À l’époque soviétique, pour les militaires, il n’y a aucun doute : la guerre est définie comme une violence armée entre États. Votre ouvrage démontre que leurs successeurs russes ont peu à peu adhéré à une autre conception. Quelle est-elle ?
L’ de la guerre en tant que phénomène est, dans la doxa soviétique puis russe, une violence entre États, ce qui signifiait, en fait, une lutte armée interétatique. À partir des années 1990, des théoriciens militaires russes, que j’ai appelés « révisionnistes », ont considéré que d’autres moyens et méthodes que la violence armée directe permettaient de nos jours d’imposer sa volonté à l’ennemi et étaient même plus efficaces et préférables; le concept de guerre (son essence) devait donc être réinterprété, et l’armée devait s’y adapter. Ces velléités théoriques ont déclenché d’âpres débats que le chef de l’état-major général Valeri Gerasimov a fini par évoquer en 2017 et qui ont abouti à un changement de la définition