L’origine égyptienne de la Bible, clé de la lecture du livre de la Genèse
Par Michel Ferry
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À PROPOS DE L'AUTEUR
Ingénieur en conception aéronautique et chargé d’enseignement, Michel Ferry applique son double savoir-faire – recherche et transmission – à un domaine qu’il juge essentiel : la spiritualité. Sa quête du sens de la vie, nourrie par des textes publiés sur le sujet, l’a naturellement conduit à choisir la Bible comme principal support de réflexion.
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Aperçu du livre
L’origine égyptienne de la Bible, clé de la lecture du livre de la Genèse - Michel Ferry
Introduction
L’origine de la Bible
et ses différents types d’exégèse
1 – Les auteurs des premiers récits de la Bible
Ces premiers récits sont généralement situés au 8e ou au 7e siècle av. J.-C., mais celui de l’Exode mentionne un fait historique plus ancien que seul un contemporain de cet évènement a pu rapporter. Ce récit indique que le peuple des fils d’Israël « bâtit pour le pharaon les villes-entrepôts de Pitom et de Ramsès » (Ex 1, 11), et c’est Ramsès II qui fit bâtir Pi-Ramsès au 13e siècle av. J.-C. Or la ville fut abandonnée vers 1000 av. J.-C. à la suite de l’ensablement de la branche pélusiaque du Nil, et les matériaux utilisés pour sa construction ont servi à bâtir la nouvelle capitale Tanis. Cependant, le site de l’ancienne Pi-Ramsès n’a été redécouvert que récemment par l’archéologue Manfred Bietak. Si le récit de l’Exode avait été rédigé au 8e ou au 7e siècle av. J.-C., soit au moins deux siècles après la disparition de Pi-Ramsès, son auteur aurait ignoré l’existence de cette ville, dont la mention dans ce récit a pu par contre être l’œuvre de ceux qui ont bâti Pi-Ramsès. Ce récit contient en tout cas un noyau historique, mais les spécialistes considèrent que Moïse, qui n’a jamais pu être identifié, était absent de sa version initiale.
Le bibliste Thomas Römer, selon qui Moïse apparut dans ce récit après la chute du royaume d’Israël qui provoqua une émigration vers celui de Juda, ajoute : « Les réfugiés de Samarie avaient apporté à Jérusalem… une épopée relatant la sortie d’Égypte… Le document qui contenait cette première histoire ne nous est pas parvenu »¹. Ce document pourrait donc être l’œuvre des bâtisseurs de Pi-Ramsès, et le portrait de Moïse dans la Bible sert à introduire cette épopée. Adopté par la fille du pharaon et élevé à la cour d’Égypte, Moïse était en effet « très important en Égypte aux yeux des serviteurs du pharaon et du peuple » (Ex 11, 3). Sa culture égyptienne et ce rang élevé laissent entrevoir l’influence que l’Égypte eut sur la Bible à travers Moïse. L’essai Ce que la Bible doit à l’Égypte² illustre cette influence, qui concerne surtout la conception du divin, car le Deutéronome souligne après la mort de Moïse : « Il ne s’est plus levé en Israël un prophète comme Moïse, lui que YHWH connaissait face à face » (Dt 34, 10).
La première partie de cet essai s’attache donc à dégager l’influence que l’Égypte eût sur la Bible en tentant de reconstituer le noyau historique du récit de l’Exode et de faire ressortir ce qui fût attribué plus tard à Moïse. Les tentatives visant à reconstituer ce noyau historique peuvent nous renseigner sur les auteurs des premiers récits bibliques. Quant à l’influence de l’Égypte sur la Bible, illustrée ici à travers le personnage de Moïse (qui apparaît dans la version finale du récit), elle traduit aussi le passage de l’hénothéisme (le culte rendu à un seul dieu) au monothéisme (la croyance en un dieu unique), qui eut sans doute lieu lors de l’exil à Babylone. Enfin, les essais du psychologue Paul Diel (Le symbolisme dans la mythologie grecque, puis Le symbolisme dans la Bible) montreront que les récits grec et biblique des origines font appel au même type de symbolisme, lequel pourrait alors être issu d’Égypte.
