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Le Mystère Pepeyrand: Roman policier
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Le Mystère Pepeyrand: Roman policier
Livre électronique281 pages3 heures

Le Mystère Pepeyrand: Roman policier

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À propos de ce livre électronique

Une intrigue policière dans une petite ville de province avec ses notables et ses secrets soigneusement enfouis

François Ledain, avocat suisse, au soir de sa carrière, se trouve confronté à un double meurtre commis dans sa maison de vacances du Périgord. Entraîné dans une enquête à rebondissements, conduite par le commissaire Gazut, il revit douloureusement les souvenirs d’un amour fracassé par la main d’un mystérieux assassin. La recherche du meurtrier l’amènera à découvrir également les turpitudes agitant la vie d’une ville de province française où s’entremêlent la politique, le chantage et de louches activités. Le dénouement, au goût amer, lui apprendra que dans un monde de l’information immédiate et de la transparence, la « vérité » ne trouve pas toujours sa place.

Un roman subtil à la frontière entre fiction et autobiographie

EXTRAIT

"La nouvelle traversa l’air pour jaillir de mon téléphone portable en ce vendredi d’automne, glacé par le vent, qu’un soleil pourtant radieux ne pouvait réchauffer. Je marchais le long du bisse de Lentine qui coupe en deux le vignoble surplombant la vallée du Rhône. La vigne avait perdu ses sublimes couleurs mariant le jaune doré et le rouge vif pour sombrer dans un brun uniforme, annonciateur de la chute définitive des feuilles, et entrer dans sa longue et triste hibernation."

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

« L’avantage d’être avocat et notaire à Sion, comme Yves Balet, c’est que l’on a parfois une maison en Dordogne, du temps pour écrire, de l’imagination à revendre et un talent suffisant pour donner aux lecteurs du Mystère Pepeyrand l’envie de tourner les pages jusqu’au dénouement final. Bingo ! » - L’Hebdo 

« Lui-même juriste de haut niveau, l’auteur a particulièrement soigné le cadre de l’enquête, mais aussi, de manière plus subtile, les errements psychologiques ou sentimentaux des uns et des autres. » - Marie-Claire 

« Mélangeant les souvenirs d'un grand amour et les rebondissements policiers, Yves Balet tisse un roman subtil qui semble toujours se situer à la frontière de différents genres littéraires, flirtant parfois avec l'autobiographie. » - Prestige immobilier

A PROPOS DE L’AUTEUR

Yves Balet, né en Suisse le 22 octobre 1944, est avocat et notaire à Sion, où il vit. Il a défendu plusieurs causes pénales importantes dans sa région. Il passe une partie de son temps, consacré à l’écriture, dans la résidence qu’il possède en Dordogne. En 2012, il a publié un récit intitulé L’Enchaînement aux Éditions Slatkine.

LangueFrançais
ÉditeurSlatkine Editions
Date de sortie4 janv. 2016
ISBN9782832107331
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    Aperçu du livre

