La vision et l'harmonie des couleurs: Nouveaux regards
Par Yves Morvan
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À propos de ce livre électronique
Il semble que la question de l’harmonie colorée, pour les théoriciens, les enseignants et les spécialistes des sciences humaines, ait été réglée, une fois pour toutes, par Chevreul au XIXème siècle. Du moins, pour la plupart d’entre eux, car quelques auteurs contestent, à juste titre, la validité de la tyrannique « loi des complémentaires » de Chevreul, tandis que d’autres la défendent. Cet essai tente d’en finir avec les différentes opinions en proposant un modèle unique d’harmonie. Valable dans tous les cas d’associations de couleurs, ce nouveau modèle est basé sur la dualité des couleurs complémentaires.
Découvrez un essai qui, pour en finir avec les différentes opinions concernant la loi de Chevreul, propose un modèle unique d'harmonie.
EXTRAIT
Puisque chacun de nous est à la fois semblable et différent des autres, que vaut-il mieux développer en nous ? Les qualités qui nous rapprochent, ou bien celles qui nous éloignent ? Voilà posée la question de l’artisanat et de l’art.
Le domaine des inventions plastiques, qui est celui de l’artiste créateur, restera, en principe, hors du propos de cette étude. Cependant, il sera parfois abordé pour mieux faire comprendre ce qui sépare l’artiste de l’artisan, l’œuvre d’art de l’œuvre artisanale ; quoiqu'en réalité, les critères de l’artisanat et de l’art soient, le plus souvent, associés et complémentaires.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Professeur agrégé d’Arts Plastiques, Yves Morvan, né le 13 janvier 1932 à Uzel (22) est également restaurateur d’œuvres d’art, agréé par les Monuments Historiques (médaillé de l’Académie d’Architecture de Paris) et auteur de nombreuses publications.
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La vision et l'harmonie des couleurs - Yves Morvan
Table des matières
Résumé
La vision et l’harmonie des couleurs
BIBLIOGRAPHIE
Résumé
Il semble que la question de l’harmonie colorée, pour les théoriciens, les enseignants et les spécialistes des sciences humaines, ait été réglée, une fois pour toutes, par Chevreul au XIXème siècle. Du moins, pour la plupart d’entre eux, car quelques auteurs contestent, à juste titre, la validité de la tyrannique « loi des complémentaires » de Chevreul, tandis que d’autres la défendent.
Cet essai tente d’en finir avec les différentes opinions en proposant un modèle unique d’harmonie. Valable dans tous les cas d’associations de couleurs, ce nouveau modèle est basé sur la dualité des couleurs complémentaires.
Professeur agrégé d’Arts Plastiques, Yves Morvan, né le 13 janvier 1932 à Uzel (22) est également restaurateur d’œuvres d’art, agréé par les Monuments Historiques (médaillé de l’Académie d’Architecture de Paris) et auteur de nombreuses publications.