2 – Les différents types d’exégèse biblique
Les premières exégèses bibliques connues, qui furent réalisées à partir de la Septante par deux érudits juifs d’Alexandrie, Aristobule de Panéas et Philon, étaient de type littéral ou allégorique. En Judée, l’exégèse des récits narratifs (le « midrash ») faisait appel à quatre types de lecture : littéral, allégorique, intertextuel (qui éclaire le sens d’un récit en le rattachant à d’autres textes bibliques) et mystique (qui révèle le sens secret du récit). L’exégèse symbolique n’était pas considérée comme un type de lecture à part entière, mais les exégètes juifs y faisaient appel, comme le montre ce texte d’Origène (185-253) : « Lorsqu’ils lisent la façon dont le Tabernacle fût construit, persuadés que ce qui est écrit est symbole, ils cherchent à qui on pourra appliquer chacun des détails indiqués à propos du Tabernacle : ils ne se trompent pas quand ils sont persuadés que le Tabernacle est symbole de quelque chose, mais parfois ils s’égarent lorsqu’ils veulent appliquer la parole, d’une façon digne de l’Écriture, à telle réalité dont le Tabernacle est le symbole. Et dans tout récit… compris par la foule comme des histoires, ils affirment qu’il y a des symboles. Quant à savoir de quoi… on n’arrive pas à éclaircir le sens de chaque chose »³.
Dans les trois types d’exégèse de la Bible qu’a définis Origène et qui dévoilaient, selon lui, les sens littéral, moral et mystique des récits bibliques, les deux derniers recouraient à des symboles, mais aussi à une lecture symbolique dans laquelle, à l’image des exégètes juifs adeptes du midrash, il n’a pas vu un type d’exégèse à part entière. Or ses lectures symboliques reposaient souvent sur des croyances, car Origène était convaincu que les textes de l’Ancien Testament s’étaient accomplis en la personne du Christ, et il a vu dans le Tabernacle la préfiguration de l’Église⁴, d’où son différend avec les exégètes juifs concernant la signification prêtée au Tabernacle. Or, dans la Bible, la signification des symboles et l’interprétation des récits dans lesquels figurent ces symboles ne reposent pas sur des croyances, mais obéissent à une logique que le psychologue Paul Diel expose dans « Le symbolisme dans la Bible ».
Son commentaire relatif au premier verset de la Genèse, « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre », est une illustration de la logique qui régit ici la signification de ces symboles : « L’acte créateur originel et le terme Dieu, expressions purement symboliques, traduisent une seule et même chose : le mystère des origines ; ce mystère se manifeste néanmoins sous la forme de l’apparition du monde et de la vie. Le symbole Dieu
inclut ainsi la légalité harmonieuse de l’apparition, et l’organisation légale implique la manifestation duelle des deux pôles fondamentaux inhérents à tout ce qui existe : esprit et matière. Le terme esprit ne signifie rien d’autre que le principe organisateur de la matière, à quelque niveau que ce soit… Les principes spirituel et matériel sont symbolisés par les éléments ciel et terre »⁵. Ce symbolisme ne génère pas de conflits d’interprétation, mais il faut vérifier que la Torah y fait appel.
