SVHS : Exécutions sommaires en Libye, esclavage au Nigeria, déportation d’enfants en Ukraine, viols en République démocratique du Congo (RDC), massacres auTigré… La violence sur les civils est-elle de plus en plus exacerbée lors des conflits ?
Céline Bardet : Les violences à l’encontre des civils ont toujours fait partie de la guerre. Mais depuis les vingt-cinq à trente dernières années, les conflits changent de nature. Ceux qui ont une finalité de nettoyage ethnique ou suivent une idéologie dont le but est d’éliminer une partie de la population touchent beaucoup plus les civils.
SVHS : Et les violences sexuelles ?
C.B. : Les historiens Raphaëlle Branche et Fabrice Virgili montrent dans Viols en temps de guerre [éd. Payot, 2011, NDLR] que le viol a déjà été utilisé au cours de l’histoire comme une arme de guerre. On le voit ainsi dans l’enlèvement des Sabines par les Romains. Mais les guerres contemporaines et leur violence ont également démontré que le viol était une arme extrêmement efficace. Alors on utilise cet “outil” comme on utilise une kalachnikov. C’est là où c’est devenu plus systémique.
Véronique Nahoum-Grappe :
Toute guerre où une armée déferle sur une population, toute guerre d’envahissement, entraîne des risques de viols. Cela a été le cas quand l’armée soviétique est entrée dans Berlin en 1944. Les hommes sont tués plus souvent que les femmes auxquelles on laisse la vie après le viol. Le viol est un meurtre de genre qui massacre la subjectivité de la victime. Imaginairement, il permet d’intervenir sur l’arbre de la filiation familiale : on lui fera l’enfant de l’ennemi.