Guerres & Histoires

L’ÉGYPTE PERD UNE BATAILLE MAIS GAGNE LA PAIX

Le 11 octobre à 16h30, le général Chazli rentre au Centre 10, son PC du Caire, après une visite au front. Le chef d’état-major des forces égyptiennes est euphorique: il n’a que quelques boulons logistiques à resserrer, et rien ne peut déloger ses deux armées du Sinaï. Aussi fronce-t-il les sourcils quand il apprend qu’Ismaïl, le ministre de la Défense, l’attend dans la salle des opérations. « Sa question était celle que je craignais, écrit Chazli dans ses mémoires. Pourrions-nous exploiter notre succès pour développer notre attaque vers les cols? Ainsi a démarré la première des bévues catastrophiques du GQG, dont toutes les autres ont découlé… »

Le jour qui décide l’issue de la guerre

Le lendemain matin, Ismaïl revient à la charge, non plus avec une question mais avec un ordre: le président Sadate veut soulager la pression sur Damas, menacée depuis le Golan, et attaquer le lendemain à l’aube. La mort dans l’âme, Chazli envoie ses ordres vers 14 heures. Et le téléphone sonne aussitôt. Mamoun, chef de la 2e armée, veut démissionner. Wassel, son collègue de la 3e armée, proteste avec véhémence. Les trois généraux partagent la même conviction: sortir de la protection des SAM pour pénétrer en profondeur dans le Sinaï est suicidaire, comme l’a montré l’anéantissement d’une brigade mécanisée (DM) surprise par l’aviation le long de la mer Rouge deux jours plus tôt (voir p. 23). En outre, le rapport de force est défavorable, les Israéliens ayant profité de l’accalmie des deux derniers jours pour se renforcer. Enfin, transférer des chars dans le Sinaï dégarnirait la défense à l’ouest du canal. Que se passera-t-il si les Israéliens traversent? Ismaïl, qui a conçu lui-même le plan d’offensive, reste inflexible: la décision, dit-il, est politique. Il consent cependant à reporter l’assaut au 14 octobre.

Le 12 octobre, à 9h30, peu avant l’heure du diktat annoncé à Chazli, son homologue israélien Elazar fait le point à la « Fosse», QG de Tsahal à Tel-Aviv, avec quelques grands chefs, dont Bar-Lev, patron du secteur Sinaï, Zeira, chef du renseignement militaire et Dayan, ministre de la Défense. Après la raclée des jours précédents, Elazar souhaite un cessez-le-feu pour reconstruire l’armée et préparer une revanche. Mais il veut négocier en meilleure position et s’enquiert pour cela d’une traversée du canal de Suez, plan prévu de longue date en cas d’assaut égyptien. « Risqué mais faisable », répond Bar-Lev. Là-dessus, Dayan s’esquive sans prendre de décision, à la grande fureur du chef d’état-major.

Malheur de Chazli, bonheur d’Elazar

À 14

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Guerres & Histoires

Guerres & Histoires22 min de lecture
Régis Guillem, Commando Oas À 18 Ans Dans L’algérie En Feu
Fin 1954, c’est le début de ce qui va devenir la guerre d’Algérie. Vous avez 10 ans. Quel écho vous en arrive-t-il? Du fait de mon jeune âge, je ne prends pas conscience des événements. À Aïn Sefra, le petit village où nous vivons, on connaît pourtan
Guerres & Histoires1 min de lecture
SCIENCE & VIE
En vente actuellement chez votre marchand de journaux et sur www.kiosquemag.com VENTE ET ABONNEMENT
Guerres & Histoires3 min de lecture
Les Frelons Et L’éléphant
De 1882 à 1905, la pensée navale en France est dominée par la Jeune École impulsée par l’amiral Aube, un courant doctrinal ambitionnant de transformer radicalement les structures des forces navales grâce à la technologie (cf. G&H n° 21). Le point de

Associés