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Lol Beltram : les soldats de la renaissance
Lol Beltram : les soldats de la renaissance
Lol Beltram : les soldats de la renaissance
Livre électronique372 pages5 heures

Lol Beltram : les soldats de la renaissance

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À propos de ce livre électronique

« Le souvenir de son amie imaginaire, ces paroles de Berlioz, tout cela commença à ébranler toutes ses certitudes. Les morts parlaient-ils avec elle ? Elle n'arrivait toujours pas à se résoudre complètement à cette idée, mais un doute et un trouble persistant s'installèrent. »À 17 ans, Lol est une adolescente de nature tenace et sarcastique. Ses cheveux coiffés en crête, son piercing et ses Dr. Martens lui valent la réputation de punk au lycée. Orpheline, elle vit dans un mobil-home de banlieue dont elle parvient difficilement à payer le loyer chaque mois. Lol comprend qu'une menace plane au-dessus d'elle lorsqu'elle entend pour la première fois des voix inexplicables, qui parviennent progressivement à prendre possession de son corps. Avec la complicité de ses amis, elle devra faire preuve de courage et d'ingéniosité, allant jusqu'à affronter une armée de « zombies » pour accomplir une quête surréaliste... celle de sauver le monde !Jusqu'où Lol est-elle prête à aller pour se mesurer aux événements surnaturels qui se présagent ?-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie6 avr. 2023
ISBN9788727028330
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    Aperçu du livre

    Lol Beltram - David Louyot

    David Louyot

    Lol Beltram : les soldats de la renaissance

    Saga

    Lol Beltram : les soldats de la renaissance

    Image de couverture : David Louyot

    Copyright © 2023, David Louyot et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788727028330

    1e édition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l’accord écrit préalable de l’éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu’une condition similaire ne soit imposée à l’acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d’Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d’euros aux enfants en difficulté.

    — « Je suis heureux et fier que tu sois né. » (Serge Louyot)

    — « Moi aussi, je suis heureux et fier d’être à jamais ton fils. Toi, c’est aussi moi et moi, c’est aussi toi. »

    Chapitre 1

    Green Phone

    — Suivant ! cria d’une voix haute un bonhomme grand et chétif à la longue barbe rousse.

    C’était une sorte de premier de la classe à chemisette qui voulait se donner un air cool avec son look de hipster aux avant-bras tatoués de roses et à la casquette retournée.

    Lol leva nonchalamment sa main, affichant une mine impatiente.

    Cela faisait près de trois heures qu’elle subissait une file d’attente interminable dans la cour centrale de l’ancienne caserne Niel, rénovée en un temple du développement durable. « Un laboratoire de transition », comme disait la plaquette publicitaire qui l’avait amenée ici.

    Ce vieil édifice de Bordeaux était composé de plusieurs grands bâtiments sur trois niveaux et aux volumes variés qui s’étaient assemblés entre eux depuis 1850. Avec le départ des militaires en 2005, cet endroit devint d’abord rapidement la cour de récréation des vandales et des graffeurs. La nature y reprit aussi ses droits, créant ainsi une friche urbaine. Puis, en 2009, un projet qui se fit appeler Darwin se donna une mission céleste : réhabiliter cette caserne sur un modèle écoresponsable, le tout assaisonné à la sauce « street art » !

    Aujourd’hui, la friche avait cédé la place à des jardins. La pierre, le métal et le bois de la caserne avaient été rénovés et côtoyaient des tags ainsi que des graffitis en tous genres.

    Au milieu de tout cela, peu après avoir passé la grille d’entrée, il y avait un ensemble de constructions au centre desquels se déployait une imposante halle. Sur la gauche, dans un bistro aux allures de réfectoire de l’âge industriel, le visiteur pouvait se délecter d’une bière aux saveurs du développement durable ou éveiller ses sens avec un brunch bio. Au fond, on pouvait accéder ux étages supérieurs en s’engouffrant dans ce que les gens appelaient ici le Vortex, c’est-à-dire une grande passerelle en bois d’échafaudage reliant deux bâtiments de la caserne.

    C’était là que Lol attendait au milieu d’une vague humaine de tous les écolos que comptait la ville. Et pendant trois heures, elle avait eu le temps de les observer : tous ceux qui travaillaient dans le coin paraissaient investis d’une quête presque mystique. Changer le monde et lutter contre le réchauffement climatique devaient sans nul doute être les combats qui les animaient.

