Sur un air d'ocarina: Thriller
Par Pascal de Pablo
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À propos de ce livre électronique
Femme de caractère, indépendante et éprise de justice, elle compense ses flétrissures affectives en redoublant d'effort. Et puis un jour, alors qu'elle n'y croyait plus, le séduisant Martin vient frapper à sa porte. Désormais, tout semble lui sourire...
Jusqu'à cette garde à vue, la dernière de la saison 2018. Commise d'office, elle doit assister un Amérindien soupçonné du meurtre abominable de deux adolescentes.
La survenue d'événements étranges ; un manuscrit surgi d'un lointain passé ; un compagnon équivoque ; des rituels chamaniques... Tiphaine voit rapidement sa vie échapper à son contrôle et glisser vers l'inconnu.
Est-elle manipulée par son entourage ? Est-elle sous emprise, possédée ? Où se situe la réalité, alors que la mort rode, toujours insatiable ? Et quelle est cette mystérieuse confrérie qui traverse les continents et les âges ?
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Aperçu du livre
Sur un air d'ocarina - Pascal de Pablo
Pascal de Pablo
Sur un air d’ocarina
Roman
ISBN : 978-2-37873-930-0
Collection : Blanche
ISSN : 2416-4259
Dépôt légal : mars 2020
© couverture Ex Æquo
© 2020 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays
Toute modification interdite
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières Les Bains
www.editions-exaequo.com
Préface
D’une belle écriture ciselée à souhait, l’auteur nous offre les tribulations d’une jeune avocate en quête de liberté, d’amour et de justice. Tout un programme tourmenté par les apparitions inquiétantes de fantômes incas et les agissements sacrificiels de criminels venus d’ailleurs.
Ainsi, les siècles et les civilisations se croisent et se bousculent dans les pensées de l’héroïne incomprise par ses pairs. Est-elle envoûtée ? Quel est le message que lui transmet l’Histoire latino-américaine ? Comment doit-elle se comporter au sein du monde réel ?
Le lecteur tenu en haleine par les crimes sordides du moment, la poursuite des orpailleurs en Guyane et les massacres des Incas au XVIe siècle, se délecte de ces aventures parallèles et jusqu’à l’épilogue cherche le lien qui unit tous ces drames.
Jean-François Rottier
À Lucille, mon ange, ma rédemption.
Mémoires de Santillán de Guzmán
29 novembre 1532
Grâce à toi, Jésus-Christ, Notre Sauveur, j’ai pu fouler la terre du Nouveau Monde sain et sauf.
La traversée a été abominable. Moi qui n’avais jamais navigué, j’appréhendais plus que tout cette première. Mon intuition m’a donné raison. Notre caravelle a menacé de chavirer maintes fois, et je n’ai cessé de prier la Vierge Marie, Sainte Mère de Dieu, pour qu’elle nous assiste dans sa miséricorde. À chaque instant, je m’attendais à voir surgir le Léviathan des abysses pour nous engloutir.
J’ai entendu la confession de Felipe del Castillo qui dirige l’expédition. Lui-même craignait pour sa vie. Lors d’une tempête, deux des chevaux ont paniqué, causant de nombreux dégâts. Des tonneaux d’eau ont été détruits et l’une des bêtes s’est mortellement blessée.
Conséquence logique, nous avons manqué d’eau à la fin de la traversée. Elle a été rationnée pour les matelots et les soldats de rang. Beaucoup ont eu la diarrhée et une mystérieuse affection s’est déclarée chez quatre matelots. Elle a provoqué des abcès et même la chute de dents. Le médecin leur a pratiqué d’urgence des saignées pour rétablir l’équilibre des humeurs.
Quand nous avons enfin touché terre, je me suis allongé sur la grève, les bras en croix, et je t’ai rendu grâce, Seigneur Tout-Puissant, pour avoir récompensé ma foi.
Vivres et matériel ont été déchargés, et Don Felipe del Castillo a prononcé un rapide discours pour rassurer les troupes.
Il a cité les Traités de Tordesillas et de Saragosse en vertu desquels nous venons prendre possession de terres au nom de la couronne d’Espagne. Il a rappelé notre mission d’aller rejoindre Diego de Almagro pour appuyer Francisco Pizarro dans la conquête de l’Empire inca. Pour cela, nous devons d’abord retrouver la moitié de notre flotte qui a dû accoster plus au sud, à cause de la dernière tempête. Ensuite, la cadence de marche devra être soutenue.
Don Felipe del Castillo a mentionné l’Eldorado, promis aux conquistadors les plus motivés. Un frisson d’approbation a circulé dans les rangs.
