Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Légalité et légitimité: Présentation et notes par Augustin Simard
Légalité et légitimité: Présentation et notes par Augustin Simard
Légalité et légitimité: Présentation et notes par Augustin Simard
Livre électronique210 pages2 heures

Légalité et légitimité: Présentation et notes par Augustin Simard

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Rédigé dans l’urgence à l’été de 1932, ce petit traité accompagne l’échec de la première expérience démocratique allemande. Il jette un regard incisif sur la crise qui emporte la République de Weimar et évalue les chances de sauver le régime face aux extrémistes de droite et de gauche. Philosophie politique, commentaire juridique et raison d’État se conjuguent ici sous l’effet d’une rhétorique vigoureuse et rusée, digne des plus grands publicistes.

Écrit dans un contexte tragique et marqué par la carrière sulfureuse de son auteur, l’ouvrage a connu des échos aussi multiples qu’inattendus dans les démocraties d’après-guerre. La démocratie est-elle foncièrement un régime sans défense ? Doit-elle accepter l’existence de partis politiques attachés à la renverser ? Les mesures d’exception et de sécurité sont-elles justifiables au nom du salut public ? Peut-on préserver l’esprit d’une constitution et en nier la lettre ? Les questions que pose cet ouvrage résonnent encore dans d’innombrables conflits politiques.
Catholique et conservateur, Carl Schmitt (1888-1985) fut un analyste perspicace de la crise des démocraties d’entre-deux-guerres, avant d’adhérer au nazisme en 1933. Arrêté par les Alliés en 1945, il est libéré deux ans plus tard. Il est l’auteur d’une oeuvre imposante et controversée, croisant le droit, la pensée politique, la théologie et la critique culturelle.

Première traduction française complète
LangueFrançais
ÉditeurPresses de l'Université de Montréal
Date de sortie3 avr. 2015
ISBN9782760634725
Légalité et légitimité: Présentation et notes par Augustin Simard

Lié à Légalité et légitimité

Livres électroniques liés

Histoire européenne pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur Légalité et légitimité

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Légalité et légitimité - Carl Schmitt

    Pensée allemande et européenne

    collection fondée par Guy Rocher

    dirigée par Philippe Despoix et Augustin Simard

    Universels quant à leurs préoccupations critiques, les ouvrages publiés dans cette collection pluridisciplinaire sont indissociables de l’univers intellectuel germanique et centre-européen, soit parce qu’ils proviennent de traditions de pensée qui y sont spécifiques, soit parce qu’ils y ont connu une postérité importante. En plus des traductions d’auteurs aujourd’hui classiques (tels Simmel, Weber ou Kracauer), la collection accueille des monographies ou des ouvrages collectifs qui éclairent sous un angle novateur des thèmes propres à cette constellation intellectuelle.

    La collection Pensée allemande et européenne est parrainée par le Centre canadien d’études allemandes et européennes (CCEAE, Université de Montréal), publie des ouvrages évalués par les pairs et reçoit l’appui du Deutscher Akademischer Austausch Dienst (DAAD).

    www.cceae.umontreal.ca/La-collection-du-CCEAE

    www.cceae.umontreal.ca/La-collection-du-CCEAE

    Mise en pages: Yolande Martel

    Epub: Folio infographie

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Schmitt, Carl, 1888-1985

    [Legalität und Legitimität. Français]

    Légalité et légitimité

    (Pensée allemande et européenne)

    Traduction de: Legalität und Legitimität.

    ISBN 978-2-7606-3470-1

    1. Légitimité de gouvernements – Allemagne. 2. Pouvoir législatif – Allemagne. 3. Règle de droit – Allemagne. I. Simard, Augustin, 1976- . II. Titre. III. Titre: Legalität und Legitimität. Français IV. Collection: Pensée allemande et européenne.