    Le Mystère Pepeyrand - Yves Balet

    I

    La nouvelle traversa l’air pour jaillir de mon téléphone portable en ce vendredi d’automne, glacé par le vent, qu’un soleil pourtant radieux ne pouvait réchauffer. Je marchais le long du bisse de Lentine qui coupe en deux le vignoble surplombant la vallée du Rhône. La vigne avait perdu ses sublimes couleurs mariant le jaune doré et le rouge vif pour sombrer dans un brun uniforme, annonciateur de la chute définitive des feuilles, et entrer dans sa longue et triste hibernation. En face, les hauts sommets des Alpes valaisannes déjà recouverts de neige se miraient dans les rayons froids d’un soleil rasant d’une fin de journée de novembre. Malgré l’air vif, j’avais décidé d’abandonner mon bureau pour faire une longue promenade à travers ce vignoble en voie d’endormissement. Je marchais d’un pas rapide tout en admirant à mes pieds la plaine couronnée des châteaux de Valère et de Tourbillon qui dominent la ville de Sion. Je laissais mon esprit vagabonder au gré de sa fantaisie et des beautés de ce paysage qui se préparait à recevoir les frimas d’un rude hiver. Le vent froid fouettait mon visage et faisait battre mon sang à mes tempes. J’oubliais tous les soucis d’une rude semaine de travail dans mon étude d’avocat et j’appréciais d’être seul au milieu du paysage grandiose et protecteur de cette vallée, coincée entre les Alpes valaisannes et bernoises, mais ouverte vers un ciel d’un bleu que je n’ai retrouvé dans aucun des nombreux autres pays où il m’a été donné de séjourner. Cela faisait plus de deux ans que je vivais seul, depuis ma séparation d’avec Kristel, après une vie commune de près de sept années. Pour mieux dire, Kristel et moi avions décidé de nous séparer définitivement, deux ans plus tôt, pour des raisons importantes et futiles. Mais c’est là l’histoire de notre vie et je vous en parlerai, si j’arrive à surmonter un jour les ravages qu’allait causer en moi cette nouvelle sortant de mon iPhone et portée par la voix de Michel qui me parlait depuis un petit village du Périgord pour m’annoncer, ou plutôt ne sachant comment le faire, que Kristel était morte, le crâne fracassé, dans la maison que je possède à Saint-Capraise-de-Lalinde, au lieu-dit Pepeyrand. Un homme gisait à côté d’elle, mort lui aussi. Tout mon corps se mit à trembler et je dus m’asseoir sur le muret en pierres sèches bordant le bisse pour ne pas tomber dans la vigne en contrebas. Je ne sais combien de temps je restai ainsi, prostré dans le froid qui glaçait mes os, incapable de penser. Tant de souvenirs et de pensées contradictoires s’entrechoquaient dans ma tête. Je me sentis aspiré par une tornade sans fin. Après de longs instants d’hébétude, je revins à moi pour constater que la douleur qui broyait mon cœur s’accompagnait d’un sentiment de soulagement, tel celui que l’on ressent à la fin d’un film qui nous a fait beaucoup pleurer.

    Dès le lendemain matin, je pris la route pour me rendre à Pepeyrand. Michel m’avait dit que c’était lui qui avait découvert les corps au milieu du salon. La police française était sur les lieux et désirait m’entendre au plus vite. Les premières investigations laissaient supposer qu’il ne pouvait en aucun cas s’agir d’un suicide librement voulu par Kristel et son ami. Je connaissais d’ailleurs suffisamment l’attachement de Kristel à la vie pour savoir qu’elle ne se serait jamais résolue à une telle issue. La police voulait obtenir plus de renseignements sur la présence de ces deux personnes décédées dans ma maison de vacances. Cette requête me paraissait légitime et c’est ainsi qu’après une nuit de sommeil entrecoupée de cauchemars je pris le volant de mon coupé Mercedes 350 pour effectuer les sept cent quatre-vingts kilomètres qui me séparaient de ma résidence secondaire où l’amour de ma vie gisait peut-être encore dans son sang, mêlé, le croyais-je, à celui de cet homme qui s’était introduit dans mon existence par effraction.

    Arrivé à Martigny, je décidai de prendre la route qui traverse les Alpes, par le col de la Forclaz. C’était le chemin que j’avais emprunté tant de fois pour traverser la France et rejoindre Kristel qui m’attendait pour d’intenses mais trop courts week-ends d’amour. Malgré la douleur qui me poignardait le cœur, je laissai mon esprit revivre ce que fut notre bonheur.

