Guerres & Histoires

ET SI LE PLAN SCHLIEFFEN N’AVAIT JAMAIS EXISTÉ ?

Ouvrez n’importe quelle histoire de la Grande Guerre, vous y lirez qu’en août 1914, appliquant le « plan Schlieffen », l’armée allemande pénètre en Belgique pour foncer vers Paris en un vaste mouvement d’enveloppement par l’ouest. C’est pourquoi la publication, en 1999, d’un article iconoclaste dans la revue War in History a fait l’effet d’un coup de tonnerre: Terence Zuber, ancien major de l’armée américaine devenu historien militaire, y prétend tout simplement que le plan n’a jamais existé !

Selon la thèse de Zuber, reprise et développée dans un ouvrage de 2003 puis dans différentes publications postérieures, l’état-major de l’armée mise en échec aurait fait courir le mythe d’un « plan» supposé infaillible, mais que les exécutants auraient dénaturé ou auraient été incapables de mettre en œuvre. Il s’agissait donc de camoufler l’incompétence par un gros mensonge, que tout le monde aurait gobé. Tout cela n’a rien d’anecdotique et l’écho rencontré par les travaux de Zuber conduit même les premiers commentateurs à déclarer qu’il va falloir reconsidérer toute l’histoire de la guerre.

Un plan, quel plan ?

À l’appui des affirmations de l’historien américain, un fait indéniable: il n’existe pas de document clairement titré « plan Schlieffen ». Ce nom imposé par l’Histoire désigne en fait un mémorandum (Denkschrift) intitulé Krieg gegen Frankreich (Guerre contre la France) que le comte Schlieffen (voir encadré), chef du Grand État-Major (le Generalstab), aurait rédigé au début de 1906 après avoir quitté ses fonctions et remis à son remplaçant, Helmuth von Moltke, dit « le Jeune». Le titre et la date ont leur importance: Schlieffen veut léguer à son successeur un schéma opérationnel optimal dans l’hypothèse d’une guerre limitée à l’Ouest; le général en retraite estime en effet que la Russie est hors-jeu depuis que son armée a été étrillée par le Japon l’année précédente. La conjoncture paraît si favorable que Schlieffen recommande même une guerre préventive contre le voisin français privé d’un allié essentiel.

Ce point ressort clairement de l’un des derniers kriegspiels dirigés par Schlieffen à la fin de 1905. Il a pour thème une hypothèse évoquée par le journal , celle d’une guerre opposant l’Allemagne à une coalition réunissant l’Angleterre, la France. Si donc le général exclut dès cette date l’hypothèse d’une pareille coalition, il ne refuse pas de l’étudier et préconise même une solution: prendre l’initiative par une offensive contre… les Russes! L’armée allemande constituerait sur une de ses ailes un , que l’on dirigerait En pratique, la manœuvre permettrait d’envelopper et de détruire l’armée du Niémen, supposée entrer en Prusse. C’est cette idée du bataillon carré testée dans le kriegspiel qui se retrouve au sein du mémorandum , à la base du plan de concentration adopté par la suite.

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