L'horripilant destin de l'aventureux Henri Petipoi
Par Louisa Treyborac
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À propos de ce livre électronique
Tout prédestinait Henri Petipoi à un avenir fameux : descendant des lignées des Petipoi et des Piquefleur , il aurait dû se montrer tout aussi glorieux que ses ancêtres : au lieu de cela, il n'enchaîna que déboires et catastrophes ! Les Petipoi n'étant pas du genre à se lamenter sur leur sort, Henri resta joyeux malgré son handicap (je ne vous avais pas dit qu'un horrible tourteau lui avait sectionné le bras gauche le jour de sa naissance ? Non ?) ; il grandit et devint un grand et fort Petipoi, bercé de récits de chasse aux calamars, de découvertes de terres hostiles et d'inventions loufoques...
Refusé sur Le Pourfendeur, le trois mâts affrété par les Grofayo, alors que ses amies, la princesse Simonette Sachette, la mutine Marinette Florette et la craintive Juliette Coquillette, filent toutes trois sur l'imposant navire, il ne baisse pas les bras. (Pardon. Le bras).
S'attendait-il à devoir se mesurer à la marquise Amelya Torrida, la femme-requin, à bord de son sous-marin, le Torrilus ? Oh que non ! Etait-il prêt à mener l'enquête pour découvrir ce qu'était ce S.M.F. dont tout le monde raffolait ? Certainement pas ! Et surtout, surtout, comment allait-il s'en sortir, coincé dans une grotte sous les eaux du Lac d'Or, tandis que la tendre Juliette tentait de venir à son aide avec les sœurs pseudondines (en évitant les voraces gargouillins... je ne vous en avais pas parlé ?). J'ai aussi passé sous silence toutes les horribles péripéties que va vivre notre jeune héros, et comment il va devoir affronter d'affreux personnages, aussi bien sur terre que sous les eaux.
Tout cela, et bien plus, vous le découvrirez par vous même en lisant ce livre, et vous comprendrez pourquoi le titre en est « L'horripilant destin de l'aventureux Henri Petipoi »
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Aperçu du livre
L'horripilant destin de l'aventureux Henri Petipoi - Louisa Treyborac
Prologue
De l’horripilante naissance
de l’individu Petipoi
Il était une fois un bébé à naître dans la ville maritime prospère de Flodemer. Chaque enfant né dans cette exquise cité y était promis à une destinée de voyages et d’aventures. Filles et garçons, grands et petits, tous étaient pionniers dans un domaine ou un autre. Flodemer ne comptait plus les découvreurs de contrées lointaines, les défricheurs de territoires, les conquérants en terres glacées ou torrides, les explorateurs de gouffres profonds, les alpinistes vainqueurs de hauts sommets, les polyglottes et linguistes émérites qui fixaient des langues inconnues, les scientifiques de l’infiniment petit, les entomologistes précis et j’en passe.
Ce fut ainsi que la grossesse de Mylène Petipoi s’annonça sous les meilleurs auspices. Ce bébé descendrait des célébrissimes Piquefleur et Petipoi. Son père, Hector Petipoi et ses grands-parents, Héloïse et Octavius Petipoi, avaient été les découvreurs de la Savane Aride des lions orangés. Ils légueraient à leur descendance petipoitique la ténacité nécessaire pour faire face aux contrées désolées. Côté Piquefleur, l’enfant recevrait en héritage l’art de diriger les géants de la mer contre vents et marées. Augustine et Julius Piquefleur, aidés de leur fille Mylène, n’avaient-ils pas, depuis leurs Grandes Îles Caraïbes, dompté le calmar géant de Boréalie Méridionale avant d’élire domicile dans la cité des aventuriers ?