Il nous a enfin enjoints à nous agenouiller et prier pour le succès de notre expédition ainsi que notre salut.
J’ai célébré une messe en suivant. J’ai lu la piété dans les regards. Mais j’y ai aussi vu miroiter l’or d’Atahualpa.
Moi, Hernando Santillán de Guzmán, je viens sur le Nouveau Monde pour servir Dieu, l’Église et la grandeur des Espagnes.
1
Les faits que je m’apprête à vous relater sont des faits réels. Quelque peu étranges, voire saugrenus par certains aspects, ces événements me changèrent.
Des décennies durant, je les ai tus en partie, craignant de passer pour une affabulatrice. Par pudeur, également. Désormais au crépuscule de ma vie, et pressentant que mon esprit veut s’en aller, j’aspire à ce que la mémoire de ce que j’ai vécu me survive. Comme en continuation de moi-même et des personnes dont j’ai eu le privilège de croiser la route.
Cette histoire advint en 2019, l’année de mes vingt-sept ans, alors que, pétrie de présomption, je croyais déjà tout connaître de la vie. Ça se déroula pour partie en Lozère, quelque part dans ce que les villageois nommaient encore le Pays du Gévaudan.
Je tâcherai, sur la base des sépales marcescents qui composent la mosaïque de mes souvenirs, de renouer avec la réalité d’alors, en veillant toutefois à modifier le nom de certains protagonistes. Dans mon récit, j’épouserai, autant que faire se peut, ma fougue d’antan et l’état d’esprit qui animait cette jeune femme que j’ai un jour été.
Si les aspérités de l’expérience vécue se sont depuis émoussées, pour autant persiste l’intensité de certaines émotions. Il est, comme ça, des sensations qui sourdent en nous un beau jour pour demeurer vivaces jusqu’à notre ultime soupir. Je trouve seulement singulier qu’il puisse s’agir de choses en apparence aussi futiles qu’une ambiance, un regard ou une simple odeur, alors même que l’empreinte d’événements susceptibles d’être plus marquants s’est depuis longtemps estompée.
Je m’appelle Tiphaine de Cavailhac. Ma famille se targue d’une ascendance aristocratique, une noblesse d’épée dont la lignée remonterait prétendument jusqu’à l’époque de Saint-Louis. Mon père, Henri de Cavailhac, qui fut un notaire en vue à Toulouse, arborait fièrement nos armoiries sur le chaton de sa chevalière. Néanmoins, mon expérience me confirma rapidement que la noblesse de cœur prévaut largement sur celle d’extraction.
Durant mon enfance, papa fut un mot que ma bouche ne prononçait que les dimanches. En bourreau de travail, mon père consacrait son existence à faire prospérer son étude notariale. Ses locaux occupaient le dernier étage d’un bâtiment en briques roses, situé sur la place Esquirol. Il était associé à d’autres notaires, secondé de plusieurs clercs et assisté de trois secrétaires.
Mon père, qui fondait ses espoirs sur ses enfants, se montrait très exigeant avec ma sœur cadette et moi. Pour rigoureux qu’il fût dans notre éducation, il n’en demeurait pas moins affectueux. C’était un homme élancé avec des golfes frontaux qui se creusaient chaque année un peu plus. La calvitie gagna ensuite le sommet de son crâne, le contraignant à couper court les cheveux qui lui restaient. Ce profil au front haut, que je lui ai presque toujours connu, accusait son nez aquilin, accentuant ainsi sa masculinité.
Golfeur à la belle saison, il affectionnait les grosses berlines, le jazz qu’il écoutait surtout le soir dans le petit salon après dîner, ainsi que les cigares cubains qu’il conservait minutieusement dans des caves dédiées. Ces dernières consistaient en des coffrets de bois précieux, que mon père m’avait désignés comme autant de boîtes de Pandore. Proscrites, ces caves exercèrent forcément sur moi une irrésistible attraction. J’adorais les ouvrir à l’insu de mon père. Je palpais délicatement les épais cigares, moelleux au toucher, et inhalais la fragrance exotique qu’exhalaient les feuilles de cèdre rouge intercalées entre chaque rangée de havanes. Quelques-uns étaient ceints d’une bague de papier coloré, exhibant des noms romanesques : Montecristo, Romeo y Julieta... Je n’ai surpris mon père avec un de ses barreaux de chaise à la bouche que rarement, et toujours de manière fortuite. Il répugnait à l’idée de susciter par mimétisme de mauvaises vocations chez ses filles et s’abstenait de fumer en notre présence. Il me tança d’ailleurs vertement le jour où il aperçut un paquet de cigarettes glisser inopinément de mon sac d’étudiante. J’étais pourtant majeure...