Yves Morvan
La vision
Et
l’harmonie des couleurs
(Nouveaux regards)
Essai
ISBN : 978-2-35962-7267-5
Collection : Les savoirs
Dépôt légal mai 2015
© couverture Ex Aequo
© 2015 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
SOMMAIRE
PRÉFACE 11
INTRODUCTION 13
PREMIÈRE PARTIE 17
LA VISION DES COULEURS 17
Chapitres de 1 à 6 17
CHAPITRE 1 / L’HOMME STANDARD ET L’ARTISTE 19
1.1 - ESPÈCE HUMAINE ET OBSERVATEUR STANDARD 20
1.2 - ART ET SCIENCES - ARTISTES ET ARTISANS 21
CHAPITRE 2 / LA LUMIÈRE BLANCHE 25
2.1 - LA LUMIÈRE AVANT LA VISION 26
Les courbes de sensibilité de l’œil humain : voir planche I 27
2.2 - LUMIÈRE INCIDENTE ET LUMIÈRE RÉFLÉCHIE 30
2.3 – LE PRINCIPE DE COMPLÉMENTARITÉ 31
2.4 BUT DE LA VISION 32
CHAPITRE 3 / VISION ET PERCEPTION 34
3.1 - DIFFÉRENCE ENTRE VISION ET PERCEPTION 34
3.2 - VISION COURANTE ET VISION FIXE 36
Vision courante 38
Vision fixe 39
3.3 – LES LIMITES DU SYSTÈME VISUEL 40
3.4 - UNITÉ ET DOMINANCE 43
3.5 – AUTRES PRINCIPES DU VIVANT 46
CHAPITRE 4 / LA COULEUR 49
4.1 - DUALITÉ DE LA COULEUR 50
Le principe de rétroaction négative 54
4.2 - DIRE QU’UNE FLEUR EST ROUGE… 56
4.3 - COULEUR ET SENSATION COLORÉE 58
Surfaces et sensations colorées 61
Vitesse et sensation colorée 63
Couleurs chaudes et couleurs froides 64
4.4 – SATURATION ET DÉSATURATION 65
4.5 - COULEURS BLANCHES ET COULEURS NEUTRES 67
Jokers, fatigue et zone de repos 71
4.6 - COULEURS EN SOI (IN SE) ET COULEURS EN SITUATION (IN SITU) 73
4.7 – LES COULEURS NÉGATIVES 75
CHAPITRE 5 / LES VOIES OPTIQUES 77
5.1 - DE L’ŒIL AU CERVEAU 78
5.2 - L’ŒIL 79
La rétine 80
Les pigments photosensibles 83
La fovéa 84
Les ganglionnaires 85
Le nerf optique 86
5.3 - LE CERVEAU 87
Spécificités du cerveau 89
5.4 – LES LIMITES DU CERVEAU ET PRINCIPE D’UNITÉ 90
CHAPITRE 6 / LES MÉCANISMES DE LA VISION 93
6.1 - ÉQUILIBRE - ÉGALITÉ - ÉQUITÉ 94
6.2 - SIMULTANÉITÉ ET SUCCESSION 96
6.3 – FATIGUE, RÉGULATION ET CONFORT VISUEL 98
6.4 - L’ŒIL COMPARE 101
6.5 - ACCOMMODATION ET ACUITÉ VISUELLE 102
6.6 – LES MOUVEMENTS OCULAIRES 108
Le micronystagmus 109
DEUXIÈME PARTIE 111
L’HARMONIE DES COULEURS 111
CHAPITRES DE 7 À 12 111
CHAPITRE 7 / PLAISIR ESTHÉTIQUE 113
ET PLAISIR ARTISTIQUE 113
7.1 - PLAISIR ESTHÉTIQUE 114
7.2 - PLAISIR ET BEAUTÉ 115
7.3 - ART ET HARMONIE 115
Le décalage 117
7.4 - BONHEUR ET LIBERTÉ 118
7.5 - INTENSITÉ DU PLAISIR 119
7.6 - GOÛTS ET MODE 121
CHAPITRE 8 / LE MÉLANGE DES COULEURS 125
8.1 – NOTIONS ET TECHNIQUES DE BASE 126
8.2 – COULEURS PRIMAIRES ET BINAIRES 126
8.3 - COULEURS COMPLÉMENTAIRES 128
Les complémentaires indirectes 131
8.4 – TRICHROMIE ET TETRACHROMIE 133
Cercle et étoile chromatiques 135
8.5 - MÉLANGES DES COULEURS 138
Synthèses additive, soustractive et mixte 138
Mélange et juxtaposition 140
Mélange pigmentaire 140
Mélange optique 140
Glacis et transparence 142
8.6 - DIVISIONNISME ET PIXÉLISATION 144
8.7 - LE GRISAILLEMENT DES IMPRESSIONNISTES 145
