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Havana Song
Havana Song
Havana Song
Livre électronique151 pages1 heure

Havana Song

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À propos de ce livre électronique

Un jeune capitaine, voyageur au long cours.
Une mystérieuse inconnue.

L'amour brûle tout.
Il est la passion, le rêve, la démesure, l'enfer et le paradis.
Il est l'ultime voyage, le révélateur de l'âme.
LangueFrançais
ÉditeurBooks on Demand
Date de sortie13 déc. 2021
ISBN9782322389605
Havana Song
Auteur

Anne Bernaville

Anne Bernaville est un écrivain Français née le 24 juin 1967. Installée à Paris depuis 1990, elle a fait carrière dans la publicité, et la presse quotidienne nationale. En 2013, elle se consacre à l'écriture et publie en 2015: " Requiem au soleil" puis " Le mystère du Zéphyr " en 2017, " Corail Noir" en 2019 et "Havana Song" en 2021. Après 2 ans de voyage et de découverte de la vie insulaire, Elle publie en 2024 "La caravelle des jours", son premier recueil de poésies.

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    Aperçu du livre

    Havana Song - Anne Bernaville

    J’ai toujours eu l’impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d’un bonheur royal.

    Albert Camus

    Le paradis, c’est d’être là. Je remonte le sentier côtier. En contrebas, l’océan. Une longue écharpe de brume vient de se déchirer. A travers les pins et les genévriers, je le distingue à peine. Il est bientôt minuit et pourtant tout est clair. Sa beauté me serre le cœur. Sur un rocher de granit, une ombre majestueuse domine l’extrémité. L’écume de nuit disperse ses diamants en suivant le sillage de lune. Je respire. Tout est pur. Le vent du large se mêle aux fougères brulées par les feux de l’été. Au bord du ravin, je reste médusé. Mon sac à dos ne me pèse plus. Un pas de plus et c’est le saut de l’ange. Je me retourne. Un vaisseau de verre défie l’horizon. Un sémaphore.

    Dans la lumière calme du soir, rien ne m’est étranger, ni les fenêtres aux vitres opaques, collées par le sel des tempêtes de l’hiver, ni les grincements de sa grande carcasse de bois et de métal. Je sens venir l’exil, enfin.

    Inexorablement, la mort du monde progresse. Seul son écho lointain résonne encore. Je passe le muret couvert de mousse. Une rafale de vent fait claquer ses haubans immobiles. Le chahut déchire ma solitude. J’avance. Quelque chose s’évapore. La lumière disparait dans la brume. J’ignore tout de ce lieu qui déjà m’attire.

    Rapidement, je fais le tour du vaisseau dont les portes sont cadenassées. Je décide de lancer une pierre contre le vitrail arrière du navire de verre. L’air s’engouffre avec moi. Une joie s’empare de ma tête coupable.

    A la lueur de la lanterne, je découvre une grande pièce drapée de nuit. Le sémaphore semble à l’abandon après l’apogée d’une vie de sentinelle. Une vague odeur de moisissure et de poussière, mêlée au tabac blond, flotte encore dans l’air.

    La paix de ce lieu oublié du monde est partout, dans la pénombre des recoins, dans l’éclat argenté de l’océan, dans le silence à peine troublé par les cris des oiseaux.

    Inquiet, fébrile, je dépose la lanterne sur la table ovale près du vieux poêle puis retire la housse d’un fauteuil club au cuir craquelé par le temps, qui ne compte plus.

    Dehors, un papillon de nuit s’écrase contre la vitre, piégé par la lumière artificielle. Peu à peu, ma colère s’évanouit. Je pense à ses ailes qui ne lui servent à rien. Non. Il ne rentrera pas. Je déchire un bout de carton pour colmater la brèche dans la vitre. D’un battement, le papillon s’éloigne dans l’obscurité.

    Le silence revient. Je songe. Le sémaphore n’est plus abandonné. Il sera ma dernière demeure. Ici, personne ne me retrouvera. Je renverse mon sac sur la table.

    Il me reste juste de quoi survivre. Un quignon de pain, du jambon fumé et une bouteille de vieux rhum. Une grande rasade réanime mes veines, mon corps encore transi après des heures de nage, à lutter contre les courants glacés. Sous un filet d’eau chaude, je passe d’abord ma tête, puis la lame de mon couteau de poche. Je ne comprends toujours pas d’où vient ce sang séché. Peut-être, d’une ancienne blessure. Debout, chancelant, face à l’obscur océan, je dévore les vestiges du ciel.

    Une pluie fine me brouille la vue, à moins que ce ne soit les premiers ravages de l’alcool. J’ai encore soif. Je bois chaque gorgée parfumée de soleils lointains.

    La liberté retrouvée fait revenir l’horizon. J’ai toujours la même sensation. Là où je suis, quelque chose me répare. Maintenant, je sais. L’océan. C’est lui qui me sauve pour le temps qu’il me reste à vivre. J’ai fait table rase d’hier, de la beauté du geste, de la fille sublime pour laquelle on tue pour un regard.