    II

    L’air était brûlant, en cette fin d’après-midi de juillet 2003, sur la terrasse de ce petit café de Lalinde. Devant nous passaient quelques voitures tournant à l’intérieur de la bastide à la recherche d’un endroit où stationner. D’autres touristes, en shorts et robes légères, déambulaient ou faisaient leurs courses sur la place. Mais nous étions seuls au monde, Kristel et moi, plongés dans une conversation où les yeux et les mouvements de nos corps en disaient beaucoup plus que les paroles que nous échangions. Nous avions pris rendez-vous par téléphone la veille, à la suite d’une de ces circonstances qui vous font croire au destin. Je rentrais en voiture d’une visite au village de Beaumont-du-Périgord. J’étais accompagné de mes deux fils et nous roulions en direction de Pepeyrand lorsque, à la sortie de Port-de-Couze, à la hauteur du carrefour bordant le canal de Lalinde, nous vîmes qu’une femme, au volant d’une petite Saxo rouge, nous faisait de grands signes de la main par la vitre ouverte de sa voiture. L’instant de surprise passé, je me rendis compte que cette jeune femme était celle de l’agence immobilière qui m’avait vendu la maison de Pepeyrand un an plus tôt. C’était d’ailleurs en apercevant son visage et ses yeux à travers la vitrine que j’avais décidé de franchir le seuil de l’agence. Sous son regard approbateur, je m’étais décidé à acheter cette demeure de pierres blondes située sur une colline, à la limite du vignoble de Pécharmant, à quelques kilomètres des châteaux de Lanquais et de Monbazillac. La maison était vraiment à mon goût. Datant de la fin du XIXe siècle, elle était composée de deux corps de bâtiment. La maison d’habitation comprenait trois chambres, une cuisine séparée et une grande salle à manger avec un salon en enfilade, au rez-de-chaussée. A l’angle sud-est de la salle à manger un escalier tournant fait de vieux bois de chêne conduisait aux deux étages de la tour. Au premier étage se trouvait la chambre principale et sa salle de bains. Le second étage était occupé par une vaste pièce mansardée, avec des poutres apparentes, éclairée par une grande lucarne donnant sur la cour intérieure. Au nord de la cour se trouvait un second corps de bâtiment, une ancienne ferme, en partie rénovée, dans laquelle les précédents propriétaires avaient aménagé un grand studio composé d’une chambre et d’une salle de bains. S’y trouvaient aussi un garage pour voiture et un couloir conduisant vers la piscine, à l’arrière. A l’est du garage, on avait accolé une petite construction d’un seul niveau qui servait de bûcher et de dépôt de matériaux divers. Côté ouest, adossé à l’arrière de la ferme, une troisième construction d’environ quatre-vingts mètres carrés avait été aménagée en salle de jeu. Ce local s’ouvrait sur un patio garni d’arbustes et de fleurs qui, plus loin à l’est, permettait également de rejoindre l’agréable piscine de six mètres sur douze. L’ensemble de la propriété avait une surface d’un hectare et était entouré d’une haie d’arbustes variés. J’avais acheté cette maison sur un coup de cœur, auquel Kristel, qui m’avait immédiatement plu, n’était pas étrangère. Mais bien qu’étant libre de toute attache, j’avais renoncé à tenter de faire sa conquête, ayant appris qu’elle vivait avec son ami Dirk, en compagnie duquel, après avoir quitté les Pays-Bas, elle s’était installée en Dordogne. L’acquisition de la maison réalisée, Kristel était restée dans mon esprit comme un souvenir agréable où se mêlaient une pointe de regret et le désir enfoui d’une nouvelle rencontre. Et voilà qu’elle agitait sa main à vingt mètres de moi, manifestement ravie de me revoir. Je répondis à son geste en soufflant dans ma main un baiser vers elle et la légère brise m’apporta le souffle du baiser qu’elle me rendit. Nos gestes avaient été si spontanés que mes fils me dirent : « Si tu ne l’appelles pas celle-là, tu es vraiment le dernier des idiots. ». Il était inutile de me le répéter et, dès le lendemain matin, j’appelai l’agence. Bien sûr c’est elle qui me répondit.

    – Bonjour Kristel. Comment allez-vous ?

    – Très bien, merci et vous ?

    – Je ne veux pas vous importuner.

    – Mais vous ne m’importunez pas du tout.

    – Ah ! bon. J’ai été ravi de vous revoir hier sur la route.

    – Moi aussi, vous savez.

    – Ecoutez, je ne voudrais pas être indélicat, mais je serais heureux de pouvoir prendre un verre avec vous.