CHAPITRE 9 / DÉFI ET DÉFINITIONS DE L’HARMONIE 149
9.1 - DÉFINITIONS CLASSIQUES 150
9.2 - NOTRE DÉFINITION DE L’HARMONIE COLORÉE 153
9.3 - LE DÉFI – RECHERCHE DE L’UNITÉ 155
L’unité nécessaire 156
La variété nécessaire et variation 157
9.4 - SOLUTION : LA DOMINANCE 158
9.5 - TRIADE PRIMAIRE, INTERVALLES ET DÉCALAGE 160
CHAPITRE 10 / SOLUTIONS DU PEINTRE ET RECETTES D’ATELIER 165
10.1 - CONTRASTE ET UNITÉ 166
10.2 - CONTRASTE ET SURFACES 167
10.3 - CONTRASTE ET SATURATIONS 168
10.4 - CONTRASTE DE TEINTES 170
10.5 - CONTRASTE DE TONS 171
10.6 – CONTRASTE, NEUTRALITÉ ET JOKERS 172
10.7 - CONTRASTE ET IMAGES SUBJECTIVES 175
10.8 - CONTRASTE CHAUD ET FROID 177
10.9 - CONTRASTE ET ÉGALISATION 178
10.10 - CONTRASTE ET MODÉRATION 180
CHAPITRE 11 / LA CLÉ DE L’HARMONIE COLORÉE 185
11.1 - NOTRE PARADIGME 186
11.2 - LA GÉNIALE FORMULE DE SAINT AUGUSTIN 189
11.3 - SOLUTIONS DU PEINTRE 191
11.4 - LE RÔLE DU PEINTRE 194
11.5 - POURQUOI NOUS AIMONS LES IMAGES 202
CHAPITRE 12 / HARMONISATION PRATIQUE 205
12.1 - GÉNÉRALITÉS - LE SENTIMENT D'HARMONIE 206
12.2 - CAS D’UNE COULEUR ISOLÉE 208
12.3 - HARMONISATION DE DEUX COULEURS ET PLUS 212
12.4 - HARMONISATION DES CONTRAIRES 216
12.5 - HARMONISATION DES SEMBLABLES 217
12.6 - HARMONISATION DES BINAIRES 220
12.7 - POLYHARMONIE 222
TROISIÈME PARTIE 223
HISTOIRE DES ERREURS 223
CHAPITRES 13 ET 14 223
CHAPITRE 13 / LES « ERREURS COMPÉTENTES » 225
13.1 - « ERRARE HUMANUM EST… » 226
13.2 - POUR EN FINIR AVEC LES IMAGES NÉGATIVES 227
Nature de l’image négative 227
Observation N°1 : un carré rouge sur fond blanc (pl. III) 228
Observation N°2 : un carré rouge sur fond vert (pl. III) 228
Observation N°3 : un carré blanc sur fond rouge (pl. III) 230
Formation du halo : (fig. 3 et fig. 6) 231
Le rôle de l’image négative 235
L’affaire Delorme 237
Micronystagmus et acuité visuelle 238
13.3 - POUR EN FINIR AVEC LES COMPLÉMENTAIRES 241
Le paradigme de Chevreul 247
13.4 - RAPPEL DE QUELQUES AUTRES ERREURS 250
Hommage à Sutter 253
CHAPITRE 14 / LUMIÈRE BLANCHE ET LUMIÈRE NOIRE 257
14.2 - RECHERCHE DE LA LUMIÈRE BLANCHE 260
14.3 - L’ERREUR FONDAMENTALE : LA LUMIÈRE NOIRE 265
14.4 - RAPPEL DU VRAI BUT DE LA VISION 269
14.5 - LES ERREURS FÉCONDES 272
CONCLUSION GÉNÉRALE 274
PRÉFACE
La couleur est double en elle-même. Elle comporte une partie dominante visiblement colorée et une partie opposée minoritaire et invisible, en complément. L’harmonie est l’accord parfait entre ces deux parties asymétriques. Le rôle joué par la partie minoritaire par rapport à la partie dominante est au cœur du sentiment d’harmonie.
D’après et depuis Chevreul, le modèle type dit « harmonie des couleurs complémentaires » exige la présence simultanée de deux couleurs opposées et de forces égales, capables, en théorie, de reconstituer la lumière blanche. Ce modèle d’harmonie, dont la validité n’a jamais pu être établie malgré les efforts des théoriciens et des peintres, est pourtant toujours enseigné.
