With our love - Les racines de Léonard
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Aperçu du livre
With our love - Les racines de Léonard - Germain Le Boulaire
With our love
Germain Le Boulaire
With our love
Les racines de Léonard
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02772-2
À ma famille, à mes amis.
Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé.
LOUIS ARAGON
Les mains d’Elsa (Extrait)
Toutes ressemblances ou similitudes avec des personnages ou des faits existants ou ayants existés seraient purement fortuits.
Bretagne Sud
Kervarech – Juin 2012
Kervarech – 19 h 00
Cette fin de journée du mois de Juin 2012 est particulièrement douce. La mer est calme, aucune ride à sa surface, le bleu azur de l’eau est zébré de quelques touches orangées orchestrées par le jeu du soleil avec l’océan.
Léonard assis sur un rocher face à la mer regarde sa montre ; 19 h 00, bientôt l’heure de diner pense-t-il, mais il n’est pas pressé, après tout il est seul en ce moment dans sa maison, il n’a pas de contraintes horaires et il a envie de profiter de ces heures de calme en harmonie avec l’immensité de l’océan. Il laisse son regard vagabonder vers le large. Il aime regarder le soleil rouge sang glisser lentement dans l’océan.
Il écoute le bruit des courtes vagues qui viennent mourir sur cette plage de sable fin, où quelques mouettes accompagnées de trois goélands et de tournepierres à collier, fouillent au milieu d’algues échouées sur la grève, se délectant de crevettes et minuscules animaux vivant dans la laisse. Il suit le va et vient de ces oiseaux, écoute leurs piaillements de plaisir. Son regard va de la plage à l’horizon.
Au loin, l’ile Dumet rougeoyante semble comme posée sur l’horizon, proche, a portée de main. Un voilier passe le long de sa côte, peut-être ira-t-il mouiller tard dans la nuit au large des iles d’Hoëdic, Houat ou bien Belle-Île.
Il se sent bien, serein. Il a pris sa retraite depuis une année et coule des jours agréables dans sa maison qui jouit d’une superbe vue sur la baie de Pen Kerdir. De cet endroit, il peut surveiller son voilier qui mouille six mois de l’année dans le petit port d’échouage, au milieu des bateaux des autres résidents du village.
Cette maison, il l’a faite construire il y a quelques années, sur un vaste terrain acheté sur un coup de cœur. La vieille masure qui trônait au milieu des chênes et des pins a été rasée pour faire place à une construction plus moderne. Dotée de grandes baies vitrées sur toute sa façade côté mer, elle s’intègre parfaitement dans le paysage local.
Léonard s’était décidé pour une construction bioclimatique afin de respecter au mieux l’environnement, améliorer l’état de la planète et contribuer au bien-être futur de ses enfants et petits-enfants. Ceci faisait que l’habitation était très confortable, agréable à habiter et peu consommatrice en énergie, même les jours de tempête où le vent venait frapper avec violence les grandes baies vitrées et que l’écume des vagues noyait la terrasse de bois blond.
Il aimait ces jours particuliers lorsqu’un avis de grands frais était annoncé. Alors, il s’installait dans son fauteuil planteur de rotin et de teck devant les grandes baies face au large et passait un temps infini, une thermos de thé à la menthe forte à portée de main à se laisser emporter par la fureur des éléments.
Mais aujourd’hui la tempête est loin. La douceur de ce début d’été prometteur et le calme de l’endroit sont propices à la méditation, à la réflexion.
Léonard se lève, descend sur la plage, marche sur le sable au bord de l’eau et se dirige lentement vers la digue qui délimite le mouillage, puis s’engage sur les pierres disjointes de celle-ci. Arrivé au bout, il s’assoit sur les roches chaudes, s’adosse au piquet vert surmonté d’un cône qui indique le balisage d’entrée du port. L’eau vient effleurer ses pieds qui pendent dans le vide. Il regarde sa montre et se dit qu’il est l’heure de la marée haute. Celle-ci va commencer à redescendre. Dans six heures ce sera marée basse et six heures plus tard à nouveau marée haute. Le cycle immuable des mouvements de l’océan cadencé par l’influence gravitationnelle de la lune.
Ses pensées s’en vont vagabonder et petit à petit son esprit l’entraine vers son passé. Là, ressurgissent les doutes, les questions ; sur ses racines, ses origines, de ce qu’a été sa vie, de ses bonheurs, mais aussi de ses manques, des parties inconnues qui l’empêchent parfois, peut-être de plus en plus fréquemment d’être pleinement heureux. Finalement, qui est-il réellement ? D’où vient-il ?
Ce qui a réveillé ce besoin d’en savoir davantage, est cette photo découverte dans les papiers de sa mère après son décès en 2009.
Une photo en noir et blanc, où l’on voyait une très jolie femme tenant dans ses bras un bébé vêtu d’un ensemble blanc en tricot, manteau, bonnet et chaussons. Quoi de plus banal que cette image de Léonard dans les bras de sa mère, si ce n’était qu’au dos était écrites une date ; « 1951 » et cette phrase en anglais ; « With our love ».