    Lutter contre le réchauffement climatique avec de grands idéaux, des tatouages et une touffe de poils sous le menton. Tu parles ! avait-elle alors songé.

    Ce n’est pas nous qui pouvons changer le monde. C’est lui qui nous change en suçant notre espoir et notre foi en lui jusqu’à la dernière goutte.

    En la voyant, le hipster roux la dévisagea avec un mélange de stupéfaction et de répulsion. Mais il se reprit vite.

    Et ça se veut ouvert d’esprit…

    À sa décharge, l’apparence de Lol n’était pas non plus commune.

    — Suivez-moi ! dit-il simplement.

    Puis, en passant la porte du bâtiment dans lequel avait lieu l’entretien, elle le fixa pendant un instant tandis qu’elle lui emboitait le pas.

    Lui, sa femme doit lui balancer tous les matins : « Mon Rutabaga, comme nous dormons bien depuis que nous avons cultivé notre potager, trié nos déchets et installé notre poêle à bois. Va, mon amour. Va sauver l’Humanité à coup de pain bio et de marche pacifique pour le climat en chevauchant tes chaussures en fibres d’ananas ! »

    Le hipster ouvrit une porte en bois recyclé et Lol entra les mains dans les poches dans une vaste salle aux murs en pierres de taille apparentes. Ceux-ci étaient parsemés d’affiches publicitaires colorées, certainement celles de la société qui faisait passer les entretiens. Elles représentaient les contours d’un homme en vert courant devant la Terre vue de l’espace, un smartphone à l’oreille. En dessous de celui-ci, on pouvait lire le slogan « Green Phone. L’éco-système 100 % vert ».

    C’est surtout un slogan 100 % pitoyable, se dit-elle. À combien s’y mettent-ils pour trouver de telles bouses ?

    Le hipster referma la porte pour se tenir devant celle-ci, immobile, les yeux dans le vide, comme si on lui avait ordonné de cesser de faire fonctionner sa matière grise après avoir rempli sa mission. Au centre de la pièce trônait un énorme bureau vert en carton recyclé. Derrière, attendait un Indien aux cheveux permanentés et une femme à la crinière blonde, en jean et débardeur noir, suçant les branches de ses lunettes.

    — Approchez, lança l’Indien, sans même saluer et regarder Lol.

    Celle-ci fit les quelques pas qui la séparaient d’eux.

    — Nom. Prénom. Âge. Profession, demanda l’Indien d’une voix las, ne levant toujours pas la tête.

    — Beltram, Lol. 17 ans. Quant à la profession…, disons que je cherche encore, rétorqua-t-elle sur un ton frondeur.

    Cette réponse dut générer chez lui un intérêt, puisqu’il daigna enfin poser ses yeux sur elle. Il écarquilla alors ceux-ci de surprise en la voyant et l’examina de haut en bas.

    C’était souvent la réaction qu’elle provoquait. Cela aurait pu être à cause de son crâne rasé surmonté d’une crête teinte en turquoise et de son anneau dans le nez. Son look « punk and grunge » des années 1980-1990 aurait également pu être une des raisons, avec ses Dr. Martens à fleurs, son débardeur tie and dye beaucoup trop large et son jean troué. Tout comme son rouge à lèvres fétiche Druidess de la marque « Beauty Bar Baby », d’un bleu noir profond assorti à ses ongles.

    Oui, cela aurait pu être pour toutes ces raisons…

    Mais la plus probable était le vitiligo qui dépigmentait sa peau caramel et métissée. Celui-ci couvrait son corps de taches blanches telle la robe d’un cheval pie. Sur son visage, ces empreintes naturelles et indélébiles cernaient sa bouche et ses yeux de façon quasi symétrique.

    Cette fois encore, ce fut certainement pour cela que l’Indien bloqua sur elle, tout comme la femme blonde. Mais elle s’en foutait comme de l’an quarante.

    — Où avez-vous trouvé notre annonce ? enchaina la femme.

    — Par un gars dans la rue, dit simplement Lol.

    — Un gars dans la rue ? Comment cela ? répliqua-t-elle, interdite.

    — Comment ? Disons que quand je ne suis pas en cours, il m’arrive souvent de passer mes journées dans la rue et de poser mon cul quelque part pour solliciter la générosité des gens.

    — Ah… Vous êtes…, balbutia-t-elle sur un ton teinté de gêne.