Ma mère, qui se prénommait Bénédicte, était commissaire-priseur, spécialiste des antiquités et des objets d’art. Issue d’une puissante famille bourgeoise, elle hérita, à la disparition de mes grands-parents, de plusieurs domaines dans le Tarn-et-Garonne, dont un vignoble de Coteaux-du-Quercy, produisant un vin charpenté très aromatique.
Quand je repense à elle, l’image que j’en ai conservée m’évoque vaguement celle de Simone Veil dans sa jeunesse. C’était une femme élégante, aux yeux d’un bleu très clair projetant un regard toujours sincère, qui nouait fréquemment ses cheveux en chignon chinois. Elle portait peu de bijoux, mais les appréciait volumineux.
Experte dans les arts japonais, elle n’en était pas moins sinophile et pouvait aisément distinguer un vase de la dynastie Ming d’un de ceux produits au début de la dynastie Qing. Ma mère aimait feuilleter les magazines de mode ou d’architecture intérieure, disposés sur son guéridon Art déco gainé de galuchat. Elle y glanait son inspiration, jambes croisées sur le sofa, tout en veillant sur sa progéniture.
J’ai grandi dans la résidence principale que mes parents possédaient dans la commune cossue de Vieille-Toulouse.
Le parc arboré qui ceinturait la demeure était entretenu par un vieux jardinier portugais, un homme trapu aux lèvres charnues. Il s’exprimait avec un tel accent que saisir le sens de ses paroles exigeait une oreille avertie. Une des facéties de ma sœur Noémie consistait à faire surgir son impétueuse petite tête ronde d’un fourré qu’il s’apprêtait à tailler. Surpris, le jardinier en était quitte pour démêler les cheveux blond vénitien que l’espiègle venait d’enchevêtrer dans les buissons.
Ma mère renouvelait régulièrement la décoration de la villa. Par d’habiles aménagements, associations de couleurs et jeux de lumière, une harmonie se dégageait de l’ensemble, qui concourrait à notre bien-être.
Mes parents nous enseignèrent, à ma sœur et moi, les vertus d’atteindre l’excellence dans toute entreprise. Ainsi, mon enfance fut-elle choyée, mais également studieuse et baignant dans une constante émulation.
Très tôt, je me passionnai pour l’équitation, quand Noémie, elle, en pinçait pour la danse.
Étant inconcevable pour une Cavailhac de frayer dans le marasme de la médiocrité, je devins nécessairement une cavalière émérite. L’esprit de compétition, loué et savamment entretenu par nos parents, m’incitait, avec ma sœur, à rivaliser d’efforts pour glaner la reconnaissance que promettaient nos succès.
Je fus inscrite au centre équestre de l’École vétérinaire de Toulouse, où je retrouvais Sabine, mon amie d’enfance. Au vu de mes rapides progrès en dressage et saut d’obstacles, mes parents m’offrirent, pour mes onze ans, un Hanovrien à la belle robe baie, un cheval racé aussi puissant qu’élégant, taillé pour la compétition de haut niveau. Son caractère à la fois docile et dynamique en fit un partenaire idéal. C’était un étalon impressionnant, avec ses 1,71 mètre au garrot et une encolure assez étirée, qui se montra rapidement très athlétique. Je le baptisai Zéphyr pour l’usage quotidien — Woermann Wenzel III étant le nom sous lequel il avait été enregistré par le haras.
Je conserve en mémoire le concours de la Tournée des As, en juin 2009, où je remportai le premier prix de dressage. Ce fut l’ultime compétition à laquelle j’ai participé, car j’entrais la même année en classe de terminale. Plus en osmose que jamais, Zéphyr et moi avions conclu notre parcours de championnat en apothéose.
Quand je venais le retrouver dans son box, je me souviens qu’il pivotait la tête dans ma direction en dilatant ses naseaux pour humer mon odeur. D’une patience remarquable, il m’observait avec douceur de ses grands yeux humides. Zéphyr fut un compagnon complice et tendre seize années durant, un partenaire volontaire grâce à qui j’ai ravi de nombreux prix. Sa disparition me peina beaucoup.
À sept ans, je débutai l’étude du violon au Conservatoire de Toulouse. J’ai pratiqué cet instrument les dix années suivantes, avant de le délaisser faute de temps.
Quand elle eut atteint l’âge requis, Noémie insista pour me rejoindre au Conservatoire. Comme il fallait qu’elle se distingue, elle jeta son dévolu sur le tuba... Imaginez ma sœur cramponnée à un cuivre presque aussi volumineux qu’elle, simulant le klaxon d’un poids lourd ! C’est simple, lorsqu’elle soufflait dedans — à défaut de vraiment en jouer — elle s’éclipsait littéralement derrière ! Sans surprise, elle s’en lassa rapidement, et cette circonvolution de tuyaux, à faire rougir un plombier, acheva sa carrière éclair en ramasse-poussières.