***
Un événement inattendu survint le jour des fêtes printanières de Flodemer. Tout le gratin de l’agglomération maritime festoyait gaiement le long des quais de l’adorable petit port désuet à souhait, pourtant affublé du pompeux nom de Port Flamboyant. Il y régnait une douceur de vivre sur l’instant que rien ne semblait pouvoir perturber. J’en ai vu d’autres, mais pourtant…
Ce fut alors qu’Hector Petipoi se gratta la fesse gauche, faisant sauter le bouton de la poche arrière de son pantalon. Tandis qu’il fut contraint de se mettre à quatre pattes, absorbé par la recherche du dit bouton, sa charmante épouse Mylène exposait fièrement son ventre rebondi du haut de la jetée, défiant les flots mugissants et le vide à ses pieds. Il s’agit là de préciser qu’elle ne pouvait voir ses pieds que la protubérance ventrue masquait à son regard. Elle ne pouvait donc deviner que le lacet de sa bottine était défait et qu’un crabe s’en était saisi.
Ainsi, Mylène, toute à la contemplation des reflux agités, inspira une grande bouffée d’air marin chargé d’iode et d’embruns. Instantanément, le bébé en gestation se sentit pris d’une frénésie d’exploration, à la hauteur de son héritage génétique, c’est-à-dire très haut… et éventuellement, au-dessus du vide et du néant de la jetée. Dans l’agitation qui s’en suivit, il gigota tant et si bien qu’il fut furieusement expulsé du giron maternel par une poussée explosive qui, s’ajoutant à la force gravitationnelle, l’attira immanquablement vers le bas. Cela tombe sous le sens, me direz-vous.
Dans sa chute vertigineuse hors du corps de sa mère, mais en direction de la mer, le nouveau-né entraîna son ascendance ventrue à sa suite, et ce par le lien du cordon ombilical. La mère et l’enfant furent engloutis par les ondes furieuses à la vue de tous ou presque. Comment exprimer la panique qui en résulta chez ces chers Flodemériens sauf un ? En effet, le distrait Hector Petipoi, qui poursuivait avec assiduité la recherche du bouton de la poche gauche de son pantalon, n’avait rien vu de l’effroyable chute.
Les têtes des naufragés disparurent momentanément sous l’eau, puis réapparurent. La foule, folle d’inquiétude, hurlait. Les mouettes raillaient. Les bouées de sauvetage pleuvaient autour d’eux. Le nouveau-né nageur, issu du liquide maternel et en parfaite confiance aquatique, en saisit une qu’il tendit à sa mère. Il était temps ! Ce prodigieux bébé venait de sauver sa mère qui coulait à pic, car son ventre vide avait commencé à se transformer en aquarium de mer. La malheureuse sentait déjà les petits poissons lui chatouiller l’estomac dans la récente béance remplie d’une écume fraîche.
De son côté le crabe, ballotté de-ci et de-là, avait fini par lâcher le lacet voyageur et se cramponnait au minuscule bras du nouveau-né. Or, ce n’était point un petit crabe ordinaire, mais un infâme tourteau qui, avec sa pince puissante, sectionna le bras gauche de notre héros.
Quelle horripilante circonstance venait d’advenir ! À l’abominable chute en eaux peu profondes, s’ajoutait l’indélicate section d’un membre fort utile, et ce au bout de quelques minutes d’une vie déjà si mouvementée.
Quand Hector Petipoi brandit le bouton retrouvé en direction de Mylène, la jetée était vide. Vingt mètres plus bas, Victor Patot, le jeune maire de Flodemer, paradait, revêtu de sa suffisance et de son blazer vert. Il venait de retirer de la mer l’enfant devenu manchot agrippé à sa mère. C’était un mercredi !
Déjà, le bon docteur Félix Filandre improvisait un hôpital de campagne en bord de quai et intervenait de ses mains noueuses pour tenter de relier le membre sectionné à l’emplacement prévu. Hélas, l’eau de mer avait rongé les tissus et la greffe s’avéra impossible. Le nourrisson resterait affligé de cette mutilation sa vie durant, j’en ai bien peur !
Malgré ceci, l’enfant, après quelques minutes de vie terrestre, sans pourtant avoir mis pied à terre, devint momentanément la coqueluche de la ville. Il avait sauvé sa mère au péril de son bras et à l’insu de son père. Nul ne l’avait encore tenu dans ses bras, nul prénom ne lui avait été donné, mais Flodemer en avait fait sa célébrité de la semaine.