3 – Les difficultés de traduction du texte hébreu
Ces difficultés sont décrites par le prologue du Siracide : « Les choses dites en hébreu dans ce livre n’ont pas la même valeur lorsqu’elles sont traduites en une autre langue. D’ailleurs, non seulement ce livre, mais aussi la Tora, les Prophètes et les autres livres présentent des divergences considérables quant à leur contenu »⁶. C’est le cas de cette traduction du verset « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre », que la traduction œcuménique de la Bible annote ainsi : « Litt. En un commencement
. À cause de l’absence de l’article déterminé dans le texte hébreu vocalisé, on a proposé la traduction : Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre
. Toutefois, le v. 1 s’explique mieux comme une proposition indépendante. Il s’agit du titre ou du résumé du texte qui suit. L’absence de l’article peut s’expliquer par le fait que l’auteur ne pense pas à un commencement absolu, c’est-à-dire à une création à partir de rien… Dans la perspective de Gn 1, la création consiste en la mise en ordre d’un état chaotique »⁷. Selon que l’on tient compte ou pas de l’absence de cet article, Gn 1 décrit la « mise en ordre d’un état chaotique » ou une « création à partir de rien », ce qui est en effet très différent.
D’autres traductions dénaturent le sens du texte hébreu, ce qu’illustre le récit de la ligature d’Isaac. Dans la traduction littérale d’André Chouraqui, qui est fidèle au texte hébreu, Dieu dit à Abraham : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va pour toi en terre de Moriah, là monte-le en montée sur un des monts que je te dirai ». (Gn 22, 2) Or, au lieu de « monte-le en montée », on trouve souvent l’expression « tu l’offriras en holocauste » dont Marie Balmary précise qu’elle ne reflète pas la requête de Dieu, mais l’interprétation qu’en fit Abraham puisqu’il était prêt à sacrifier Isaac. Elle ajoute qu’Abraham vécut longtemps « dans un milieu idolâtrique où les sacrifices d’enfants avaient cours »⁸, et la découverte des tombes royales d’Ur, la cité dont Abraham était originaire, appuie son interprétation. L’exemple du premier verset de la Genèse invite à se référer aux versions annotées de la Bible pour tenir compte des nuances grammaticales du texte hébreu, mais la TOB, qui est annotée, utilise pourtant la traduction fautive « tu l’offriras en holocauste » dans le récit de la ligature d’Isaac.
Or, les versions annotées de la Bible et les traductions fidèles au texte hébreu ne permettent pas, à elles seules, de restituer le sens de ce texte, puisque Marie Balmary a noté qu’André Chouraqui, dont la traduction est pourtant correcte, a cru que Dieu demandait à Abraham de lui sacrifier Isaac, car il annote ainsi sa traduction « monte-le en montée » : « Le genre de sacrifice demandé augmente la tension tragique du texte. Il faudra faire monter Isaac sur l’autel, l’égorger et le brûler jusqu’à ce que tout son corps soit réduit en cendres »⁹. Enfin, aux difficultés de traduction et de compréhension du texte hébreu, s’ajoutent celles qui concernent son interprétation et qui sont encore plus complexes.
4 – Le symbolisme biblique
Le récit de la Genèse, dont le premier verset n’est que le titre ou le résumé, débute donc au verset suivant : « La terre était informe et vide », ce qui évoque le début de la Théogonie d’Hésiode : « Au commencement était le chaos ». Les essais de Paul Diel sur les récits grec et biblique des origines, que résument les chapitres suivants, montrent que ces deux récits utilisent le même type de symbolisme et que les critiques justifiées, dont sa lecture du récit grec a fait l’objet, n’invalident pas son interprétation symbolique du récit. Selon Paul Diel, les dieux y représentent des dimensions de l’être humain et leurs conflits reflètent nos conflits intérieurs¹⁰. Le recours à ce type de symbolisme, dans lequel le ciel et la terre représentent en Gn 1 la dualité esprit/matière de l’être humain, élimine les conflits d’interprétation, car la signification attribuée à ces symboles obéit à une logique. Transposée à l’ensemble du livre de la Genèse, l’interprétation symbolique pourrait alors donner accès à la signification profonde de ce livre.