    KK4713.S3514 2015   342.4302’9   C2015-940087-2

    Traduction de Legalität und Legitimität

    © 8th, revised edition 2012, Duncker & Humblot GmbH, Berlin

    Dépôt légal: 1>er trimestre 2015

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2015www.pum.umontreal.ca

    ISBN (papier) 978-2-7606-3470-1

    ISBN (ePub) 978-2-7606-3472-5

    ISBN (PDF) 978-2-7606-3471-8

    Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition et remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    PRÉSENTATION

    «Cette étude a été terminée le 10 juillet 1932.» C’est par cette petite note que Carl Schmitt commence son ouvrage Légalité et légitimité. Le choix est révélateur: plutôt que d’inscrire en exergue quelque sentence classique, ou une dédicace à la mémoire d’un ami disparu, Schmitt rappelle à son lecteur le contexte dramatique, inquiétant, qui préside à leur rencontre¹. Ou, plus exactement, le lecteur est invité à ne pas détourner son regard de l’actualité la plus préoccupante – celle d’une république aux abois, au bord de la guerre civile, frappée par les violences des ligues paramilitaires (SA, Stahlhelm, Rotfront et autres) et par la dislocation de la vie économique (le nombre de chômeurs atteint 6 millions, la production industrielle a chuté de 60% par rapport à son niveau de 1928). À ce lecteur désorienté et méfiant, qui accueille avec un sentiment confus la montée aux extrêmes, Schmitt promet une perspective neuve, clinique, dégagée des hégémonies partisanes, des lamentations et des prophéties. Laissons tomber les discours sur la «crise», annonce-t-il dès les premières lignes; restons-en plutôt aux diagnostics des «savants» et des «spécialistes», aux «concepts issus du droit public».

    Le pari de Schmitt est de faire voir à son lecteur le caractère symptomatique de la crise de la République de Weimar. Par-delà les variantes locales, ce qui se produit à Berlin relève d’une transformation générale des formes de l’État, dont les effets vont se faire sentir partout sur le continent européen. Il s’agit de «l’effondrement de l’État législateur-parlementaire», une transformation de l’autorité publique et des techniques gouvernementales qui se prépare depuis une génération déjà et qui s’accuse au rythme des expériences de planification – celles de la Grande Guerre bien sûr, mais aussi celles des politiques sociales inspirées par le réformisme d’avant-guerre. Dès lors, en rappelant l’urgence du contexte, Schmitt ne veut pas simplement limiter la validité de son propos, voire se dédouaner aux yeux de la postérité en assumant une coordonnée temporelle précise. C’est surtout une façon d’asseoir l’autorité de «l’expert» constitutionnaliste, dont le regard incisif et le vocabulaire technique devraient combattre l’ivresse de la chute. Car, comme le rappelle Schmitt, la question vraiment décisive, «c’est de savoir qui au bout du compte aura en main la puissance légale et constituera son pouvoir sur un fondement nouveau, au moment où l’ensemble du système légal sera jeté de côté» (infra, p. 74).

    Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont Schmitt use de ses talents d’écrivain pour frapper l’esprit de son lecteur et le conduire là où il ne souhaiterait pas se rendre. Sa rhétorique maîtrisée dans tous ses effets le distingue de ses collègues juristes, et le rapproche plutôt d’un Montesquieu ou d’un Marx. Comme la Théologie politique et la Notion de politique, l’ouvrage qu’on présente aujourd’hui au public francophone constitue une belle illustration de ce style très particulier. Si l’exposé est moins spéculatif que la Notion, et moins aphoristique que la Théologie, on y retrouve bien cette combinaison de conceptualisme et de réalisme, d’érudition philosophique et de commentaire juridique, qui caractérise tous ses ouvrages de la période weimarienne. Proposant dès les premières pages une nouvelle typologie des formes d’État (infra, p. 39), Schmitt montre comment chacune d’elles repose sur une logique propre, un système cohérent de notions, de postulats et de «fictions» qui en assurent la vitalité. C’est ce postulat de cohérence qui lui permet ensuite d’opposer de manière si efficace le système de légalité de l’État législatif (weimarien) «fermé sur lui-même» (infra, p. 38) et les autres systèmes reposant sur une légitimité extra-légale, et de faire fonctionner cette opposition dialectique tout au long de son essai. Pour autant, alors même qu’elle semble pécher par conceptualisme², cette approche ne s’éloigne jamais des préceptes dégrisés de la raison d’État. Schmitt sait très bien que la décision de facto précède les principes, et que la théorie la plus sophistiquée accuse un retard par rapport à la pratique du pouvoir. Si c’est à l’enseigne de ce réalisme qu’il faut ranger la conception décisionniste de la souveraineté³, la valorisation heuristique de l’état d’exception⁴ et la caractérisation du politique comme discrimination ami/ennemi⁵, nul doute qu’il connaît de remarquables prolongements dans Légalité et légitimité.