***
De leur côté, les grands-parents étaient consternés. De telles affreuses circonstances n’étaient ni prévisibles ni envisageables. Quel individu manchot pouvait être un héros selon les standards des Piquefleur et des Petipoi, et à Flodemer de surcroît ? Que diraient les voisins Grofayo, dont le fils Udolfo, sans cœur ni cervelle bien qu’à l’âge de raison, était si dodu et bien portant ? Les aïeux du nouveau-né s’étaient réunis pour se décourager mutuellement, au mépris le plus total des épopées qui avaient fait de leurs vies et de leur histoire un ramassis d’exploits extraordinaires.
À l’opposé, contre vents et marées, les jeunes parents Petipoi étaient d’un naturel confiant. Fiers de leur progéniture, conquis par les risettes ravageuses du bambin à l’abondante tignasse soyeuse, ils consolèrent les quatre ancêtres accablés et insistèrent pour que l’enfant porte le prénom prévu de longue date, à savoir Henri. Il faut dire que comme un clin d’œil à son affreuse ablation dont il n’avait qu’une faible conscience, le nourrisson goulu ajoutait à ses rots une adorable fossette unique et sibylline. L’accumulation de détails physiques obstinément singuliers versus binaires conférait à l’individu une marque indélébile unique, celle de l’étrangeté dans son sens originel. Cet Henri Petipoi-là porterait haut les couleurs de la famille, même si sa vie avait débuté par une chute vertigineuse vers le bas.
Le fier père Hector Petipoi claironnait donc haut et fort sa devise familiale familière :
Vers les défis et au-delà !
Quand on touche le fond,
On ne peut que rebondir
Vers de nouvelles aventures.
***
L’enfance d’Henri fut bercée des récits de captures de calmars, de soins aux lions orangés et d’épiques expéditions en des territoires hostiles. Petit à petit et pas à pas, cette devise paternelle devint la sienne. Il faut dire que l’enfant enchaînait les déplacements pédestres avec une agilité peu commune. Faisant suite à une particulière exploration de son monde de façon triangulée à trois pattes, l’acquisition de la verticalité modifia autant la perspective du bambin que sa musculature. Sauts et rebonds succédaient aux plongeons et brasses coulées pour l’infatigable Henri.
— Oh ! Il frétille comme un vrai Piquefleur, murmurait Mamie Augustine.
— Ouh, il gambade comme un authentique Petipoi ! renchérissait Mamie Héloïse.
— Ah, que ses gambettes rivalisent avec les meilleurs palmipèdes ! ajoutait Papi Julius.
— Hé, son corps entier bien qu'amputé semble rivé vers la vitesse ! complétait Papi Octavius.
Quant à lui, Henri rêvait à mille aventures. Il esquissait les cartes de pays imaginaires peuplés de bêtes sauvages. À l’intérieur des chaumières, il nourrissait son âme de lectures édifiantes. À l’extérieur dans le grand vent, il sustentait son esprit de méditations aussi subtiles que grandioses. De ces nourritures célestielles et terrestres, son imagination concourait de ruses pour titiller sa culture généralissime. Dans son cerveau minuscule à l’échelle de l’univers, des mondes enchanteurs prenaient vie. Il y jouait avec de fantastiques animaux exubérants et y terrassait les créatures mythiques nocives et toxiques. Et comment, me direz-vous ? Il se trouve qu’en raison de sa difformité par omission, depuis ce fâcheux mercredi, les stratagèmes de compensation s’avéraient aussi multiples qu’efficaces. Les monstres imaginaires, il les pourfendait tout simplement de son unique bras puissant malgré leurs pinces coupantes, leurs langues sifflantes ou leurs mâchoires proéminentes. Quant au concept de dompter, sa tignasse métissée lui octroyait au quotidien l’entraînement nécessaire à la maîtrise d’une masse rétive. Cette abondante toison crépue hérissait chaque matin son crâne têtu et en aurait découragé plus d’un. Il était armé d’une seule main, mais d’une obstination hors norme. Ses uniques biceps et triceps recevaient leur séance de musculation à la force du poignet.