Le fait que les récits grec et biblique des origines utilisent le même type de symbolisme pourrait être le fruit d’une filiation ou d’une source commune, qui seraient alors, là encore, l’Égypte. En effet, selon les biblistes, les Hébreux y séjournèrent quatre siècles, et Moïse, qui les fit sortir du pays, faisait partie des élites égyptiennes, car il fut élevé à la cour du Pharaon. Or, ces élites étaient initiées aux « mystères égyptiens » qui datent de l’époque ramesside et qui, selon Clément d’Alexandrie, « recouraient aux énigmes et aux symboles, parce qu’ils voulaient réserver aux prêtres et aux gouvernants la science des choses divines »¹¹. Et en Grèce, ce symbolisme était révélé lors de l’initiation aux « mystères d’Éleusis » qui, « selon Diodore et d’autres auteurs, proviennent d’Égypte »¹², et dont les épreuves initiatiques sont d’ailleurs décrites dans l’opéra de Mozart, La flûte enchantée, qui les situe, lui aussi, en Égypte.
Les récits grec et biblique des origines sont purement mythiques, ce qui simplifie leur interprétation symbolique, mais la suite du livre de la Genèse est en partie historique comme l’atteste ce commentaire de deux historiens : « En fait, plusieurs textes bibliques montrent que les patriarches ne sont pas des créations littéraires de l’époque perse. Le prophète Amos mentionne les hauts lieux d’Isaac
, c’est-à-dire le sanctuaire de Beer-Sheba… Il en va de même pour Jacob, à cela près que le livre d’Osée indique que sa notoriété est autrement plus grande que celle d’Isaac… L’image d’Abraham dans l’Ancien Testament est plus difficile à saisir »¹³. Comme les récits historiques ne peuvent pas faire l’objet d’une interprétation symbolique, il faut séparer les parties historique et mythique qui sont entremêlées dans l’histoire des patriarches et dans les livres qui décrivent la sortie d’Égypte, l’Exode puis la « conquête » de Canaan, ce qui requiert de comparer ces récits bibliques aux sources historiques et archéologiques.
Dans la Bible, la première référence à un fait historique est donc cette mention de l’édification de la ville de Pi-Ramsès que le « peuple des fils d’Israël » bâtit pour un pharaon, lequel est Ramsès II, qui régna de 1279 à 1213 av. J.-C. Or, l’inscription de la stèle de Merneptah indique que, lors de la 5e année de son règne (en 1207 av. J.-C.), ce successeur de Ramsès II triompha dans le pays de Canaan d’une coalition de peuples dont faisait partie un groupe dénommé « Israël ». La mention de ce groupe évoque ce « peuple des fils d’Israël », dont la Bible décrit la sortie d’Égypte sous la conduite de Moïse, qui les mena jusqu’au seuil du pays de Canaan, dont ils auraient fait ensuite la conquête militaire sous le commandement de Josué. De nombreux auteurs ont donc tenté de reconstituer le noyau historique de ces épisodes bibliques (la sortie d’Égypte, l’Exode puis la « conquête » de Canaan), et une synthèse de leurs travaux¹⁴ est présentée, elle aussi, dans la première partie de cet essai.
Dans la seconde partie, la comparaison des récits grec et biblique des origines montrera qu’en dépit d’habillages mythiques différents, ces récits utilisent le même type de symbolisme dont l’interprétation obéit à des règles. Cette comparaison s’inspire des interprétations symboliques que Paul Diel propose pour les premiers chapitres du livre de la Genèse et pour la Théogonie d’Hésiode. Mais elle revisite sa lecture du récit grec qui fit l’objet de critiques et que le philologue Raymond Trousson rappelle dans un essai consacré au mythe de Prométhée¹⁵. L’interprétation symbolique du récit grec est purement mythique et présente assez peu de difficultés, ce qui permet d’aborder plus facilement celle du livre de la Genèse que l’existence d’un noyau historique rend bien plus complexe. Par ailleurs, la comparaison des interprétations symboliques de ces deux récits permet une validation croisée qui est indispensable.