    — SDF. C’est cela que vous voulez dire ?

    — Euh… Oui… Non…

    — C’est oui ou c’est non ? Il faudrait savoir, répliqua-t-elle d’une voix provocatrice.

    — C’est oui, grommela-t-elle, pincée par la question de Lol.

    Les lèvres de l’Indien esquissèrent alors un léger sourire.

    — Ok, c’est plus clair du coup. Et pour vous répondre : non, je ne suis pas SDF. Mais en ce qui me concerne, je dirais : « qui s’accommode de sa pauvreté est riche ».

    — Vous citez souvent Sénèque quand vous parlez de vous ? intervint soudain l’Indien, l’air goguenard.

    — Monsieur est un connaisseur. Non, je ne cite pas toujours du Sénèque. J’aurais pu aussi vous balancer : « La pauvreté est un état dont la vertu est la générosité ».

    — Camus ! répondit-il aussitôt comme si c’était un quiz.

    La femme parut quant à elle un peu dépassée par la tournure que prenait l’entretien.

    — Pas mal. Enfin un adversaire à ma taille, répliqua Lol.

    — Et de la générosité ? poursuivit-il.

    — Oui ?

    — En avez-vous ? Vous qui sollicitez celle des autres ?

    — J’en ai, mais elle ne se manifeste pas en espèces sonnantes et trébuchantes. Et vous ?

    — Pour moi, je me réfugierais derrière ce proverbe indien : « Tout ce qui n’est pas donné ou partagé est perdu ».

    — Pas mal.

    — Euh… Raj, on peut reprendre l’entretien ? coupa alors la femme.

    — Oui, désolé, lui répondit-il avant de se retourner vers Lol. Donc, qui était cet homme ? Comment s’appelait-il ?

    — Je ne sais pas, dit-elle. C’était un gars d’une cinquantaine d’années, plutôt mince, les cheveux poivre et sel, habillé branchouille avec son perfecto et son jean slimfit. Surtout, il portait des lunettes de soleil dont l’un des verres, le gauche, était opaque. Avec mon grand sens du discernement, j’en ai donc déduit qu’il était borgne. Mais bref… ça vous parle ?

    — Pas du tout, articula Raj avant de se tourner vers sa collègue. Et toi Sarah ?

    — Rien du tout, répliqua la dénommée Sarah qui reporta ensuite son regard sur Lol. Que vous a-t-il dit ?

    — Pas grand-chose. Je zonais devant l’entrée d’un supermarché et il s’est approché de moi. Il m’a tendu votre plaquette, puis m’a simplement dit : « Rendez vous à 10 heures mercredi à l’endroit indiqué sur cette plaquette. Cela vous sera utile » !

    — Et c’est tout ? !

    — Non, je l’ai d’abord remercié, car je suis polie, mais à vrai dire, sans trop savoir pourquoi au début… puis alors qu’il faisait mine de repartir et qu’il était à quelques pas de moi, je lui ai logiquement demandé (ou plutôt crié) : « Utile en quoi ? Il y a de l’argent à se faire ? » Il m’a répondu : « Bien plus que cela ». Et il s’est évanoui à l’angle d’une rue.

    L’Indien et la femme se regardèrent simultanément, visiblement déconcertés.

    — Et comme je suis curieuse et que j’ai besoin de thune, me voilà ! déclara-t-elle enfin.

    — Je ne vois vraiment pas de quel chapeau sort votre homme, désolé, répondit l’Indien. Ce dont je suis en tout cas sûr, c’est qu’il vous a peut-être un peu survendu ce rendez-vous…

    — Comment cela ?

    — Disons que même si ce que nous proposons a une valeur marchande, vous n’allez pas réellement gagner de l’argent…

    — Là, j’ai le seum. Ne me dites pas que j’ai fait trois heures de queue avec tous ces trous du cul bobo écolos pour que dalle !

    La dénommée Sarah parut froissée par ces dernières paroles. À l’évidence, la formule « trous du cul bobo écolos » ne semblait pas être à son goût. Lol la soupçonnait d’être une de ces âmes chastes et possédées par une cause, s’offusquant aux moindres dérives de langage ou de point de vue opposé au sien. Raj se contenta d’afficher un léger sourire. Lol sentait chez ce gars un tempérament plus fun : il devait faire partie de ces personnes qui étaient sensibles à des esprits excentriques et gonflés comme le sien.