    – Mais très volontiers.

    – Demain, peut-être ?

    – Pourquoi pas. Je travaille jusqu’à dix-sept heures. Nous pouvons nous voir après.

    – Dix-sept heures, ça me convient. Au petit café près de votre agence ?

    – C’est parfait. A demain.

    – A demain.

    * * *

    Nous avions perdu la notion du temps. Nous en étions à notre troisième bière pour prolonger l’instant, alors que ni elle ni moi n’étions des amateurs de cette boisson, lorsqu’elle me dit :

    – Vous savez ma vie ici est difficile. Je viens de La Haye. Mon compagnon contrôle tous mes faits et gestes. Je ne sors pratiquement jamais et si je le fais, je rencontre avant tout des paysans de la région. Vous revoir me fait du bien et j’aime parler avec quelqu’un comme vous. Bon, maintenant, il faut que je rentre, car je suis déjà très en retard et je vais devoir répondre à plein de questions.

    – Vous avez dit à votre ami que vous aviez rendez-vous avec moi ?

    – Oui je le lui ai dit. Je déteste le mensonge.

    Etonné, je lui dis :

    – Parfois, il vaut mieux se taire, non ?

    – Non. Je sais que beaucoup de gens pensent comme vous, mais je ne veux pas faire partie de ceux qui mentent.

    J’appréciai cet éloge de la franchise, alors que je savais depuis longtemps que, si le cœur ne ment pas, souvent il trompe.

    Nous quittâmes la terrasse pour nous diriger vers sa voiture stationnée sur la place devant l’agence. Je devais rentrer en Suisse le lendemain et je lui fis promettre de m’appeler en lui disant que je serai de retour en août en compagnie d’une amie, une simple amie, insistai-je. Je me penchai pour l’embrasser sur la joue et, à ma surprise, ses lèvres effleurèrent ma bouche pour un baiser fugace et doux qui me laissa pantois au bord du trottoir. Je la regardai avancer vers sa petite Saxo rouge, d’un pas vif, la tête haute. J’admirai sa démarche, son allure et pour tout dire sa grâce. Lorsqu’elle se retourna vers moi pour me sourire et m’adresser un dernier signe de la main, je sus que j’étais définitivement amoureux de cette femme étrangère à toute vulgarité.

    Ces images envahissaient ma tête, alors que je passais la frontière suisse au Châtelard, avant de franchir le col des Montets et de plonger vers Chamonix, puis Annecy et Chambéry. Que le corps de Kristel, si beau et si léger en mouvement, puisse être aujourd’hui figé dans la mort m’était insupportable et je faillis rebrousser chemin. Notre histoire était définitivement finie et je savais que le spectacle qui m’attendait ne pourrait que ternir plus encore la longue caravane de mes souvenirs. Il n’y avait cependant pas moyen d’échapper à ce voyage vers l’horreur. Je continuai ma route, laissant mon esprit revenir en arrière de dix ans pour revivre une dernière fois ce que fut notre bonheur.

    Elle m’appela quelques jours après mon retour en Suisse. La conversation fut agréable et drôle. Elle me traita de menteur, dragueur et collectionneur pour tester ma réaction. J’acceptai les deux premiers termes mais je protestai avec virulence contre le qualificatif de collectionneur. J’ai toujours détesté les collectionneurs et l’idée même de collection.

    Pour moi, les êtres et les choses peuvent être admirables, mais les collections personnelles ne sont que des entassements morbides servant à cacher des déviances apeurées face à la violence du présent. Elle me reprochait, bien sûr, d’être un « collectionneur de femmes », ce que je contestais avec plus de véhémence encore, tant, disais-je, toutes les femmes que j’avais connues ou aimées avaient toujours été des êtres uniques, dignes d’un intérêt exclusif. Je ne pouvais évidemment pas lui déplaire en protestant ainsi de mon rapport aux femmes.

    – De toute façon, me dit-elle, ne vous inquiétez pas, c’est ce que j’aime chez vous.