La troisième partie de l’essai présente donc une lecture symbolique des principaux épisodes du livre de la Genèse, en particulier le récit des origines, ceux du jardin d’Éden, du déluge et de la tour de Babel, puis l’histoire des trois patriarches et de leurs fils. Le récit grec équivalent (la Théogonie d’Hésiode, revisitée et complétée par Eschyle) est purement mythique et sa lecture symbolique décrit des conflits entre des divinités auxquelles se substitue un dieu unique dans le livre de la Genèse, lequel contient par ailleurs un noyau historique. La lecture symbolique du livre de la Genèse et sa comparaison avec celle du mythe grec s’inspirent donc de l’approche présentée par Paul Diel et tiennent compte des critiques justifiées qui ont été mentionnées au paragraphe précédent et qui concernent le récit grec. Bien que ce récit et le livre de la Genèse aient recours à des habillages mythiques qui sont profondément différents, cette comparaison mettra pourtant en évidence le fait que, pris au niveau symbolique, ils décrivent tous deux les conflits intérieurs à l’être humain, dont les désirs d’ordre matériel et affectif sont contradictoires, et s’opposent à un désir d’unité intérieure qui relève du domaine spirituel, de la quête du sens de la vie.
Première partie
Les sources de la Torah
1
La Bible confrontée aux sources historiques
et archéologiques
La trame historique de la Bible débute au 13e siècle av. J.-C. quand un pharaon (Ramsès II) fit bâtir Pi-Ramsès par ceux que le récit qualifie de « peuple des fils d’Israël », et qui sont les descendants du patriarche Jacob. Au début du livre de l’Exode, ce peuple était établi depuis quatre siècles en Égypte où il s’était multiplié, si bien que ce pharaon y vit un danger pour son pays (Ex 1, 8-10). Selon la Bible, il contraignit alors ce peuple à édifier Pi-Ramsès puis ordonna la mort de tous les nouveau-nés hébreux de sexe mâle (Ex 1, 11-21), mais sa fille recueillit l’un d’eux qu’elle nomma Moïse et qu’elle éleva comme un fils. (Ex 2, 5-10) Devenu adulte, Moïse tua un contremaître égyptien qui frappait un ouvrier hébreu et dut s’exiler en terre de Madian pour échapper à la colère du pharaon. (Ex 2, 11-15) Bien plus tard, Dieu se révéla à Moïse et lui dit de retourner en Égypte pour libérer ce « peuple des fils d’Israël » et le mener jusqu’à Canaan, la terre qu’il avait promise aux descendants des patriarches. (Ex 3, 1-10)
Après être sorti d’Égypte en échappant à l’armée du pharaon et après avoir erré quarante ans dans le désert, le « peuple des fils d’Israël », conduit par Moïse, atteignit Canaan, et il aurait ensuite fait la conquête militaire de ce pays sous la direction de Josué. Or, les fouilles réalisées à Cadès-Barnéa, où ce peuple aurait passé l’essentiel des quarante ans d’errance, n’ont révélé aucune trace de ce séjour, et les fouilles réalisées à Canaan montrent qu’il n’y a pas eu de conquête militaire du pays. Elles révèlent par contre que de nombreux villages sont apparus dans les hautes terres centrales de Canaan au milieu du 12e siècle av. J.-C., soit peu après qu’un groupe nommé « Israël » y ait affronté l’armée d’un autre pharaon, Merneptah. Et elles mettent en évidence que les habitants de ces villages étaient des proto-Israélites. L’Exode et la conquête de Canaan ne se sont donc pas déroulés de la façon dont le décrit la Bible, mais ces récits contiennent cependant un noyau historique, puisque la culture proto-israélite est apparue dans les hautes terres de Canaan, peu après qu’y a été attestée la présence d’un groupe nommé « Israël ».