    — « Que dalle » est un bien grand mot, reprit-il. Nous proposons quand même quelque chose d’intéressant. Mais sa valeur pour vous dépend avant tout de votre motivation et votre intérêt concernant la lutte pour la transition énergétique et solidaire.

    — Si c’est vraiment intéressant, il n’y a pas de problème : je suis prête à défendre toutes les causes que vous voulez.

    — Il n’y a donc que l’argent qui vous motive, si je comprends bien, rétorqua-t-il sans se départir de son sourire. Vous n’avez même pas un soupçon d’intérêt pour notre futur sur cette Terre ?

    — Si vous le souhaitez, je peux vous baratiner que je donnerais ma vie pour ça comme tous les gens qui sont en rang d’oignon dehors. Mais je suis honnête avec vous : mon intérêt pour le réchauffement climatique, la pollution et la disparition des doryphores d’Asie centrale est proche du néant. Peut-être qu’un jour, j’aurai le loisir de me consacrer à ce savoureux et pittoresque combat quand j’aurai le cul bien gras et une maison en bord de mer. Cependant, actuellement, ma lutte à moi se résume en un seul mot : la survie !

    — Non, je préfère être sourde que d’entendre de telles conneries. Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles ! s’emporta soudain la femme. Avez-vous conscience que chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants meurent dans le monde ou vivent dans des conditions déplorables à cause des excès de notre mode de vie et des catastrophes climatiques qui se multiplient ? Est-ce que vous vous rendez compte que nous allons droit dans le mur si nous ne trouvons pas des solutions rapidement et si nous ne nous entraidons pas un peu ?

    — Sarah, il est inutile de s’énerver, la calma l’Indien en lui posant la main sur le bras.

    — Oui, il est inutile de s’énerver, répéta tranquillement Lol. Désolée d’avoir amoché vos convictions avec mon sarcasme.

    La dénommée Sarah parut désarçonnée par l’impassibilité de cette dernière puisqu’elle ne trouva rien à répondre. Elle s’attendait sans doute à ce que Lol s’enflamme également. Et effectivement, celle-ci aurait pu lui rétorquer que l’entraide faisait partie de son quotidien dans la rue et qu’elle pouvait se foutre au cul tous ces gens qui vivaient dans des conditions déplorables. Elle aurait pu aussi lui balancer qu’elle était gonflée de se la ramener sur sa lutte contre les catastrophes climatiques assise bien au chaud dans son temple des bobos (de toute manière, n’est-il pas déjà écrit que nous allons tous crever ? pensa Lol. Alors, de ça ou d’autre chose). Mais tout cela n’avait aucun intérêt pour la jeune punk et surtout, elle commençait à se dire qu’elle perdait son temps ici.

    — Bon, est-ce que notre entretien est concluant ? Que je puisse savoir ce que vous avez de si intéressant à proposer, enchaina-t-elle.

    — Concluant n’est pas le mot, articula le dénommé Raj affichant une mine confiante. Mais je pense au terme de cet entretien que vous êtes sans doute la personne idéale.

    — La personne idéale ? Vous êtes sûr ou vous avez abusé de substances illicites ?

    La femme le dévisagea en entendant ces paroles. Visiblement, elle aussi ne comprenait pas pourquoi Lol était la personne idéale.

    Il ricana avant d’ajouter :

    — Oui, j’en suis sûr.

    — Alors, il faut m’expliquer et surtout, enfin me dire ce que vous proposez.

    — Ce que nous proposons est tout simplement un smartphone et nous offrons la première production pour le tester et faire sa promotion.

    À ces mots, Lol éclata de rire avec le plus grand naturel.

    — Un smartphone ! s’exclama-t-elle. Vous déconnez… Aaaah, j’ai compris. C’est une caméra cachée. Quelqu’un va sortir du bureau pour me dire que mon entretien a été filmé pour le bêtisier. C’est cela ?

    — C’est on ne peut plus sérieux, Mademoiselle Beltram, grommela la femme.

    — Ah, ok, tout cela est vraiment pensé… Alors, laissez-moi rire : votre copine, là, me fait un grand speech engagé sur l’altruisme, les excès de la mondialisation et le réchauffement climatique… et pour lutter contre cela, qu’est-ce que vous proposez ? Le truc qui alimente la mondialisation et dont les batteries provoquent des ravages humanitaires et environnementaux. Vous savez quand même qu’il y a des enfants qui crèvent chaque jour pour extraire le cobalt indispensable à celles-ci, non ?