Au début il n’y avait pas prêté attention, mais le temps passant, il avait réfléchi longuement au sens de cette inscription, ce qu’elle était censée indiquer et qui l’avait écrite. L’écriture était belle, des lettres bien formées, amples, mais il lui était difficile de savoir si c’était bien tracé de la main de sa mère. Il avait bien tenté de faire des comparaisons de calligraphie avec les rares échanges de courriers qu’il avait eu au cours de sa vie avec elle, mais aucune certitude ne venait affirmer qu’elle en était bien l’auteur.
Mais alors, qui avait bien pu écrire ces quelques mots d’amour et pourquoi sa mère qui avait déjà trois enfants, aurait-elle pu tracer cette expression forte en sentiments et privilégier un amour particulier à ce quatrième rejeton ?
Ces trois mots ; « avec notre amour » pouvaient avoir plusieurs sens :
« Soit c’était sa mère qui les avait écrits et ainsi elle indiquait au père de Léonard qu’elle tenait le fruit de leur amour dans ses bras ».
« Soit c’était lui, le père de léonard qui avait pris cette photo et indiquait à sa femme qu’elle tenait leur amour dans ses bras ».
D’après ce qu’il en savait, à sa naissance le couple battait fortement de l’aile, il était proche de la rupture et donc cet échange de sentiment lui paraissait difficilement plausible.
Alors, quelle était la réalité ? Qui aurait pu être l’auteur de ces mots ?
Il avait décidé ce jour-là de faire toute la lumière, même si cela ne semblait pas être une mince affaire, il devait s’atteler à terminer ce travail de recherche concernant ses origines qu’il avait plus ou moins entrepris vers la trentaine. Maintenant, après deux années pendant lesquelles il avait réfléchi, fouiné, enquêté, il pensait avoir trouvé une partie de la vérité qui semblait corroborer les confidences que sa mère lui avait faite un jour de juillet 1964.
Ce soir c’était le bon moment, l’instant de refaire le point. Au bord de l’eau, dans la douce chaleur de cette soirée, il sut qu’il allait revivre une partie de sa vie. Il ferma les yeux et se laissa emporter par le flot des images.
PARIS – 15 FÉVRIER 2009
La rhapsodie in blue de George Gershwin réveille Léonard en sursaut !
Il regarde les chiffres qui brillent devant ses yeux : 06 h 00 du matin ! D’un geste rapide, geste d’automate, il appuie sur le bouton pour arrêter la musique de son radio réveil. Comme à son habitude, il sort rapidement de son lit. Il a horreur de paresser et aime se lever de bonne heure. Comme le dit l’expression populaire « le monde appartient aux gens qui se lèvent tôt » et il est plutôt d’accord avec cet adage. Il aime ces petits matins, à l’heure du laitier, le moment où beaucoup de gens dorment encore, il a l’impression que le monde lui appartient ! Il a toujours été quelqu’un pour qui le sommeil est signe de temps perdu. C’est pourquoi il dort le juste nécessaire, mais cela ne lui est pas difficile car de par sa nature il n’a pas un besoin important de repos, il récupère vite.
Physiquement mince, il est doté d’une constitution qui le maintient en quasi-permanence sous pression. Le stress positif le fait toujours aller de l’avant, l’aide à se dépasser, peut-être poussé d’une certaine façon par un besoin de reconnaissance permanent !
A cette époque, il réside en région parisienne et les temps de trajets lors de ses déplacements sont tributaires des nombreux embouteillages qui se créent dès le matin. Ceci le booste pour ne pas trainer, car quelques minutes de retard au départ peuvent se révéler catastrophiques et générer une galère genre parcours du combattant pour parvenir à destination. Justement, ce matin il a un avion à prendre à l’aéroport d’Orly pour assister à une conférence sur l’environnement à Toulouse. En tant que reporter free lance, il ne peut pas se permettre de rater ou bien d’arriver en retard à cet exposé, il y va de sa crédibilité et de son professionnalisme. Et puis, en tant qu’indépendant, il doit assurer les rentrées financières, il y a les factures à payer, les charges diverses et le salaire de sa collaboratrice. Donc la pression, il connait, il vit avec et à force cela devient un peu comme une forme de drogue.
Sitôt levé, passage à la salle de bains sous une douche très chaude pour la mise en forme de la journée, puis un peu de mousse sur les joues et la lame du rasoir qui crisse sur les poils de sa barbe de deux jours, un peu d’après-rasage pour atténuer le feu sur la peau.