    Ce soir, je suis épuisé mais ma volonté d’en découdre reste intacte. Je n’ai plus besoin de cette incorrigible espérance. Etrange, ce sentiment de légèreté depuis que tout est perdu, depuis que j’ai quitté l’autre monde. Au loin, un voilier traverse tel un vaisseau fantôme l’onde liquide.

    Peu importe si elle était sincère ou non. Je l’ai fait. C’est tout. Depuis, j’ai tout oublié. La violence infinie reste mon dernier souvenir. Echoué sur cette île, il est impossible que je sois encore vivant. Pourtant, le feu qui coule dans mes veines me le rappelle sans cesse. Affalé dans ce fauteuil, anesthésié par l’alcool, je me concentre sur l’arme blanche posée sur la table. Il me semble qu’elle est ma seule véritable amie. Il faut que je me concentre. Faire cet ultime effort. Remonter le fil des évènements, au risque de découvrir au passage, la victoire ou la défaite.

    J’allume un feu avec les dernières bûches humides qui trainent près du poêle. Des coupures de journaux datant du siècle dernier, c’est-à-dire de janvier, me servent de combustible. Des bribes de souvenirs embrasent mon âme. Des hurlements, une meute de chiens lancés à ma poursuite, des sirènes hurlantes, des brigades lancées à mes trousses.

    Longtemps, j’ai couru à travers les plaines, les champs, en plein soleil, franchi les lits des rivières asséchées, parcouru les chemins des hameaux tabassés de chaleur, tapi dans l’ombre des sous-bois. Je ne suis qu’une bête traquée, crevant de faim, de soif. Pourquoi ? Pour rien. Un regard, un seul.

    Je suis vivant mais mort. Près de mon linceul d’écume, les grondements incessants des récifs laminent ma tête. J’y suis. Je me souviens. Le soleil est mort ce jour-là.

    Un train de nuit filant vers l’Ouest.

    Je croise son regard furtif. Belle et solitaire, elle rêve. Un livre ouvert, posé sur la réglette, ses grands yeux noirs me dévisagent. Il est impossible de soutenir son regard. Je tremble mais j’ignore déjà la peur. Je ne sais pas ce qu’il va advenir. Et je m’en fiche royalement.

    Elle se lève et descend du train. Sur le quai bondé, elle se retourne et m’observe d’un air grave. Je la rejoins. Nos yeux sont des poignards. Le piège se referme. Elle pose ses lèvres sur les miennes et s’enfuit en courant. J’entends son rire qui résonne dans le hall. Son écho me transperce. Je dévale les escaliers. Il est trop tard. Elle a sauté dans un taxi.

    Quelqu’un me tape sur l’épaule. Je ne me retourne pas. Hypnotisé, je préfère suivre la voiture.

    Il est midi mais il fait nuit. Je ne la reverrais plus.

    Une voix impérieuse se rapproche qui déjà m’exaspère. Qui ose troubler la vision d’un ange ?

    Un type en costume, coiffé d’un chapeau de paille, soutenu par une canne esquisse un rictus. Je grimace. Je ne veux surtout pas l’écouter. Je sais ce qu’il veut. On ne négocie pas avec le diable.

    Le feu s’éteint. Les dernières braises de l’âtre ne seront bientôt plus qu’un tas de cendres. Une grande lassitude m’envahit. Allongé sur le vieux canapé, la tête dans le ciel constellé de doutes, je m’égare. La lune me gouverne à distance. Mon âme perdue se disperse dans la forêt d’étoiles. Il n’y a plus rien à comprendre de cette nuit sauf de sombrer dans un sommeil profond.

    Malgré la fatigue, je veille. L’esprit toujours en alerte, seul dans mon vaisseau de verre suspendu dans les airs me revient le gout de ses lèvres.

    Un gout d’heure incertaine.

    Son parfum oriental d’iris, de vanille et de musc mêlé à la fleur d’oranger, m’ensorcèle. Je replonge en arrière. Comme une douce fêlure dans la muraille du temps. Sculpté dans le marbre du malheur, son dernier sourire. Trois heures du matin.

    Un grand bruit fracasse le silence. Je me réveille en sursaut. J’avais donc sombré. Ce vacarme tonitruant, c’est lui. L’océan. Eternellement. Ses vagues se brisent contre les rochers. Déchainé par ses grandes marées, il menace même le sémaphore. Son tumulte me rappelle que tout se brise mais recommence jusqu’à la fin des temps.

    Son chahut me donne un semblant de courage. Je me relève. Dans la cuisine, je déniche du café soluble. Noyée de rhum, la tasse de fer blanc qui frémit sur les braises, me tient en vie en attendant l’aurore.

    L’aube a relevé ses filets. C’est une sirène aux écailles d’argent. A perte de vue, ses fiançailles à la splendeur, la surface de l’océan froissée par le vent, la majestueuse falaise de granit, l’envol des oiseaux migrateurs.

    Le soleil d’or cire l’horizon. L’été poursuit les ombres jusqu’au fond des sous-bois, brûle les jeunes fougères, s’acharne sur les fleurs

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