Quand vint le moment d’orienter notre scolarité, il fut évident que l’une d’entre nous devait envisager de reprendre un jour l’office notarial de la place Esquirol. Or, le besoin d’émancipation et d’indépendance qui étreint nombre d’adolescents me poussa à vouloir m’affranchir du joug paternel et des règles familiales. Aussi, je l’avoue aujourd’hui, usai-je de toute ma ruse pour circonvenir Noémie, afin qu’elle se découvre une inclination pour les affaires notariales en général, et pour l’office de notre père en particulier. L’honneur et l’héritage de la famille étaient saufs !
Je poursuivis ainsi mes études de droit à la faculté. J’intégrai ensuite l’école des avocats, dont le cursus fut sanctionné par le CAPA, sésame indispensable à mon inscription au barreau de Toulouse. Désormais, je pouvais endosser la robe noire. Je m’en fis tailler une nouvelle sur mesure, avec l’épitoge assortie d’une fourrure de lapin et un passepoil doré, alors très à la mode.
La logique exigeait que j’entame une carrière dans un cabinet influent en tant que collaboratrice en échange d’une rétrocession d’honoraires, puis que je me hisse au statut d’avocate associée, moyennant un rachat de parts du cabinet. Cependant, je contrevins aux recommandations appuyées d’aller sagement seconder un des poussiéreux ténors du barreau qui fréquentaient notre salon et, du haut de mes vingt-quatre ans, je commis le péché d’orgueil de vouloir ouvrir un cabinet indépendant.
Je m’installai donc à titre individuel, après avoir solennellement prêté serment devant les magistrats dans la Grand-Chambre de la cour d’appel de Toulouse.
La recherche d’un local qui corresponde à mes attentes resta infructueuse six mois durant. Rejetant l’idée de me rabattre en banlieue, je relançais pour la énième fois les agents immobiliers, quand l’un d’eux me rappela, convaincu d’avoir enfin trouvé le bien qui seyait à mes aspirations. Je me souviens que c’était un 1er avril.
Il confirma sa proximité avec mon logement du 9 rue de la Pomme, mais refusa de livrer plus de détails au téléphone. Nous convînmes donc d’un rendez-vous le jour même sur la place Esquirol. De là, nous empruntâmes la rue des Changes, pavée de porphyre, qui donnait sur la place de la Trinité à moins de trente pas. Des Toulousains profitaient du soleil printanier pour déjeuner à la terrasse des brasseries. Après une courte pause afin de ménager ses effets, l’agent immobilier me désigna, d’un ample mouvement du bras, une des plus belles façades de la ville : celle de la maison Lamothe !
Suivant les canons du style Empire, des pilastres et des statues blanches logées dans des niches rehaussaient les briques ocre des murs. Le local en question voyait ses fenêtres, surmontées de frontons, parées du dieu Mercure et de la nymphe Pomone. La visite des lieux, une subdivision d’un ancien appartement du second étage, acheva de me convaincre. Hauteur sous plafond, moulures, cheminée en marbre rouge, et puis la vue sur la fameuse place triangulaire... J’avais trouvé mon cabinet ! À tout juste quelques pas de l’étude de mon père.
Sitôt le bail signé, je fis apposer une plaque professionnelle en laiton à l’entrée du bâtiment.
Pour fêter mon installation, mes parents organisèrent une garden-party à leur domicile de Vieille-Toulouse. S’y pressèrent mes anciens camarades de promo, mes amies du centre équestre, Sabine — toujours perchée sur de hauts talons — ainsi que des proches de la famille. Parmi eux, une brochette de vieux avocats d’affaires, engoncés dans leurs costumes trois-pièces désuets, desquels je dus immanquablement subir l’éprouvante logorrhée.
Pourquoi fallut-il que Noémie invitât une de ses copines ? De tout temps, les marginaux exercèrent sur elle un surprenant pouvoir d’attraction. Une source intarissable d’inquiétude pour mes parents qui craignaient de la voir filer un mauvais coton.
La fille en question débarqua criblée de piercings, les cheveux peinturlurés en mauve, et les pieds macérant dans d’épais godillots déterrés de je ne sais quelle tranchée. Ma mère ne manqua pas de s’en indigner a posteriori. Plutôt mollement. Il faut dire que les benjamins d’une fratrie bénéficient souvent d’une plus grande mansuétude. Fort heureusement pour ma sœur, cette fille disparut de sa vie comme elle y était venue. De ce que l’on en sut, elle s’improvisa jongleuse et partit sillonner les routes de France et de Navarre pour vivre de l’obole. J’imagine qu’elle dut périr d’un coma éthylique dans l’anonymat d’un caniveau...