    Même s’il porte la marque d’une conjecture très précise, l’ouvrage qu’on s’apprête à lire n’est donc pas un écrit de circonstance. Il développe et synthétise l’œuvre weimarienne de Schmitt. À maints égards, on peut même affirmer qu’il constitue le point d’orgue de la méthode décisionniste exposée dans la Théologie politique de 1922. On le sait, Schmitt dira ensuite s’être détourné, au milieu des années 1930, de cette méthode jugée trop formaliste et trop solidaire du positivisme juridique. Même s’il est difficile de voir clair dans les propos de Schmitt après 1933, notamment en raison de sa tendance à l’auto-interprétation et de son désir de plaire aux nouveaux maîtres nazis⁶, il est évident que sa pensée a subi une inflexion et que la thématique de la décision disparaît au profit d’un nouveau vocabulaire où abondent les métaphores telluriques et spatiales. Légitimité et légalité illustre donc la dernière manifestation, et peut-être la plus éclatante, du décisionnisme schmittien, appliqué cette fois à la survie de la démocratie constitutionnelle: «il s’agissait de préserver les dernières chances de la Constitution de Weimar face à une doctrine juridique qui refusait de poser la question de l’ami et de l’ennemi de la constitution⁷».

    Les questions soulevées par le texte de Schmitt ont interpellé de nombreux lecteurs depuis 1945. Comment défendre un régime démocratique en tenant compte des exigences et des difficultés révélées par le décisionnisme? Comment extirper la démocratie libérale des décombres de l’État législatif-parlementaire? Comment préserver une constitution démocratique contre des groupes hostiles, exploitant les libertés qu’elle offre? Les politiques de «militance démocratique», les régimes d’interdiction de partis politiques, la recherche d’un pouvoir préservateur au-delà du jeu électoral, les mécanismes de prévention de l’extrémisme et les stratégies de «consolidation de la démocratie» sont tous issus de ce genre de réflexion. Comme le rappelle Jan-Werner Müller⁸, le décisionnisme schmittien est fait d’un alliage étrange entre un vocabulaire archaïsant et des préoccupations on ne peut plus contemporaines: alors que l’exigence d’actualité et d’opérationnalité sert à congédier la sagesse des classiques⁹, l’emploi des catégories anciennes, prémodernes, permet d’enfoncer un coin dans l’orthodoxie libérale et de faire pièce à l’irénisme des théories normatives en vogue (droit naturel, théorie de la justice, etc.).

    L’année de tous les dangers: 1932

    Dire d’un texte qu’il est inséparable de son contexte semble une banalité. Or, dans le cas du texte dont nous proposons ici la traduction, la question du contexte soulève plusieurs difficultés. D’abord, parce que, comme Pocock nous l’a rappelé¹⁰, un contexte n’est jamais monolithique. Toujours ambigu, il présente l’ensemble complexe et quasi infini des conditions langagières qui ont rendu un texte possible. En ce sens, on est poussé à le chercher autant dans l’œuvre antérieure de Schmitt (suivant le fil du décisionnisme que nous venons d’évoquer) que dans les débats qui animent la petite communauté des juristes académiques et des constitutionnalistes weimariens (auxquels Schmitt prenait part de façon active), ou encore dans les discussions au sein des officines gouvernementales, dans les cercles des hauts fonctionnaires du Reich, que Schmitt fréquentait à titre de conseiller-expert et auxquels il accédait via son réseau d’amitiés. Ensuite, parce qu’au moment où Légalité et légitimité est rédigé, au début de l’été 1932, ces contextes se transforment sous la pression d’événements politiques qui s’enchaînent de manière accélérée, depuis le renvoi du chancelier Brüning par le président Hindenburg (tout juste réélu) jusqu’à la décision du tribunal d’État qui légalise la mise en tutelle du gouvernement prussien par le nouveau chancelier von Papen (le fameux «coup de Prusse»). Les stratégies et les attentes des protagonistes changent de semaine en semaine, rendant la reconstruction contextuelle périlleuse et pourtant indispensable.