    — Nous le savons. Vous êtes bien renseignée pour quelqu’un dont l’intérêt pour les causes humanitaires et climatiques est proche du néant.

    — Je m’informe, c’est tout. Il n’en reste pas moins que vous êtes des grands comiques. Car vous devez aussi savoir qu’en ce qui concerne l’entraide, ces petits jouets lobotomisent les gens, les rendent narcissiques et les empêchent de voir réellement le monde.

    — «  Nous sommes si présomptueux que nous voudrions être connus de toute la terre » comme l’écrivait Pascal. En tout cas, c’est bien ce que je pensais…

    — Et qu’est-ce que vous pensiez ?

    — Que vous êtes très intelligente et beaucoup plus investie que vous ne voulez le dire. Et vous cachez tout cela derrière votre sarcasme.

    Il affichait toujours la même sérénité et le même calme. Mais ces dernières paroles finirent par faire sortir Lol de ses gonds.

    — Premièrement, arrêtez votre analyse psychologique à deux balles. Deuxièmement, mon sarcasme vous emmerde. Et troisièmement, j’ai juste du bon sens et je vis tous les jours cette saloperie de société qui cultive seulement l’égoïsme et l’indifférence.

    — Pardonnez-moi, je ne souhaitais pas vous froisser. Je voulais simplement souligner de nouveau que vous êtes la personne idéale pour tester notre téléphone. Même si vous ne luttez pas pour une cause à proprement parler, je sens justement qu’en raison de votre âge et votre vécu dans la rue, vous êtes certainement la mieux placée pour être notre porte-parole et pour comprendre pourquoi notre société doit changer…

    — Sauf que je ne vois pas en quoi un téléphone de plus sur le marché le permettra.

    — Parce que ce téléphone est différent. Je m’explique : dans l’entreprise que nous avons fondée – son nom est « Green » – , nous pensons depuis longtemps que pour changer les choses, une lutte frontale, s’appuyant jusqu’à présent sur les ONG, ou encore des accords internationaux comme les sommets de Rio, Copenhague, Paris ou Glasgow sont voués à l’échec face au poids financier et politique des multinationales.

    — Vous m’étonnez !

    — Alors, nous avons choisi il y a trois ans d’utiliser les mêmes armes qu’elles : lancer des produits écologiques et solidaires. Et un smartphone, le produit phare de notre époque, a immédiatement été une évidence pour populariser notre vision des choses et changer les habitudes de consommation. Mais encore fallait-il à ce moment trouver la technologie qui nous permettrait de le faire…

    — Et vous l’avez trouvée.

    — Oui, l’année dernière.

    Il sortit alors d’un tiroir un smartphone à la coque verte et le montra ostensiblement.

    — Le temps de financer la production avec des entreprises locales et respectueuses de l’environnement, nous avons aujourd’hui entre les mains le smartphone éthique qui va, je l’espère, révolutionner le marché, reprit-il. Ses matières premières sont toutes écologiques, ses composants recyclables et ses applications permettent de financer des projets en lien avec le développement durable. Sans oublier les serveurs qui fonctionnent tous à base d’énergies 100 % renouvelables. Et comme la concurrence est rude, surtout depuis la sortie de l’Iris One de la marque Lemon, ce smartphone à lentille de contact, nous avons choisi de le céder gratuitement pour faire sa promotion.

    — Bravo, vous n’avez rien laissé au hasard. Vous devez avoir un sacré matelas de fric pour prendre le risque de ne pas rentabiliser votre investissement de départ.

    — Oui, mais cela n’a pas toujours été ainsi et croyez-moi, je comprends ce que vous vivez actuellement. Mais on peut dire que maintenant, j’ai le cul bien gras et une belle maison comme vous dites. Et cela me permet de prendre ce risque.

    — Ok, tant mieux pour vous. Mais gardez-le quand même votre smarphone écolo. Ce sera sans moi. Bonne chance !

    Lol se détourna d’eux et commença à se diriger vers la porte. La femme et l’Indien se regardèrent, complètement déconcertés.

    — Mais… mais pourquoi cela ne vous intéresse pas ? balbutia enfin ce dernier.

    Lol s’arrêta.

