al., 1997b).
Les archives nous révèlent des faits intéressants à ce sujet. Ainsi, au Québec, en 1962, alors que tous les programmes universitaires sont en place (incluant alors un programme à l’Université de Sherbrooke), l’Association des diététistes du Québec dépose un mémoire à la commission d’enquête sur l’enseignement. Ce mémoire présente les écoles de la province offrant un diplôme universitaire en sciences domestiques où l’on enseigne la diététique, et ses autrices expriment le désir de voir la diététique se développer sans référence aux sciences domestiques. L’Association y précise :
L’Institut de diététique et de nutrition a été fondé dans le but de former des diététistes pour les hôpitaux canadiens-français. Le programme qui y est offert est donc orienté en conséquence et est plus spécialisé que ceux des autres écoles universitaires mentionnées […] l’enseignement de la diététique, partout ailleurs au Canada, se fait dans les facultés ou écoles de sciences domestiques et y constitue une des options offertes aux étudiantes de ces facultés ou écoles (Association des diététistes du Québec, 1962, p. 7).
En bref, comme résumé dans le tableau 1.1, au Québec, le processus de professionnalisation de la diététique s’est amorcé en milieu anglophone en 1918, puis en milieu francophone dans les années 1940, alors que les sciences domestiques étaient encore présentes dans la majorité des diplômes décernés.
En 1945, le journal Le Devoir (Bernier, 1945) couvre la diplomation de la première cohorte d’étudiantes de l’Université de Montréal, précisant que six jeunes filles viennent de terminer le cours de quatre années à l’Institut de diététique et de nutrition. Trois d’entre elles entament leur stage avant d’être recrutées à l’Hôpital Royal Victoria, au St. Michael’s Hospital de Toronto et à l’Hôpital Ste-Justine. Les trois autres sont destinées à des emplois d’assistantes à l’Université, à la Commission scolaire de Montréal et au ministère de l’Agriculture, à Ottawa.
Pour vous faire sourire, mentionnons que le journal conclut en précisant que « [l]es autorités de l’Institut de l’Université de Montréal sont heureuses de recommander fortement ce champ d’action à toutes nos jeunes filles qu’intéresse une carrière professionnelle aussi éminemment féminine et prometteuse » (Bernier, 1945, p. 3).
En 1951, référant toujours à ces diplômées, il est précisé que « [t]outes ont de bonnes situations, et celles qui ont déserté la science pour le mariage trouvent en exerçant leur double rôle de mère de famille et de maîtresse de maison l’utilisation de la science acquise à l’Université » (Fournier, 1951, p. 12).
Rappelons le constat souligné dans les premières lignes de ce chapitre, soit que l’évolution d’une profession est non seulement le reflet du développement des connaissances, mais aussi celui de la transformation de la société.
2.Le rôle clé des associations dans l’affirmation des nutritionnistes
En parallèle avec ce premier défi des nutritionnistes, soit celui d’accéder à la formation universitaire, un virage dans l’organisation du travail sanitaire s’amorce en 1940, au moment où de nouvelles occupations dites paramédicales souhaitent exercer dans des champs de compétences nouveaux.
En 1946, les hôpitaux du Québec ont plus d’une centaine de diététistes à leur emploi, qui y font valoir leurs compétences en nutrition clinique et en administration des services alimentaires. Au fil des années, la dimension administrative est d’ailleurs restée très présente. Ainsi, vers la fin des années 1960, les tâches administratives représentent les fonctions exclusives de près du tiers des diététistes en milieu hospitalier (Fahmy-Eid et al., 1997a).
La division du travail dans les hôpitaux est alors qualifiée de verticale, laissant peu d’autonomie aux diététistes et les maintenant plutôt dans des positions de subordination par rapport aux médecins. Cette autorité était précisée dans des textes de loi et institutionnalisée dans les établissements de santé et les organisations de l’État, où les médecins occupaient des rôles décisionnels. L’extrait suivant résume assez bien l’état d’esprit des nutritionnistes du Québec dans leur processus de professionnalisation :
La structure occupationnelle sanitaire est cependant loin d’être figée. En effet, la plupart des organisations subordonnées, en particulier celles dont les membres sont formés à l’université, se considèrent comme des experts autonomes, cherchent à s’affranchir de leur lien de dépendance à l’égard des médecins et à se faire reconnaître un espace ou un « abri » occupationnel réservé (Freidson, 1982) (Dussault, 1988, p. 127).
En parallèle à leur intégration dans le réseau de la santé, dès le début des années 1950, des publications précisent que la formation universitaire destine aussi les diplômées à la diététique dite commerciale.