    Les prémisses de Légalité et légitimité sont posées lorsque Schmitt accepte un poste de professeur à la Handelshochschule (une école de commerce) de Berlin, en 1928. Délaissant sa chaire de professeur de droit public à l’Université de Bonn pour ce poste nettement moins prestigieux, Schmitt se rapproche des milieux politiques de la capitale. Il noue rapidement des contacts avec certains membres de la haute fonction publique, notamment avec des proches conseillers du colonel Kurt von Schleicher¹¹, personnage clé du ministère de la Défense, et avec Johannes Popitz, secrétaire d’État expert en matière de politique fiscale. Mais ce rapprochement aurait été sans lendemains n’eût été l’événement politique dramatique qui va précipiter la république dans sa crise finale: la mise en place d’un cabinet «au-dessus des partis politiques», dirigé par Heinrich Brüning, le 28 mars 1930. Dès les premiers mois du gouvernement Brüning, Carl Schmitt voit en action un régime inédit, hybride, qui ne cache pas sa défiance à l’endroit du parlement et qui s’appuie massivement sur les pouvoirs présidentiels, et notamment sur les pouvoirs d’exception prévus à l’article 48, pour imposer des politiques d’austérité budgétaire et de réduction des dépenses. Le parti social-démocrate (SPD), qui est encore le premier parti du Reichstag, ne se résout pas à censurer ce tournant autoritaire. Le système se referme sur lui-même au cours de l’été 1930, lorsque le président Hindenburg dissout le Reichstag après que celui-ci eut rejeté une série de décrets portant sur des questions budgétaires. Les élections qui suivront, le 14 septembre 1930, marquent la montée spectaculaire du Parti national-socialiste qui passe de 12 à 107 députés et l’effondrement des partis centristes. Les grandes formations républicaines (SPD, Zentrum), ne voulant plus courir le risque d’une nouvelle élection, adoptent une «politique de tolérance» envers le cabinet Brüning. Par la force des choses, les pouvoirs d’exception vont absorber une part toujours plus grande des compétences législatives: les finances, la fiscalité, la justice, la fonction publique et le commerce extérieur.

    Comme plusieurs de ses collègues, Carl Schmitt accueille avec enthousiasme la mise en place de ce nouveau régime autoritaire, ne serait-ce que parce qu’il redonne toute son importance à l’exécutif présidentiel (lequel est appelé à agir comme «gardien de la Constitution», comme il l’écrira la même année) et qu’il l’affranchit du jeu partisan. Mais là où Schmitt se démarque, c’est par le zèle qu’il met à justifier l’utilisation de l’article 48 comme législateur d’appoint et comme pièce maîtresse d’un «état d’exception économico-financier¹²». Dans les deux années qui suivent, Carl Schmitt publie en effet une demi-douzaine d’articles savants et d’expertises juridiques¹³ dans lesquels il défend la pratique des ordonnances présidentielles comme «une manière particulière de sauvegarder et de défendre la Constitution¹⁴». Tous ces arguments sont repris et exposés de manière synthétique à la section 3 du deuxième chapitre de Légalité et légitimité (infra, p. 106 sqq). Ils illustrent la contribution de Schmitt à la recherche d’une solution autoritaire pour sortir du compromis social weimarien et pour asseoir un strict conservatisme budgétaire – une solution qui, comme Keynes et bien d’autres nous l’ont appris, n’a fait qu’aggraver la crise économique.

    L’expérience Brüning connaît une fin abrupte le 1er juin 1932, lorsque Hindenburg nomme à la chancellerie Franz von Papen. À la tête d’un cabinet favorable aux grands intérêts industriels, Papen adopte une posture encore plus combative à l’égard du Reichstag, appelant à la fondation d’un «nouvel État» ou d’un «État fort». Mais davantage que les nazis et les communistes, la cible du nouveau gouvernement est la social-démocratie: le 20 juillet, Hindenburg et Papen usent des pouvoirs d’exécution fédérative prévus à l’article 48 pour démettre le gouvernement du Land de Prusse. Dans l’architecture fédérale weimarienne, la Prusse occupait une place disproportionnée, comptant les trois cinquièmes de la population du Reich et disposant d’un puissant appareil d’État. Il s’agissait aussi du château fort du SPD, au pouvoir depuis 1918, même si des élections venaient de lui retirer sa majorité. Par le décret présidentiel du 20 juillet, Papen est nommé commissaire militaire du Land de Prusse, le gouvernement SPD est évincé, et l’ensemble des fonctionnaires prussiens, dont un contingent considérable de policiers, passent sous contrôle du cabinet fédéral. Plusieurs passages

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1