Un voyage de désagrément
Où les Grofayo
révèlent leur vraie nature
Seize années passèrent au rythme lent des vents et des marées. Apathiques.
Soudain, Lucien et Ida Grofayo décidèrent d’affréter un trois-mâts, le Pourfendeur, pour emmener leur fils Udolfo Grofayo en expédition. Ces riches banquiers flodemériens ne manquaient pas de ressources financières pour mettre en œuvre un projet de cette envergure. Ida avait préparé par le menu tous les détails de l'opération en les notant dans ses nombreux cahiers, carnets, classeurs et autres fichiers qui lui servaient, pour chaque thème de sa passionnante vie, de journal-planeur-à-boulettes. Un projet si bien ficelé ne pouvait que contribuer à la gloire de la famille Grofayo.
Et tout serait consigné pour la postérité !
Les critères de recrutement de l’équipage furent annoncés par affichage public. Henri Petipoi les lut à distance de son œil vert perçant et découvrit qu’il ne pouvait y prétendre à cause de son bras manquant. En effet, un physique parfait était exigé dès l’inscription. Toute la jeunesse de Flodemer ne parlait que d’embarquement et de découvertes. Chacun peaufinait sa plastique autant que sa candidature. De son côté, pensif et égal à lui-même, Henri restait à l’écart, silencieux et ignoré.
***
Hector Petipoi enrageait de la détresse de son cher enfant, mais il ne pouvait rien contre la bêtise humaine. Mylène Petipoi fulminait mais n’avait aucune prise sur le recrutement. Tous deux savaient quelle était la valeur intrinsèque de leur rejeton sectionné, pour qui tout espoir de participer était retranché. Ah, mes amis, la stupidité de l’humanité ! C’était bien là la seule chose que les géniteurs Petipoi se savaient impuissants à combattre. Les lions orangés aux mâchoires puissantes, les serpents géants, les loups-phoques et les mantes-araignées zébrées n’avaient eu raison de lui. Mais la bêtise de Lucien Grofayo était sans limite et sans faille. Un tel voyage ne tolèrerait point à son port un piètre pleutre tel que Petipoi junior, au dire du patriarche affréteur.
***
Il advint donc que l’imposant bateau fut mis à flot avec son équipage florissant, sa cargaison débordante et la bénédiction de Victor Patot, le maire de la cité maritime et lacustre. Plus nostalgique et isolé que jamais, Henri Petipoi cheminait à bicyclette dans la campagne qui avoisinait le lac saumâtre. Il faut dire que depuis l’enfance, il avait fait du vélo comme tout le monde avec les petites roulettes. L’astucieux Henri Petipoi avait ainsi vite réussi à manier le vélo d’une seule main, tout comme il était virtuose du piano à main droite et nez, et possédait la maîtrise unique en son genre du demi-dos crawlé vrillé. Pour le piano, il mémorisait la partition, et son petit nez pointu exécutait la clé de fa pendant que la main droite jouait la clé de sol. Pour la natation, l’unique bras générait un mouvement vrillé qui pénétrait l’eau à la façon d’une corne de narval. Ainsi, il fendait l’eau à la manière d’une perceuse propulsée par ses courtes jambes musclées.
***
Mylène Petipoi était de nature tenace. Elle ne comprenait pas que son fils se soit vu refuser l’embarquement à bord du trois-mâts d’Udolfo Grofayo. Elle ne pouvait oublier l’héroïsme de son fils quand son ventre se remplissait d’eau pour l’entraîner vers les profondeurs aquatiques des eaux portuaires. Son instinct de mère lui soufflait que son rejeton amoindri devait porter en lui la nature des héros familiaux. Elle se devait d’agir en sa faveur, et vite ! Aussi rafistola-t-elle son vieux rafiot, la Vaillance, avec lequel, dans son enfance, sa famille avait dompté le calamar géant. Depuis lors, le vaisseau dormait à quai. Le temps était venu pour lui de reprendre du service. Et s’il fallait en venir à cette extrémité-là, l’animal tentaculaire serait tiré à nouveau des profondeurs abyssales pour la bonne cause. L’obstinée Mylène renouait avec sa ténacité légendaire. Avec Hector et Henri Petipoi, ils partiraient tous les trois à l’aventure, et tant pis pour le qu’en-dira-t-on et les Grofayo. Si je puis me permettre la comparaison, la matrone se commuait en tornade à faire voler les mâts des bateaux.