Nous proposons un nouveau modèle d’harmonie valable dans tous les cas de couleurs (isolées ou associées), modèle basé non plus sur la reconstitution de la lumière blanche, mais sur la dualité de la couleur.
L’étude présente trois parties :
La première partie traite des problèmes de vision des couleurs (chapitres de 1 à 6).
La deuxième traite du problème d’harmonisation des couleurs (chapitres de 7 à 12).
La troisième, qui précède une brève conclusion générale, analyse les causes des erreurs commises principalement par Chevreul et ses suiveurs (chapitres 13 et 14).
INTRODUCTION
« Douter de tout ou tout croire, ce sont les deux solutions également commodes qui l’une et l’autre dispensent de réfléchir ».(H. Poincaré, « La Science et l’Hypothèse » 1902).
« Le vrai point d’honneur n’est pas d’être toujours dans le vrai. Il est d’oser, de proposer des idées neuves, et ensuite de les vérifier ». (Pierre-Gilles de Gennes).
* * *
Des scientifiques, des artistes et des théoriciens ont émis des idées sur les associations des couleurs, agréables ou non.
Leurs points de vue ne sont que partiels ou contradictoires, ce qui les conduit souvent à la conclusion qu’il est impossible de trouver une clé universelle de l’harmonie colorée.
Pourtant, « tout en niant la possibilité des lois et des règles d’harmonie, tous ont essayé de les découvrir » (Borissavliévitch, « Les théories de l’architecture ». Paris. Payot. 1951. p. 354).
Mais, « la neurophysiologie progresse à pas de géant (…). Des aspects subtils de la vision (…) commencent à trouver des explications scientifiques satisfaisantes, sinon complètes et définitives ». (Libero Zuppiroli, « Traité des couleurs » Lausanne. 2011. p. 196).
« Pourquoi une certaine combinaison des couleurs nous plaît-elle et pourquoi telle disposition nous laisse-t-elle froids ou même nous choque-t-elle un peu ? Voilà des questions auxquelles nous ne pouvons pas toujours répondre ». (Rood, « Théorie scientifique des couleurs ». Paris. Alcan. 1895. p. 246).
Les scientifiques ne répondent pas à toutes nos questions et encore moins si ces questions touchent les problèmes de l’harmonie des couleurs. Il faut avouer que la démarche esthétique qui s’attaque depuis toujours à ces problèmes n’a guère avancé. Les nombreuses recettes d’atelier et les multiples définitions qui tentent de cerner la question de l’harmonie colorée sont toujours discutées parce que discutables. Elles sont peu claires, dogmatiques, voire contradictoires, malgré un certain consensus sur quelques points précis.
Le but de cette étude est de faire en sorte que la construction d’une harmonie colorée puisse s’enseigner en devenant une science autant qu’un art.
* * *
Nous ne nous attarderons pas sur les problèmes de vision des couleurs déjà développés dans de nombreux traités techniques mais nous insisterons sur les points restés flous ou simplement négligés.
En effet, trop de questions sont restées jusqu’ici sans réponse, trop d’explications pourtant pertinentes sont restées sans explication scientifique. Trop de « il serait préférable de… », « il est conseillé de… », ou bien « fiez-vous à votre intuition ou à votre instinct ». Trop de théories et trop peu de théorèmes, trop de bonnes intentions qui conduisent à l’enfer du découragement. C’est pourquoi, au cours de cette étude, certaines idées reçues, héritées d’enseignements académiques anciens ou de théories dépassées datant du XIXe siècle seront examinées sous un nouvel angle. Certaines seront nuancées, d’autres condamnées, d’autres encore seront approuvées et expliquées.
Pourtant, la plupart des connaissances scientifiques sont fiables et abondantes. Elles constituent les éléments d’un puzzle à reconstituer. Mais de nombreuses pièces font encore défaut ou sont inutilisables, car provenant de tradition d’atelier sans valeur scientifique. En effet, trop de recettes ont indûment acquis force de loi, tandis que de judicieuses observations sont encore considérées comme sans grand intérêt, voire comme des curiosités de la vision. Ici, certaines « bizarreries » ou « anomalies » du système visuel injustement écartées retrouveront toute l’importance qu’elles méritent. D’autres phénomènes aux conséquences exagérément valorisées reprendront leur juste place.