Pour ne pas réveiller Estelle sa compagne qui dort, il descend le plus discrètement possible et comme à son habitude dans le noir. Il a conservé de son enfance ce plaisir de se déplacer lumières éteintes. Il se souvient que dans la grande maison de ses grands-parents, il laissait ses mains le guider dans la pénombre, il suivait les murs du couloir, reconnaissait les contours de chaque porte et des tableaux accrochés aux parois, il évitait les bibelots posés sur la petite console de bois travaillé posée contre le mur du couloir de l’étage.
Atteignant le bas de l’escalier, il sent une masse de poil chaud venir se frotter contre sa jambe. Il reconnait la chatte aquarelle qui vient comme chaque matin réclamer ses croquettes. Dans l’obscurité il voit clignoter une petite lumière verte, son téléphone portable lui fait signe ! Certainement un message pense-t-il !
Il se saisit du mobile, appuie sur la touche pour activer l’écran ; « Tiens un message de ma sœur reçu à 05 h 15 ce matin ! ». Il repose le téléphone tout en se disant qu’il lirait le « S. M. S » plus tard dans sa voiture. Aquarelle continuant son manège, miaule et se frotte le long de ses jambes.
« Tu es une grosse mémère tenace et casse-pieds lui lance t-il, je sais, je sais, tu as faim, tant que tu n’as pas ce que tu veux, tu ne lâches pas ! D’ailleurs, tu as toujours trop faim, tu es énorme avec un ventre qui traine presque sur le sol, ce n’est plus un estomac que tu as, c’est un sac à croquettes, il va falloir faire régime la miss ! ».
Tout en se saisissant du sac d’aliment pour animaux et en remplissant la gamelle, ses pensées reviennent au message de sa sœur. Un sentiment étrange le parcourt, comme l’impression désagréable d’une mauvaise nouvelle.
Il ouvre les volets de la cuisine, du salon et de la salle à manger. La température le saisit. Il fait particulièrement froid par ce matin d’hiver. Du givre couvre l’herbe de la pelouse, les branches des arbres dépourvues de feuilles sont blanches et scintillent sous la vive lueur de la pleine lune. Il songe qu’il va devoir gratter les vitres de sa voiture avant de partir et voilà encore quelques minutes de retard peste-t-il.
Se dirigeant vers la cuisine pour préparer son petit déjeuner, il se saisit en passant du portable posé sur le piano et tout en mettant en marche d’une main le four micro onde pour réchauffer son bol de café, il active de l’autre main la messagerie puis prend connaissance du court texte :
« Coucou mon frère, notre mère est partie ce matin vers 05 h 10, l’hôpital m’a appelé pour me prévenir que tout était fini. Je te rappelle plus tard, courage. Bisous ».
Un léger frisson le parcourt, une sensation bizarre pénètre son corps sous l’effet de la surprise, puis tout à coup il ne ressent plus rien, son esprit est vide, il ne pense à rien, alors ses yeux s’humidifient, à nouveau des images de sa mère défilent, furtives devant ses yeux et il se sent tout à coup un peu comme orphelin.
Orphelin ! Pourquoi cette pensée vient-elle spontanément à son esprit ?
Peut-être que oui, bien qu’il ait eu des parents, qu’officiellement il existait, il avait un nom ! Leblanc, déclaré par ce père qu’il n’avait jamais connu, embrassé rarement par une mère absente, pas maternelle, qui s’était empressée d’être trop occupée dans sa vie pour s’éloigner de ses enfants, en confiant à d’autres le soin de s’en occuper et ainsi de pouvoir vivre sa vie.
Léonard se demande ; Est-ce cela être orphelin ? Non les vrais, ceux qui ont le statut réel sont plus à plaindre que moi, ils n’ont pas de noms, pas de racines, pas d’ancêtres, pas de repères. Moi, malgré tout, malgré ce manque de la part de mes parents, j’ai été aimé par des grands-parents qui m’ont élevé, qui m’ont donné tout leur amour et construit autour de moi ce que j’estimais être ma famille.
Et pourtant, par moments il aimait se considérer d’une certaine manière comme un orphelin. Il se laissait aller à se complaire dans ce statut. D’ailleurs bien longtemps, il avait occulté cette différence de normalité et enfant il en avait même fait un atout pour son image vis-à-vis des autres. Et puis les années passants, l’âge avançant, arrivant à l’automne de sa vie, peut-être avait-il comme certaines de ses connaissances, eu le besoin d’en savoir plus sur son passé. Alors il s’était dit que comme elles, on se retourne et on regarde en arrière tentant d’imaginer ou de recréer un impossible vécu, ou bien une enfance qui nous arrange, enfance que l’on souhaiterait avoir traversée. Mais jamais on ne peut modifier le passé si ce n’est dans les rêves que l’on fait la nuit. Là, on fantasme, on délire, on réalise et se projette un film qui commence en noir et blanc, articulé autour de ses douleurs, de ses manques et se poursuit en technicolor dès qu’il est question de ses joies, bonheurs et satisfactions que nous donne la vie.
Alors il décida ce jour-là, que le temps était venu pour lui de repartir à la recherche de la vérité, de la partie de