    — Parce que j’ai surtout besoin d’un taf et de pognon et que je n’ai pas envie de servir de rat de laboratoire pour faire la promotion de votre téléphone. De plus, à vouloir jouer le même jeu que les multinationales, vous oubliez un truc : même si votre portable est à fond développement durable, vous allez entretenir cette société de zombies comme les autres. D’ailleurs, vous savez comment j’appelle ces gens avec les yeux rivés sur leur téléphone portable ?

    — Euh… non.

    — Des smombies, un mot formé à partir de zombie et smartphone. Eh bien voilà, malgré toutes vos bonnes intentions, c’est cela que vous allez faire : nourrir tous ces smombies avec un nouveau jouet. Donc, de mon point de vue, vous n’allez pas changer cette société de merde.

    — Et vous qui donnez tant de leçons du haut de vos 17 ans, qu’avez-vous à proposer ? vociféra la femme.

    Lol sortit alors de sa poche son vieux portable à clapet pour leur montrer.

    — Détruire tous ces smartphones et revenir aux choses simples ! rétorqua-t-elle. Un portable, c’est avant tout pour appeler les personnes qu’on aime et savoir comment elles vont.

    Puis, elle passa devant le hipster roux et ouvrit la porte.

    — Allez, à plus ! Peut-être lors d’une marche pour le climat, salua-t-elle avant de quitter la pièce.

    Chapitre 2

    Lol

    — Quelle bande de truffes ! marmonna Lol en repensant à cet entretien et tout en insérant une clef dans la serrure de la porte de son mobil-home.

    Ce n’est pas leur transition écologique et solidaire de mes deux qui va me sortir de la merde.

    Elle jeta ses clefs dans un vieux cendrier jaune Ricard sur l’étagère à gauche de l’entrée.

    Elle regarda l’heure sur le radio-réveil en forme de licorne trainant à côté de son lit. Il était 13 h 13…

    Libère la princesse, lança alors une voix dans son esprit. Elle secoua nerveusement la tête pour l’’évacuer comme un mauvais rêve.

    Cette voix… Cela faisait maintenant quelques jours qu’elle l’entendait par instant. Elle était apparue comme ça sans prévenir. Lol n’aurait pas pu dire si elle était masculine ou féminine. Elle résonnait dans son cerveau comme un songe venu de nulle part et répétait toujours la même chose : « libère la princesse ».

    Libérer quelle princesse ?

    Lol n’en captait pas un minuscule embryon de sens.

    Elle en arrivait à se demander si elle perdait la boule. Mais cela ne lui faisait pas peur. Elle se disait simplement que c’était le fruit de son imagination débordante et de sa capacité innée à avoir un milliard de pensées à la minute. Car il fallait admettre qu’elle avait tendance à travailler un peu trop du chapeau, et ce, depuis qu’elle était toute petite ! Ce fut d’ailleurs en partie pour cette raison qu’elle développa très tôt une avide détermination à devenir un jour écrivaine.

    L’autre raison était qu’elle vouait une passion intarissable pour les livres. Il ne se déroulait pas une journée sans qu’elle se laisse emporter par l’un d’entre eux. Et il arrivait fréquemment qu’elle en dévore certains sans pouvoir s’arrêter, allant même jusqu’à passer des nuits blanches. Elle ne comptait plus les fois où elle vit la pâle lueur de l’aube se dessiner alors qu’elle était dans les bras de J. R. R. Tolkien, Alexandre Dumas, J. K. Rowling ou encore de Fiodor Dostoïevski.

    Les livres lui faisaient oublier qui elle était, lui donnaient l’illusoire sensation de vivre une autre existence…

    Pour l’instant, en tout cas, Lol chassa cette voix de sa tête et reprit le cours de son déprimant quotidien.

    Son estomac produisit soudain un concert de gargouillements rauques. Il lui rappelait qu’elle n’avait pratiquement rien mangé ou bu depuis ce matin à part du thé et un quignon de pain rassis. Elle sortit d’un placard un bol de nouilles instantanées et chauffa de l’eau pour la verser dedans.

    Elle alluma sa télé, un vieux poste Radiola à tube cathodique qu’elle avait déniché dans des poubelles.

    Se succédèrent alors des images de métropoles illuminées, de montagnes verdoyantes, de plages ensoleillées, de monuments historiques… sur un fond musical digne des films d’aventure, rapidement agrémenté d’une voix off joviale et dynamique qui s’exclamait :

    « Êtes-vous prêts à aller dans des contrées lointaines, à fouler le sol de pays que très peu de personnes ont visité, à rencontrer des peuples méconnus aux traditions ancestrales ?