C’est le propre des théoriciens d’émettre des hypothèses de travail. On ne peut donc leur en vouloir de se tromper quelques fois. Mais les erreurs sont faites pour être corrigées. C’est ainsi que les théories opposées finissent par s’accorder. Sans avoir ni la rigueur du savant, ni l’intuition et l’expérience du peintre, le théoricien est parfois amené à émettre des avis qui ne satisfont ni le savant ni le peintre.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons d’entrer dans le dédale de nombreuses théories et nous ne retiendrons que les propositions pour lesquelles une justification scientifique ou logique existe.
L’histoire nous confirme que bien souvent avant les théoriciens, les peintres avaient raison. C’est pourquoi nous avons privilégié l’avis des peintres plutôt que celui des théoriciens. « Depuis les temps les plus reculés, les véritables professionnels de la couleur ne furent jamais les scientifiques, mais les artisans et les artistes ». (Libero Zuppiroli, op. cit. p. 149).
Pour arriver à proposer des règles indiscutables d’harmonie colorée, il nous reste, concernant l’appareil visuel et ses mécanismes, à éclaircir quelques points, à exploiter quelques faits d’observation et aussi, à corriger quelques erreurs.
* * *
Tout comme le disait Alexandre Vialatte, à propos d’un autre sujet, « j’ai l’immense avantage de ne pas faire autorité ». Il nous fallait donc nous entourer de toutes les précautions scientifiques, à travers de nombreuses citations d’auteurs compétents, afin d’assurer la validité de chacune des pièces de notre puzzle.
* * *
Dans la première partie de cette étude, nous emploierons le mot harmonie dans le sens général et unanimement approuvé de sensation ou sentiment agréable à l’œil et à l’esprit, sans autre précision.
Loin d’adhérer aux suggestions de la plupart des auteurs, nous refusons d’envisager des règles d’harmonie colorée spécifiques pour les cas simples et d’autres règles pour les cas complexes ; des règles pour les artisans, et d’autres pour les artistes ; des règles pour les couleurs opposées, et d’autres pour les couleurs semblables, etc.
Plus d’exceptions, plus de tabous ou d’interdits. Toutes les couleurs pourront s’harmoniser entre elles, grâce à une seule formule, un seul principe pour une infinité de solutions. Le tout exprimé en des termes simples, pour être compris de tous, l’écolier, l’étudiant, l’enseignant, l’artisan et l’artiste.
Nous envisageons un seul et unique modèle valable pour tous les cas d’association de couleurs quelles qu’elles soient. C’est le but ambitieux que nous nous sommes fixé.
PREMIÈRE PARTIE
LA VISION DES COULEURS
Chapitres de 1 à 6
CHAPITRE 1 / L’HOMME STANDARD ET L’ARTISTE
« Il y a peu de différences entre un homme et un autre, mais c’est cette différence qui est tout » (W. James. Philosophe).
1.1 - ESPÈCE HUMAINE ET OBSERVATEUR STANDARD
« L'espèce humaine est l’une des plus homogènes qui soit (…). D’un humain à l’autre, il existe peu de diversité génétique. Nous sommes semblables à 99,5% ». (B. Jourdan. Sciences et Avenir Avril 2008).
Nous avons tous le même bagage génétique et le même système visuel. D’un individu à l’autre, les écarts sont considérés par les spécialistes comme pratiquement négligeables. La notion d’homme - espèce, opposée à celle d’homme - individu, conduit à la notion d’homme - moyen qui autorise les études scientifiques basées sur les statistiques. Mais les sciences exactes ne s’intéressent qu’à l’homme normal ou normalisé, privé de sa part de différences, et dont le système visuel est réduit à l’aspect objectif, physique et mesurable. Tandis que les sciences humaines s’intéressent davantage à la part psychologique, subjective, difficilement mesurable, qui découle de la différence qui existe entre l’homme - genre ou espèce, et l’homme – individu ; car si tous les hommes voient de la même façon, tous ne voient pas la même chose.
