Mers el-Kébir est un drame, un massacre à sens unique plus qu’une bataille. C’est un fait. Mais les quelque 1300 marins français tués sont-ils vraiment morts pour rien? L’amiral Somerville, chargé de l’exécution de l’opération Catapult la considère comme « la plus grosse gaffe politique des temps modernes ». Son frère d’armes Cunningham, à Alexandrie, évoque « une erreur abominable », avis partagé par 90% des officiers de la Navy, affirme l’historien d’après-guerre de la marine britannique Stephen Roskill. « C’était une tragédie grecque, concède Winston Churchill, l’auteur de la pièce. Mais aucun acte n’a jamais été plus nécessaire pour la vie de la Grande-Bretagne et tout ce qui en dépendait. » Qui a raison?
L’hostilité des militaires envers Catapult semble les disculper de toute responsabilité du drame. L’opération serait-elle entièrement sortie, armée et casquée, de la tête du Premier ministre? C’est vrai, « Churchill reste la cheville ouvrière à tous les niveaux, confirme Christopher Bell, historien canadien spécialiste du Churchill naval. On le voit dès le 22 C’est lui aussi qui, semble-t-il, convertit à son point de vue le First Sea Lord (commandant en chef de la Royal Navy) Dudley Pound qui, six jours plus tôt, se contentait des assurances données par Darlan quant à l’avenir de la flotte tricolore. Pourtant, c’est bien Pound lui-même qui soutient en premier, dès le 7 juin, que . Ses virements de bord successifs et ceux des autres chefs d’état-major, dus aux craintes face aux pertes encourues en cas de combat et à la perspective d’un Empire français hostile, pêchent pas un ralliement à Catapult le 30 n’em-juin.