À ces données historiques et archéologiques, il faut ajouter l’analyse que Sigmund Freud présente dans un essai tardif, L’homme Moïse et la religion monothéiste : il a en effet constaté que, dans le récit biblique, les lévites sont les seuls « fils d’Israël » dont les noms sont égyptiens¹⁶. Freud se réfère à un scénario erroné de l’Exode, car il ne disposait pas des données archéologiques actuelles, mais le rôle qu’il prête à ces « lévites » pourrait expliquer que certaines pratiques de la religion égyptienne se soient retrouvées ensuite dans la Torah¹⁷, et que des épisodes mineurs de l’histoire de l’Égypte qui sont intervenus à peu près à l’époque où la culture proto-israélite est attestée dans les hautes terres du centre du pays de Canaan (12e siècle av. J.-C.), trouvent un écho dans le livre de l’Exode. Ces évènements mineurs de l’histoire de l’Égypte, à l’époque ramesside, seront développés aux chapitres suivants.
Les auteurs de La Bible dévoilée ont noté que les fouilles réalisées en Canaan ne révèlent pas « la moindre trace d’invasion violente, ni même d’infiltration d’un groupe ethnique clairement défini », et ajoutent : « Il n’existe aucun moyen de vérifier si une identité ethnique existait vraiment à cette époque. Nous qualifions ces villages des hautes terres d’israélites dans la mesure où un grand nombre d’entre eux sont demeurés occupés jusqu’à la période monarchique sur laquelle abondent les documents, qu’ils soient bibliques ou extrabibliques, attestant que leurs habitants se considéraient clairement comme des Israélites »¹⁸. L’habitat de ces villages, un chapelet de pièces autour d’une cour, traduirait la pratique de l’élevage : « Ce type d’enclos caractérise l’habitat des hautes terres, ou des frontières du désert. Le plan de ce village du Fer ancien I ressemble non seulement aux sites du Bronze et du Fer de la région des steppes, mais également aux campements de tentes des bédouins qu’ont décrits et photographiés ceux qui ont exploré les déserts de Judée, de Transjordanie et du Sinaï ». Ils en concluent : « Beaucoup de ces premiers Israélites étaient… des nomades qui se sont graduellement convertis en fermiers »¹⁹.
Ces auteurs ont imputé l’alternance des phases implantation/abandon des villages de cette région au cours du Bronze ancien, au déséquilibre entre le potentiel agricole local et les besoins des pays voisins. Selon eux, le surplus agricole au Bronze récent aurait entraîné la conversion des fermiers en pasteurs nomades, et son déficit ultérieur justifierait la reconversion de ces pasteurs nomades en fermiers. Et ils ajoutent : « La plupart des Israélites ne venaient pas de l’extérieur de Canaan : ils étaient indigènes. Il n’y a pas eu d’exode de masse en provenance de l’Égypte, et le pays de Canaan n’a pas été conquis par la violence. La plupart de ceux qui ont formé le premier noyau d’Israël étaient des gens du cru, ceux-là même qui peuplaient les hautes terres de Canaan durant les âges du Bronze et du Fer »²⁰. Mais cette théorie des pasteurs nomades qui se seraient reconvertis en fermiers ne fait pas l’unanimité.
Pour sa part, l’archéologue William G. Dever rejette cette théorie, car il la considère incompatible avec le résultat des fouilles réalisées dans les hautes terres centrales de Canaan. Et il justifie ainsi cette incompatibilité : « Il est tout bonnement impossible que la plupart de ceux qui ont occupé la région des collines, et qui ont fini par s’appeler les Israélites, aient été des nomades locaux resédentarisés… Les données démographiques suffisent à le démontrer : les nomades étaient en nombre insuffisant pour justifier la soudaine croissance de la population qui se produisit au XIIe siècle dans les installations de la région des collines »²¹. Selon William G. Dever, ceux qui émigrèrent à cette époque en Canaan dans la région des hautes terres de Canaan et qu’il qualifie plutôt