Cette notion d’œil moyen conduit à la notion d’homme standard ou observateur de référence, personnage fictif représentant la moyenne des sujets normaux.
De petites différences permettent d’évoquer la notion du goût, donc des préférences individuelles qui, éminemment subjectives, ne condamnent cependant en rien les conclusions objectives des sciences exactes, ni les conclusions statistiques des sciences humaines.
Il faut donc distinguer la vision de l’observateur standard, qui est celle du plus grand nombre, de la vision extra-ordinaire qui constitue la part variable, fonction de la personnalité, de la sensibilité et du vécu socioculturel des individus. Cette part est loin d’être négligeable. Car « ce 0,5% rapporté à trois milliards d’instructions contenues dans notre ADN, représente 15 milliards de différences ». (Jourdan, ibidem). Ces 15 milliards de différences représentent un espace de liberté dont l’artiste créateur saura profiter.
Mais l’artisan dont la clientèle est surtout composée d’individus moyens ou standards, tout comme lui-même, restera plus ou moins attaché aux lois biologiques du plus grand nombre et prisonnier des limites physiologiques de son système visuel, limites dont l’artiste cherche précisément à se libérer.
* * *
« Le biologique, c’est ce qui est universel dans l’homme. Le psychique, c’est ce qui est individuel (…) votre psychisme est différent du mien. Le psychisme c’est ce qui est subjectif. (Mais) les dimensions du subjectif ne sont pas appréciables par des machines. (Et pourtant), la science voudrait bien s’approprier l’étude de la subjectivité avec ses outils et ses techniques ». (E. Zarifian. Sciences et Avenir Juillet 2005).
1.2 - ART ET SCIENCES - ARTISTES ET ARTISANS
« Je crois que l’art est la seule forme d’activité par laquelle l’homme en tant que tel se manifeste comme véritable individu ». (Marcel Duchamp).
« Un art neuf ne peut naître que de la destruction et de la provocation ». (Max Ernst).
« L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté ». (André Gide).
« Mais non, Monsieur Monet (…) les ombres dans la nature ne sont pas bleues, les gens ne sont pas violets … et votre grand mérite est justement de les avoir peints ainsi. » (Signac).
* * *
Puisque chacun de nous est à la fois semblable et différent des autres, que vaut-il mieux développer en nous ? Les qualités qui nous rapprochent, ou bien celles qui nous éloignent ? Voilà posée la question de l’artisanat et de l’art.
Le domaine des inventions plastiques, qui est celui de l’artiste créateur, restera, en principe, hors du propos de cette étude. Cependant, il sera parfois abordé pour mieux faire comprendre ce qui sépare l’artiste de l’artisan, l’œuvre d’art de l’œuvre artisanale ; quoiqu'en réalité, les critères de l’artisanat et de l’art soient, le plus souvent, associés et complémentaires.
Il serait dangereux de réduire l’artisanat à la répétition de modèles inventés par les artistes. La réalité appartient aux deux catégories et permet à l’artisan d’être parfois artiste. De même, un artiste qui ne se renouvelle pas devient son propre artisan, répétant tout au long d’une carrière le même modèle à succès devenu à la mode.
Il est vrai que pour l’artisan qui doit séduire le plus grand nombre de futurs clients, la recherche du beau - tel qu’il est perçu par la majorité de ses contemporains - est essentielle à la réussite de son entreprise. Les critères de succès de l’artisan, beauté, rendement, utilité éventuelle, respect du contexte social, sont des notions complètement étrangères à l’artiste. Ces critères de réussite commerciale posent des limites à l’artisan. Celui-ci est-il donc condamné à rester prisonnier du contexte socioculturel de son époque ?
Non, heureusement, car « au-delà du corps (…) le cerveau humain peut s’extraire du déterminisme biologique ». (E. Sender. Sciences et Avenir septembre 2007). L’homme peut repousser, voire abolir complètement ces limites. Et c’est ce qui permet à l’artiste de découvrir d’autres mondes.