    Sa voix était rieuse et piquante comme les paroles qu’elle m’adressait. J’entrai dans ce jeu de charme, où l’intonation de la voix en dit plus que les mots prononcés et la conversation se prolongea. Notre désir commun s’exprimait avec une force inouïe sous le manteau protecteur de paroles anodines. Elle me fixa un rendez-vous pour la semaine suivante dans une petite auberge de Cause-de-Clérans. J’ignorais même l’existence de ce lieu, mais je trouvais que c’était un bien joli nom pour une rencontre qui portait tous mes espoirs. Je vivais seul depuis trois ans. Mon épouse m’avait quitté au détour du siècle, emportant avec elle nos enfants et mes illusions d’un mariage réussi, pour s’installer à Lausanne, à plus de cent kilomètres de chez moi. Cette rupture, après dix-huit ans de vie commune m’avait laissé pantelant et désespéré. La procédure de divorce se passait mal et chaque jour m’apportait son lot de contrariétés. Seul un engagement total dans mes affaires et mon activité professionnelle m’avaient permis de surmonter mon mal-être. J’avais cinquante-six ans au moment de la séparation et, en dépit de quelques tentatives et aventures, je m’étais refusé à recréer un lien durable. Mes enfants m’incitaient à ne pas rester seul dans la grande maison familiale délaissée, mais je leur répondais qu’à moins de tomber follement amoureux, je n’étais pas près d’abandonner ma liberté pour le simple confort d’une compagne. Pourtant, ce jour-là, en raccrochant le téléphone, j’avais rouvert les vannes. Malgré les cicatrices de mes désillusions, j’étais sur le point de commencer un nouveau chapitre de ma vie amoureuse.