***
Pendant ce temps, sur la route de la falaise et perché sur son vélo, Henri Petipoi examinait le sillage du Pourfendeur de son œil exercé. Il vit qu’une corde traînait dans l’eau avec négligence. Oh ! surprise, une colonie de tourteaux de mer y était accrochée en ribambelle, sans doute les descendants de l’infâme tourteau de sa naissance. Les Grofayo n’avaient aucune idée du danger qui guettait en tapinois l’équipage à bord. Henri haussa premièrement les épaules, puis se sentit étrangement concerné. Tous ses amis d’enfance séjournaient à bord. Parmi eux voyageaient la princesse Simonette Sachette, la mutine Marinette Florette et la craintive petite rouquine, Juliette Coquillette. S’y trouvaient, ainsi que l’insignifiant Blaise Bleuze, l’importun Sipide Bleurre et le pédant Rodrigo Florette. Qu’allait-il advenir de ces chères aventurières flodemériennes et de ces trublions flodemériens ? Quelle histoire !
C’était sans compter Mylène Petipoi qui avait devancé les déductions de son fils en préparant la Vaillance et les vivres. Ni une ni deux, Hector sortit sur l’instant de sa rêverie chronique. Les Petipoi embarquèrent rapidement. Le rafiot semblait pourtant pédaler dans la semoule, se hâtant avec lenteur au point que des tortues de mer proposèrent de le remorquer sur un bout de chemin.
***
Le Pourfendeur voguait bon train vers le Grand Nord. L’ambiance qui était initialement à la fête et à la bonne humeur ne tarda pas à se dégrader à la mesure d’horripilants incidents dont la quantité était proportionnelle à la fréquence de répétition. Chaque nuit, des voiles étaient cisaillées, des cordes comme mâchouillées, et le gréement un peu plus endommagé. Lucien Grofayo soupçonnait la présence d’un traître au sein de l'équipage, ignorant tout de la traque des tourteaux sournois. Lors d’une escale, il admit à bord le célébrissime détective flegmatique Harry Cover. Celui-ci avait pris sa non moins célébrissime loupe, sans oublier son assistant de toujours, le docteur Eustache Poichiche, pour tenter de résoudre ce mystère. Rien n’y fit. Les malins tourteaux rusaient et les voiles ressemblaient chaque jour davantage à des lambeaux de toiles effilochées. Le trois-mâts se trouva bientôt immobilisé dans les glaces de Boréalie Septentrionale, dans un état aussi lamentable que son équipage devenait pathétique. Un vent de panique soufflait sur la cohorte de marins et d’apprentis aventuriers. Pourtant, l’immobilisation avait provoqué l’arrêt des sournoises attaques. Et pour cause, les tourteaux, pris dans une couche de glace et figés, attendaient patiemment des jours meilleurs.
***
Acharnés à mener à bien une laborieuse navigation, les Petipoi approchaient du but. La Vaillance avait fini par rattraper le Pourfendeur immobilisé et qui ne fendait nul pouce de la muraille blanche et figée qui l’emprisonnait. Il fallait agir, et vite ! Henri Petipoi mit à profit ses heures de perfectionnement de son glorieux demi-dos crawlé vrillé. Au cri de Vers les défis et au- delà ! et armé de son unique bras et de ses jambes musclées, son corps faisait office de brise-glace perforateur pour permettre le rapprochement des deux bateaux. Lorsqu’il dévoila à l’équipage le péril que représentaient les tourteaux pour leur expédition, tous lui rirent au nez, et en particulier le célébrissime Harry Cover. Des tourteaux suiveurs, quelle idée ridicule ! Ce fut du moins ce que nota instantanément le docteur Poichiche dans son carnet de moleskine fétiche qui ne le quittait