    Cette année, huit équipes venant de pays qui connaissent la guerre, la dictature ou la faim vont se lancer dans la course la plus extraordinaire de leur vie. Durant huit étapes, ces aventuriers vont traverser quatre formidables pays d’Asie.

    Cette année, « Green Card » vous ouvre donc les portes de territoires inconnus et uniques.

    Cette course hors du commun entrainera les candidats à travers quatre incroyables États : l’Inde, le Myanmar, le Népal et la Chine.

    Du Taj Mahal à Hong Kong, les équipes vont vivre une expérience sans précédent.

    Qu’ils aient décidé de vivre l’aventure en couple, en famille, entre amis ou qu’ils ne se connaissent pas, c’est par deux qu’ils vont tenter d’aller le plus loin possible.

    Avec pour seul objectif : être les premiers à rejoindre Hong Kong.

    Pour cette traversée incroyable, les candidats vont avoir pour tout budget un euro par jour et par personne. À chaque étape, l’équipe arrivée en dernière position sera éliminée.

    Les séquences de paysages magnifiques furent remplacées par des images de plusieurs couples avec leurs noms incrustés en bas de l’écran.

    «Parmi ces équipes », ajouta la voix off.

    « Chokri et Maryam. Les sportifs iraniens.

    Bilo et Aboubacar. Les frères guinéens.

    Camel et Leïla. Les jeunes mariés algériens.

    Dahaba et Allassane. L’oncle et le neveu maliens.

    Mohamed et Mustapha. Le père et le fils soudanais.

    Haroon et Fayçal. Les amis afghans.

    Jameson et Dadorie. Les amoureux haïtiens.

    Ilyas et Dana. Les deux inconnus de l’aventure. Lui nous arrive de Lybie, elle d’Irak. »

    Retour sur des séquences de paysages et d’autochtones indiens ou chinois.

    « 8 étapes à franchir, 4 pays à traverser, plusieurs kilomètres à parcourir, et… au terme de ces 16 jours de course, seule une équipe pourra remporter, comme chaque année… l’un des documents les plus convoités au monde, le sésame vers une vie meilleure, une vie sans famine, sans guerre, sans soucis…

    Ce document, c’est… un titre de séjour pour les pays les plus riches du monde !

    Bonjour, c’est Green Card, les territoires inconnus. »

    On a vraiment touché le fond, songea Lol.

    Elle était assise en tailleur sur son lit, principal meuble (avec l’étagère) de ce mobil-home aussi grand qu’une cellule de prison et dont les parois grises devaient avoir été blanches à l’origine. La superficie anecdotique de la kitchenette se partageait l’espace avec le cabinet de douche. Et que dire des toilettes qui se trouvaient à côté du lavabo. Les ridicules avantages de ce logement miteux étaient son loyer « presque » abordable et sa fenêtre qui donnait sur le lac de Bordeaux. Mais que pouvait-elle se payer d’autre dans une ville où l’immobilier avait flambé ? Et ce n’était pas la maigre allocation que lui versaient les services sociaux qui aurait pu lui permettre un appartement décent. Sans oublier que son propriétaire actuel fut le seul à accepter une gamine de 17 ans, sans famille et donc sans garantie.

    Lol était orpheline. Quand elle avait neuf ans, ses parents partirent pour un long voyage aux États-Unis, dont ils ne revinrent jamais. Elle apprit leur mort à la télévision quand le journaliste du 20 h annonça qu’un des moteurs de leur avion du retour avait explosé en plein vol entrainant un crash en plein milieu de l’océan Atlantique. Ce jour-là, toute sa joie de vivre s’envola.

    Sa grand-mère maternelle devint alors sa seule famille. Elle se prénommait Marie, mais Lol l’appelait toujours « Mina », surnom qu’elle s’était trouvé, car elle refusait que sa petite-fille la baptise « Mamie » ou « Grand-maman ».

    — Ce sont les vieilles peaux défraîchies que l’on appelle comme ça, disait-elle parfois à ce sujet avec son franc-parler.

    Ses yeux étaient vert gris, son nez aquilin et sa peau sillonnée de nombreuses rides. Les mèches de sa chevelure argentée encadraient un visage à l’air doux, mais teinté de fierté. Ses tenues étaient bloquées aux années 1970 : longues robes amples, imprimés floraux sur les chemises et

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