Art de vivre
Les accords mets/vins. Un art français. Paru en 2017, le titre de l’ouvrage dirigé par JeanRobert Pitte, célèbre géographe et fameux gastronome, est clair. Nul doute à qui connaît l’histoire mondiale de la table que la France a joué un rôle central dans l’institution de l’harmonie la plus étroite entre cuisine et vin, deux spécialités hexagonales fièrement revendiquées. L’Unesco l’a reconnu en 2010 avec le “Repas gastronomique des Français”. Mais si, de l’Antiquité au XVIIIe siècle, il y a traces de cette quête, elle demeure confidentielle et on doit attendre le développement fulgurant des restaurants au XIXe, la démocratisation du repas à l’assiette en plusieurs services, l’accès à une offre de vins plus large, et enfin une volonté politique et économique de valoriser des alliances particulières. Car derrière ce qui ne semble qu’un jeu d’esthètes se cache bien plus: un art de vivre porté par un imaginaire collectif.
Moment d’apogée des accords mets/vins, le XXe siècle le montre parfaitement. C’est à partir des années 1920-1930 que le mouvement folkloriste, soutenu par les guides, les clubs et les congés payés, se met à inventer des accords régionaux, incitant chefs, restaurateurs et clients à s’y intéresser. Tout s’accélère à la fin des Trente Glorieuses: grâce à des chefs tels Alain Senderens et Alain Chapel, des œnologues gastronomes comme Jacques Puisais, et des sommeliers pleinement légitimés, les accords se théorisent et se répandent. Mariage d’usage, harmonies reposant sur les composés chimiques, les textures et les arômes, ouverture au monde – ses ingrédients, ses boissons, les livres se multiplient pour inviter le gourmet à chercher un moment de plaisir unique où 1+1 = 3.
Philippe Bourguignon, Philippe Faure-Brac, Enrico Bernardo, Éric Beaumard… les sommeliers s’y attellent quotidiennement, inspirant les nouvelles générations. Mais les recherches sont aussi à international: la révolution gastronomique espagnole n’est pas en reste avec Josep Roca et Ferran Centelles; Italie, Chine, États-Unis, Danemark, Canada avec François Chartier et ses harmonies moléculaires… le monde entier s’y met. Après l’anthropologie et la chimie, psychologie et neurosciences s’invitent à la fête. En à peine cent ans, les actes de manger et boire ont changé de sens. Nourrir ou divertir? Local ou global? Cette quête du “goût juste” (J. Puisais) par l’art du bien manger et boire symbolise les enjeux de nos sociétés: déconstruire ou construire? patrimonial ou apatride? équivalence ou contraste?
Vin d’abord, plat d’abord ou client d’abord? À chacun d’essayer, inspiré par les accords de sommeliers passionnés que vous trouverez ici!
L'entrée Croque forestier & riesling Grand cru Schlossberg du domaine Weinbach
Tout ici dépend du produit sélectionné. D’abord, le pain. Il doit être moelleuxL’évolution d’un grand riesling sec est un avec ce croque à la truffe, avant de passer à table dans la cuisine. Ici, le coq au riesling mijote sur le coin de la cuisinière en fonte, mais ça, c’est une autre histoire…