    * * *

    Kristel Voos vivait depuis quatre ans dans le Périgord, en compagnie de son ami Dirk de Regt. Ils avaient quitté les Pays-Bas pour venir s’installer près de Lalinde et avaient fondé une entreprise de services et d’entretien des résidences secondaires de la région, désertées par leurs propriétaires à la fin de la saison. Ils étaient plein d’enthousiasme et Dirk avait acheté une ancienne maison de pierre, sans grand confort, mais pleine de charme. La maison était entourée d’une grande prairie où s’ébrouaient deux chevaux, un poney, un chien et quelques volailles. Kristel et Dirk appréciaient leur nouvelle vie simple dans une campagne faite de cultures, de champs et de collines boisées, baignées par le chaud soleil du sud-ouest, bien loin des frimas et des brumes de la Hollande. Malheureusement la marche de l’entreprise se révéla difficile et ils furent rapidement à court d’argent. De plus, Dirk qui était père de deux filles, nées d’un précédent mariage, devait payer des pensions alimentaires élevées. La situation devint si difficile que Kristel dut chercher un emploi. Elle commença par travailler en usine, puis grâce à sa connaissance des langues, fut engagée comme agent de courtage auprès de la principale agence immobilière de Lalinde. Malgré cet apport d’argent, leur entreprise continuait d’enregistrer des pertes et Dirk peinait à respecter les échéances du prêt hypothécaire grevant la maison. Le couple ne pouvait se permettre la moindre fantaisie. Même l’achat d’un livre ou d’un CD constituait un problème. De plus, Dirk se montrait extrêmement jaloux et exigeait de Kristel un compte-rendu précis de tous ses mouvements et de toutes ses rencontres avec les clients de l’agence immobilière. Cela entraînait de fréquentes disputes verbales, toujours plus violentes. Néanmoins, elle avait conservé son attachement à cette existence à la campagne, à sa maison, ainsi qu’aux filles de Dirk qui venaient passer une partie de leurs vacances en Dordogne. Elle voulait continuer de croire à ce changement de vie qu’ils avaient décidé quatre ans plus tôt. Elle avait même trouvé une maison pour ses parents à Trémolat et ceux-ci s’apprêtaient à venir vivre, eux aussi, dans cette région de France. Kristel espérait que la présence de son père et de sa seconde épouse l’aiderait à mieux supporter les difficultés de sa relation avec Dirk. Pourtant, la vie commune devint plus pénible encore durant l’année 2003. Dirk ne faisait aucun effort pour améliorer la situation financière de l’entreprise. Les querelles étaient de plus en plus fréquentes et Kristel dut admettre que cette existence, qu’elle avait tant désirée, avait perdu tout son attrait. Elle fut donc ravie de recevoir l’appel téléphonique de ce client suisse qui désirait la rencontrer. Elle se souvenait bien de cet homme qu’elle avait croisé la veille en voiture près de Port-de-Couze. « Le Suisse », comme on l’avait surnommé à l’agence, s’était tourné vers elle pour lui demander son avis avant de signer, un an plus tôt, le compromis de vente de cette maison qu’elle avait fait visiter à d’autres clients et qui lui plaisait beaucoup. Pour l’agence, c’était une vente importante et tous les employés s’en étaient réjouis. Et puis ce Suisse avait poussé la gentillesse jusqu’à inviter tout le personnel de l’agence pour un déjeuner au Bistrot-d’en-face à Trémolat. Le repas s’était déroulé dans une ambiance cordiale et Kristel n’aurait pas dit non si ce charmant Helvète l’avait invitée à rentrer à Lalinde dans sa belle voiture italienne. C’était donc avec plaisir qu’elle avait accepté cette invitation à passer un moment, qu’elle espérait agréable, avec ce presque inconnu qu’elle n’avait pas revu depuis un an. Ce n’était pas l’avis de Dirk qui s’y opposa fermement lorsqu’elle lui en parla. La journée précédant le rendez-vous se résuma à une féroce dispute, mais Kristel ne céda pas. L’opposition obstinée de Dirk ne fit que la conforter dans sa décision de se rendre à ce rendez-vous. Dans le caractère de Kristel se sont toujours côtoyés, sans se contredire, un grand cœur ouvert aux gens qu’elle aime et un farouche esprit d’indépendance, lorsque trop d’amour en retour risquait de l’empêcher de mener la vie qu’elle désirait. Elle ne voulait rien manquer de ce qui l’attirait. Chez elle, le goût de la nouveauté avait toujours été plus fort que la sérénité d’une vie ordinaire. Dirk n’était pas le premier homme à en souffrir. J’allais m’en apercevoir à mon tour, mais pour l’instant, j’étais la nouveauté et elle vint au rendez-vous.

    * * *

    Un mois plus tard, j’étais sur la route que j’emprunte aujourd’hui, en compagnie de mon amie Laure, une ravissante avocate de trente ans. Seule une grande amitié nous unissait et nous avions décidé dès le mois de mai, un jour de cuite monumentale, de passer quinze jours de vacances ensemble. Nous étions convenu de séjourner une semaine à Pepeyrand, puis de nous rendre ensuite sur la Côte d’Azur avant de regagner la Suisse en visitant la Provence. Laure avait mis les choses au point dès notre première rencontre. J’avais l’âge de son père et toute relation amoureuse ou charnelle était exclue entre nous. Le rappel brutal de mon âge n’était pas passé sans une pointe d’aigreur sur mon amour-propre, mais Laure était une personne de grande qualité et c’était sans arrière-pensée que j’avais accepté cette relation amicale et sincère. Encore fallait-il expliquer à Kristel, qui me considérait comme un menteur, dragueur et collectionneur, que je venais à sa rencontre accompagné d’une belle jeune femme de trente ans…

    Nous venions de dépasser Clermont-Ferrand lorsque je reçus un appel sur mon téléphone portable. C’était Kristel qui me disait : « Changement de programme. Rendez-vous demain soir à dix-sept heures devant l’agence. Prendre avec toi une bouteille de vin rouge et deux verres. ». Le voyage me parut très long. Je dormis mal. La chaleur était étouffante en cet été de canicule. Je passai la journée du lendemain à me demander si je devais apporter des fleurs et à faire le choix des vêtements appropriés pour un tel rendez-vous, alors que la température approchait les quarante degrés et me mettait en nage à

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