L’artisan s’en tient à ses facultés d’homme - espèce, d’homme moyen. Qu’il soit artisan, artisan d’art, ou même Meilleur Ouvrier de France, il copie, adapte, reproduit. Il ne fait que répéter, souvent en virtuose d’ailleurs, ce qui a déjà été découvert par les artistes qui l’ont précédé. Il reste un élève, un suiveur, un épigone. L’artisan qui vit de son travail cherche à satisfaire le goût de ses semblables. C’est de l’art sur mesure, de l’art de tout repos. Son domaine est celui des arts appliqués, des arts dits « mineurs » et de la décoration sous toutes ses formes.
Ce que l’artisan attend de la part des théoriciens, ce sont des règles sûres, susceptibles de répondre aux goûts de la grande masse des citoyens. Cela suppose l’apprentissage d’un métier dont l’artiste créateur peut se passer.
Car l’artiste est libre. Contrairement à l’artisan confiné à l’intérieur des limites physiologiquement et socialement correctes, qui sont communes au plus grand nombre. Le propre de l’art est de dépasser ces bornes. Celles du commun des mortels, celles du raisonnable et de la modération. L’artiste n’a besoin ni des techniciens ni des théoriciens, ni des savants ni même de la logique ou du bon sens, encore moins de règles ou de garde-fous.
L’erreur est de confondre l’art savoir-faire de l’artisan qui par principe imite, copie, adapte, et l’art de l’artiste créateur qui invente même s’il est privé de savoir-faire. Il importe de distinguer les principes de l’un, de l’absence de principes de l’autre.
Si le but de l’artisan est de communiquer, de commercer avec ses semblables au moyen d’œuvres susceptibles de les séduire, il fera en sorte que celles-ci soient agréables aux yeux de ses clients potentiels.
L’artisan cherche à être rassuré par des principes et des recettes, pourvu qu’ils soient justifiés. Car il veut vivre de son savoir-faire, ici et maintenant, dans ce monde qu’il connaît et qui le reconnaît. Il sera rassuré par les solutions harmoniques aux caractères rigoureux et aux résultats reproductibles et, si possible, mesurables. Sans qu’il lui soit interdit pour autant de s’en libérer quelquefois et de passer de son monde aux autres mondes de l’artiste créateur.
L’artiste se moque absolument de la vertu des grands principes, même s’il lui arrive d’en user. Mais ce sont ces principes que, justement, recherche l’artisan. Proposer aux artistes des règles et des lois, c’est n’avoir rien compris à leur besoin de liberté. Mais ceci est bon pour l’artisan qui a trop tendance à rester enfermé dans le monde conventionnel de la vision commune, uniforme, mesurée. L’artiste préfère le risque, l’avant-garde, la démesure.
La satisfaction ou le plaisir que l’artisan trouve dans les « tranquilles produits » de son travail valent bien les émotions plus fortes mais perturbantes procurées par les œuvres de certains artistes, et qui sont souvent obtenues au prix d’inconfort, d’angoisse, ou même de souffrance.
Au risque du scandale, de la persécution et de la misère, les véritables artistes ont presque toujours défié les forces de l’ordre établi par l’académisme ou les modes. Quand l’art dépasse les bornes, il n’a plus d’autres limites que la folie ou la mort.
« Il est inutile qu’on dresse ici la liste de tous les peintres novateurs qui ont été conspués en ce siècle et qui ont ensuite imposé leur vision particulière. Ces injustices, cette lutte, ces triomphes, c’est l’histoire de l’art ». (Signac. « D’Eugène Delacroix au Néo-impressionnisme ». Paris. Hermann. 1964. p. 127).
« L’art est une libération totale qui fait les saints, les héros et les fous. C’est un état extrémiste ou seuls quelques créateurs (…) peuvent se maintenir ». (Michel Seuphor. « La peinture abstraite » Flammarion. 1964. p. 33).
« D’où le phénomène (…) qui fait de l’histoire de l’art, à la fin du XIXe siècle, un véritable martyrologe : misère, folie, suicides ; il suffit d’évoquer les noms