Mais j’en oubliais la présence de Fiorini ! Barnabé Fiorini... Honte à moi !
À ma décharge, le pauvre garçon était si transparent... gentil comme tout, au demeurant. Toujours obligeant. Un jeune homme de taille moyenne, plutôt replet, avec un soupçon de candeur dans les yeux. En outre quelqu’un de fort cultivé. Un as du calembour ! Je tins d’ailleurs à honorer son érudition dans ma lettre de rupture, que je lui adressai quelques mois plus tard, en lui citant le grand Victor Hugo : « le calembour est la fiente de l’esprit qui vole ».
Je confirme, Barnabé a été mon petit ami. Nous fûmes même fiancés !
Si mon père, qui voyait en lui un fils de parvenu, le dédaignait quelque peu, il bénéficiait des faveurs de ma mère. Quant à ma sœur, l’adorable petite peste le surnommait en coulisses « Bob l’éponge ».
Il convient de préciser que Barnabé était né vieux. Si, si ! Jeune, il écoutait déjà Charles Aznavour et savait jouer au bridge. Évidemment, je m’étais vite aperçue qu’il ne faisait pas son âge, mais bien plus. Un homme plus âgé, ça rassure... y compris s’il est de votre génération ! Et puis je me disais que son érudition, qui nous faisait briller en société, avait certainement pour origine cette vieillesse prématurée.
Hormis quelques sorties culturelles, je commençai à peu goûter les activités qu’il proposait. Ainsi en fut-il de la promenade dominicale qu’il institua les premières semaines de notre relation. Avec un indécis chronique à la barre, nous errâmes à la dérive quelques dimanches, pareils à des navires sans voiles. Passés les premiers émois où tout vous paraît rose, je repris les rênes de Zéphyr et substituai l’équitation à la baguenaude.
Contrairement à ma sœur qui multipliait les coups de cœur rompus au premier coup de sang, j’aspirais à une certaine stabilité affective. Barnabé, qui achevait des études d’architecte-ingénieur, pouvait se montrer à ce titre rassurant. De surcroît, il savait m’amadouer avec son beau sourire, ses mèches de cheveux qui bouclaient et surtout son grand nez tombant — oui, allez savoir pourquoi, j’ai toujours été émoustillée par les hommes arborant un appendice nasal proéminent ! Aussi, fallut-il attendre le jour de nos fiançailles pour que le déclic survienne. En précipitant notre alliance, je voulais certainement me convaincre que cela allait amender Barnabé. Une erreur de jugement manifeste.
Ma mère se montra la plus encline à avaliser notre volonté d’union. Certes, elle ne sauta pas au plafond. Pour autant qu’elle l’appréciait, Barnabé ne remplissait pas, selon elle, les critères d’un futur gendre. Cependant, le bonheur de ses filles passait avant tout. Et je reconnais sur le tard que nous étions, Noémie et moi, plutôt capricieuses. Autrement plus rétif, mon père acheva de me convaincre de n’organiser qu’un repas en comité restreint avec les Fiorini.
Il réserva pour l’occasion dans un restaurant étoilé, à la cuisine raffinée servie par un service feutré.
À l’issue du repas, mon fiancé se leva, boutonna la veste de son costume gris bon marché et requit le silence. Couvé par le regard admiratif de sa mère, il se lança alors dans un discours aussi ampoulé que maladroit, ponctué de locutions latines atroces et ridicules.
— (…) Amor vincit omnia ; amor mundum fecit... Vade mecum, Tiphaine !{1} pérora-t-il.
Les yeux de ma mère s’arrondirent ; ceux de mon père s’assombrirent. Noémie pouffa. Je piquai un fard.
Satisfait de sa déclamation, ce guignol de Barnabé prit solennellement ma main pour enfiler la bague de fiançailles à mon annulaire. Tout sourire, sa mère voleta jusqu’à nous.
Stupeur !
Je manquai m’étrangler quand je vis la bague. Le goujat avait substitué l’anneau que nous avions choisi par une verroterie insultante de grossièreté. J’en demeurai bouche bée.
Devançant ma fulmination, la mère Fiorini affecta un air convenu et se voulut rassurante :
— Pas d’inquiétude, ma belle, on t’expliquera...
Je me penchai vers Barnabé qui s’était recroquevillé, bêtement voûté sur
